Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sarah Gurcel

 Je dois la lecture de ce livre à Philippe Meyer (avec un « e » à Philippe) il anime une émission que j’écoute tous les dimanches matin, « L’esprit public » , elle se termine par une séquence que j’attends avec impatience celle des « brèves » où chaque participant recommande une lecture, un spectacle, un CD. Un jour Philippe Meyer a recommandé ce roman et ses mots ont su me convaincre. Je profite de billet pour dire que la direction de France-Culture, après avoir censuré Jean-Louis Bourlanges, évince Philippe Meyer en septembre. Je ne sais pas si des lettres de protestations suffiront à faire revenir cette curieuse direction sur cette décision, mais j’engage tous ceux et toutes celles qui ont apprécié « L’esprit public » à écrire à la direction de France-Culture.
J’ai rarement lu un roman aussi éprouvant. J’ai plus d’une fois pensé à Jérôme qui, souvent s’enthousiasme pour des écritures sèches décrivant les horreurs les plus absolues. C’est exactement ce que j’ai ressenti lors de cette lecture. Les massacres de la famille du colonel McCullough par les Comanches, celui de la famille Garcia par les rangers américains sont à peu près insoutenables parce qu’il n’y a aucun pathos mais une précision qui donne envie de vomir. Ce grand pays est construit sur des monceaux de cadavres. Je suis restée une quinzaine de jours avec les trois personnages qui, à des époques différentes, finissent par décrire exactement d’où viennent les États-Unis. L’ancêtre Elie McCullogh est né en 1836, il vivra cent ans et établira la fortune de la famille. Son passage chez les Comanches fera de lui un redoutable prédateur mais aussi un homme d’une intelligence remarquable. Son fils Peter né en 1870 ne se remettra jamais de l’assassinat par son père et ses amis de la famille Garcia des Mexicains qui avaient 300 années de présence à côté du ranch de son père, eux-mêmes avait, évidemment auparavant, chassés les Indiens. Enfin, la petite fille de Peter Jeanne-Anne McCullogh née en 1926, enrichie par le pétrole et qui sera la dernière voix des McCullogh.
La vie chez les Comanches est d’une dureté incroyable et n’a rien à voir avec les visions romantiques que l’on s’en fait actuellement. Mais ce qui est vrai, c’est que leur mode de vie respectait la nature. La civilisation nord-américaine est bien la plus grande destructrice d’un cadre naturel à l’équilibre très fragile. Entre les vaches ou le pétrole on se demande ce qui a été le pire pour le Texas. Lire ce roman c’est avoir en main toutes les clés pour comprendre la nation américaine. Tous les thèmes qui hantent notre actualité sont posés : la guerre, la pollution des sols, le racisme, le vol des terres par les colons, la place des femmes.. mais au delà de cela par bien des égards c’est de l’humanité qu’il s’agit en lisant ce roman je pensais au livre de Yuval Noah HARARI. C’est une illustration parfaite de ce que l’homme cueilleur chasseur était plus adapté à son environnement que l’agriculteur.

Citations

PREMIÈRE PHRASE

On a prophétisé que je vivrai jusqu’à cent ans et maintenant que je suis parvenu à cet âge je ne vois pas de raisons d’en douter.

Humour

On sait bien qu’Alexandre le Grand lors de sa dernière nuit parmi les vivants, a quitté son palais en rampant pour tenter de se noyer dans l’Euphrate, sachant quand l’absence de corps son peuple le croirait monter au ciel parmi les dieux. Sa femme l’a rattrapé sur la berge ; elle l’a ramené de force chez lui où il s’est éteint en mortel. Et après on me demande pourquoi je ne me suis jamais remarié.

La dure loi du Texas

 » C’est comme ça que les Garcia ont eu leur terre, en se débarrassant des Indiens et c’est comme ça qu’il fallait qu’on les prenne. Et c’est comme ça qu’un jour quelqu’un nous les prendra. Ce que je t’engage à ne pas oublier ».
Au final mon père n’est pas pire que nos voisins : eux sont simplement plus modernes dans leur façon de penser. Ils ont besoin d’une justification raciale à leurs vols et leurs meurtres. Et mon frère Phinéas est bien le plus avancé d’entre eux : il n’a rien contre les Mexicains ou contre toute autre race , mais c’est une question économique. La science plutôt que l’émotion. On doit soutenir les forts et laisser périr les faibles. Ce qu’aucun d’eux ne voit, ou ne veut voir, c’est qu’on a le choix.

les différences de comportement selon les origines

L’Allemand de base n’était pas allergique au travail : il suffisait de voir leurs propriétés pour s’en convaincre. Si, en longeant un champ, vous remarquez que la terre était plane et les sillons droits, c’est qu’il appartenait à un Allemand. S’il était plein de pierres et qu’on aurait dit les sillons tracés par un Indien aveugle, ou si on était en décembre et que le coton n’était toujours pas cueilli, alors vous saviez que c’était le domaine d’un blanc du coin qui avait dérivé jusqu’ici depuis le Tennessee dans l’espoir que, par quelque sorcellerie, Dame Nature, dans sa largesse lui pondrait un esclave.

Le charme des noms Comanches

Bien des noms Comanches étaient trop vulgaires pour être consignés par écrit, aussi, quand la situation l’exigeait, les Bancs les modifiaient. Le chef qui emmena le fameux raid contre Luneville en 1840 (au cours duquel cinq cents guerriers pillèrent un entrepôt de vêtements raffinés et s’enfuirent en haut de forme, robe de mariée et chemise de soie) s’appelait Po-cha-na-quar-hip ce qui signifiait Bite-Qui-Reste-Toujours-Dure. Mais pas plus cette version que la traduction plus délicate d’Érection- Permanente ne pouvait paraître dans les journaux,aussi décida-t-on de l’appeler Bosse-de-Bison.

Après 15 pages inoubliables pour expliquer l’utilisation de la moindre partie du corps du bison pour les Comanches, voici la dernière phrase

 On laissait toujours le cœur la même où le bison était tombé : lorsque l’herbe pousserait entre les côtes restantes, le Créateur verrait que son peuple ne prenait que ce dont il avait besoin et veillerait à ce que les troupeaux se renouvellent et reviennent encore et encore
 

Les richesses dues au pétrole

La provision pour reconstitution des gisements et quelque chose de totalement différent. Chaque année, un puits qui produit du pétrole te fait gagner de l’argent tout en te permettant de réduire des impôts.
– Tu fais un bénéfice mais tu appelles ça une perte ».
Elle voyait bien qu’il était satisfait.
– » Ça paraît malhonnête.
– » Au contraire. C’est la loi aux États-Unis.
-Quand même.
– Quand même rien du tout. Cette loi a une bonne raison d’être. Il y a des gens pour élever du bétail, même à perte : pas besoin de mesures incitatives. Alors que le pétrole, lui, coûte cher à trouver, et encore plus cher à extraire. C’est une entreprise infiniment plus risquée. Alors si le gouvernement veut que nous trouvions du pétrole, il doit nous encourager.

Le fils (d’où le titre)

Être un homme signifiait n’être tenu par aucune règle. Vous pouviez dire une chose à l’église, son contraire au bar, et d’une certaine façon dire vrai dans les deux cas. Vous pouviez être un bon mari, un bon père, un bon chrétien, et coucher avec toutes les secrétaires, les serveuses, les prostituées qui vous chantaient.

La guerre de Sécession

À la fin de l’été, la plupart des Texans étaient persuadés que si l’esclavage été aboli, le sud tout entier s’africaniserait, que les honnêtes femmes seraient toutes en danger et que le mot d’ordre serait au grand mélange. Et puis, dans le même souffle, ils vous disaient que la guerre n’avait rien à voir avec l’esclavage, que ce qui était en jeu, c’était la dignité humaine, la souveraineté, la Liberté elle-même, les droits des états : c’était une guerre de légitime défense contre les ingérences de Washington. Peu importait que Washington ait protégé le Texas des visées mexicaines. Peu importait qui le protège encore de la menace indienne.

La Californie

Une fois la sécession votée, l’ État du Texas se vida……
Des tas de sécessionnistes partirent aussi. Sur les nombreux train qui s’en allaient vers l’ouest, loin des combats, on voyait souvent flotter haut et fier le drapeau de la Confédération. Ces gens-là était bien favorables à la guerre, tant qu’ils n’avaient pas à la faire. J’ai toujours pensé que ça expliquait ce que la Californie est devenue.

Principe si étrange et malheureusement pas si faux !

Mon père a raison. Les hommes sont faits pour être dirigés. Les pauvres préfèrent moralement, sinon physiquement, se rallier aux riches et aux puissants. Ils s’autorisent rarement à voir que leur pauvreté et la fortune de leurs voisins sont inextricablement liés car cela nécessiterait qu’ils passent à l’action, or il leur est plus facile de ne voir que ce qui les rend supérieurs à leurs autres voisins simplement plus pauvres qu’eux. 

