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Traduit de l’italien par Daniele Valin

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Après « Le jour avant le bonheur » et « Le Tort du Soldat » voici ma troisième lecture de cet auteur et un vrai coup de cœur . C’est un roman très court, parfaitement écrit qui embarque le lecteur dans le monde de la montagne, des chamois et des braconniers. Plus exactement d’un braconnier qui a consacré sa vie à la chasse, et d’un superbe chamois qui a passé la sienne à l’éviter. Les évocations de la nature sont pleines de charmes et de poésie et sont parfois belles à couper le souffle. Le temps de la lecture on respire un air différent et de cette lutte implacable personne ne sortira vainqueur. J’ai aimé l’écriture économe autant que somptueuse (bravo à la traductrice  !) , ce roman a sa place dans toutes les bibliothèques des amoureux de la nature et les protecteurs du monde animal mais dépasse largement ce cadre. Voilà bien l’illustration du pouvoir de la littérature car ce sont deux sujets qui sont souvent loin de mes préoccupations et pourtant, j’ai tout aimé dans ce roman.

 

Citation

Une bien jolie évocation

Les sabots des chamois sont les quatre doigts d’un violoniste. Ils vont à l’aveuglette sans se tromper d’un millimètre. Ils giclent sur des à-pics, jongleurs en montée , acrobates en descente, ce sont des artiste de cirque pour le public des montagnes. Les sabots des chamois s’agrippent à l’air. Le cal en forme de coussinet sert de silencieux quand il veut, sinon l’ongle divisé en deux est une castagnette de flamenco. Les sabots des Chamois sont quatre as dans la poche d’un tricheur. Avec eux, la pesanteur est une variante du thème, pas une loi.

L homme et le chamois

Le chasseur avait suivi des cerfs, des chevreuils, des bouquetins, mais plus de chamois, ces bêtes qui courent à la perfection au-dessus des précipices. Il reconnaissait une pointe d’envie dans cette préférence. Il avançait sur les parois à quatre pattes sans une once de leur grâce, sans l’insouciance du chamois qui laisse aller ses pieds, la tête haute. L’homme pouvait aussi faire des ascensions bien plus difficiles, monter tout droit là où eux devaient faire le tour, mais il était incapable de leur complicité avec la hauteur. Eux vivaient dans son intimité, lui n’était qu’un voleur de passage.

 

Quelle traversée du 20° siècle et même du début du 21° ! Nous suivons les destinées des membres d’une famille bourgeoise parisienne bien ancrée dans les valeurs chrétiennes et du patriotisme. Les hommes se donnent corps et âmes à leur vocation militaire ou autres et font des enfants à leurs femmes qui élèvent la nombreuse tribu. Tout le talent d’Alice Ferney, c’est de ne pas juger avec nos yeux d’aujourd’hui les engagements d’hier. Elle rend cette famille très vivante et les personnalités des uns et des autres sont crédibles, on s’attache à ces hommes et ces femmes d’une autre époque et pour moi d’un autre monde. On comprend leur destinée, et son but est atteint, on ne peut plus les juger avec nos mentalités d’aujourd’hui. Je reste quand même un peu hésitante sur les guerres coloniales, certes ceux qui n’ont pas accepté la colonisation ont utilisé des façon de faire peu recommandables mais beaucoup en France n’acceptaient pas le colonialisme. Sans doute étaient-ils plus nombreux que ceux qui ont tout de suite compris que Pétain faisait fausse route. Mais peu importe ces détails, cette famille et tous ces membres ont captivé mon attention (comme le prouvent les nombreux passages que j’ai recopiés). Nous passons donc doucement d’une famille attachée aux valeurs royalistes parce que le roi était chrétien à une famille républicaine patriote. Les enfants se bousculent dans des familles nombreuses et pour Alice Ferney c’est de ce nombre que vient une de leur force. On sent qu’elle a un faible que son lecteur partage volontiers pour le cancre de la tribu, Claude, qui finalement avait des talents cachés que le système scolaire n’avait pas su mettre en valeur. Ce roman a été, pour moi, un excellent moment de lecture, sauf les 50 dernières pages, qui sont répétitives et qui ne rajoutent rien au roman. On sent qu’il y a à la fois trop de personnages et que l’auteur n’a plus grand chose à ajouter puisqu’elle n’a pas voulu faire entrer cette famille dans le 21° siècle. Cette époque où la réussite des femmes ne se mesure plus au nombre de leurs enfants ni à la réussite de ces derniers, mais plutôt à leur épanouissement qui passe aujourd’hui par une carrière et un rôle social en dehors de la famille.

 

Citations

 

Le café du mort

Jérôme Bourgeois n’était plus. Sa tasse pleine fumait encore et il ne la boirai pas. Peut-on boire le café d’un mort, si on le fait pense-t-on ce qu’on pense habituellement d’un café ( il est froid, il est trop sucré, trop fort, il est bon) et si on ne le fait pas, que pense-t-on au moment de le jeter dans l’évier ? Je me le demanderais en songeant à ce détail, parce que je connais cette éducation qui interdit de gâcher et que la génération de Jérôme l’avait reçue. Mais non, penserais-je, dans l’instant où quelqu’un vient de mourir personne alors ne boit plus, le temps de la vie se suspend, le trépas accapare l’attention, l’aspire comme un trou noir la matière cosmique,et tout le café de ce jour funeste est jeté. 
 

Un beau portrait 

 
Jérôme fut résolument français et provincial. Il ne fut pas médecin du monde, il fut médecin de son monde : il soigna les gens du coin. C’était peut-être moins glorieux, personne d’ailleurs ne lui remit de décoration, mais ce fut bon pour ceux qui étaient là. Généraliste, Jérôme recevait tous ceux qui le demandait : les personnes âgées solitaires et les nourrissons avec leur mère, les enfants qui était à l’école avec « ceux du docteur » et venait se faire soigner en même temps que jouer chez lui, les ouvriers, les derniers agriculteurs, les commerçants, les notables. Il n’en n’avait jamais assez des gens, ils disaient oui je vous attends. Parfois on le payait en nature, un pain, une poule, un lapin. Clarisse embarquait l’animal à la cuisine. Jérôme avait accepté le suivi médical des détenus de la prison voisine. C’était le temps Michel Foucault militait. Jérôme ne lisait pas le théoricien des châtiments, il pénétrait dans la détention. Pas un appel d’autrui qu’il n’entendît . Quand on se donne à dévorer aux autres, on n’a jamais le temps de s’inquiéter pour soi. Jérôme était une énergie en mouvement.
 

