Édition folio Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Arnaud

 

L’appel à la sainteté et au sacrifice de soi, les illusions et la superstition nécessaire disparaissaient du monde à cette époque déjà 

 

Le 18 décembre 2018, Dominique faisait paraître un billet sur ce roman et immédiatement cela m’a tentée. Comme on peut le constater, je ne suis pas très rapide dans la concrétisation de mes tentations !

Je dois d’abord dire que j’ai failli lâcher cette lecture au bout de cent pages. Gros avantage des blogs et d’internet, on peut relire les billets même quelques années plus tard, je suis donc retournée sur son blog et cela m’a donné un second souffle pour finir ma lecture. Heureusement ! car c’est un excellent roman de plus très original.
Pourquoi ai-je failli l’abandonner ? Parce qu’il présentait une vision trop idyllique, à mes yeux, de l’univers des sœurs, ici, les petites sœurs des pauvres. Et que, comme moi je suppose, vous connaissez des récits personnels, ou des romans, décrivant toute la perversité avec laquelle l’église catholique a contraint des consciences, parfois avec violence au nom du « bien ».

Pourquoi aurais-je eu tort d’arrêter ma lecture ? Parce que je n’aurais pas dû oublier que petites sœurs des pauvres ont été les pionnières et souvent les seules à lutter contre la précarité au début du 20° siècle. Dans ce roman, on parle de Jeanne Jugan qui est originaire de ma région et dont la vie, à l’image des sœurs de Brooklyn, est faite d’abnégation et de courage mais aussi de jalousie et de perfidies dont elle a été victime.

Le roman commence par le suicide de Jim, mari d’Annie et père de Sally . Les sœurs font tout ce qu’elles peuvent pour éviter à la famille le déshonneur d’un suicide hélas la presse a dévoilé cette mort par le gaz qui aurait pu faire sauter tout l’immeuble. Si sœur Saint-Sauveur n’arrive pas à faire dire une messe ni à faire enterrer en terre catholique le malheureux Jim, au moins sauve-t-elle Annie de la misère la plus absolue en l’employant à la blanchisserie du couvent. Ainsi Sally va-t-elle naître et grandir au milieu des sœurs. On voit peu à peu différents caractères se dessiner, celle qui règne sur la blanchisserie : Illuminata a un caractère bourru mais elle se prend d’affection pour Annie et Sally et elle est jalouse de Jeanne une sœur plus jeune qui va comprendre qu’Annie a besoin parfois de souffler un peu et lui permet de sortir du couvent.
A Brooklyn dans la communauté irlandaise , l’alcool, la misère, les naissances trop rapprochées sont le lot d’une population qui essaie tant bien que mal de s’en sortir. J’ai retrouvé dans ces descriptions l’ambiance d’une série que j’ai beaucoup aimé et qui se passe dans les années 50 en Grande-Bretagne : « Call The Midwife » .

Plusieurs personnages secondaires apparaissent qu’il ne faut surtout pas négliger, car ils vont se réunir pour former la trame romanesque de cette plongée dans le début du 20° siècle dans le New York de la grande pauvreté. Monsieur Costello, le livreur de lait, marié à une femme amputée d’une jambe et tout le temps malade – la description des soins qu’il faut lui administrer sont d’un réalisme difficilement soutenable. La famille Tierney qui malgré les difficultés et les nombreuses naissances est marquée par la joie de vivre . J’ai appris grâce à cette famille que pour éviter de faire la guerre de Sécession on pouvait payer un remplaçant mais si celui-ci revenait blessé la famille se devait, au moins moralement, mais souvent financièrement l’aider à s’en sortir.

Le décor est planté, la jeune Sally ira-t-elle vers les modèles qui ont bercé son enfance et deviendra-elle nonne à son tour ? Elle a bien failli le faire, mais un terrible voyage en train lui a montré qu’elle n’avait pas l’âme assez forte pour supporter l’humanité souffrante (et déviante). Ira-telle vers une vie familiale avec Patrick Tierney ? Mais pour cela il faudrait qu’elle abandonne sa mère qui a tant fait pour elle.
Oui, il va y avoir une solution mais il ne faut pas top s’étonner qu’à l’âge adulte Sally ait eu des tendances à la dépression !

Un excellent roman, qui vaut autant pour les descriptions précises et très (trop parfois pour moi) réalistes de la communauté pauvre irlandaise de Brooklyn, que pour les rapports entre les religieuses, que par sa construction romanesque très bien imaginée. Si j’ai une petite réserve c’est que j’ai trouvé un inutilement compliqué de comprendre qui était en réalité le narrateur, mais cela permet de ne pas divulgâcher la fin. Comme je fais partie des gens qui aiment mieux connaître le dénouement avant de lire un roman, évidemment j’ai été plus agacée que séduite par ce procédé.
Mais ce n’est qu’un tout petit bémol par rapport à l’intérêt de ce roman qui a reçu le prix Fémina pour le roman étranger, en 2018, c’est vraiment plus que mérité, car c’est un très bel hommage aux femmes à toutes les femmes !