 

Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse , d’ailleurs j’ai une petite remarque à propos de la traduction, que penser de cette phrase : »John Berger accompagne John Sassal, un médecin de campagne un ami à lui » ? 

 

Je savais pour avoir lu les critiques sur de nombreux blogs, que je lirai ce roman, La souris jaune, Keisha, Dominique, Krol, Aifelle (et sans doute, bien d’autres encore) en ont parlé avec enthousiasme . Je partage avec Aifelle l’agacement à propos des #hashtag malgré la justification que j’ai lue. Je ne trouve pas du tout que cela crée un réseau souterrain au roman, mais ce qui est sûr c’est que ça freine désagréablement la lecture. Ce roman est un travail de deuil pour l’auteure qui vient de perdre un compagnon, Pablo, tendrement aimé et qui raconte celui que Marie Curie a été amenée à faire lors de la mort accidentelle de Pierre. Les deux souffrances se mêlent pour nous donner ce roman dont j’ai eu envie de recopier des passages entiers pour vous faire partager mon plaisir et aussi retenir ce que Rosa Montero nous dit de façon si simple et si humaine. J’ai beaucoup lu à propos de Marie Curie, en particulier, il y a bien longtemps, le livre d’Ève Curie, et je me souviens très bien de la souffrance de Marie, la scène où elle brûle les effets tâchés du sang de Pierre sont gravés dans ma mémoire. J’aime cette femme de tout mon être , elle correspond à un idéal qui a marqué la génération de mes parents. Mais c’est aussi un idéal impossible à atteindre, comme tous les génies elle est hors de portée des autres femmes. Mais cela fait tant de bien qu’elle ait existé. Je connaissais aussi l’épisode où la presse s’est évertuée à la détruire car elle a été la maîtresse de Paul Langevin . De tout temps la presse a été capable de s’amuser à détruire la réputation d’une personne surtout si elle est célèbre. Mais l’accent que met Rosa Montero sur la personnalité de Paul Langevin montre les petitesses de ce personnage. Il a trompé sa femme et il l’a fait jusqu’au bout de sa vie mais il n’est victime d’aucun jugement de la part de la presse ni de l’opinion publique. Bien sûr il ne défendra pas Marie qu’il laissera tomber, mais finalement il se rappellera à son bon souvenir en lui demandant une place dans de chercheuse dans son laboratoire pour une fille qu’il a eu avec une de ses étudiantes . Quel galant homme !

Ce roman nous entraîne donc dans une réflexion sur le deuil et la condition de la femme dans le couple. Cette superbe énergie que l’on connaît chez Marie Curie, on sait qu’elle habite Rosa Montero qui roman après roman nous livre le plus profond de son imagination. Rien ne peut l’arrêter d’écrire, comme rien n’a pu arrêter Marie d’aller vérifier ses expériences dans son laboratoire. Seulement ce sont aussi des femmes de chaires et de sang et elles peuvent flancher. Marie après la mort de Pierre s’est enfermée dans un silence mortifère et après la cabale de la presse à propos de son amour avec Paul Langevin, elle est restée un an loin du monde et de ses chères recherches. Est-ce la façon de cette auteure de nous dire que sa souffrance a failli, elle aussi, la faire trébucher vers la non vie ?

Citations

l’écriture

Je me sens comme le berger de cette vieille blague qui sculpté distraitement un morceau de bois avec son couteau, et qui, quand un passant lui demande : « Mais vous faites la figure de qui ? » répond : « Eh bien, s’il a de la barbe saint Antoine, sinon la Sainte Vierge. « 

 Autobiographie ou roman ?

Même si, dans mes romans, je fuis l’autobiographie avec une véhémence particulière, symboliquement je suis toujours en train de lécher mes blessures les plus profondes. À l’origine de la créativité se trouve la souffrance, la sienne et celle des autres.

La féminité dans les années 70

J’appartiens à la contre-culture des années 70 : nous avions banni les soutiens-gorge et les talons aiguilles, et nous ne nous épilions plus sous les bras. J’ai recommencé à m’épiler par la suite, mais quelque part j’ai continué de lutter contre le stéréotype féminin traditionnel. Jamais je n’ai porté de talons (je ne sais pas marcher avec). Jamais je ne me suis mis du vernis à ongle. Jamais je ne me suis maquillée les lèvres.

Réflexions sur le couple

« Le problème avec le mariage, c’est que les Femme se marient en pensant qu’ils vont changer, et les hommes se marient en pensant qu’elles ne vont pas changer. »Terriblement lucide et tellement bien vu ! L’immense majorité d’entre nous s’obstine à changer l’être aimé afin qu’il s’adapte à nos rêves grandioses. Nous croyons que, si nous le soignons de ses soi-disantes blessures, notre parfait bien-aimé émergera dans toute sa splendeur. Les contes de fées, si sages le disent clairement : nous passons notre vie à embrasser des crapauds , convaincues de pouvoir en faire des princes charmants. ….. quand Arthur dit que les hommes croient que nous n’allons pas changer, il ne veut pas parler du fait que nous prenions un gros cul et de la cellulite, mais que notre regard se remplit d’amertume, que nous ne les bichonner plus et ne nous occupons plus d’eux comme si c’étaient des dieux, que nous pourrissions notre vie commune par des reproches acerbes.
Tant de fois, nous menton aux hommes. À tant d’occasions, nous faisons semblant d’en savoir moins que nous n’en savons, pour donner l’impression qu’ils en savent plus. Ou nous leur disons que nous avons besoin d’eux pour quelque chose alors que ça n’est pas vrai. Juste pour qu’ils se sentent bien. Ou nous les adulons effrontément pour célébrer la moindre petite réussite. Et nous allons jusqu’à trouver attendrissant de constater que, si exagérée soit la flatterie, ils ne s’aperçoivent jamais que nous sommes en train de leur passer de la pommade, parce qu’ils ont véritablement besoin d’entendre ces compliments, comme des adolescents auxquels il faut un soutien extérieur afin qu’ils puissent croire en eux

Le cadeau de Pierre à son amoureuse

Avec Marie il avait trouvé son âme sœur. En fait, au début de leur relation, au lieu de lui envoyer un bouquet de fleurs ou des bonbons, Pierre lui avait envoyé une copie de son travail, intitulé  » Sur la symétrie des phénomènes physiques. Symétrie d’un champ électrique et d’un champ magnétique » : on convient que ce n’est pas un sujet qui fascine toutes les jeunes filles.

J’ai souri

On se mit tout de suite à utiliser les rayons x pour diagnostiquer les fractures des os, comme maintenant, mais aussi à des fins absurdes comme par exemple pour combattre la chute des cheveux : on dirait que chaque nouveauté inventée par l’être humain est testé contre la calvitie, cette obsession terrible attisée par le fait que ceux qui perdent leurs cheveux, ce sont des hommes.

La mort

Je suis sûre que nous parlons tous avec nos morts  : moi bien évidemment je le fais, et pourtant je ne crois pas du tout à la vie après la mort. Et j’ai même senti Pablo à mes côtés de temps à autre ……. Marie s’adresse à Pierre parce-qu’elle n’a pas su lui dire au revoir, parce-qu’elle n’a pas pu pu lui dire tout ce qu’elle aurait dû lui dire, parce qu’elle n’a pas pu achever la narration de leur vie commune.

Paul Langevin le grand homme !

Quelques années plus tard Paul Langevin eut une enfant illégitime avec une de ses anciennes étudiantes ( un vrai cliché) et il demanda à Madame Curie de donner à cette fille un travail dans son laboratoire. Et vous savez quoi ? Marie le lui donna.

20150917_105711D’abord écrit en hébreu par l’auteur traduit par lui-même en anglais et traduit en français par Pierre Emanuel DAUZAT.

Pour satisfaire les optimistes aussi bien que les pessimistes, nous pouvons conclure que notre époque est au seuil du ciel et de l’enfer, passant nerveusement de la porte de l’un à l’antichambre de l’autre. L’histoire n’a pas encore décidé où elle finira.

Non seulement, il est sur ma liseuse, mais je l’ai offert à mon petit fils. J’attends avec impatience ses réactions. Il est un peu jeune (14 ans) mais c’est un passionné de pré-histoire, je pense qu’il le lira entièrement plutôt vers 16-17 ans.