Les familles nombreuses 

 
 
Être dix, c’était avancer dans la vie comme une étrave avec derrière soi le tonnage d’une énorme famille. C’était une force inouïe, la force du nombre. C’était se présenter devant le père avec l’encouragement des autres, et s’agglutiner autour de la mère dans la chair des autres, et goûter à la table des autres. C’était ne se sentir jamais seul mais aussi être heureux quand par miracle on l’était, séparé soudain de l’essaim, dans un silence éblouissant auprès d’une mère disponible. C’était exister dans dix au lieu de n’être qu’en soi. C’était avoir grandi à la source de la vie, dans sa division cellulaire, spectateur de l’apparition d’autrui. Je n’ai connu maman enceinte, remarque souvent Claude.
 

Tellement vrai

 
 
Ils seraient les représentants d’une époque et d’un milieu typiquement bourgeois, parisien,catholique,très « Action française  » comme on le dit maintenant, avec la sévérité de ceux qui viennent après et n’ont guère de mérite, puisqu’ils savent où mènent certaine idées et que l’Histoire a jugé. 
 

Henry Bourgeois né en 1895

À l’âge adulte, Henri fut toujours du côté de l’église plutôt que de celui de l’état. Il répétait ces préventions à qui voulait l’entendre :  » En affaires il y a une personne à qui il ne faut pas faire confiance, c’est l’état ». Entrepreneur, chef de famille qui avait l’ élan d’un chef de bande, Henri avait la haine de cette puissance changeante. Sa préférence allait à un guide spirituel plutôt que politique. En En somme, laïcisé, le monstre froid ne l’intéressait plus.
 

Collaborer résister 

Le sens exacerber de la discipline et une chose concrète et la condition sine qua none du métier militaire. Aucun Bourgeois ne l’ignorait. On ne transige pas avec l’obéissance sauf si elle réclamait des actes contraires à l’honneur. L’honneur était une grande valeur. Or à cette aune qu’est-ce que c’était qu’émigrer ? S’enfuir comme un malpropre ? Abandonner le pays et le peuple dans un désastre ? Ainsi pensait Jean à l’âge de 19 ans. Mers-el-Kébir ne fit qu’aviver son amour pour la France, sa défiance de l’Angleterre, sa confiance dans la légitimité de Vichy. Il est possible de le comprendre si l’on parvient à ne pas lire juillet 1940 à la lumière d’août 1945.
 

Le sport

 
Le sport n’était pas encore une pratique répandue chez les Bourgeois. On appréciait pas tout ce qui allait avec : les tenues décontractées, la sueur, les vestiaires collectifs et la promiscuité. La préférence était donnée aux rites sacrés ou anciens, comme la messe, le déjeuner dominical et les partie de campagne à Saint-Martin. On y restait entre soi, dans une société choisie et connue, alors que les associations sportives mêlaient des populations hétérogène. En un mot, le sport c’était populaire. C’était le Tour de France. C’était plouc ! C’était rustre. Cette opinion effarouchée c’était évidemment formée en vase clos et à distance .
 

Portrait et révélation d’une personnalité 

 
Claude accompagnait le président partout. Il était ses yeux. Il lui décrivait tout ce qu’il voyait, ce qui est aussi une manière d’accroître sa propre attention. 
– Dites-moi un peu plus sur ses déchets, demandait le président. 
Et Claude décrivait les déchets. Au fond et sans le savoir, il pratique et le difficile exercice qu’on appelle en grec « ekphrasis ». Quoi de plus formateur pour apprendre à regarder, à connaître et à exprimer ? Claude trouva en lui quelque chose qu’il ignorait, le talent.
Chez le président, il trouva l’expérience. Un jour, dans l’avion pour Casablanca, Claude lui lisait le journal. Quels sont les titres aujourd’hui ? demandait Jean Émile Gugenheim. Puis informé de tout : lisez moi tel et tel l’article. Un entrefilet ce jour-là raconter comment un fonctionnaire soudoyé pour l’obtention d’un contrat avait rendu l’argent. Le journaliste vantait l’honnêteté et se réjouissait de sa persistance. Claude fit de même. Jean Émile Guggenheim s’amusa de ses naïvetés.
– Pourquoi riez-vous ? demanda Claude
– Il n’y avait pas assez dans l’enveloppe !
. Le président connaissait la nature humaine. Il n’en concevait ni désolation, ni épouvante, mais composait , et parfois il se divertissait de ce qu’elle fût si immuable et prévisible.
 
 
 
 
 
 
 
 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.  Cela faisait un moment que mes lectures ne me menaient pas vers un plaisir total. J’adore, quand je lis retrouver tout ce qui a enchanté mon enfance :

  • Une langue qui fonctionne bien et qui, ici, est très belle.
  •  Une histoire qui me bouleverse.
  • Partir dans des contrées que je ne connais pas très bien
  • Me retrouver dans les sentiments décrits par l’auteur.

Il y a tous ces ingrédients dans cette histoire et plus encore. L’auteur a voulu retrouver qui était Jacob, cet oncle qui est mort en Alsace en libérant la France de l’occupant Nazi. Comment ce jeune juif de 19 ans, n’ayant vécu qu’à Constantine s’est-il retrouvé dans l’armée de de Lattre de Tassigny ? Valéry Zenatty a cherché, elle peut ainsi nous faire vibrer aux souffrances de ces familles juives algériennes plus proches des arabes que des français. Pétain leur retirera la nationalité et leur interdira même d’aller à l’école, mais lors de l’indépendance de l’Algérie, toute sa famille et sans doute tous les juifs viendront vivre en France. Cette famille est très pauvre et dominée par des hommes violents et rudes. L’amour des femmes pour leurs enfants passe par la cuisine, des petits plats qu’elles préparent pour eux, plus que par des paroles ou des gestes. Cette auteure sait décrire l’atmosphère de cette maison si pauvre où la famille s’entasse dans une seule pièce. Jacob peut survivre grâce à la culture qui ne lui servira à rien dans l’armée, mais lui, simple soldat de seconde classe fera le malheur de sa mère en décédant sur le front. Une jeune femme écrivaine de sa descendance lui aura rendu toute son âme et aurait permis à sa mère, si elle avait été encore en vie, d’être fière de son dernier né tant aimé. Dans ce roman, Victor Hugo est cité et ces quelques vers correspondent exactement à ce que l’on ressent :

