Édition l’avant scène théâtre 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Il faut vraiment un club de lecture pour que je lise du théâtres,(ou l’aide scolaire que j’apporte à mes petits enfants quand ils me le demandent). Cette pièce est facile à lire et à comprendre, il s’agit d’un réquisitoire contre la famille bourgeoise. Depuis le « famille je vous hais » de Gide on sait que la famille peut être le lieu de tant de violence. Récemment j’ai revu le film « Festen » et là le cri de souffrance du fils qui a été violé par son père a tout son sens ; oui c’est de la haine qu’il a pu éprouver surtout face au silence de toute sa famille parfaitement au courant des conduites du père. « Famille je vous hais » peut être aussi le cri d’un Hervé Bazin élevé par une mère qui le détestait, tous les enfants malheureux, violentés abusés peuvent lancé ce cri. Mais de quoi souffre donc Mathieu, le personnage principal de la pièce fils de Laurence et Jean-Marc ? D’avoir raté sa vie, d’être marié avec une femme trop grosse, et de travailler à la SNCF.

Ses ignobles parents lui ont fait donner des leçons particulières pour qu’il réussisse à décrocher son bac. Ses tortionnaires de parents l’ont envoyé faire un IUT à Grenoble, Grenoble vous vous rendez compte ? Alors qu’ils auraient dû deviner qu’il voulait aller en Bretagne faire de la voile.

Je suis ravie d’avoir lu cette pièce car je sais ainsi que je n’irai certainement pas voir tant les personnages m’ont énervée. La mère qui n’a jamais rien fait de sa vie que de tenir une galerie d’art qu’elle ouvre quand elle a du temps mais qui était une riche héritière. Tout le long de la pièce elle veut être celle qui comprend son fils et dénigre son mari. Mathieu j’ai déjà tout dit pour rendre encore plus antipathique le personnage je rappelle qu’il appelle sa femme « la baleine, », sympa non ? Le père a plus de consistance et, comme il est tout le temps sur le gril on a envie de le défendre. Et tout ça pour finir par ces mots

 

Tu sais la famille, c’est toujours comme ça … Ça tire un peu dans tous les sens, on se file des coups, c’est brutal, et dans le fond on s’adore. Hein, mon chéri ? Dans le fond on s’adore.

 

Édition Liana Lévi Traduit du russe (Ukraine par Paul Lequesne)

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Kourkov devient un habitué de Luocine, il faut dire que l’Ukraine occupe beaucoup nos esprits en ce moment. Après le Pingouin et Les abeilles grises, voici donc ce roman dont l’auteur nous annonce qu’il aura une suite.

Je ne sais pas si le point de départ est véridique, mais c’est possible, Kourkov aurait eu entre les mains les archives de la Tcheka durant la période de la guerre civile en 1919. Et il dit lui-même qu’il devient un spécialiste de cette époque. À partir des documents de la police politique de l’époque, il va créer un roman dont le personnage principal sera un jeune lycéen qui a vu son père tuer d’un coup de sabre de cosaque. Lui-même aura l’oreille tranchée. En 1919 à Kiev dans un quartier que nous arpentons dans tous les sens, la population est soumise à des forces armées violentes et très hostiles. L’armée rouge, par deux fois a été repoussée d’Ukraine mais elle est en train de s’imposer. Il y a aussi l’armée resté fidèle à l’ancien régime et qui voudrait chasser les bolchéviques. Et comme souvent, quand il n’y a plus d’état pour protéger les populations, des forces venant d’un peu partout essaie de prendre part au conflit. Et au milieu de tout cela, la population qui voudrait tout simplement survivre. Le roman suit le jeune Samson qui va être enrôlé dans la milice. Il va se charger de découvrir les responsables des vols en particulier de l’argenterie et cela mettra sa vie en danger. Finalement, il réussit à comprendre les raisons de ce trafic. C’est assez bizarre de voir ce jeune homme à l’oreille coupée, dans un pays où tout le monde se tire dessus sans raison, vouloir absolument découvrir les dessous d’un trafic et mener une enquête policière assez classique. J’ai oublié un détail : l’oreille ! Il met son oreille coupée dans une boîte et celle-ci continue à entendre ce qui se passe autour d’elle : un peu de fantaisie macabre à la façon de Kourkov, comme dans « Le pingouin ». Et puis, c’est bien connu, dans les pays où la police politique est toute puissante «  les murs ont des oreilles » ! ! Ce roman nous permet de comprendre à quel point l’Ukraine en 1919 était dans un état de chaos incroyable et à quelle point la violence était de mise dans tous les camps.

La situation était très confuse et cela rend le roman difficile à lire et moins humoristique que « le pingouin ». L’auteur annonce une suite je ne suis pas certaine de m’y confronter.

 

Citations

Le poids d’une arme .

De retour au commissariat Samson et Kholodny se virent remettre à chacun un Nagant, avec sangle et étui en bois, une dizaine de cartouches ainsi qu’une autorisation écrite de porter l’arme.

 Samson ajusta l’étui à sa taille et sentit peser à droite, à sa ceinture un poids réconfortant. Désormais sa vie allait forcément changer. Elle change toujours quand on reçoit une arme.