Un énorme merci à Dominique, pour m’avoir donné envie de lire ce livre que tout humain devrait lire, c’est un pavé, bien sûr mais à l’échelle de l’histoire de l’humanité ce n’est qu’un feuillet. J’ai relu trois fois ce livre avant de me lancer dans la rédaction de ce commentaire. Je voudrais tellement convaincre toutes celles et tous ceux qui n’ont pas encore découvert Yuval Noah HARARI de se mettre immédiatement à le lire. Pour cela, il ne faut pas que vous ayez peur des quelques centaines de pages que vous allez devoir avaler. Ce livre extraordinaire se lit Très facilement . Et pour une simple raison vos petites cellules grises sont maintenues en éveil par des idées qui mettent sans arrêt en cause ce que vous croyiez savoir. Pas de pitié pour les évidences ni les conforts que vous pouviez avoir, il vous faudra réfléchir mais cet écrivain a un tel sens de l’humour que vous serez bien obligé de le suivre. Je vous donne un exemple, comme moi vous avez sans doute pensé que si les femmes ne sont pas plus présentes dans les armées, c’est que dans les temps anciens se battre était surtout une question de force physique. Certes, mais de tout temps la stratégie et l’organisation des armées ne demandent aucune force physique et pourtant… Il en faudra du temps pour qu’une femme française soit à la tête des armées ! Comme moi aussi vous avez pensé que la révolution agricole a constitué un progrès pour l’humanité. Alors lisez vite ce livre pour vous rendre compte que l’homme cueilleur chasseur était beaucoup plus adapté à son environnement que l’homme qui a fait dépendre sa survie d’une seule céréale : le blé. Et vous perdrez toute estime pour l’homo-sapiens quand, vous vous rendrez compte qu’à peine celui-ci met le pied sur un continent ou sur des îles habitées seulement par des animaux parfois gigantesque en très peu de temps tous ces animaux disparaissent. Et quand, par hasard, des organisations humaines différentes de la notre, comme celles des Aborigènes de Tasmanie ont survécu à la terrible révolution agricole, il faudra moins de 30 ans aux glorieux colonisateurs britanniques pour faire disparaître complètement une population de 10 000 personnes . Cette île porte aujourd’hui, le nom du Hollandais, Abel Tasman, à l’origine de ce terrible massacre.

Si j’ai autant de citations c’est que sur ma liseuse, c’est assez simple de créer des notes et de me les envoyer. J’en ai supprimé beaucoup mais si j’en ai laissé tant ce n’est pas seulement pour vous donner envie d’aller lire ce livre mais aussi pour essayer de garder en mémoire toutes ces idées que j’ai trouvé absolument géniales. La conclusion n’est pas franchement optimiste : cette créature devenue maître de la terre et qui se prend pour Dieu pourra-t-elle surmonter ses frustrations et laisser une chance à la vie ? La question finale de Yuval Noha Harari, nous nous la posons avec lui :

Ainsi faisons-nous des ravages parmi les autres animaux et dans l’écosystème environnant en ne cherchant guère plus que nos aises et notre amusement, sans trouver satisfaction.

Y-a-t-il rien de plus dangereux que des dieux insatisfaits et irresponsables qui ne savent pas ce qu’ils veulent

 

Citations

Propos du livre

Trois révolutions importantes infléchirent le cours de l’histoire. La Révolution cognitive donna le coup d’envoi à l’histoire voici quelque 70 000 ans. La Révolution agricole l’accéléra voici environ 12 000 ans. La Révolution scientifique, engagée voici seulement 500 ans, pourrait bien mettre fin à l’histoire et amorcer quelque chose d’entièrement différent. Ce livre raconte comment ces trois révolutions ont affecté les êtres humains et les organismes qui les accompagnent.

L’arrivée de l’homme

Ce qu’il faut avant tout savoir des hommes préhistoriques, c’est qu’ils étaient des animaux insignifiants, sans plus d’impact sur leur milieu que des gorilles, des lucioles ou des méduses

 

les Hommes sont victorieux

Le Sapiens, en revanche, ressemble plus au dictateur d’une république bananière. Il n’y a pas si longtemps, nous étions les opprimés de la savane, et nous sommes pleins de peurs et d’angoisses quant à notre position, ce qui nous rend doublement cruels et dangereux. Des guerres meurtrières aux catastrophes écologiques, maintes calamités historiques sont le fruit de ce saut précipité.

 

Humour et comparaison

Tandis qu’un chimpanzé passe cinq heures à mâchonner de la nourriture crue, une heure suffit à un homme qui mange de la nourriture cuisinée. L’apparition de la cuisine permit aux hommes de manger des aliments plus variés, de passer moins de temps à se nourrir, et de le faire avec des dents plus petites et des intestins plus courts. Selon certains spécialistes, il existe un lien direct entre l’apparition de la cuisine, le raccourcissement du tube digestif et la croissance du cerveau. Les longs intestins et les gros cerveaux dévorant chacun de l’énergie, il est difficile d’avoir les deux.

Sapiens et Neandertal

Une autre possibilité est que la concurrence autour des ressources ait dégénéré en violences et en génocide. La tolérance n’est pas une marque de fabrique du Sapiens. Dans les Temps modernes, une petite différence de couleur de peau, de dialecte ou de religion a suffi à pousser un groupe de Sapiens à en exterminer un autre. Les anciens Sapiens auraient-ils été plus tolérants envers une espèce humaine entièrement différente ? Il se peut fort bien que la rencontre des Sapiens et des Neandertal ait donné lieu à la première et la plus significative campagne de nettoyage ethnique de l’histoire.

L’importance du bavardage

On pourrait croire à une plaisanterie, mais de nombreuses études corroborent cette théorie du commérage. Aujourd’hui encore, la majeure partie de la communication humaine – e-mails, appels téléphoniques et échos dans la presse – tient du bavardage. Celui-ci nous est si naturel qu’il semble que notre langage se soit précisément développé à cette fin

Fonction du langage

La capacité de dire : « Le lion est l’esprit tutélaire de notre tribu. » Cette faculté de parler de fictions est le trait le plus singulier du langage du Sapiens. On conviendra sans trop de peine que seul l’Homo sapiens peut parler de choses qui n’existent pas vraiment et croire à six choses impossibles avant le petit déjeuner

 

L’importance de la fiction

Le secret réside probablement dans l’apparition de la fiction. De grands nombres d’inconnus peuvent coopérer avec succès en croyant à des mythes communs. Toute coopération humaine à grande échelle – qu’il s’agisse d’un État moderne, d’une Église médiévale, d’une cité antique ou d’une tribu archaïque – s’enracine dans des mythes communs qui n’existent que dans l’imagination collective.

Réalité imaginaire plus forte que le réel

Depuis la Révolution cognitive, les Sapiens ont donc vécu dans une double réalité. D’un côté, la réalité objective des rivières, des arbres et des lions ; de l’autre, la réalité imaginaire des dieux, des nations et des sociétés. Au fil du temps, la réalité imaginaire est devenue toujours plus puissante, au point que de nos jours la survie même des rivières, des arbres et des lions dépend de la grâce des entités imaginaires comme le Dieu Tout-Puissant, les États-Unis ou Google.

 

Les élites avec l’humour de l’auteur

Un exemple de choix est l’apparition répétée d’élites sans enfants telles que le clergé catholique, les moines bouddhistes et les bureaucraties chinoises d’eunuques. L’existence de pareilles élites va contre les principes les plus fondamentaux de la sélection naturelle puisque ces membres dominants de la société renoncent volontiers à la procréation. Ce n’est pas en refilant le « gène du célibat » d’un pape à l’autre que l’Église catholique a survécu, mais en transmettant les histoires du Nouveau Testament et du droit canon

Supériorité sur les singes

On aurait cependant tort de rechercher les différences au niveau de l’individu ou de la famille. Pris un par un, voire dix par dix, nous sommes fâcheusement semblables aux chimpanzés. Des différences significatives ne commencent à apparaître que lorsque nous franchissons le seuil de 150 individus ; quand nous atteignons les 1 500-2 000 individus, les différences sont stupéfiantes. Si vous essayiez de réunir des milliers de chimpanzés à Tian’anmen, à Wall Street, au Vatican ou au siège des Nations unies, il en résulterait un charivari. En revanche, les Sapiens se réunissent régulièrement par milliers dans des lieux de ce genre. Ensemble, ils créent des structures ordonnées – réseaux commerciaux ..

Connaissance de la nature

De nos jours, la grande majorité des habitants des sociétés industrielles n’a pas besoin de savoir grand-chose du monde naturel pour survivre. Que faut-il vraiment savoir de la nature pour être informaticien, agent d’assurances, professeur d’histoire ou ouvrier ? Il faut être féru dans son tout petit domaine d’expertise mais, pour la plupart des nécessités de la vie, on s’en remet aveuglément à l’aide d’autres connaisseurs, dont le savoir se limite aussi à un minuscule domaine d’expertise. La collectivité humaine en sait aujourd’hui bien plus long que les bandes d’autrefois. Sur un plan individuel, en revanche, l’histoire n’a pas connu hommes plus avertis et plus habiles que les anciens fourrageurs.