« Vous qui ne savez pas combien l’enfance est belle
Enfant ! N’enviez point notre âge de douleur,
Où le cœur est tour à tour esclave et rebelle,
 Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs. »

   

Citations

 

Chez lui

Ce serait comme à la maison depuis le jour où il avait découvert que personne ne pouvait deviner ce qu’il pensait, il y avait une voix qu’il était le seul à entendre. Elle avait commencé par dire je n’aime pas le ragoût de cardes, les chardons, c’est bon pour les mulets, puis je n’aime pas les grimaces stupides de la tante Yvette, sa façon de rouler des yeux comme une chouette folle, je n’aime pas les cris de mon père, sa main qui s’abat sur qui le contrarie, qui le provoque, qui ose le contredire, je n’aime pas la peur que je vois parfois sur le visage de ma mère, je n’aime pas cet appartement où il y a du monde, tout le temps, du bruit, tout le temps, la voix avait ajouté je préfère l’école, monsieur Bensaid est plus gentil que papa, mademoiselle Rouvier est plus jolie que maman, il ne se passait rien de grave, il n’était pas puni, ça restait dans sa tête, c’était des mots de silence, il faisait ce qu’on attendait de lui, m’interrompait pas les adultes, les contredisaient encore moins, aidait sa mère à porter les paniers au marché, suivait son père et Abraham à la synagogue, faisait les mêmes gestes qu’eux, ils lui caressaient la tête parfois en disant qu’il était un bon garçon, il jouait avec la poussière qui dansait dans les rayons du soleil, s’interrogeant sur ce que l’ œil voit, mais que la main ne parvient jamais à saisir.

L’armée et la poésie

Pourtant Monsieur Baumert leur avait dit que la poésie résiste à tout, au temps, à la maladie, à la pauvreté, à la mémoire qui boîte, elle s’inscrit en nous comme une encoche que l’on aime caresser, mais les vers, ici, ne trouvent pas leur place, ils jurent avec les uniformes, sont réduits au silence par les armes et le nouveau langage aux phrases brèves et criées qui est le leur. Monsieur Baumert leur a menti, ou s’est trompé, les heures passées à mémoriser des poèmes n’ont servi qu’à obtenir de bonnes notes, et le sergent-chef se fiche de leurs notes, il aurait même tendance à humilier un peu plus ceux qu’il appelle les fortes têtes et qui était au paravent des élève studieux. Il préfère les soldats qui truffent leurs phrases de fautes, sauf ceux qui sont musulmans et qu’il appelle les bougnoules, et il les corrige en éclatant de rire, les affublant de surnoms qui le ravisse, Fatima, Bourricot, Bab-el-Oued, et quand il perçoit un rougissement déferler sous la peau brune, il pose sa main sur l’épaule du soldat humilié pour dire, je rigole, parce que je sais que tu as le sens de l’humour, tu es un bon gars, tu te bats pour la France, et la France te le rendra.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard Voici mon deuxième auteur de ma famille affective. C’est encore d’un deuil dont il s’agit, celui de son frère. Ils sont quatre garçons, dans la famille, Daniel a partagé pendant onze ans sa chambre avec son frère de quatre ans son aîné. C’était le préféré de la famille, et comme il le lui avouera plus tard ce n’est pas toujours facile de porter ce titre sur ses épaules. Lui, Daniel, c’est celui qui rate l’école dans une famille ou être reçu à une grande école , si possible polytechnique était la règle, ce n’était pas facile non plus. Mais Daniel avait Bernard qui d’une simple phrase savait le rassurer. Quand l’enfant rentre très triste avec de très mauvaises notes, et qu’il hurle de colère le plus fort qu’il le peut : « je suis con, je suis con » d’une voix douce son frère lui répond

– Mais non, si tu étais con, je le saurais !

Citations

Manger ou dîner ?

L’heure tournant, je me lavais :
– Bon, ce n’est pas tout ça mais il faut qu’on y aille, on va manger chez les R.
Ma tante me regarda comme si elle avait avalé son dictionnaire. 
-Mais non, voyons, vous allez « dîner », chez les R.
Mon frère tempera doucement. 
-Oui, et tu connais Daniel, il en profitera certainement pour manger quelque chose. Toute notre vie je me suis alimenté à son humour.

Vocation ?

Il était ingénieur en aéronautique, spécialiste des vibrations. Il aurait préféré les eaux et forêts, les arbres, les animaux. Il aurait fait un bon éthologue. Des concours d’entrée en décidèrent autrement. Ainsi va la vie dans certaines familles qui ont accès aux grandes écoles, recalé à ce concours ci, reçu à celui-là, tu aurais aimé t’occuper d’oiseau, tu t’occupes d’avion. La préférence ? Qu’est-ce que ce caprice, au regard du rang à tenir ?

Humour

La probabilité jouait un grand rôle dans sa vie, le pire étant sûr -question de probabilités-, il n’y avait aucune raison de dramatiser. Nous échangions beaucoup de blagues autour de la probabilité. La veille de mon permis de conduire il me conseilla de convaincre l’inspecteur qu’il valait beaucoup mieux traverser les carrefour à cent quatre-vingt à l’heure qu’à vingt
 – Neuf fois moins de chances de percuter un autre véhicule, Monsieur l’Inspecteur.

Le couple

C’est donc l’histoire d’un couple, me disais-je, où le mari ne m’aura jamais dit de mal de sa femme qui ne m’en n’aura jamais dit du bien.