Difficulté de s’y retrouver .

– Un défroqué ? Dit Tofim Sigismundovitch.
– Oui, il dit avoir abjuré Dieu et vouloir combattre pour l’ordre. 
– Vous devriez vous méfier de lui, intervint la mère de Nadejda, la mine soucieuse. Quand un homme devient son propre contraire, il risque de se perdre entre le bien et le mal.
– Tout le monde peut s’y perdre répondit son mari nous vivons à une époque où il est parfois impossible de comprendre où se trouve l’un et l’autre. Tiens, par exemple je sais déjà que les petliouristes sont un mal, mais concernant le hetman, je serai incapable de le dire. Et les denikinistes ? S’ils arrivent à Kiev, sera-ce un bien ou un mal ?

La présence de la mort.

 Sur quoi il entra dans le commissariat de pas résolu. Un moment plus tard deux coups de feu éclataient à l’intérieur.
Samson courut dans le bâtiment. Passetchny remonta déjà de la salle de détention, Mauser toujours au poing. Derrière lui, un bourdonnement de voix et des gémissements.
 » Comme ça, ils se tiendront tranquilles, dit-il en se dirigeant vers la porte d’entrée restée grande ouverte. Comme ça, ils auront un cadavre sous les yeux pour leur rappeler que chez nous la mort est bon marché, bien meilleur marché que la vie. »

La guerre civile.

 Le détenu abattu par le milicien était toujours étendu au milieu de la chaussée devant le commissariat. Et personne n’avait l’intention ni d’aller le ramasser, ni de le pousser au bord de la voie. Parce que les cadavres devaient être enlevés par le pouvoir. Or cette nuit-là le pouvoir se battait pour sa survie. Il était occupé à semer les cadavres, non à les récolter. La moitié des mort appartenaient au pouvoir, la moitié du pouvoir gisait mort.

 

 


Édition Grasset

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Quand demain reviendra la lumière….

 

Ce roman raconte une journée très particulière dans la vie du narrateur : il est seul chez lui car il doit aller chercher sa femme et son fils nouveau né à la maternité. Il va devenir père et il se sent complètement bouleversé par ce changement de statut. Saura-t-il transmettre à cet enfant le lourd passé de sa famille à jamais marqué par la Shoa ? Se mêlent alors pour lui son enfance et ses jeux qui tournaient souvent autour de cette tante mythique Rosa, rescapée d’Auschwitz , la dernière encore en vie, qui a fui l’Europe pour monter un cabaret en plein désert. Cette femme a décidé de raconter dans un spectacle incroyable ses souvenirs et terminer par une litanie de noms de toutes les femmes qui sont mortes devant ses yeux.

Samuel son petit neveu a été élevé dans une famille qui ne pouvait pas parler car ils étaient trop malheureux, il dit dans son récit que ces silences l’ont névrosé. Il décrit cette journée où il va accueillir, dans sa maison, son bébé et sa femme, avec une délicatesse qui m’a émue et pourtant, ce qu’il raconte est parfois insoutenable, et il dit avec ses mots et ses difficultés de vivre combien la Shoah a marqué les générations suivantes, victimes ou pas, les survivants traînent en eux une culpabilité qu’ils ont transmise à leurs enfants et petits-enfants.

Un très beau texte, très émouvant.

 

Citations

Des souvenirs douloureux.

 Derrière la porte rouge qui s’ouvre sur son sanctuaire, parmi les statuettes, les habits en lambeaux et les pierres couleur brique, se trouvent deux gamelles de métal. La sienne, qui lui a permis de s’accrocher au jour, marquée d’une infinie culpabilité. D’avoir volé, de n’avoir pas partagé, d’avoir piétiné des corps pour survivre.

Promesse à son bébé .

 Quand demain reviendra la lumière, que nous entrerons dans l’appartement pour la première fois tous les trois, je lui raconterais. Il y aura les berceuses, les histoires récitées d’une voix grave, et puis la Shoah. Il faudra que je trouve les mots qu’on ne m’a pas dits, car c’est le silence qui a semé en moi toutes ses névroses -pas les atrocités de l’histoire.

L’indicible .

 Rosa était frigorifiée mais elle sentait qu’il n’avait pas le droit de trembler, son corps devait cacher ses faiblesses. Seule de sa main gauche avait du mal à résister, elle cherchait l’appui d’une paume maternelle. Son index avait commencé à bouger, d’abord lentement puis, comme pris de palpitations, il s’était mis à taper contre le pouce sans parvenir à s’arrêter, cet index gauche qui menaçait la dénoncer. Alors Jania avait saisi sa main -une femme sans âge, sans cheveux à qui ont aurait donné cinquante alors qu’elle n ‘en avait pas plus de trente. Rosa ne connaissait pas son prénom, elle ne savait rien d’elle mais toute les deux ressentiraient bientôt les douleurs insondables. Elles respireraient côte-à-côte l’odeur du génocide et scelleraient leur mémoire dans une gamelle.

Le passé.