Survivre en ce temps-là nécessitait chez chacun des facultés mentales exceptionnelles. L’avènement de l’agriculture et de l’industrie permit aux gens de compter sur les talents des autres pour survivre et ouvrit de nouvelles « niches pour imbéciles ». On allait pouvoir survivre et transmettre ses gènes ordinaires en travaillant comme porteur d’eau ou sur une chaîne de montage

Supériorité du fourrageur

De surcroît, côté corvées domestiques, leur charge était bien plus légère : ni vaisselle à laver, ni aspirateur à passer sur les tapis, ni parquet à cirer, ni couches à changer, ni factures à régler. L’économie des fourrageurs assurait à la plupart des carrières plus intéressantes que l’agriculture ou l’industrie. De nos jours, en Chine, une ouvrière quitte son domicile autour de sept heures du matin, emprunte des rues polluées pour rejoindre un atelier clandestin où elle travaille à longueur de journée sur la même machine : dix heures de travail abrutissant avant de rentrer autour de dix-neuf heures faire son travail domestique.

Moins malade

De surcroît, n’étant pas à la merci d’un seul type d’aliment, ils étaient moins exposés si celui-ci venait à manquer. Les sociétés agricoles sont ravagées par la famine si une sécheresse, un incendie ou un tremblement de terre ruine la récolte.
Les anciens fourrageurs souffraient aussi moins des maladies infectieuses. La plupart de celles qui ont infesté les sociétés agricoles et industrielles (variole, rougeole et tuberculose) trouvent leurs origines parmi les animaux domestiqués et n’ont été transmises à l’homme qu’après la Révolution agricole.

L’homme arrive en Australie

Or, plus de 90 % de la mégafaune australienne a disparu en même temps que le diprotodon. Les preuves sont indirectes, mais on imagine mal que, par une pure coïncidence, Sapiens soit arrivé en Australie au moment précis où tous ces animaux mouraient de froid.

Si l’extinction australienne était un événement isolé, nous pourrions accorder aux hommes le bénéfice du doute. Or, l’histoire donne de l’Homo sapiens l’image d’un serial killer écologique.

Les coupables, c’est nous. Mieux vaudrait le reconnaître. Il n’y a pas moyen de contourner cette vérité. Même si le changement climatique nous a aidés, la contribution humaine a été décisive.

 La révolution agricole

 La révolution agricole est l’un des événements les plus controversés de l’histoire. Certains de ses partisans proclament qu’elle a engagé l’humanité sur la voie de la prospérité et du progrès. D’autres soutiennent qu’elle est la voie de la perdition. C’est à ce tournant, selon eux, que Sapiens s’arracha à sa symbiose intime avec la nature pour sprinter vers la cupidité et l’aliénation. Où qu’elle menât, c’était une voie sans retour. L’agriculture permit aux populations une croissance si forte et si rapide qu’aucune société complexe ne pourrait plus jamais subvenir à ses besoins.

L’angoisse du paysan

Le paysan anxieux était aussi frénétique et dur à la tâche qu’une fourmi moissonneuse en été, suant pour planter des oliviers dont ses enfants et petits-enfants seulement presseraient l’huile, mettant de côté pour l’hiver ou l’année suivante des vivres qu’il mourait d’envie de manger tout de suite. Le stress de la culture fut lourd de conséquences. Ce fut le fondement de systèmes politiques et sociaux de grande ampleur. Tristement, les paysans diligents ne connaissaient quasiment jamais la sécurité économique dont ils rêvaient en se tuant au travail. Partout surgirent des souverains et des élites qui se nourrirent du surplus des paysans

Richesse et révolutions

Et si aucun accord n’est trouvé, le conflit se propage – même si les entrepôts regorgent de vivres. Les pénuries alimentaires ne sont pas à l’origine de la plupart des guerres et des révolutions de l’histoire. Ce sont des avocats aisés qui ont été le fer de lance de la Révolution française, non pas des paysans faméliques. La République romaine atteignit le faîte de sa puissance au premier siècle avant notre ère, quand des flottes chargées de trésors de toute la Méditerranée enrichirent les Romains au-delà des rêves les plus fous de leurs ancêtres. Or, c’est à ce moment d’abondance maximale que l’ordre politique romain s’effondra .

L’importance de la religion

De toutes les activités humaines collectives, la violence est la plus difficile à organiser. Dire qu’un ordre social se maintient à la force des armes soulève aussitôt une question : qu’est-ce qui maintient l’ordre militaire ? Il est impossible d’organiser une armée uniquement par la coercition. Il faut au moins qu’une partie des commandants et des soldats croient à quelque chose : Dieu, l’honneur,

Les septiques

Le philosophe grec Diogène, fondateur de l’école cynique, logeait dans un tonneau. Un jour qu’Alexandre le Grand lui rendit visite, Diogène se prélassait au soleil. Alexandre voulut savoir s’il pouvait faire quelque chose pour lui, et le Cynique lui répondit : « Oui, en effet. Ôte-toi de mon soleil ! » Voilà pourquoi les cyniques ne bâtissent pas d’empire, et pourquoi un ordre imaginaire ne saurait être maintenu que si de grandes sections de la population – notamment, de l’élite et des forces de sécurité – y croient vraiment. Le christianisme n’aurait pas duré deux mille ans si la majorité des évêques et des prêtres n’avaient pas cru au Christ

les femmes et les travaux de force

Beaucoup de femmes courent plus vite et soulèvent des poids plus lourds que beaucoup d’hommes. Secundo, et c’est des plus problématiques pour cette théorie, les femmes ont été tout au long de l’histoire exclues surtout des tâches qui exigent peu d’effort physique (prêtrise, droit, politique) et ont dû assumer de nombreux travaux manuels rudes aux champs, dans les artisanats et à la maison.

L’expérience communiste

L’expérience la plus ambitieuse et la plus célèbre de ce genre fut menée en Union soviétique : ce fut un échec lamentable. En pratique, le principe du « chacun travaillait suivant ses capacités et recevait suivant ses besoins » se transforma en « chacun travaillait aussi peu que possible pour recevoir le plus possible »

La monnaie

La monnaie est donc un moyen d’échange universel qui permet aux gens de convertir presque tout en presque tout. Le soldat démobilisé peut délaisser la force musculaire pour se muscler la cervelle en utilisant sa solde afin de payer ses droits d’inscription en fac. La terre peut se convertir en loyauté quand un baron vend des biens pour entretenir sa suite. La santé peut se convertir en justice quand un médecin se sert de ses honoraires pour recourir aux services d’un avocat – ou soudoyer un juge. Il est même possible de transformer le sexe en salut : ainsi les putains du xve siècle, quand elles couchaient avec des hommes pour de l’argent qu’elles utilisaient ensuite pour acheter des indulgences à l’Église catholique.

Des chrétiens et des musulmans qui ne sauraient s’entendre sur des croyances religieuses pourraient néanmoins s’accorder sur une croyance monétaire parce que, si la religion nous demande de croire à quelque chose, la monnaie nous demande de croire que d’autres croient à quelque chose

L’importance de la religion

De nos jours, la religion est souvent considérée comme une source de discrimination, de désaccord et de désunion. En vérité, pourtant, elle a été le troisième grand unificateur de l’humanité avec la monnaie et les empires. Les ordres sociaux et les hiérarchies étant toujours imaginaires, tous sont fragiles, et le sont d’autant plus que la société est vaste.

Reste que si l’on additionne les victimes de toutes ces persécutions, il apparaît qu’en trois siècles les Romains polythéistes ne tuèrent pas plus de quelques milliers de chrétiens[1]. À titre de comparaison, au fil des quinze siècles suivants, les chrétiens massacrèrent les chrétiens par millions pour défendre des interprétations légèrement différentes d’une religion d’amour et de compassion.

Lors du massacre de la Saint-Barthélemy, entre 5 000 et 10 000 protestants trouvèrent la mort en moins de vingtquatre heures. Quand le pape apprit la nouvelle à Rome, sa joie fut telle qu’il organisa des prières de liesse pour célébrer l’occasion et chargea Giorgio Vasari de faire une fresque du massacre dans une salle du Vatican (aujourd’hui inaccessible aux visiteurs[2]). Plus de chrétiens moururent de la main d’autres chrétiens au cours de ces vingt-quatre heures que sous l’Empire romain polythéiste tout au long de son existence.

La révolution scientifique

La Révolution scientifique a été non pas une révolution du savoir, mais avant tout une révolution de l’ignorance. La grande découverte qui l’a lancée a été que les hommes ne connaissent pas les réponses à leurs questions les plus importantes. Les traditions prémodernes du savoir comme l’islam, le christianisme, le bouddhisme et le confucianisme affirmaient que l’on savait déjà tout ce qu’il était important de savoir du monde.