Ce jour je vais publier deux romans de deux auteurs pour lesquels j’éprouve de l’affection. Cela ne se dit pas, sauf sur un blog. Tous les deux font partie de ma famille de lectures, et tous les deux racontent le deuil. Je lis tous les livres de cet auteur qui me tombent sous la main, celui-là c’est la souris jaune qui me l’a conseillé, qu’elle en soit remerciée. C’est un très beau livre, qui explique bien des failles et des difficultés d’être à fond dans la vie qui sont évoquées dans tous les livres de Jean-Philippe Blondel. Lorsqu’il avait 18 ans un accident de voiture a tué sa mère et son frère, c’est son père qui conduisait et celui-ci meurt quatre ans plus tard. Plombé par ces deux tragédies, le narrateur très proche de l’auteur, sans aucun doute, a bien du mal à trouver l’envie de « rester vivant » . Avec beaucoup d’humour et en restant très pudique, il arrive à nous faire comprendre et partager sa souffrance. Ce que j’apprécie chez lui, c’est que jamais il ne s’apitoie sur lui, jamais il ne fait pleurer sur son sort. Sa vision de l’Amérique est original et tout en suivant une chanson de Lloyd Cole Rich qui l’amènera à Morro Bay.  Mais aussi à Las Vegas où il a bien failli se perdre lui et et aussi Laura et Samuel. Ce sont ses amis et leur trio est compliqué, Laura c’st son ex qui est maintenant la petite amie de Samuel qui est son ami pour toujours. Ce road movie lui permet de faire des rencontres intéressantes et même la loueuse de voiture qui semble d’un banal achevé se révélera plus riche qu’il ne s’y attendait. Bien curieuse famille où lui était l’enfant raté à côté du frère parfait qu’il entendait pourtant pleurer très souvent la nuit dans son lit. la chanson qu’ils ont chanté pendant leur voyage à propos de laquelle il dit

Je devrais écrire un mail à Lloyd Cole. Je commencerai par « Tu vois, Lloyd, un jour, j’y suis allé, à Morro Bay ». Un jour, j’en suis revenu aussi. Et après, la vie a repris ses droits.

 

Citations

Style

Nous restons un moment comme ça, inutiles, sur le trottoir. Il n’y a presque personne dans les rues de la ville. On est un vendredi 2 mai. Le nuage de Tchernobyl s’est arrêté au frontière française. Il fait bon. Je sens des picotements dans mes mains et dans mes pieds. Je remarque une tache de peinture rouge sur le mur d’en face. Samuel se dandine d’une jambe sur l’autre. Il demande ce qu’on fait maintenant. Je veux voir du monde. Sentir la sueur et l’alcool. Nous optons pour le seul café qui reste ouvert jusqu’à trois heures du matin. En marchant, j’oublie que je sors de l’hôpital, j’oublie que je devais me faire opérer le lendemain, j’oublie que mon père est mort sur une route de campagne. La seule chose dont je me souviens, c’est que j’ai vingt deux ans ans.

Le deuil

Nous avons pris la voiture tous les quatre, au grand dam de mon oncle – qui ne voyait pas ce que Samuel avait à voir avec tout ça. Laure, encore, à la limite. Mais Samuel, non. J’ai simplement dit : » Il vient aussi. » Et tout le monde a obéi. Être le roi du malheur, ça a quand même des avantages. Les sujets se plient de mauvaise grâce à vos désirs, mais ils n’ont pas assez de cran pour vous contredire.

Une vision originale de Las Vegas

Je me sens instinctivement bien à Las Vegas.

C’est le centre du monde de l’oubli.

Traduit de l’américain par Mathilde Bach   Bien présenté par mes blogs préférés, je savais que je lirai à mon tour ce roman de 952 pages (en édition poche). Aucune déception et un coup de cœur pour moi, je rejoins Keisha, Jérôme, Kathel pour dire que ce premier roman de Nathan Hill est un coup de maître. Son seul défaut est d’avoir voulu tout raconter l’Amérique qui va mal en un seul roman. Tout ? pas complètement puisque le racisme n’y est pas évoqué. Le fil conducteur est tenu par Samuel abandonné par sa mère à l’age de 11 ans, il est devenu professeur de littérature dans une petite université, le roman raconte sa quête pour retrouver et comprendre sa mère. Il fera face d’abord à une certaine Laura, étudiante qui a mis le principe de la triche au cœur de son activité intellectuelle ; puis, on le voit passer son temps à jouer dans un monde virtuel où il tue, des nuits entières, des dragons et des orques, on découvre grâce à cela l’univers des joueurs « drogués » par les jeux vidéo. À cause de cette passion nocturne il est bien le seul à ne pas savoir que sa mère fait le « buzz » sur les réseaux sociaux. On la voit sur une vidéo qui tourne en boucle jeter des cailloux sur sur un candidat à la présidence des Etats-Unis, un sosie de Trump, un certain Parker qui ressemble tant au président actuel. Pour que Samuel comprenne le geste de sa mère, il faudra remonter aux événements qui ont secoué Chicago en 1968 et pour mettre le point final à cette longue quête retrouver les raisons qui ont fait fuir la Norvège au grand-père de Samuel en 1941. Toutes les machinations dont sont victime Samuel et sa mère ne sont finalement l’oeuvre que d’un seul homme qui a tout compris au maniement des médias et à celui des foules ? Je ne peux pas en dire plus sans divulgâcher l’intrigue romanesque. Mais pour moi ce n’est pas l’essentiel, ce qui m’a complètement accrochée, c’est le talent de Nathan Hill pour décrire différentes strates de la société nord-américaine. Quand il nous plonge dans le monde des joueurs complètement drogués aux jeux vidéo, on sent qu’il s’est parfaitement renseigné sur leurs habitudes et le roman devient pratiquement un documentaire, je ne savais pas que l’on pouvait s’enrichir en vendant des objets virtuels qui n’existent que dans un jeu. Les mœurs des étudiants américains nous sont plus familières : il y a du Philippe Roth dans les ennuis de Samuel avec le politiquement correct de l’université mené par une étudiante qui préfère tricher plutôt que travailler. Les entreprises américaines qui se soucient si peu de leurs employés, la police de Chicago qui, en 1968, s’est comportée plus comme une milice néo-fasciste que comme une police d’une grande démocratie, et les manœuvre des candidats à la présidence des Etats-Unis tout cela enrichit le roman peut être trop ? Je remarque que plus les romans français s’allègent plus les romans nord-américains s’allongent.  

Citations

Portrait

Il sait bien à quel point c’est désagréable et condescendant de corriger la grammaire de quelqu’un dans une conversation. C’est du même ordre que d’être à une fête et relever le manque de culture de son voisin,c’est d’ailleurs précisément ce qui est arrivé à Samuel lors de sa première semaine à l’université. Dans un dîner de présentations organisé chez la doyenne de l’université, sa patronne,une ancienne prof de Lettres qui avait grimpé les échelons administratifs un à un. Elle avait bâti le genre de carrière académique tout à fait typique  : elle savait absolument tout ce qu’il y avait à savoir dans un domaine extraordinairement restreint (sa niche à elle, c’était la production littéraire pendant la Grande Peste) . Au dîner, elle avait sollicité son avis sur une partie spécifique des « Contes de Canterburry », et, lorsqu’il avait hésité, s’était écriée, un peu trop fort :  » Vous ne l’avez pas lu ? Oh, ça alors, doux Jésus. « 

Le produit livre

Je construit des livres. C’est surtout pour créer une valeur. Un public. Un intérêt. Le livre, c’est juste l’emballage, le contenant….ce qu’on crée en réalité, c’est de la valeur. Le livre,c’est juste l’une des formes sous lesquelles se présente cette valeur, une échelle, un emprunt.

