Traduit du polonais par Margot Carlier, Édition Noir sur Blanc,Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Olga Tokarzuk qui, malgré son prix Nobel de littérature en 2018, m’était totalement inconnue, est véritablement un grand nom de la littérature contemporaine. Je ne vous renvoie pas à l’article de Wikipédia (qui m’a permis d’en savoir plus sur cette immense écrivaine) et je vous décourage de le lire si vous ne voulez pas vous gâcher le plaisir de lire ce roman qui est y est décrit sans aucun attention pour les lecteurs qui n’aiment pas que l’on leur raconte le dénouement avant de se lancer dans la lecture. Nous sommes ici sur la frontière tchèque au sud de le Pologne, dans une région de forêts et de collines. Une femme âgée qui a été autrefois ingénieure, vit dans une petite maison en totale harmonie avec la nature. Elle garde les maisons voisines qui ne sont habitées que l’été et donne quelques cours d’anglais dans une école primaire. Elle a deux amis, un traducteur de William Blake et Matoga son voisin dont le fils est policier. Elle passe une grande partie de son temps à écrire à la police pour dénoncer les pratiques des chasseurs. Elle trouve particulièrement cruel que ceux-ci attirent les animaux en leur offrant de la nourriture dans ce qu’elle appelle des « Ambons » qui- loin d’être des meubles religieux- sont des sortes de promontoires remplis de foin ou de fruits, les chasseurs pouvant alors tirer sur les bêtes qui se nourrissent sans se donner le mal de les chercher dans la forêt. Mais voilà que, dans ce village, une succession de morts suspectes troublent tous les habitants, les morts sont des chasseurs et des hommes enrichis par des pratiques douteuses et qui peuvent avoir un rapport avec la mafia russe. Mais elle, notre narratrice sait qu’il s’agit là de vengeances des animaux qui ne supportent plus d’être assassinés par des chasseurs cruels et sans cœur. Elle le sait d’autant plus qu’elle lit dans les astres et les planètes et que tout y est écrit. Elle en informe, à travers une multitude de lettres, la police qui la prend pour une folle. Et nous lecteurs ? et bien aussi curieux que cela puisse paraître, on aimerait tant que cela soit possible qu’on se laisse embarquer dans ses raisonnements. Je ne vous en dis pas plus. Je vous laisse savourer cette lecture qui est un hymne à la nature et aussi, une très bonne description de la société polonaise, cette auteure le fait avec un humour incroyable, on est vraiment bien dans tous les récits qui peuplent ce roman. Elle nous rend aussi un grand service en nommant tous les personnages par des surnoms qui sont tellement plus faciles à retenir que les prénoms polonais . Par exemple son ami Matoga s’appelle en réalité Świetopęlk . Avouez que c’est plus facile de prononcer, et de retenir, Matoga, il en va ainsi de « Grands-pieds », « Bonne-nouvelle » et tous les autres. Un roman fabuleux et magique et « un peu » moins sombres (grâce à l’humour) que les romans polonais que j’ai lus récemment. Et qui a beaucoup plu aussi à Krol.
Citations
Une astrologue avertie
En général, il est très peu loquace. Selon moi, il doit avoir Mercure en Capricorne, un signe de silence, ou bien en conjonction, en carré ou peut-être en opposition avec Saturne. Cela pourrait être aussi un Mercure rétrograde -ce qui est typique pour un introverti.
Humour
Selon moi, il aurait plus d’une fois mérité une punition, voire même la prison. J’ignore pourquoi il n’a jamais subi la conséquence de ses actes. Peut-être était-il sous la protection des anges, il arrive parfois qu’ils s’engagent du mauvais côté.
Les hommes vieillissants
J’ai ma théorie sur le sujet. L’âge venant, beaucoup d’hommes souffrent d’une sorte de déficit, que j’appelle. »autisme testostéronien », il se manifeste par une atrophie progressive de l’intelligence dite sociale et de la capacité à communiquer, et cela handicape également l’expression de la pensée. Atteint de ce mal, l’homme devient taciturne et semble plonger dans sa rêverie. Il éprouve un attrait particulier pour toutes sortes d’appareils et de mécanismes. Il s’intéresse à la Seconde Guerre mondiale et aux biographies de gens célèbres, politiciens et criminels en tête. Son aptitude à lire un roman disparaît peu à peu, étant entendu que l’autisme dû à la testostérone perturbe la perception psychologique des personnages.