Mortalité enfantine

la reine Eleanor eut seize enfants entre 1255 et 1284 : 1. Fille anonyme née en 1255, morte à la naissance. 2. Catherine, morte à 1 ou 3 ans. 3. Joan, morte à 6 mois. 4. John, mort à 5 ans. 5. Henry, mort à 6 ans. 6. Eleanor, morte à 29 ans. 7. Fille anonyme morte à 5 mois. 8. Joan, morte à 35 ans. 9. Alphonso, mort à 10 ans. 10. Margaret, morte à 58 ans. 11. Berengeria, morte à 2 ans. 12. Fille anonyme morte peu après la naissance. 13. Mary, morte à 53 ans. 14. Fils anonyme mort peu après la naissance. 15. Elizabeth, morte à 34 ans. 16. Édouard. Le plus jeune, Édouard, fut le premier des garçons à survivre aux dangereuses années de l’enfance

L’horreur du monde moderne

Pire encore fut le destin des indigènes de Tasmanie. Ayant survécu à 10 000 ans de splendide isolement, ils furent tous éliminés : un siècle après l’arrivée de Cook, hommes, femmes et enfants avaient disparu jusqu’au dernier. Les colons européens commencèrent par les refouler des parties les plus riches de l’île, puis, convoitant même les parties désertiques restantes, ils les traquèrent et les tuèrent systématiquement

Une blague (drôle)

Un jour qu’ils s’entraînaient, les astronautes tombèrent sur un vieil indigène américain. L’homme leur demanda ce qu’ils fabriquaient là. Ils répondirent qu’ils faisaient partie d’une expédition de recherche qui allait bientôt partir explorer la Lune. Quand le vieil homme entendit cela, il resta quelques instants silencieux, puis demanda aux astronautes s’ils pouvaient lui faire une faveur. « Que voulez-vous ? – Eh bien, fit le vieux, les gens de ma tribu croient que les esprits saints vivent sur la Lune. Je me demandais si vous pouviez leur transmettre un message important de la part des miens. – Et quel est le message ? » demandèrent lesastronautes. L’homme marmonna quelque chose dans son langage tribal, puis demanda aux astronautes de le répéter jusqu’à ce qu’ils l’aient parfaitement mémorisé. « Mais qu’est-ce que ça veut dire ? – Je ne peux pas vous le dire. C’est un secret que seuls sont autorisés à savoir notre tribu et les esprits de la Lune. » De retour à leur base, les astronautes ne ménagèrent pas leurs efforts pour trouver quelqu’un qui sût parler la langue de la tribu et le prièrent de traduire le message secret. Quand ils répétèrent ce qu’ils avaient appris par cœur, le traducteur partit d’un grand éclat de rire. Lorsqu’il eut retrouvé son calme, les astronautes lui demandèrent ce que ça voulait dire. L’homme expliqua. Ce qu’ils avaient si méticuleusement mémorisé voulait dire : « Ne croyez pas un seul mot de ce qu’ils vous racontent. Ils sont venus voler vos terres. »

L’esclavage

Dix millions d’esclaves africains, dont près de 70 % pour les plantations de canne à sucre. Les conditions de travail étaient abominables. La plupart avaient une vie brève et misérable. Des millions d’autres moururent au cours des guerres menées pour les capturer ou au cours du long voyage du cœur de l’Afrique aux côtes de l’Amérique. Tout cela pour que les Européens sucrent leur thé et mangent des bonbons… et que les magnats du sucre empochent d’énormes profits

Le consumérisme

L’obésité est une double victoire pour le consumérisme. Au lieu de manger peu, ce qui provoquerait une récession économique, les gens mangent trop puis achètent des produits diététiques – contribuant ainsi doublement à la croissance économique.

Le temps

En 1784 commença à opérer en Grande-Bretagne un service de voitures avec des horaires publics : ceux-ci n’indiquaient que l’heure de départ, pas celle d’arrivée. En ce temps-là, chaque ville ou chaque bourg avait son heure locale, laquelle pouvait différer de celle de Londres d’une bonne demi-heure. Quand il était midi à Londres, il pouvait être 12 h 20 à Liverpool et 11 h 50 à Canterbury. Comme il n’y avait ni téléphones, ni radio, ni télévision, et pas de trains rapides, qui pouvait savoir, et qui s’en souciait[2] ? 

L’importance de l’état

L’État prête aussi une attention plus soutenue aux relations familiales, surtout entre parents et enfants. Les parents sont obligés d’envoyer leurs enfants à l’école. L’État peut prendre des mesures contre les parents particulièrement abusifs ou violents. Au besoin, il peut même les jeter en prison ou placer leurs enfants dans des familles nourricières. Il n’y a pas si longtemps, l’idée que l’État doive empêcher les parents de battre ou d’humilier leur progéniture eût été balayée d’un revers de main comme une idée ridicule et inapplicable. Dans la plupart des sociétés, l’autorité parentale est sacrée.

Ce livre est dans mes listes depuis …… longtemps ! j’apprécie cette auteure qui fait partie des gens qui me font du bien. D’abord parce que Katarina Mazetti aime raconter des histoires et que j’adore que l’on m’en raconte. Ensuite, parce qu’elle a un sens de l’humour avec lequel je suis bien : jamais méchant mais tellement pertinent. La fin est peut-être trop gentille, mais elle ne fait que deux pages et il fallait bien finir ! C’est pourtant pour cette raison et l’aspect un peu caricatural de certains personnages que ce roman n’a pas eu ses cinq coquillages que j’ai parfois eu très envie de lui mettre. Nous sommes embarqués sur un bateau de croisière vers l’Antarctique avec des Suédois sans soucis financiers mais avec parfois des difficultés bien plus graves. Les deux personnages centraux sont un journaliste et une certaine Wilma. Le journaliste se noie dans un divorce qui le prive de ses enfants. Tous les torts sont évidemment, selon lui, du côté de son épouse, mais peu à peu on se rendra compte que ce n’est peut être pas si simple. Et surtout, comme dit mon beau-frère préféré « il y a malheur plus grand » : que cache, en effet, la raideur et la maladresse de Wilma ? Il prend le risque à force de ne s’intéresser qu’à sa petite personne et profiter sans vergogne de la gentillesse et de l’optimisme de celle qui ne veut pas étaler ses problèmes de passer à côté d’une véritable difficulté de la vie. Et puis, il y a, Alba qui compare chaque type humain à des comportements des animaux mais préfère ces derniers au hommes car  : l’expression « les hommes sont des animaux » est une offense aussi bien envers les manchots que les autres espèces animales. C’est vrai que ce n’est pas un roman qui va rester à vie dans ma mémoire mais il m’a fait sourire et j’ai bien aimé les observations sur les comportements des mammifères dits supérieurs, un peu caricaturaux, peut-être comme ces deux sœurs : l’une, la riche exploite sans pitié la gentillesse de l’autre, la plus pauvre. Ces petits bémols ne doivent pas faire oublier que c’est avant tout un roman léger et agréable et pas l’étude du siècle sur les mœurs de la société suédoise.

Citations

Préface

Tous les personnage de ce roman ont été tirés d’un compost d’observation diverses et de fragments de souvenirs qui a mûri dans la tête de l’auteur durant un laps de temps indéfini.

C’est indiqué « bagages » avec une flèche à droite et une autre à gauche. Sur le même panneau ! J’ai un faible pour les Français, mais Charles-de-Gaulle est un concentré de leurs pires défauts.

Des noms qui font rêver (ou pas)

Thiruvananthapuram 

C’est vrai en France aussi

Regardez le public au théâtre ou dans les vernissages ! Quatre-vingt-dix pour cent sont des femmes, la plupart ayant dépassé la cinquantaine, les dix pour cent restants y ont été traînés par une femme. Interdisez l’accès aux femmes de plus de quarante-cinq ans et vous pouvez annuler toute vie culturelle suédoise !

Le résultat d’une enquête journalistique

Le conseiller d’éducation s’est pendu avant le procès laissant une épouse et trois enfants dont deux fréquentaient son école. La réputation de la remplaçante a été ruinée et elle a perdu son boulot. Le seul à être vraiment heureux à probablement été l’enfoiré qui avait vendu l’histoire au départ. Et puis, nous les trois épaulards . Dans une bonne humeur forcée, nous sommes allés nous saouler au pub pour célébrer notre activité si utile à la société.
Bon évidemment qu’elle était utile à la société, je le soutiens encore aujourd’hui. Mais. La vie de six personnes à été détruite.

Philosophie du marin

Tout le monde devrait connaître un bon mal de mer de temps en temps, a-t-il marmotté. Ça vous rend humble et doux, on se rend compte qu’on n’a pas grand-chose à opposer à la nature. Je crois que je vais inventer un comprimé de mal de mer qui fonctionne à l’envers. Pour le jeter dans le gosier des tyrans omnipotents aux quatre coins du monde quand ils s’apprêtent à envahir un pays , ou à dévaster une forêt, ou simplement à battre leur femme.

Un vantard

Göran est resté au bar à raconter à ceux qui voulaient bien l’écouter qu’il n’avait jamais eu le mal de mer. Ce qui est sans doute vrai -mais il n’a pas précisé qu’il n’avait jamais vraiment pris la mer, seulement fait des courses en hors-bord sur le lac près de chez nous.

J’ai souri

C’est un peu comme boire un verre de cognac quand on sent venir un gros rhume. Ça ne guérit personne, mais on s’amuse plus en attendant d’être patraque.

 

 

 Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard, où il a obtenu un coup de cœur. Traduit de l’américain par Josette Chicheportiche.