Hypocondriaque

Il était d’une franchise et d’une impudeur totales sur les détails de son état. Il parlait comme les gens atteints d’une maladie terrible, de cette manière qu’a la maladie d’éclipser toute notion de pudeur et d’intimité. Racontant par exemple son désarroi en matière de priorité quand il avait la diarrhée et la nausée  » en même temps »

Les nouvelles mode pour les régimes alimentaires américaines.

Je vais commencer un nouveau régime bientôt. Le régime pléisto . T’ en as entendu parler ?
-Nan.
-C’est celui où tu manges comme au pléistocène. En particulier l’époque tarentienne, dans la dernière période glaciaire. – Comment on sait ce qu’ils mangeaient au pléistocène  ?
-Grâce à la science. En fait, tu manges comme un homme des cavernes, sauf que t’as pas à t’inquiéter des mastodontes. Et en plus, c’est sans gluten. L’idée, c’est de faire croire à ton corps que tu as remonté le temps, avant l’invention de l’agriculture.

Mœurs capitalistes aux USA

Sa société déposa le bilan. Et ce, malgré le mémo qu’elle avait diffusé auprès de ses employés deux jours seulement auparavant, annonçant que tout allait pour le mieux, que les rumeurs de faillite étaient exagérées, qu’ils ne devaient en aucun cas vendre leurs actions, voire qu’il pouvait même penser en acquérir davantage vu leur dévaluation actuelle. Henri l’avait fait, il y avait appris par la suite qu’au même moment leur PDG revendait toutes ses parts. Toute la retraite de Henry était ainsi passée dans un tas d’actions qui ne valaient plus un clou, et lorsque la société sortit de la faillite et émit de nouvelles actions, elle ne furent proposées qu’au comité exécutif et aux gros investisseurs de Wall Street. Henri se retrouva donc sans rien. Le confortable bas de laine qu’il avait mis des années à remplir s’était évaporé en un seul jour.

Tricher

Et cependant, même de cela elle doutait, car si ce n’était pas grave qu’elle triche pour un devoir, alors dans ce cas pourquoi ne pourrait-elle pas tricher pour tous les devoirs. Ce qui était un peu embêtant car l’accord qu’elle avait passé avec elle-même au lycée quand elle avait commencé à tricher, c’est qu’elle avait le droit de tricher autant qu’elle voulait maintenant à condition que plus tard, quand les devoirs deviendraient vraiment important, elle se mette à travailler pour de vrai. Ce moment n’était pas encore arrivé. En quatre ans de lycée et une année d’université, elle n’avait rien étudié étudier qu’elle puisse qualifier de vraiment important. Donc elle continuait à tricher. Dans toutes les matières. Et à mentir. Tout le temps. Sans le moindre sentiment de culpabilité.

Fin d’une discussion avec une étudiante qui a copié son de voir sur internet

Laura sort en trombe de son bureau et,une fois dans le couloir, se retourne pour lui crier dessus : « Je paie pour étudier ici ! Je paie cher ! C’est moi qui paie votre salaire,vous n’avez pas le droit de me traiter comme ça ! Mon père donne beaucoup d’argent à cette école ! Bien plus que ce que vous gagnez en un an ! Il est avocat et vous allez avoir de ses nouvelles ! Vous êtes allé beaucoup trop loin ! Vous allez voir qui commande ici »

Humour

Tu serais étonné du nombre de médicaments très efficaces qui ont été développés à l’origine pour traiter les problèmes sexuels masculins. C’est, concrètement, le moteur principal de toute l’industrie pharmaceutique. Remercions le Seigneur que les dysfonctionnement sexuel masculin existent.

La retraite

Tous les endroits semblaient aussi horribles les uns que les autres, car ce qu’on ne dit jamais sur les voyages à la retraite, c’est que pour en profiter il faut pouvoir supporter un minimum la personne avec qui vous voyagez. Et rien que d’imaginer tout ce temps passé ensemble, en avion, au restaurant, dans des hôtels. Sans jamais pouvoir échapper l’un à l’autre, le côté de leur arrangement actuel était qu’il pouvait toujours prétendre que la raison pour laquelle ils se voyaient si peu, c’était qu’ils avaient des emplois du temps chargés, pas qu’ils se détestaient cordialement.

Un concerto dont il est question dans ce roman

Max Bruch n’a pas reçu un centime pour cette oeuvre

Traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Avant les camps, nous ne savions pas discerner l’éphémère de l’immuable. À présent nous avons eu notre compréhension des choses.

J’ai déjà lu, et j’avais été très touchée par l’Histoire d’une Vie, le décès de Aharon Appenfeld en janvier 2018 a conduit notre bibliothécaire à mettre ce livre au programme de notre club. Cette lecture est un nouvel éclairage sur la Shoah. L’auteur y rassemble, en effet, ses souvenirs sur les quelques mois après la libération des camps de concentration. Nous suivons Théo Kornfeld qui veut retrouver sa maison familiale en Autriche. Dans des chapitres très courts, le jeune homme raconte son errance à travers une Europe ravagée par la guerre, et sa volonté de retrouver son père et surtout sa mère, il est peu à peu envahi par ses souvenirs d’enfance. Avant la guerre, sa mère, visiblement bipolaire, entraîne son fils dans tous les lieux où l’on peut écouter des concerts de Bach en particulier les monastère chrétiens et petites chapelles isolées même si elle en est parfois rejetée comme « salle juive ». Elle entraîne aussi son mari vers une faillite financière, lui qui travaille comme un fou pour satisfaire tous les besoins de sa trop belle et fantasque épouse. L’errance de Théo à peine sorti de son camp, lui fait croiser les « rescapés ». Chaque personne essaie de retrouver une once de dignité pour repartir vers d’autres horizons. C’est terrible et chaque vie révèle de nouvelles souffrances, je pense à cette femme qui s’installe sur le bord de la route pour apporter des soupes chaudes et réconfortantes aux personnes qui viennent d’être libérées et qui sont sur les routes. Elle ne peut pas se remettre d’avoir empêché sa sœur et ses deux nièces de s’exiler en Amérique avant l’arrivée des nazis, elles sont mortes maintenant et en nourrissant les pauvres ères échappés à la mort elle essaie d’oublier et de revivre. Entre rêve et hallucination, Théo livre un peu les horreurs dont il a été témoin, et surtout il redonne à chacune des personnes dont il se souvient une personnalité complexe qui ne se définit pas par le numéro gravé sur son bras, ni par sa résistance ou non aux coups reçus à longueur de journée. Tout ce que raconte Théo se passe dans une atmosphère entre rêve et réalité, il est trop faible pour avoir les idées très précises et les souvenirs de l’auteur viennent de si loin mais ils ne se sont jamais effacés c’est sans doute pour cela qu’il dit de ses journées qu’ils sont « d’une stupéfiante clarté ». Un livre qui vaut autant par la simplicité et la beauté du style de l’auteur que par l’émotion qu’il provoque sans avoir recours à un pathos inutile, ici les faits se suffisent à eux mêmes.    