 Qui sommes-nous quand les aînés ne sont plus là pour désigner le passé ? L’angoisse grandit à mesure que les jours passent, le décomptes des derniers rescapés comme au moment de l’appel matinal, dans les camps. J’entends les prénoms, les noms, les numéros. Des aboiements d’un autre temps qui se mêlent aux souvenirs et à l’angoisse. Au moment où la dernière voix s’éteindra, nous serons livrés aux obscurité.

 

 

 


Édition le tripode

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’ai commencé ce roman en étant attirée par le lyrisme de la langue puis je l’ai lu en diagonale car je ne supportais plus l’accumulation des horreurs qui y est décrite.

Le style de cet écrivain est très particulier, j’ai lu sur plusieurs blogs que certains le considèrent comme un très grand de la littérature contemporaine. Il se lit facilement et sa langue très lyrique nous emporte. Malgré l’absence de point et de majuscule – je me demande quelle est l’utilité de ces procédés !- chaque paragraphe est une unité de sens et on comprend très bien les propos de l’auteur.
Il s’agit de la colonisation française au XIX° siècle, les deux voix de l’horreur sont celles de colons incapables de s’adapter aux conditions de vie en Algérie et qui mourront tous du choléra sauf une femme, la deuxième est celle de soldats qui, violent et assassinent femmes et enfants dans des bains de sang tous plus horribles les uns que les autres.
C’est sans aucune nuances, c’est juste insupportable, mais c’est sans doute ce que mérite la colonisation. Je préfère (et de loin) lire des livres d’historiens qu’un long texte lyrique dont la force vient de l’accumulation des crimes, des viols, des morts du choléra et surtout du racisme le plus primaire ….

 

Citations

 

Angoisse des arrivants

 mais je savais bien qu’Henry ne dormait pas, j’imaginais qu’il avait comme moi les yeux grands ouverts et qu’il commençait à se poser les questions que j’avais posées tant de fois avant de partir, des questions qu’il n’écoutait pas à l’époque, des questions qu’il balayait d’un revers de main parce que c’était pour lui des questions de bonne femme, et que ce n’était pas avec des questions de bonne femme qu’on allait de l’avant, mille dieux non ! s’exclamait-il en lissant sa moustaches qu’il avait drue et pas toujours aimable

La justice.

et en moi même je me disais que la justice était un mot inventé par les riches pour calmer la colère des pauvres, mais que tout bien réfléchi ça n’existait pas la justice, qu’il fallait apprendre à vivre sans elle et accepter le sort que Dieu réserve à tout être humain qui pose le pied sur la terre 

 

 

 

Édition belfond. Traduit de l’anglais (Royaune-Uni) par Diane Meur

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

 La honte, ce n’est pas comme la culpabilité ; elle n’admet pas de réparation. Les juifs dont je parle sont morts. Ceux qui avaient mon âge à l’époque n’auront jamais donné le jour à des enfants, à des petits enfants. La honte ne s’expie pas ; elle est une dette impossible à s’acquitter

 

Ce roman, que j’ai lu avec un grand intérêt, se présente comme une longue lettre d’un grand-père allemand à son petit fils écossais. Le grand père était soldat de la Wehrmacht et a fait toute sa guerre sur le front de l’Est. Il raconte surtout la débâcle allemande de 1944 avec son lot d’horreurs insoutenables. Ce long récit est interrompu par les souvenirs du petit fils de ce grand-père qu’il a tant aimé.

Le grand-père a besoin de dire tout de suite qu’il n’a rien vu de la Shoa et explique très peu son adhésion au nazisme qui semble anecdotique par rapport à son engagement dans l’armée. Le nazisme est représenté par un des membres du petit commando dont nous allons suivre la progression à travers les plaines de l’Ukraine et de la Pologne, et c’est le personnage le plus odieux.
Ce roman, car c’est un roman, même si l’auteur a lui-même une ascendance allemande, on ne peut pas savoir s’il s’agit vraiment de son propre grand-père. En revanche tout ce qu’il décrit, comme horreurs du comportement de l’armée sur le front de l’est est véridique. Le grand père pense qu’à l’Est tout était permis et que rien n’était là pour arrêter la barbarie de l’armée. Il décrit aussi comment jusqu’au dernier moment la police militaire allemande tuait les déserteurs, aujourd’hui où cette région est de nouveau la proie de la guerre il y a des points communs si tristes, cela m’a fait penser au sort des déserteurs Russes de la divisions Wagner.

Un livre qui permet de comprendre la barbarie de l’armée mais pas l’adhésion au Nazisme, on pense quand même que ce bon soldat s’il avait dû assassiner des Juifs, il l’aurait fait par obéissance. D’ailleurs il décrit un épisode dans un café de Varsovie où il a eu une attitude peu glorieuse. Pour mieux comprendre l’engagement de toute une population dans le nazisme, je recommande deux livres qui m’ont bien aidé à ouvrir les yeux  : « un bon allemand » de Horst Krüger, et surtout « l’histoire d’un Allemand » de Sebastian Haffner.

 

Citations

Son grand père .