Véritable emballement de la blogosphère, ce livre mérite les coups de cœur qu’il a reçu chez Krol, Dominique, Aifelle, Jérôme et Noukette et beaucoup d’autres dont je mettrai les noms au fur et à mesure des commentaires. J’avais une réserve à cause de la référence à « La Route« , roman que j’avais peu apprécié. Ici l’apocalypse supposée est beaucoup plus crédible, et elle ne constitue pas l’essentiel du roman. D’ailleurs avant même que le monde s’effondre, on ne sait pas trop pourquoi, cette famille avait choisi de vivre au cœur d’une forêt. les deux filles Neil et Eva ne vont pas à l’école et sont éduquées par leurs parents, l’une sera danseuse et l’autre prépare son entrée à Harvard. Mais peu à peu le monde s’arrête et tout le confort que notre société nous procure disparaît, et finalement les deux jeunes filles doivent vivre seules au milieu d’une forêt et de rencontres pas toujours amicales. On retrouve un peu les efforts de survie que doit faire l’héroïne du « mur invisible » pour assurer sa survie mais le message est différent. Ce n’est pas, en effet, le savoir de l’homme qui va sauver les deux filles mais la connaissance de la nature. Et si ce roman, s’appelle « dans la forêt », c’est parce que leur salut viendra de ce que la forêt peut leur apporter. Comme avant elles, les rares indiens qui ont pu échapper à l’extermination programmée de leurs peuple.

Je relis en ce moment « Sapiens une brève Histoire de l’humanité » on y retrouve ce même message, la révolution agricole nous dit Yuval Noah Harari est la plus grande escroquerie de l’histoire et elle a asservi l’homme au lieu de le libérer. Nos deux héroïnes vont donc revenir au stade des « chasseurs cueilleurs » beaucoup plus adapté à la survie en forêt. Je pense que les écologistes vont adorer ce roman qui a tout pour leur plaire, de plus l’écrivaine vit au fond des bois de l’écriture de ses livres et de l’apiculture. Mais ce n’est pas qu’un roman à messages, c’est aussi une intrigue bien menée et les personnages sont intéressants et crédibles. J’ai vu le film qui a été tiré de cette histoire, il insiste beaucoup sur la rivalités et le lien entre les deux sœurs, encore un film qui est beaucoup mins intéressant que le roman. Si j’ai une petite réserve, c’est que je garde, malgré moi, un certain agacement vis à vis des Américains qui sont les plus farouches défenseurs de l’environnement et en même temps les plus grands pollueurs de la planète.

Citations

Le plaisir d’habiter un lieu isolé ,un plaisir que je ne partage pas

Voilà le vrai cadeau de Noël, nom de Dieu -la paix, le silence de l’air pur. Pas de voisins à moins de six kilomètres , et pas de ville à moins de cinquante. Bénis soient Bouddha, Shiba, Jéhovah et le service des Forêts de Californie, nous vivons tout au bout de la route !

Nell et Eva s’approprient la forêt

Petit à petit , la forêt que je parcours devient mienne, non parce que je la possède, mais parce que je finis par la connaître. Je la vois différemment maintenant. Je commence à saisir sa diversité -dans la forme des feuilles, l’organisation des pétales, le millions de nuances de verts. Je commence à comprendre sa logique et à percevoir son mystère. Où que j’aille, j’essaie de noter ce qu’il y a autour de moi – un massif de menthe, une touffes de fenouil, un buisson de manzanita ou d’amarante à ramasser maintenant ou plus tard quand je reviendrai, quand le besoin se fera sentir ou que ce sera la saison.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

 Je suis souvent d’accord avec Krol mais pour ce roman nos avis divergent, il vous faut,donc lire ce qu’elle écrit pour vous faire votre idée sur ce roman. C’est le troisième roman de Laurent Seksik que je lis, j’ai découvert cet auteur grâce au club de lecture et j’ai beaucoup apprécié « l’exercice de la médecine » et  » le cas Eduard Einstein » . Pour ce roman, il faut lire, avant ou après, peu importe « La promesse de l’aube » . Le portrait que Romain Gary fait de sa mère est inoubliable et tellement vivant. Laurent Seksik s’appuie sur ce portrait pour nous présenter Nina, la maman de Roman, femme lutteuse et malheureuse, abandonnée par le père de son fils un certain Arieh Kacew qui restera avec toute sa nouvelle famille dans le ghetto de Wilno où comme 99 % des juifs qui y restèrent, ils furent assassinés par les nazis. L’auteur centre son roman sur les quelques jours de 1925, où accablée de dettes et de désespoir Nina avec son fils décident de partir pour la France. Plus Laurent Seksik sait rendre proche de nous la vie dans ce qui est déjà un ghetto, sous domination polonaise, plus nous avons le cœur serré à l’idée que rien n’y personne ne reste de ce morceau d’humanité. La fin en 1943 est celle qui est décrite dans tous les livres d’histoire : il ne restera rien de la famille naturelle de Romain Gary, est-ce pour cela qu’il se plaisait à s’inventer un père différent et plus romanesque : Ivan Mosjoukine.

Un père qui ne serait pas dans une fosse commune aux frontières de la Russie ou disparu dans les fours crématoires d’Auschwitz. Ou est-ce plutôt car il ne peut pardonner à son père d’avoir abandonné sa mère qu’il aimait tant. C’est le sujet du livre et c’est très finement analysé. Si je n’ai pas mis 5 coquillages, c’est que je préfère le portait que Romain Gary fait de sa mère, au début de ma lecture, j’en voulais un peu à l’auteur d’avoir affadi le caractère de Nina. Mais ce livre m’a saisie peu à peu, comme pour tous les écrits sur l’holocauste, je me suis retrouvée devant ce sentiment d’impuissance comme dans un cauchemar : je veux hurler à tous ces personnages : « mais fuyez, fuyez » . C’est pourquoi je l’ai mis dans mes préférences, Laurent Seksik parvient à nous fabriquer un souvenir d’un lieu où 40 000 êtres humains furent assassinés en laissant si peu de traces.

Citations

J’adore ce genre d’amour qui pousse à écrire ce genre de dédicace

À ma mère chérie.
À toi papa,
Tu étais mon premier lecteur.
Au moment où je t’ai fermé les yeux, j’étais en train de terminer ce roman, le premier que tu ne liras pas, mais dont tu aurais aimé le sujet parce qu’il nous ramenait tous les deux trente ans en arrière, au temps où j’étais étudiant en médecine. Du balcon de notre appartement à Nice, au 1 rue Roger-Martin-du-Gard, nous contemplions, toi et moi, l’église russe et le lycée du Parc impérial associé au souvenir de Romain Gary. Tu m’encourageais en me promettant une carrière de professeur de médecine, tandis qu’en secret je rêvais d’embrasser celle de romancier. Comme les autres ce roman t’est dédié.

Désespoir d’une mère un peu « trop »

Quand l’obscurité avait enveloppé la ville tout entière, son esprit était plongé dans le nord absolu. La tentation était alors de s’abandonner au désespoir, de s’envelopper de peine comme par grand froid d’un châle de laine. Elle éprouvait toujours un ravissement coupable à sombrer corps et âmes dans ces abîmes de désolation et de détresse.

Que cette conversation me touche entre un père et un fils juifs

-Nous sommes en 1912, au XX ° siècle !
– Ce siècle ne vaudra pas mieux que les précédents.
-Il sera le siècle du progrès, le siècle de la science, celui de la paix.
-Amen
– Il verra la fin des pogroms, la fin de l’antisémitisme.
– La fin du monde…
– une nouvelle ère s’annonce, papa, et tu la verras de tes yeux.

Où on retrouve un peu la mère de Romain Gary

Nina détestait tous les Kacew. En un sens, elle avait l’esprit de famille. Elle les détestait avec l’excès qu’elle appliquait à toute chose, les détestait sans nuances, avec une violence irraisonnée, une férocité jamais feinte. Elle excellait dans l’art de la détestation, haïssait avec un talent fou.

La vie à Wilno en 1925

La vie s’exprimait ici dans toute sa joyeuse fureur, son exaltation débordante, on était au cœur battant du ghetto, c’était le cœur vivant du monde. La clameur du jour balayait le souvenir des jours noirs. On se laissait griser par une ivresse infinie, la vie n’avait plus rien d’éphémère, le présent était l’éternité. Ces pieux vieillards à la barbe grise, ces femmes à la beauté sage, ces enfants aux yeux pétillants, ce merveilleux peuple de gueux marchait ici un siècle auparavant et arpenterait ces rues dans cent ans ce peuple là est immortel

Un homme de foi comme on les aime

Je ne peux rien te montrer qu’un monde de contraintes, de prières obligatoires, de règles à respecter, d’interdits et de lois -ne fais pas ceci, le Éternel à dit que … Mais sache que la religion, ça n’est pas que cela. C’est une affaire d’homme. L’Éternel existe avant tout en toi, dans le souffle de ton âme plus que dans l’air que tu respires. C’est simplement une sorte d’espérance, rien de plus, une simple espérance que rien ne peut atteindre, qui est immémoriale et qui se transmet, simplement de génération en génération, au-delà de la religion, de la foi, de la pratique. Une espérance indestructible, heureuse, qui fait battre le cœur même aux pires moments de haine.