Citations

 

L’enfance du narrateur avant la Shoah

Tandis que ses camarades de classes étaient rivés à leur banc dur, sa mère et lui voguaient sur des rails lisses, avalant de longues distances dans des trains luxueux. Le père était inquiet, mais il n’avait pas la force de stopper un désir si puissant. Il enfouissait sa tristesse dans la librairie, jusque tard dans la nuit.
Il essayait parfois d’arrêter la mère.  » Le petit n’est pas allé à l’école depuis une semaine. Ses notes sont catastrophiques. »
– Ce n’est pas grave, ce qu’il perçoit durant le voyage est plus important et l’armera pour la vie. »
-Je baisse les bras, concluait Martin en reconnaissant sa défaite

Passion ou folie de sa mère

La vieille Matilda dispensait bon sens et quiétude. Considérant d’un œil réprobateur la passion de la mère pour les églises les monastères, elle la sermonnait : »Tu dois aller prier à la synagogue. Les prières atteignent leur destinataire lorsqu’on suit le rite de ses ancêtres. »
Mais la mère rétorquait que dans les synagogues il n’y avait ni sérénité, ni musique, ni images bouleversantes, le plafond était nu et le cœur ne pouvait s’exalter.

L’après guerre

Le lendemain il s’engagea sur une route large et lisse, en direction du nord. Un camion était couché après un virage, moteur pointé vers le ciel, donnant à l’habitacle une expression de mort veines. Théo le contempla un instant avant de se dire qu’il trouverait sûrement de dans un briquet des cigarettes fines.
 Des accessoires militaires étaient éparpillés au milieu de boîte en carton et de bouteilles de bière qui avait été projeté de toutes parts.

 La langue des camps

Au camps, on parlait une autre langue, une langue réduite, on utilisait que les mots essentiels, voire plus de mots du tout. Les silences entre les mots était le vrai langage. Un jour, un compagnon de son âge, pour qui il avait de l’estime, lui avait confié : « J’ai peur que nous soyons muets lorsque nous serons libérés. Nous n’avons presque plus de mots dans nos bouches. »

 

Traduit de l’anglais (Écosse) par Aline Azoulay-Pacvõn. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.    Ces deux romans écossais se suivent et ont des points communs. Tous les deux retracent le parcours d’enfants martyrs. Ce roman-ci ne le dit pas immédiatement, nous suivons d’abord la vie d’Eleanor et nous pouvons alors penser qu’il s’agit d’un roman que l’on dit « fell good », le genre est bien représenté chez nos amis britanniques. Cette jeune femme, sans être autiste possède cette qualité ou ce défaut de dire la vérité telle qu’elle lui apparaît et aussitôt qu’il lui semble important de la dire, c’est à dire tout de suite et surtout, elle n’a aucun des codes qui facilitent la vie en société. Évidemment, cela ne lui apporte pas que des amis. elle vit seule et est enfermée dans des manies de vieilles filles. Voilà qu’elle tombe amoureuse d’un jeune et beau chanteur et pour ses beaux yeux (les yeux ont une importance que l’on découvre plus tard) sa vie va basculer elle se fait épiler, achète des vêtements à la mode, va chez le coiffeur…. Sa mère avec qui elle s’entretient régulièrement lui donne de bien curieux conseils et surtout rabaisse sa fille à la moindre occasion. Dis comme ça, je n’imagine pas que vous ayez envie de lire ce roman. Mais ce n’est que l’apparence de ce roman. Derrière cette façade qui va se lézarder bien vite apparaît une toute autre histoire, triste à sangloter. C’est très bien raconté et hélas crédible. Les indices de l’autre histoire sont distillés peu à peu dans le roman et deviennent au trois quart le cœur même du récit. On comprend alors le drame d’Eleanor, on voudrait tant faire partie de ceux qui peuvent la consoler ces gens dans le récit existent, elle va peu à peu les rencontrer. J’ai beaucoup apprécié que ces personnes positives ne soient pas trop idéalisées, elles aussi ont leurs problèmes et leurs imperfections. On espère aussi qu’elle apprendra à se protéger de la perversité et de la méchanceté et qu’enfin, elle saura aller vers des personnes qui ne la détruiront plus. Son regard naïf impitoyable sur les comportements humains sont souvent très drôles et cela permet d’aller au bout des révélations qu’Eleanor avait enfouies au plus loin de son inconscient. Cela fait si mal parfois de se confronter à la réalité. J’ai quelques réserves sur ce roman et pourtant je l’ai lu très vite, à la relecture les indices qui fourmillent m’ont un peu gênée. J’ai beaucoup hésité en 3 ou 4 coquillages. Finalement j’en suis restée à 3 car je préfère le précédent sur un thème assez semblable. Aifelle est beaucoup plus positive que moi donc à vous de décider.  

Citations

Méconnaissance des codes sociaux

Au final, mon projet Pizza s’est révélée extrêmement décevant. L’homme s’est contenté de me coller une grande boîte en carton dans les mains, de prendre mon enveloppe, et de l’ouvrir sans égard pour moi. Je l’ai entendu marmonner dans sa barbe « putain de merde » en comptant son contenu. J’avais amassé des pièces de 50 pence dans un petit plat en céramique, c’était l’occasion idéale de les utiliser. J’en avais glissé une de plus pour lui mais n’ai reçu aucun merci. Grossier personnage.

On connait ce genre de rire

Elle a l’art de se faire rire tout seul, mais personne ne s’amuse beaucoup en sa compagnie.