 Je n’ai pas été un nazi. Aucun tribunal, même omniscient, ne me jugerait coupable de quoi que ce soit. Ce que je peux te raconter ne concerne ni des atrocités, ni un génocide. Je n’ai pas vu les camps de la mort et je ne suis pas qualifié pour en dire un seul mot. J’ai lu le livre de Primo Levi sur ce sujet, une comme tout le monde. Sauf qu’en le lisant, nous les Allemands, nous sommes obligés de penser : Nous avons commis cela.

La boue, en Ukraine.

 Plus ils avançaient sur la pente, plus le camion s’embourbait dans la glaise mouillée, de sorte que les perches n’étaient plus qu’à la hauteur de leurs genoux. Les roues ont fini par se bloquer. Alors le lourd engin a commencé de glisser à reculons vers la file de véhicules massés derrière lui.
 Un cadavre était resté pris dans la glaise au bas de la pente, un des nôtres, un Allemand. Personne n’avait le temps ni le loisir de le retirer et chaque fois que le camion dans son va et vient passait sur ses jambes en partie enfouies, le torse raide se relevait au dessus du sol. Le camion allait, venait. Et à chaque passage, le visage gris à la peau fendue et le torse meurtri émergeait de la boue. Je me souviens d’avoir pensé : Nous sommes en enfer. C’est l’enfer ici, et nous sommes des damnés.

La responsabilité des Allemands.

 Il est difficile de séparer les circonstances et l’homme. Mais dire que j’ai été à la merci des circonstances serait trop simple. L’époque à laquelle je vivais m’a conduit dans ces potagers, la faim au ventre, une barre à mine dans la main, mais ce n’est pas pour autant que je n’ai pas agi ou que je n’ai pas mangé.
Quand je me pose la question de savoir si nous étions tous immoraux, ou si nos actes répréhensibles faisaient de nous des êtres mauvais, je me dis que nous avons été flétris par les conséquences de décisions prises par d’autres (…)
Et moi à titre personnel ? Telle est la question à laquelle je m’efforce ici de répondre.

Guerre à l’est .

Même aux moments dont je te parle, à l’automne 1944, quand le vent avait déjà tourné et que les Allemands en France fuyaient sous les bombardements américains comme des poux sous la flamme d’un briquet, il valait sans doute mieux se trouver à l’Ouest. Les lois de la guerre, ce paradoxe raffiné, y avaient encore cours. Des atrocités étaient commises aussi, mais c’était une violation des règles et non leur pure et simple abolition 
(…)
 Mais nous les Allemands nous savons dans notre chair -et les Polonais, les Ukrainiens, les Juifs et les Russes- le savent aussi que la guerre à l’Est était la seule vraie : nue, impitoyable, affranchie de toute loi, exempte de toute compassion, une pure affaire de haine et d’annihilation. Sur huit soldats allemands tués, sept l’ont été à l’est et à l’échelle des pertes russes on peut à peine dire que les puissances occidentales ont fait la guerre.
 Pendant de première année à l’Est, nous les Allemands, avons sciemment laissé mourir de faim un demi-million de prisonniers russes. Il m’est arrivé d’observer un homme dépérir ainsi, d’avoir été moi-même affamé, et cet état n’est pas indolore. Cela ne vous met pas dans un état de léthargie hébété. Cela vous rend fou. Cela seul, parmi tous les actes que nous avons commis était déjà un crime qui exigerait des monuments, des discours et des journées commémoratives, mais, parce qu’il a été perpétré à l’Est on s’en souvient à peine.

Essayer de comprendre.

Mais qu’est-ce qui au départ nous a fait commettre ce que nous avons commis, voilà ce qu’ils n’expliquent pas. Car enfin, le communisme s’est développée partout en Europe ; le nazisme, lui, ne s’est vraiment développé que chez nous.

 Je pense qu’il s’agissait en partie d’obéissance, que nous avons consentie pour nous laisser mener à l’abîme. Et je pense aussi qu’il y avait à l’œuvre une violence, quelque chose de dément. Une aspiration de puristes à la « tabla rasa ». Une fêlure dans notre psyché nationale sur laquelle nous avons réglé nos actes avec calme et méthode, je dirais même avec humanité. Je suis sûr que les Feldgendarmen se trouvaient très humains de pendre nos soldats plutôt que de les crucifier eux aussi.