J’aime cette auteure et je sais que je lirai toute sa série. Marie-Aude Murial possède ce talent de nous faire partager la vie d’une grande partie des êtres humains de notre société à partir d’un point de vue précis. Un petit bémol, pour moi, on sent trop, dans ce récit, que l’on aura une saison 3, trop de choses sont en suspens, mais tant pis, je ne boude pas mon plaisir. J’aime bien passer mes soirées avec Sauveur Saint-Yves et son fils, Lazare que l’on voit un peu moins dans ce tome . Ce médecin, psychologue ordinaire donc extraordinaire, quand il arrive à rendre moins malheureux les gens autour de lui, inaugure un nouveau traitement « l’hamsterothérapie ».

Citations

L’ado à problèmes

Gabin zonait parfois sur « Word offre Warcraft » pendant six ou sept heures d’affiliés, de préférence la nuit. D’où ses absences scolaires, surtout en début de matinée. À partir de 11 heure, il se contentait de dormir en cours, la tête entre les bras. Les profs le laissaient en paix, désarmés par sa bonne gueule un peu cabossée, à la Depardieu jeune, et son regard inexpressif, qui le faisait passer pour plus crétin qu’il n’était.

L’horreur de Daesh

Racontée à la journaliste

Haddad avait 26 ans, elle était mariée à Youssef, professeur de violon. Peu après l’entrée des djihadistes, dans Mossoul le 10 juin, monsieur Haddad avait perdu son emploi, la musique étant interdite. Les hommes de Daesh avait marqué la maison des Haddad d’une lettre qui les désignaient comme chrétiens. Puis les nouveaux maîtres de la ville, circulant en pick-up dans les nouveaux quartiers chrétiens, avaient diffusés ce message par haut-parleur :  » Convertissez-vous, devenez sujets du Califat. Sinon, partez sans rien emporter.  » Refusant de se soumettre aux islamistes ;, les Haddad avaient bourré leur break. A la sortie de la ville quatre hommes les avaient fait ranger sur le bas-côté

Ils nous ont demandé de sortir du break. Ils ont pris tout ce qu’on avait dans la voiture . Puis on a pu partir…..

Racontée en toute confiance au psychologue

Elle lui raconta la terreur dans la ville, son frère Hilal, un adolescent d e 15 ans égorgé en pleine rue, la fuite dans le break, les hommes qui les avaient arrêtés et sortis de force de la voiture, le violon de son mari qu’ils avaient fracassé contre une pierre, car la musique est impie, les bijoux qu’ils avaient arrachés à ses mains, à son cou, la peur qu’elle avait eu d’être violée….

La mère abusive pauvre Samuel !

Madame Cahen, qui,était aux aguets, avait flairé quelque chose. son fils se lavait, il cirait ses chaussures

– Tu te fais beau ce matin, ricanait-elle ? « Elle » est de ta classe .

Samuel buvait son chocolat le matin, il mettait son linge sale dans le panier ?. Sa docilité même était suspecte. Sa mère entrait encore plus souvent dans sa chambre sans crier gare. Elle soulevait ses copies, ses cahiers, elle faisait du tri dans ses vêtements, elle cherchait elle ne savait quoi. Une lettre. Une adresse. Une photo. La trace d’une fille.

Cet essai n’est qu’un humble tribut de reconnaissance envers l’art français qui nous a aidé à vivre pendant ces quelques années en URSS.


Un livre que j’avais déjà remarqué puis oublié et qui m’a été remis en mémoire par Sandrine. Les circonstances de ce livre sont stupéfiantes : Joseph Czapski faisait partie des officiers polonais capturés par les soviétiques alors qu’ils voulaient combattre les nazis. Ce fut une conséquence du pacte Germano-Soviétique et comme la Russie a fini par le reconnaître en 1990, environ 30 000 officiers polonais furent tués par balle à Katyn. Joseph Czapski fait partie des quelques survivants, il ne sait pas ce que sont devenus ses amis. Voici ce qu’il dit dans son introduction

Nous étions soixante-dix-neuf de Starobielsk sur quatre mille. Tous nos autres camarades de Starobielsk disparurent sans laisser de trace.

Au camp-goulag de Grazowietz plutôt que de se laisser aller, avec ses amis, il organise des conférences sur les spécialités des différents intellectuels polonais prisonniers. Lui est peintre, il avait découvert l’oeuvre de Proust à Paris et décide donc de le présenter à ses camarades. De mémoire, car bien sûr il n’a pas de livres avec lui, il fait une présentation très fine de « la Recherche ». C’est très émouvant de s’imaginer ces pauvres hommes réduits à la condition de « zek » par la vie dans un goulag russe, écoutant ses conférences :

Je vois encore mes camarades entassés sous les portraits de Marx, Engels et Lénine, harassés après un travail dans un froid qui montait jusqu’à quarante cinq degrés, qui écoutaient nos conférences sur des thèmes tellement éloignés de notre réalité d’alors.
Je pensais alors avec émotion à Proust, dans sa chambre de liège, qui serait bien étonné et touché peut-être de savoir que vingt ans après sa mort des prisonniers polonais, après une journée entière passée dans la neige et le froid qui arrivait à quarante degrés, écoutaient avec un intérêt intense l’histoire de la duchesse de Guermantes, la mort de Bergotte et tout ce dont je pouvais me souvenir de ce monde de découvertes psychologiques précieuses et de beauté littéraire.

Quel plaisir de partager avec lui les souvenirs de cette oeuvre si particulière ! il fait revivre Swann, la duchesse de Guermantes et Bergotte et mieux que je ne saurais le faire, analyse l’importance de Bergson chez Proust en particulier pour cette notion du temps dans son oeuvre. Il balaie d’un revers de plume l’accusation de snobisme (qui d’ailleurs n’est plus guère de mise aujourd’hui). Il trouve même dans la recherche des accents pascaliens, je n’ai pas très bien compris pourquoi. Joseph Czapski est un artiste peintre de talent et il possède une culture personnelle d’un autre temps.

Il replace Proust dans son époque au milieu d’artistes, peintres ou écrivains dont il semble connaître parfaitement les œuvres. Et tout cela de mémoire ! j’ai eu l’impression de retrouver certains grands universitaires qui ont enchanté mes études. Mais eux, avaient des bibliothèques à leur disposition. Lui n’avait que ses souvenirs.

Tous ceux qui lisent avec plaisir Proust aiment entendre parler de leur auteur et seront sensibles à la prouesse intellectuelle de Joseph Czapski et des circonstances de la rédaction de ce court texte.

Citations

L’écrivain vieillissant et la prétention

Ce qui étonne, c’est que Bergotte, comme proche ami de Swann, se met à en dire du mal en voiture, avec beaucoup de finesse, de détachement, de facilité, au jeune garçon qui le voit pour la première fois. Bergotte donne l’occasion à Proust d’étudier avec cet esprit lucide et juste toutes les faiblesses, toutes les petites et grandes lâchetés, tous les mensonges si souvent rencontrés chez les artistes. Nous voyons dans les volumes suivants Bergotte vieilli, à l’époque de sa plus grande renommée, avec sa force créatrice en extinction. Maintenant, quand il écrit des livres de plus en plus rares, de moindre qualité, écrits avec infiniment plus d’efforts et avec ces sentiments de joie et nécessité intérieure bien affaiblis, il aime à répéter la phrase suivante : « Je pense qu’en écrivant ces livres j’ai été utile à mon pays » , phrase qu’il ne disait jamais du temps de ses chefs-d’oeuvre.

Comme je suis d’accord avec cette remarque

Chez Proust nous rencontrons un manque tellement absolu de parti pris, une volonté de savoir et de comprendre les états d’âme les plus opposés les uns aux autres, une capacité de découvrir dans l’homme le plus bas les gestes nobles à la limite du sublime, et des réflexes bas chez les êtres les plus purs, que son oeuvre agit sur nous comme la vie filtrée et illuminée par une conscience dont la justesse est infiniment plus grande que la nôtre.

La France à l’époque de Proust

Cette fin du XIXe siècle d’où découle la vision proustienne, est un moment suprême de l’art. La France produit alors un nombre d’artistes de génie qui, en surmontant toutes les contradictions profondes qui déchirait l’époque, arrivent à un art de synthèse.