Les actualités vues par quelqu’un qui ne regarde que la chaîne météo
À l’heure du café, on présente généralement le bulletin météorologique pour les skieurs. Il montre l’univers rugueux des monts, piste et vallées, avec leur enveloppe neigeuse ô combien capricieuse -la peau rêche de la terre n’est blanchie par la neige qu’à certains endroits. Au printemps, les skieurs cèdent la place aux allergique et l’image devient plus colorée. Des courbes douces déterminent les zones à risques. La couleur rouge indique les zones où la nature attaque le plus vigoureusement. Durant tout l’hiver, elle a attendu, endormie, pour frapper enfin les défenses immunitaires particulièrement fragile de l’homme. Un jour viendra où elle aura notre peau. À l’approche du weekend apparaissent les prévisions pour le trafic, mais elle se limite en réalité à quelques rares autoroutes. Cette répartition de la population humaine en trois groupes -skieurs, allergiques et conducteurs, je la trouve très convaincante. C’est une typologie simple et claire. Les skieurs, ce sont les hédonistes. Ils se laissent glisser sur les pentes. Les conducteurs préfèrent tenir leur sort bien entre leurs mains, quitte à faire souffrir leur colonne vertébrale, après tout, la vie n’est pas simple. Les allergiques, enfin, sont toujours en guerre. À l’évidence, je suis une allergique.
Le portrait de l’écrivaine (autoportrait ?)
L’écrivaine arrive habituellement au mois de mai, dans sa voiture remplie de livres et de nourriture exotique. Je l’aide à décharger et à défaire ses bagages, car elle souffre de la colonne vertébrale. Elle porte une minerve. À cause d’un accident, paraît-il. Mais peut-être est-ce en raison du temps passé à écrire que sa colonne vertébrale s’est détraquée. Elle me fait penser à quelqu’un qui aurait vécu les derniers jours de Pompéi -on dirait qu’elle est couverte de cendres : son visage est gris, ses lèvres aussi, tout comme ses yeux et ses cheveux, attachés avec un élastique et relevés en chignon. Si je la connaissais moins bien, j’aurais sans doute lu ces livres. Mais puisque je la connais, j’ai trop peur de cette lecture. Peur de me reconnaître, présentée d’une façon que je ne pourrai certainement pas comprendre. Ou d’y retrouver mes endroits préférés qui, pour elle, n’ont pas du tout la même signification que pour moi. D’une certaine façon, des gens comme elle, ceux qui manient la plume, j’entends, peuvent être dangereux. On les suspecte tout de suite de mentir, de ne pas être eux-mêmes, de n’être qu’un œil qui ne cesse d’observer, transformant en phrase tout ce qu’il voit, tant et si bien qu’un écrivain dépouille la réalité de ce qu’elle contient de plus important. : l’indicible.
Parler (avec humour) aux morts
Ma mère se tenait là, vêtue d’une robe d’été à fleurs, un sac en bandoulière. Elle était inquiète, désorienté.– Nom de Dieu, mais qu’est-ce que tu fais ici, maman ? Me suis-je écriée, surprise.Elle a plissé les lèvres comme si elle voulait me répondre, puis elle est restée ainsi à les remuer durant un moment, mais sans produire le moindre son. Finalement, elle a renoncé. Ses yeux inquiets lançaient des regards circulaires sur les murs, sur le plafond. Elle ne savait plus où elle se trouvait. De nouveau, elle a tenté de me dire quelque chose et de nouveau elle y a renoncé.-Maman… Murmurai-je, en essayant de capter son regard fuyant.J’étais furieuse contre elle, parce qu’elle était morte depuis un certain temps déjà. Non mais je rêve ! Les mères qui ne sont plus de ce monde ne se comportent pas ainsi.
Les courses en ville en Pologne et les subventions européennes
Nous nous présentions sans rechigner aux interrogatoire, profitant de ce déplacement en ville pour accomplir un tas de choses, acheter des graines, déposer une demande de subvention de l’Union européenne, nous sommes aussi allés au cinéma
Une astrologue particulièrement douée…
Cette fois-ci, j’analysais scrupuleusement le programme télé, que j’avais imprimé avec le maximum de chaînes possibles, et je cherchais à établir un lien entre l’argument des films diffusés un jour donné et la configuration des planètes. Des liens réciproques se dégageaient avec un caractère d’évidence.
Remède contre les cauchemars
Il y a un vieux remèdes contre les cauchemars qui hantent les nuits, c’est de les raconter à haute voix au-dessus de la cuvette des WC, puis de tirer la chasse.
Portrait du dentiste
Selon moi, le dentiste aurait pu devenir l’attraction touristique du coin si seulement son activités avait été légale. Malheureusement, quelques années auparavant, on l’avait privé du droit d’exercer son métier pour abus d’alcool. C’est tout de même curieux que l’on interdise pas l’exercice de ce métier pour mauvaise vue, car cette affection peut s’avérer bien plus dangereuse pour le patient. Quant au dentiste, il portait des verres épais, dont un était collé avec du ruban adhésif.