Éditions de l’Observatoire 

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un des avantages du club de lecture de Dinard (et ce n’est le seul) c’est de chercher des titres dans les romans français, enfin surtout pour les nouveautés et cela me change un peu des auteurs étrangers.
Ce livre est un petit bijou tout en délicatesse et pourtant … Pourtant il traite d’un des sujets qui me révolte le plus, et je ne dois pas être la seule ! Les souffrances infligées aux enfants dans des institutions censées les protéger. Dans le genre le Canada doit être en première ligne avec le sort réservé aux enfants indiens arrachés à leurs familles pour les ré »éduquer » dans dans des maisons qui ont été pour nombre d’entre eux l’antichambre du cimetière. L’Irlande n’est pas mal non plus et voilà que nous sommes dans un endroit que j’adore : Jersey et les îles anglo-normandes. D’ailleurs on y parle de Serk et des Écrehous qui sont parmi les plus jolies îles que j’ai vues. Mais loin de ce tourisme ou de l’évasion fiscal, Jersey a eu son orphelinat à la tête duquel un directeur pervers à régner. Le malheur pour ces enfants c’est que l’île est loin de tout et qu’il a fallu bien du temps pour que les langues se délient. D’ailleurs les habitants de l’île ne veulent toujours pas parler de cette affaire bien réelle hélas ! La romancière a imaginé des personnages qui semblent tellement vrais, si eux n’ont pas existé leurs sosies ont bien souffert de tous les maux qu’elle nous décrit. Lily est une petite fille de 8 ans, et elle arrive à survivre dans cet enfer car elle aime les oiseaux et la nature mais le petit qu’elle protège (je peux dire sans divulgâcher que c’est son petit frère) lui n’a que quatre ans et ne peut pas se protéger. La fin est tragique, je vous laisse deviner. La narratrice du roman est une femme de 60 ans qui veut faire toute la lumière sur ce qui s’est passé car cela la concerne de près. Il y a aussi un personnage qui lui a existé : il vivait un peu en marge de la société et a été accusé de crimes à connotation sexuelle, il était innocent et on découvrira plus tard que le vrai coupable était employé à l’orphelinat c’est lui en particulier qui faisait le père Noël … Cet homme dégouté par ses concitoyens se réfugiera au Écrehous et se déclarera roi de ces îles. Vous pourrez vous renseigner sur lui dans cet article ce fait divers n’est vraiment pas à la gloire des habitants de l’île, c’est le moins qu’on puisse dire ! !
La si belle île de Jersey s’est refermée sur son silence et la narratrice n’apprendra pas grand chose d’autre que ce que l’enquête officielle n’avait découvert.
Comme je le disais au début un livre d’une délicatesse étonnante pour un sujet sordide . Bravo Maud Simonnot !

 

Citations

Les iliens.

 Les mimosas étaient en fleur et leur jaune d’or apportait une couleur de plus à une incroyable palette des végétaux qui se détachaient sur le bleu céruléen de l’eau. En temps normal j’aurais été séduite par la beauté de ce spectacle marin, mais depuis quelques jours je percevais la mer différemment : c’est elle qui avait permis à ces gens de vivre en paix avec leurs secrets et qui leur conférait cette arrogance. Coupés du reste du monde par l’immensité d’eau ils étaient entre eux.

La beauté mais aussi la prison .

 Après avoir longé le Trou du Diable, je m’approchais des bruyères bordant la falaise pour contempler la silhouette de la petite ils de Serk, aux contours indigo rendu flou par la brume comme ceux d’un royaumes disparu. J’avais toujours vu dans les îles de merveilleuses terres de liberté, pour Lily ça avait signifié l’inverse : il était doublement impossible de s’échapper de l’orphelinat puis de Jersey. Son purgatoire était une île dans l’île, une prison dans la prison…

C’est très triste.

 L’environnement qui avait permis autant de crimes, cette culture locale du silence, était presque aussi terrible que les personnes mêmes qui les avaient perpétrés. Parce que ces enfants étaient orphelins, pauvres, inoffensifs, il avait été facile de détourner le regard. Et même si, après une très longue procédure, la commission d’enquête avait fini par conclure en 2017 que « sans l’ombre d’un doute un nombre important d’enfants pris en charge par les autorités de l’île avait été victimes de violences physiques et sexuelles et de négligence émotionnelle ». Pour ces enfants il n’y aurait jamais ni justice ni consolation.


Édition Acte Sud

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’avais eu des réserves sur un précédent roman « Kinderzimmer » de la même auteure. Celui-là est très beau, il décrit la vie d’un jeune parisien Vadim dont le père est russe et juif, nous sommes en 1943, et qui est envoyé en montagne pour officiellement soigner son asthme sous l’identité de Vincent Dorselle.

Cet enfant n’a jamais quitté Paris et son regard tout neuf sur la montagne est parfaitement raconté : il est absolument émerveillé. Il va vivre tant de premières fois dans ce cadre qui l’enchante. Mais derrière son bonheur d’être Vincent se cache la douleur de Vadim qui a si peur pour ses parents restés à Paris. Ce livre est un hymne à la montagne et aux gens simples qui ont réussi à rendre Vincent heureux et à lui sauver la vie. Tous les travaux des montagnards sont décrits et dans ce village en hauteur tout est très compliqué et demande des efforts continuels pour de bien faibles rendements. On prend un bol d’air vivifiant grâce au talent de cette écrivaine et pourtant les drames ne sont pas absents du récit, ils sont comme étouffés par une nature tellement plus belle que la souffrance humaine causée par la guerre et les percussions nazies.

Tout ce qui est triste et pour lui dramatique est raconté du point de vue de l’enfant qui n’a pas toutes les clés pour comprendre la férocité des destins de ceux qui comme lui sont juifs.
Son amitié pour Moinette, une petite fille de son âge, qui l’initie à tout ce qu’un enfant doit savoir sur le monde des paysans de la montagne le réconforte même si un moment son aventure avec une Olga plus délurée met une ombre entre eux.