Le projet littéraire de Proust

Nous appelons aujourd’hui tous les romans immenses, plus ou moins influencés par la forme de Proust, des romans-fleuves. Mais aucun de ces romans ne répond à cette dénomination à ce point qu’ « À la recherche du temps perdu ». Ce n’est pas ce qu’entraîne le fleuve avec soi : des bûches, un cadavre, des perles, qui représentent le côté spécifique du fleuve, mais le courant même sans arrêt. Le lecteur de Proust, en rentrant dans les flots apparemment monotones, est frappé non par les faits, mais par les personnes telles ou autres, par la vague non arrêtée dans son mouvement de vie même. Le projet primitif de son oeuvre, qu’avait Proust, n’a pas pu être réalisé dans sa forme extérieure d’après son désir. Proust voulait faire paraître cette immense « somme » en un seul volume, sans alinéas, sans marges, sans parties ni chapitres. Le projet sembla absolument ridicule aux éditeurs les plus cultivés de Paris et Proust fut forcé de morcelé son oeuvre en quinze ou seize volumes, avec des titres englobant deux ou trois volumes.

Être prof, c’est être quitté tous les ans, et faire avec.


Il est parfait ce roman, je pense que tous les enseignants vont se retrouver dans ces récits qui décrivent si bien les heurs et malheurs de ce si beau métier. Pour les autres, il reste cette façon tout en pudeur de raconter le quotidien d’un homme de la classe moyenne en France au XXIe siècle. Ce n’est ni tragique ni plein d’espoir c’est juste. Je crois que la façon dont il raconte les différentes réformes de l’éducation nationale permet de comprendre pourquoi la France n’arrive pas à décoller dans les classements internationaux.

Personne n’écoute ce que les profs ont à dire, en revanche ceux qui ont toujours fui l’enseignement au collège ou au lycée pour devenir professeur à l’université ou inspecteur concoctent moult réformes et s’en fichent complètement si celles concoctées par eux l’année d’avant n’a pas encore été évaluée. J’ai beaucoup souri et j’ai été émue aussi lors de cette rencontre de parents d’élèves où lui, le prof d’anglais sûr de ce qu’il à dire se rendra compte du pourquoi de la baisse de régime d’un certain Mathieu lorsqu’il laissera enfin la parole à une maman qui était venu lui donner une explication. Le voyage scolaire à Londres vaut tous les sketchs comiques, et pourtant plus tard il saura que ce même voyage a laissé des souvenirs aux jeunes élèves. Et pas seulement pour la bière. Un livre sympathique qui réconcilie avec l’enseignement sans en faire un métier digne d’un sacerdoce.

Citations

Bien vu !

Il n’y a pas si longtemps, il y avait des mégots partout. C’est fini désormais. Une image, soudain. Moi, dans la cour, en train de fumer avec des élèves de première. C’est comme de la science-fiction.

Ce que les gens retiennent de vous…

Un jour, quand j’étais en sixième, pendant le cours de maths, mon stylo bille bleu m’a explosé dans la bouche et giclé sur mon pull, mon jean, j’étais tout bleu, un vrai Schtroumpf ; l’autre jour, j’ai croisé Francis qui était en classe avec moi, c’était à peu près la seule anecdote dont il se souvenait à mon sujet – comme quoi notre personnalité tient à pas grand chose. Il y a au moins sur terre une personne qui me voit comme Le-mec-qui-mordille-son-stylo-bleu-et-qui-l’explose.
(PS Pour ma meilleure amie je serai toujours celle qui a apporté des œufs durs pour une semaine pour faire des pique-nique, c’est vrai mais j’aimerais tant qu’elle arrête de le raconter !)

Le voyage éducatif

On imagine des souvenirs inoubliables pour les élèves, un temps radieux sur Londres/Oxford/Bath (appelé aussi le triangles des Bermudes des enseignants de langues -ou TBEL pour les initiés de l’Éduc nat)

 Et les familles d’accueil à Londres

On a des problèmes.avec les familles. Il faut changer deux élèves qui dorment sur un Clic Clac dans le salon parce qu’il y a déjà trois Japonais et deux Allemands dans les chambres, et une seule salle de bain. On trouve une solution in extrémistes. Ils viennent habiter avec nous, parce que le fils aîné de notre hôtesse doit passer le reste du séjour en taule pour trafics divers – il y a donc une chambre de libre.

Littéraire ou scientifique

Une première littéraire que tout le monde dénigrait déjà -il y a plus de trente ans maintenant que le scientifique tient le haut du pavé et que les littéraires sont regardés avec un mélange de commisération et de mépris, on se demande bien ce qu’ils pourraient faire après, les littéraires, perpétuels inadaptés à la société dans laquelle on vit, incapable de calculer, de vendre, d’acheter, de revendre, de travers, de sauver le monde, de guérir des patients, créer des machines commerciales un produit s’en mettre plein les poches améliorer le PIB le PNB ou au moins réparer les dents.


J’ai lu ce livre grâce ma sœur , elle avait recherché des lectures sur le thème de l’exil pour son club de lecture. Elle avait été touchée par ce récit tout en fraîcheur de cette auteure. Ce sont, me dit elle et je partage son avis, quelques pages vite lues mais qui laissent un souvenir très agréables. Laura Alcoba se souvient : quand elle avait 10 ans, elle est arrivée à Paris (ou presque, exactement dans la cité de la Voie verte au Blanc-Mesnil). Ses parents sont des rescapés de la terrible répression qui s’est abattue sur les opposante d’Argentine en 1976. Son père est en prison et sa mère réfugiée politique en France. Cela pourrait donner un récit plein d’amertume et de tristesse sauf que cela est vu par une enfant de 10 ans qui veut absolument réussir son assimilation en France, cela passe par l’apprentissage du français. Ce petit texte est un régal d’observation sur le passage de l’espagnol au français, la façon dont elle décrit les sons nasales devraient aider plus d’un professeur de français langue étrangère :

Les mouvements des lèvres de tous ces gens qui arrivent à cacher des voyelles sous leur nez sans effort aucun, sans y penser, et hop, -an, -un, on, ça paraît si simple, -en, -uint, oint( …) que les voyelles sous le nez finissent par me révéler tous leurs secrets -qu’elles viennent se loger en moi à un endroit nouveau, un recoin dont je ne connais pas encore l’existence mais qui me révélera tout à propos de l’itinéraire qu’elles ont suivi, celui qu’elles suivent chez tous ceux qui les multiplient sans avoir, comme moi, besoin d’y penser autant

Elle savoure les mots et veut à tout prix chasser son accent. Il faut aussi toute la fraîcheur de l’enfance pour traverser les moments de dureté dans une banlieue parisienne peu tendre pour les différences, même si ce n’était pas encore les cités avec les violences d’aujourd’hui ce n’est quand même pas la vie en rose que l’on pourrait imaginer en arrivant d’Argentine. J’ai souri et j’ai mesuré l’ironie du destin, en 1978, pour une gentille famille de la banlieue parisienne, la tragédie absolue c’est la mort de Claude François dans l’Argentine de Laura c’est « un peu » différent : la répression a fait près de 30 000 « disparus » , 15 000 fusillés, 9 000 prisonniers politiques, et 1,5 million d’exilés pour 30 millions d’habitants, ainsi qu’au moins 500 bébés enlevés à leurs parents ! Ce livre est bien un petit moment de fraîcheur, et il fait du bien quand on parle d’exil car Laura est toujours positive , cela n’empêche pas que le lecteur a, plus d’une fois, le cœur serré pour cette petite fille.

J’espère que les abeilles viennent butiner les fleurs auprès desquelles j’ai posé ce livre, puisqu’il paraît qu’elles aiment le bleu. (C’est son père qui le lui avait dit avant qu’il ne soit arrêté en Argentine)

Citations

le goût et les couleurs !

Dans l’entrée, un portrait de Claude François repose sur une chaise, juste devant le mur tapissé de fleurs roses et blanches où l’on va bientôt l’accrocher, comme Nadine me l’a expliqué. C’est sa grand-mère qui l’a brodé, au point de croix, dans les mêmes tons pastel que le papier fleuri -c’est aussi sa grand-mère qui a peint le cadre en essayant de reproduire les fleurs de la tapisserie, les pétales toujours ouverts vers le visage du chanteur, comme si, sur le cercle de bois qui l’entoure,toutes les fleurs poussaient dans sa direction. 

Le fromage qui pue

L’essentiel avec le reblochon, c’est de ne pas se laisser impressionner. Il y a clairement une difficulté de départ, cette barrière que l’odeur du fromage dresse contre le monde extérieur.

Son amour de la langue française

J’aime ces lettres muettes qui ne se laissent pas attraper par la vue, ou alors à peine. C’est un peu comme si elles ne montraient d’elles qu’une mèche de cheveux ou l’extrémité d’un orteil pour se dérober aussitôt. À peine aperçues, elles se tapissent dans l’ombre. À moins quelles ne se tiennent en embuscade ? Même si je ne les entends pas, quand on m’adresse la parole, j’ai souvent l’impression de les voir.

L’art épistolaire

Ce qui est bien, avec les lettres, c’est qu’on peut tourner les choses comme on veut sans mentir pour autant. Choisir autour de soi, faire en sorte que sur le papier tout soit plus joli.