C’est bien vrai !

J’ai remarqué que la plupart des personnes qui portent des tenues de sport dans la vie de tous les jours sont les moins susceptibles de pratiquer une activité athlétique.

Toute vérité est-elle bonne à dire ?

-Je peux aller vous chercher un verre, a hurlé l’homme essayant de couvrir le morceau suivant… 
-Non merci, ai-je dit Je préfère refuser, parce que si j’acceptais, il faudrait que je vous offre un verre en retour, et je crains de ne pas avoir envie de passer en votre compagnie le temps nécessaire à vider deux verres.

Le travail de graphisme

J’ai cru comprendre que les clients étaient souvent incapables d’exprimer leurs besoins et que, au bout du compte, les designers devaient élaborer leurs créations à partir des vagues indices qu’ils parvenaient à articuler. Après de nombreuses heures de travail effectuées par toute une équipe de créatifs, le résultat était soumis à l’approbation du client, qui déclarer alors. « Non. C’est exactement ce que je ne veux pas. »

Le processus tortueux devait se répéter plusieurs fois avant que le client ou la cliente finissent par se déclarer satisfait du résultat. À tous les coups, disait Bob, la création validée était plus ou moins identique à la première œuvre proposée, rejetée d’emblée par le client.

J’ai ri !

Sans doute pour libérer des places de parking le crématorium et à un endroit très fréquenté. Je n’étais pas sûre d’avoir envie d’être incinérée. Je préférais l’idée de servir de nourriture aux animaux du zoo, ce serait à la fois proenvironnementale et une belle surprise pour les grands carnivores. Je ne savais pas si on pouvait faire cette demande. Je me suis promis d’écrire au WWF pour me renseigner.

  Traduit de l’anglais écosse par Céline Schwaller  Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard Véritable coup cœur pour moi que je n’explique pas complètement. Je vais énumérer ce qui m’a plu :

  • J’ai retrouvé l’ambiance des films britanniques que j’apprécie tout particulièrement au festival de Dinard.
  • J’ai adoré les sentiments qui lient les deux héroïnes, deux sœurs différentes mais qui s’épaulent pour sortir de la mouise.
  • Je suis certaine que, lorsqu’on va mal, la beauté de la nature est une source d’équilibre.
  • Les personnages secondaires ont une véritable importance et enrichissent le récit.
  • La mère va vers une rédemption à laquelle on peut croire.
  • La fin n’est pas un Happy-End total mais rend le récit crédible.
  • Le caractère de la petite est drôle et allège le récit qui sinon serait trop glauque.

Voilà entre autre, ce qui m’a plu, évidemment la survie dans la nature encore sauvage des Highlands est difficile à imaginer, pour cela il faut deux ingrédients qui sont dans le roman. D’abord un besoin absolu de fuir la ville et ses conforts. Sal l’aînée en fuyant l’horreur absolue de sa vie d’enfant a commis un geste qui ne lui permet plus de vivre chez elle. Il faut aussi que les personnes soit formées à la survie en forêt, et Sal depuis un an étudie toutes tes façons de survivre dans la nature. Malgré ces compétences, les deux fillettes auront besoin d’aide et c’est là qu’intervient Ingrid une femme médecin qui a fui l’humanité elle aussi, mais pour d’autres raisons. Sa vie est passionnante et c’est une belle rencontre. C’est difficile à croire, peut-être, mais j’ai accepté ce récit qui est autant un hymne à la nature qu’un espoir dans la vie même quand celle-ci a refusé de vous faire le moindre cadeau. Les Highlands :  

Citations

La maltraitance

J’avais envisagé de le raconter pour Robert et qu’il comptait bientôt aller dans la chambre de Peppa aussi qu’il battait m’man et qu’il était saoul et défoncé tout le temps. Mais je savais que la première chose qui se passerait serait qu’il se ferait arrêter et qu’on nous emmènerait et qu’on serait séparé parce que c’est ce qui se passait toujours. En plus personne ne croirait que m’man n’était pas au courant et on l’accuserait peut-être de maltraitance ou de négligence et elle irait en prison. J’avais lu des histoires là dessus sur des sites d’informations, où la mère était condamnée et allait en prison et où le beau-père y allait pour plus longtemps parce que c’était lui qui avait fait tous les trucs horribles comme tuer un bébé ou affamer une petite fille, mais il disait que la mère avait laissé faire et elle se faisait coffrer aussi. Ils accusent toujours la mère d’un gamin qui se fait maltraiter au frapper, mais c’est toujours l’homme qui le fait.

L’étude de la survie

Tout en attendant à côté du feu éteint d’entendre quelque chose j’ai essayé de mettre un plan au point. Les chasseurs essaient de prévoir la réaction de leur proie pour savoir où et quand il les trouveront, ils savent ce qu’elles cherchent comme de l’eau et de la nourriture et ils adaptent leur propre comportement en fonction. Les prédateurs exploitent les besoins des proies pour essayer de les attraper quand elles sont les plus vulnérables comme lorsqu’elles font caca ou se nourrissent.

La nature

C’était la première fois que je voyais des blaireaux ailleurs que sur un écran et même s’ils étalent plus gros qu’on aurait pu le croire ils se déplaçaient en souplesse avec leur dos qui ondulait. Les deux plus petits ont commencé à fouiner dans la neige et les feuilles et l’un d’eux n’arrêtait pas de partir et de revenir en courant vers les autres comme s’il voulait jouer. Le gros a humé l’air puis il est parti sur une des pistes qui venait presque droit sur nous. Les deux autres l’ont suivi et tous les trois se sont approchés de nous en ondulant et la m’man m’a saisi la main et me l’a serrée quand je l’ai regardée elle avait la bouche ouverte sur un immense sourire et ses yeux étaient tout écarquillés et brillant comme si elle n’en revenait pas. Comme les trois blaireaux s’approchaient de plus en plus de notre arbre on est resté parfaitement immobile. Ils ont continué d’avancer et on les entendait gratter dans la neige et on voyait les poils gris et noir de leur pelage bouger et ondoyer à mesure qu’ils marchaient. À environ quatre mètres de nous le gros s’est arrêté puis il a levé la tête et nous a regardé bien en face. Il nous fixait dans les yeux tandis que les deux autres avaient le nez baissé et continuaient de renifler et de gratter la terre derrière lui. Ils ont levé les yeux à ce moment là et nous ont fixé tous les trois. J’avais envie de rire parce qu’ils avaient l’air carrément surpris avec leurs petites oreilles dressées. M’man relâchait son souffle très doucement. On est restées comme ça pendant que les minutes passaient dans le bois silencieux, maman et moi sous un arbre en train de fixer trois blaireaux.