Ma seule réserve pour ce beau roman, vient de l’accumulation des mots que j’ai dû chercher dans le dictionnaire, au début je recevais ces mots comme des cadeaux mais vers la fin du roman le procédé m’a un peu détaché du récit.

J’avais un peu oublié « kinderzimmer » que je n’avais pas du tout apprécié !

 

Citations

La première fois !

 Il sent que ce n’est pas à la hauteur de ce qu’éprouve le garçon et sans doute il l’envie un peu, ce gosse, qui comme lui a perdu son premier pas, sa première syllabe, son premiers biscuits, mais à douze ans, n’oubliera pas sa première montagne. À le voir bras ballants, bouche béante, yeux écarquillés, il sait que son anxiété de la vieille a cédé à une sorte d’enchantement.

Le danger du village relié au monde.

 Maintenant Vallorcine, est relié au dehors. À Chamonix. À paris. Et soudain ça lui vient : aux Allemands. Les Allemands ont des voitures, chuchotent les chauves-souris. Du carburant. Des chars. Ils ont traversé les Ardennes, plié sous leurs chenilles une forteresse végétale rien ne les empêche de grimper une route de montagne où l’hiver s’est un peu attardé.

Le « plaisir » des mots .

Pinson, dit Martin. Astrance, vanesse. Linaigrette, athyrium, bergeronette, traquet. Il joue à brouiller les pistes, balance des mots au hasard que Vincent ne peut pas comprendre et qu’il transforme inlassablement en printemps : péristyle, nyctalope, nimbus.

Édition Payot
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Un premier roman, que j’ai lu aussi vite que je l’oublierai. Amélie Fonlupt (un nom qui me rappelle de bons souvenirs : celui du pédiatre qui a suivi mes enfants à Rennes, mais cela n’a rien à voir !) fait revivre trois générations de femmes du Cap Vert. La grand-mère, venue en France car elle ne supportait plus la misère de son pays, la mère Reine, installée en France et qui serait très heureuse si son mari arrêtait de jouer de poker, et Léna le personnage principal qui va s’évader de son milieu grâce au piano.
L’écriture est très rapide et cela donne l’impression d’un survol plus que d’un ancrage dans le monde des émigrés capverdiens. Le Cap Vert est un pays soumis à des intempéries qui ravagent les sols et réduisent à la misère une population paysanne qui pouvait juste survivre. Ce sont les femmes dans ce pays comme dans beaucoup d’autres qui se confrontent aux difficultés pour leurs enfants, les hommes s’exilent. Arrivée en France, la grand-mère n’hésite pas à faire des ménages pour élever sa fille Reine, qui a son tour fera des ménages, sa santé l’ayant empêchée de poursuivre ses études.
On sent bien tout le courage de ces femmes et aussi la fatalité des destins auxquels Léna veut échapper.
La galerie de portraits dans ce roman ne m’ont, hélas, pas convaincue, ils sont pourtant sympathiques mais je les ai trouvés sans consistance : Max son petit frère qui est harcelé dans son collège, l’Algérienne concierge au verbe haut qui fait des gâteux à longueur de journée, le professeur de musique du collège qui initiera Léna au piano, les riches patrons de Reine.
C’est compliqué d’expliquer quand un roman, avec des aspects qui auraient pu me plaire, ne prend pas, je pense que tout vient du style de l’écrivaine : trop rapide et trop facile sans doute.
Je dois lui reconnaître une qualité à ce roman … depuis cette lecture je « ré » écoute Césaria Évoria

Citations

Un début qui m’a plu

Le 27 août 1941, donc, Mamé naissait à São Miguel, dans le nord de l’île de Santiago, tandis que Cesaria Évoria venait au monde à Mindelo sur l’île de São Vicente. Un hasard amusant qui fut cependant sans incidence puisque, de comment elles n’eurent pas grand chose si ce n’est cette date, ce pays et une volonté farouche de sortir du commun. Toujours est-il que des deux vous n’avez entendu parler que de la seconde(…) Vous ignorez peut-être qu’à sa mort trois jours de deuil furent décrétés au Cap Vert, et un aéroport fut rebaptisée à son nom. C’est bien vous avez écouté la chanteuse grâce à qui un pays s’est fait entendre, mais dès lors que vous n’avez pas connu ma grand-mère, ce n’est pas tout.

Une lignée de femmes.

 Alors si ma mère avait su que dans ma chambre j’écoutais du piano, si elle avait su qu’après l’école je faisais semblant de rester plus longtemps à l’étude pour pouvoir m’attarder dans la salle de musique, là, elle aurait paniqué à raison. Mais je ne pouvais pas le lui dire. Je venais d’une lignée de femmes auxquelles on avait dit que le rêve était un luxe à la portée des gens qui en ont les moyens. Je n’avais pas le droit. Vouloir être artiste était insensé, cela n’était pas pour nous. nous qui ne possédions pas grand chose. Il fallait trouver un vrai travail, avec un salaire à la fin du mois.

 


Édition Gallimard NRF

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Se souvenir de cette phrase

 La seule arme qu’a un pauvre pour conserver sa dignité est d’instiller la peur.

Quel livre ! Comment peut-on ensuite avoir la moindre confiance dans la conduite des affaires de la Russie en Poutine, appelé le Tzar dans tout ce roman ? Et comment ne peut on faire autrement que de chercher à se défendre de lui ? Ce roman prend pour sujet des confidences que Vadim Baranov, personnage réel qui a été l’éminence grise de Poutine pendant vingt ans, auraient faites à l’écrivain qui connaît mieux que personne les dessous du pouvoir du Kremlin dirigé par Poutine de main de fer.

Nous découvrons que tout ce que l’Europe connaît comme conflits les plus horribles sont dues au désir de Poutine de redonner la fierté aux Russes que ce soit la guerre en Tchétchénie ou la guerre en Ukraine. Tout est venu de la fin du communisme période pendant laquelle la Russie a connu une période où tout était permis mais où, surtout, les dirigeants internationaux, en particulier les américains, méprisaient de façon ouverte les dirigeants russes. Il raconte comment le fou rire de Clinton devant les propos incohérents d’Elstine lors d’une conférence de presse à New York en 1995 a humilié toute une nation. Toute la conduite de Poutine est de faire peur aux occidentaux et peu importe les prix humains que cette folie de grandeur coûtera.
Ce roman, ou essai car on se demande ce qui est romancé dans cette histoire, est absolument passionnant. Le style de cet auteur est agréable à lire, on sent qu’il connaît très bien son sujet. On retrouve tous les évènements dont a plus ou moins entendu parler, la montée des oligarques et leur chute voire leur suicides « assistés » . La Russie s’est trouvé le maître qui lui convient, il flatte leur sentiment de supériorité et en les obligeant à se soumettre ils retrouvent la conduite de leurs grands-parents de ne plus rien critiquer et d’absorber la propagande servie par des médias au main de leur Tzar préféré . C’est d’une tristesse incroyable

 

 

Citations

J’ai envie de lire cet auteur que je ne connaissais pas.

Depuis que je l’avais découvert, Zamiatine était devenu mon obsession. Il me semblait que son œuvre concentrait toutes les questions de l’époque qui était la nôtre. « Nous » ne décrivait pas que l’Union soviétique, il racontait surtout le monde lisse, sans aspérités, des algorithmes, la matrice globale en construction et, face à celle-ci l’irrémédiable insuffisance de nos cerveaux primitifs. Zamiatine était un oracle, il ne s’adressait pas seulement à Staline : il épinglait tous les dictateurs à venir, les oligarques de la Silicone Valley comme les mandarins du parti unique chinois.

Les élites russes.

 Voyez-vous, l’élite soviétique au fond ressemblait beaucoup à la vieille noblesse tsariste. Un peu moins élégante, un peu plus instruite, mais avec le même mépris aristocratique pour l’argent, la même distance sidérale du peuple, la même propension à l’arrogance et à la violence. On échappe pas à son propre destin et celui des Russes est d’être gouvernés par les descendants d’Ivan le terrible. On peut inventer tout ce qu’on voudra, la révolution prolétaire, le libéralisme effréné, le résultat est toujours le même : au sommet il y a les « opritchniki » des chiens de garde du tsar.

Moscou 1990.

 Moscou au milieu des années 90, était le bon endroit. Vous pouviez sortir de la maison un après-midi pour aller acheter des cigarettes, rencontrer par hasard un ami surexcité pour je ne sais quelle raison et vous réveiller deux jours plus tard, dans un chalet à Courchevel, à moitié nu entouré de beautés endormies, sans avoir la moindre idée de comment vous est-il arrivé là. Ou bien, vous vous rendiez à une fête privée dans un club de strip-tease, vous commenciez à parler avec un inconnu, gonflé de vodka jusqu’aux oreilles, et le lendemain vous vous retrouviez propulsé à la tête d’une campagne de communication de plusieurs millions de roubles.

Comprendre Moscou .

Tout contribuait à alimenter la bulle radioactive de Moscou. Les aspirations accumulées de tout un pays, immergé depuis des décennies dans la sénescente torpeur communiste, convergeaient ici. Et au centre, il n’y avait pas la culture, comme le croyait les intellectuels convaincus d’hériter du sceptre et qui n’avaient rien hérité du tout. Au centre, il y avait la télévision. Le cœur névralgique du nouveau monde qui, avec son poids magique, courbait le temps et projetait partout le reflet phosphorescent du désir. 
Convertir mon expérience théâtrale en carrière de producteur de télévision fut comme passer du carrosse à vapeur à la Lamborghini.

Humour Soviétique.

 « Sais-tu ce que disaient les Moscovites de la Loubianka à l’époque de L’URSS ? Que c’était l’immeuble le plus haut de la ville car de ses caves on voyait la Sibérie… »

 Staline dans les souvenirs des Russes.