  J’avais repéré ce roman chez Keisha, Jérôme, Kathel, AifelleKrol (qui ne tient pas à jour son Index des auteurs).J’ai fait plusieurs tentatives pour le finir car ce livre est une vraie claque mais le genre de claque qui rend triste et plombe le moral. Il faut un certain courage pour affronter cette réalité : oui, les hommes se conduisent mal sur la seule planète qu’ils seront sans doute capables d’habiter. Ils dominent tout, saccagent tout, pour pouvoir vivre confortablement leur vie de « Maîtres et possesseurs » comme nous l’avait enjoint Descartes∗. Alors, à la manière d’un Montesquieu avec ses Persans et d’un Swift avec Gulliver, Vincent Message veut nous faire réfléchir sur ce que nous faisons sur notre planète, il imagine qu’à notre tour, à une époque différente, nous sommes « Dominée et Possédés ». Son roman est très fort car il n’a pas cherché à fabriquer des extra terrestres un peu ridicules, nous ne savons rien de ces « Dominateurs » sauf que ces êtres nous ont étudiés et qu’ils ont parfaitement compris comment nous avons fait pour êtres des « Maîtres » et à leur tour, il sont devenus « Nous » mais en nous remplaçant. Les hommes sont maintenant traités comme nous le faisons avec les animaux aujourd’hui.

  • Les animaux de compagnie qui ont le droit de vivre confortablement auprès de leur maître.
  • Des esclaves qui triment jusqu’aux limites de leur forces puis sont abattus.
  • Et enfin la pire des conditions, des hommes d’élevages qui seront abattus et consommés sous forme de viande.

Comme ces êtres ont d’abord cherché à nous comprendre, cela permet à l’auteur d’écrire quelques pages terribles sur nos absurdes comportements destructeurs, par exemple dans la mer. Les pages sur la pêche industrielle sont insupportables mais tellement vraies. Le roman alterne des périodes d’actions intenses car le héros Malo est un être supérieur et un haut cadre de la nouvelle société, il est l’instigateur d’un projet de loi qui demande que l’on autorise les hommes à vivre dix ans de plus : jusqu’à 70 ans, car dans cette fiction, il sont systématiquement abattus à 60 ans pour éviter les problèmes liés à la vieillesse des humains. Malo s’est épris d’une jeune femme humaine, Iris qui était une femme d’élevage. Il veut la sauver à tout prix, alors qu’elle a été victime d’un accident de voiture. Le système implacable que les maîtres ont mis en place se referme peu à peu sur lui. En dehors de cette action intense, l’auteur nous offre des périodes de réflexions sur le traitement de la nature. Ces êtres supérieurs ont, en effet, seulement cherché à dominer et à faire mieux que nous, en conséquence de quoi la planète est aussi malmenée que lors de la domination humaine. Une petite lueur d’espoir dans ce roman si sombre, les hommes ont une caractéristique que ceux qui nous ont dominé n’ont pas, ces « maîtres » ne sont pas des créateurs. Alors l’art saurait-il nous sauver ? Et puis, à la fin du roman on parle d’un lieu sur terre où les choses se passent différemment et finalement pouvons nous réjouir de cette certitude les dominateurs connaîtront un jour, eux-aussi leur fin ?    

Citations

 

∗Extrait du discours de la méthode de Descartes

« Car [ces connaissances] m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie.”

 

La vision des nouveaux maîtres de la planète sur les hommes

L’ironie c’est qu’ils avaient cru être supérieurs, eux aussi, en leur temps, mais c’était dans leur cas au prix d’un aveuglement qui prenait avec la distance un aspect un peu pathétique. Ce qui les mettait à part, c’était, disaient-ils, leur intelligence redoutable, leur maniement fin du langage, leur créativité. Ne pas être capable de réguler pour de bon sa démographie, déterrer et brûler le carbone jusqu’à rendre l’air irrespirable, c’était pour eux le signe d’une intelligence redoutable. Réduire de force plusieurs milliards de leurs propres congénères à une vie de quasi esclave pour qu’une minorité concentre les richesses, c’était l’indice certains de leur inventivité exceptionnelle. Ils ne se demandaient presque jamais si le fondement de l’intelligence ne consiste pas à se donner des moyens de survivre sur le long terme, si la capacité à une auto-conservation durable n’est pas le premier signe de la raison. Ils méprisaient comme des aberrations de la nature des rebuts de la création toute une série d’espèces qui les avaient précédés sur terre et qui leur auraient survécu de quelques millions d’années s’ils n’avaient pas eu la chance que nous reprenions les choses en main. Nous les avons trouvés pullulant à certains endroits et ne se reproduisant pas assez à d’autres. Tout aussi incapables de répartir le travail que la population. Et cette inconséquence, d’une constance tout à fait remarquable, elle tenait pour beaucoup à leur emprisonnement dans le chaos des intérêts particuliers. Pour rien au monde ils n’auraient accepté quelque chose qui favorise plus le pays voisins que le leur, ou consenti à des efforts substantiels pour des gens qui n’étaient même pas encore nés. C’était là des traits qui, si on en faisait la somme justifiait assez la rapidité de leur effondrement et la légitimité de notre domination.

Les Hommes comme nourriture

Naturellement, des esprits critiques, des polémiqueurs -j’ai dit déjà que nos rangs en comptent plus que de raison- affirment qu’il y a une sorte de schizophrénie à élever certains hommes pour les aimer et partager notre quotidien avec eux, et d’autres hommes pour les tuer les manger. On peut juger cela étrange, mais tout comme le réel nous ne sommes pas à une étrangeté prêt. C’est la moindre des schizophrénies dont nous nous avérons capables. Jamais, il faut l’avouer, il ne nous viendrait à l’idée de manger ceux qui nous servent d’animaux de compagnie, nous aurions le sentiment, en mordant dans leur chair, de reconnaître implicitement que nous sommes nous-mêmes comestible, et que tout être vivant, entre les murs que nous habitons, pourrait parfaitement, à son tour, se retrouver équarri , mis au four, découpé sur une planche, réparti par tranches fines dans des assiettes que l’on tend à la ronde en disant commencez, commencez, n’attendez pas que ça refroidisse.