 Vous, les intellectuels, vous êtes convaincus que c’est parce que les gens ont oublié. D’après-vous, ils ne se souviennent pas des purges, des massacres. C’est pourquoi vous continuez à publier article sur article, livre sur livre à propos de 1937, des goulags, des victimes du stalinisme. Vous pensez que Staline est populaire malgré les massacres. Eh bien, vous vous trompez, il est populaire à cause des massacres. Parce que lui au moins savait comment traiter les voleurs et les traîtres. »
 Le tzar fit une pause. 
« Tu sais ce que fait Staline quand les trains soviétiques commencent à avoir une série d’accidents ?
-Non.
– Il prend Von Meck, le directeur des chemins de fer, et le fait fusiller pour sabotage. Cela ne résout pas le problème des chemins de fer, en fait cela peut même l’aggraver. Mais il donne un exutoire à la rage. La même chose se produit chaque fois que le système n’est pas à la hauteur. Quand la viande vient à manquer Staline fait arrêter le commissaire du peuple pour l’agriculture. Tchernov, l’envoie au tribunal et celui-ci, comme par magie confesse que c’est lui qui a fait abattre des milliers de vaches et de cochons pour déstabiliser le régime et fomenter une révolte.

Remarque que je trouve juste.

 J’ai pu constater à plusieurs reprises que les rebelles les plus féroces sont parmi les sujets les plus sensibles à la pompe du pouvoir. Et plus ils grognent quand ils sont devant la porte, plus ils glapissent de joie une fois passé le seuil. Contrairement aux notables, qui cachent parfois des pulsions anarchique sous l’habitude des dorures, les rebelles sont immanquablement éblouis comme les animaux sauvages face au phare des routiers.

 

 

Édition Acte Sud
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Cet auteur fait partie de mes favoris, j’aime beaucoup la saga des Rosiers : la traversée du continent, Victoire, La traversée de la ville, la traversée des sentiments. 
Dans ses romans la musique a toujours de l’importance et dans cet ensemble de textes, il a réuni des moments de sa vie liés à la musique . C’est parfois drôle, triste ou tragique. Comme le premier moment lié à la mort de son frère qu’il aimait tant. C’est parfois cruel, comme lorsqu’il raconte combien Montserat Caballé avait gardé une voix superbe mais un corps qui ne lui permettait plus de jouer les jeunes amoureuses. Je comprends Le fou rire qui le saisit à la vue de cette grosse femme enveloppée de taffetas virevoltant mais je trouve son rire cruel pour cette grande artiste. En revanche j’ai bien aimé qu’il critique de façon drôle et méchante le spectacle de Luis Mariano. Je comprends sa rancœur car il a eu l’impression que ce mauvais spectacle avait été envoyé au Québec en prenant les habitants pour des « ploucs » tout juste bon à chanter en choeur « Mexiiiiiiiiiiiiiiiiiiico » . Mais il faut dire que la salle était pleine, hélas Luis était si fatigué qu’il a eu bien du mal à chanter.
J’ai bien aimé son observation du concert de Céline Dion à Las Vegas, concert pour lequel ses fans ont payé des fortunes pour ne pas entendre la chanteuse car la salle reprenait en chœur les chansons sans écouter leur idole. J’ai choisi un passage sur Barbara, chanteuse qu’il se faisait un point d’honneur à ne pas aimer jusqu’au jour où sur scène, elle l’a totalement ému.
Bref un bon petit livre mais sans plus pour moi. Je me suis un peu fatiguée de passer d’une nouvelle à l’autre.

Citations.

Un bel hommage à Barbara.

 Le génie de Barbara fut plus fort que mes ridicules réticences, est au bout d’un quart d’heure, cette fois assis au fond de mon fauteuil, je fus obligée de sortir le petit paquet de kleenex que je gardais toujours sur moi l’hiver. Et pendant l’heure et demie qui suivit, je découvris toutes les beautés que je n’avais jamais voulu voir, les aveux bouleversants, les chuchotements dont je m’étais tant moqué et qui contenait pourtant toute la douleur du monde, je vis des paysages tristes décrits en mots simples et des femmes qui souffraient d’une absence, de départ, je me laissais couler dans ce monde glauque ou l’espoir semblait banni à tout jamais, j’entendis des déclarations d’amour déchirantes et oui, tout de même, des paroles véhémentes annonçant de terribles vengeances ou, du moins, leur désir .

Le boléro de Ravel.

 Le tambour continue son rythme régulier qui, curieusement, commence à le déranger : c’est comme le vrombissement d’une mouche dont on arrive pas à se débarrasser. C’était bien au début, ça partait bien l’œuvre, mais on devrait passer à autre chose. L’orchestre entier commence alors à suivre le rythme du tambour, c’est plus doux, plus langoureux, moins achalant, ça couvre un peu la caisse, puis se lance dans la première mélodie et il sent son cœur battre plus fort. Que ces beau. L’orchestre se gonfle tout à coup, et entonne un nouveau thème, très court, avant de revenir au premier. Les instruments se répondent, les sections semblent lancer des défis, mais à travers tout ça, à travers tout l’orchestre, les deux thèmes qui se répètent et se mélangent, il se rend compte qu’il entend quand même encore le tambour, pourtant discret, enterré sous le reste de l’orchestre, et ça l’énerve de plus en plus comme un grattement sans fin au fond de son oreille.