 

Citations

 

La pauvreté

Sœur Lucy dit à Sally qu’un bon mari était une bénédiction – un bon mari qui allait au travail tous les jours, ne dilapidait pas son salaire au bar ou sur les champs de courses, ne battait pas ses enfants et ne traitait pas sa femme en esclave – mais une bénédiction rare à tout le moins.
Elle dit : Même un bon mari est capable d’épuiser sa femme. Elle dit : Même une bonne épouse est susceptible de se transformer en sorcière ou en poivrote ou, pire, en bébé ou en invalide, afin de tenir son très bon mari à l’écart de son lit.

Éducation sexuelle de la jeune novice dans un voyage en train

« Et même si je suis sûr, poursuivit-elle, qu’un petit bébé bonne sœur ne connaît rien à ces choses-là, je peux vous affirmer qu’on a jamais vu un homme avec un pénis aussi minuscule. » Elle brandit son petit doigt pâle. L’ongle, la chair même se terminaient en une pointe ourlée de crasse. Puis la femme fourra le doigt dans sa bouche et referma les lèvres dessus. Elle écarquilla les yeux comme sous le coup de la surprise. Lorsque elle ressortit son doigt, il était humide et taché de rouge à lèvres à sa base. Ensuite elle posa sa main, aux doigts repliés dans sa paume sur ses larges cuisses et remua son petit doigt humide contre le tissu noir de sa jupe.  » Vous imaginez, dit-elle avec désinvolture, une fille de ma taille passant sa vie à chevaucher un truc de cette taille là ? » Sally détourna les yeux, le visage brûlant.

J’aime bien cette description d’une dispute familiale

Ainsi s’acheva la dispute. Ils étaient tous les deux tout rouge. Ils se passèrent tous les deux la langue sur les lèvres, satisfaits, pour lécher les postillons des mots qu’ils venaient de crier. Les disputes de leurs parents, nous raconta notre père, éclataient soudainement, comme une bagarre de rue, puis se terminaient tout aussi vite. La paix redescendait. Ça ressemblait au bonheur.
Leurs six enfants en vinrent à comprendre qu’on pouvait trouver une certaine satisfaction à faire enrager un être aimé

 

Traduit du Roumain par Philippe Loubière . Édition des Syrtes

C’est Inngamic qui m’a donné envie de lire ce roman, mais je crains que le but de Goran, Eva , Patrice pour le mois Europe de l’Est soit un peu raté, car je ne vais pas vous faire découvrir un nouvel auteur, mais simplement confirmer les avis très positifs de l’an dernier, peut-être que, malgré cela, vous ne l’aviez pas encore découvert ? Si vous le lisez je parie que l’an prochain, il sera de nouveau dans le mois de l’Europe de l’Est !

Ce roman est tout à fait à part, tout est dans le style de cette auteure. Chaque phrase est percutante et permet, peu à peu, de reconstruire la vie tragique d’Alesky et de sa mère. L’auteure manie avec une telle dextérité, l’ellipse, que je ne veux pas vous redonner le fil du récit car vous perdriez un des charmes du roman. Comme de petits éclairs dans une vie si sombre, les clé de compréhension viennent éclairer ce récit. On peut, sans rien déflorer, dire que Tatiana Tibuléac, nous met dans la tête d’un adolescent qui a le cerveau dérangé et qui hait sa mère. C’est peu de le dire, il rêve de la tuer dès qu’il pense à elle, il faut dire qu’il n’a reçu que des rejets de sa part depuis la mort de sa petite sœur. Mais ensemble, à la demande express de sa mère, , ils partent en vacances, en France. C’est là le coeur du roman, non seulement cet été là , il découvrira les yeux verts de sa mère, mais, plus encore, il va essayer de la comprendre. Le sujet du roman, c’est donc la progression vers un amour bancal car ni l’un ni l’autre ne vont bien, lui a le cerceau un peu dérangé et sa mère est atteinte d’un cancer « enragé ».

Tout est dans la façon de raconter cette énorme souffrance d’un enfant fragile qui non seulement doit se remettre de la mort de sa petite sœur adorée mais qui est ignoré par son père alcoolique et rejeté par sa mère murée dans sa propre souffrance. Il devient violent et s’enferme derrière un mur de haine qu’il croit indestructible. Les phrases sont percutantes et font mal, à l’image du début que l’on ne peut pas oublier :

Ce matin-là, alors que je la haïssais plus que jamais maman venait d’avoir trente neuf ans. Elle était petite et grosse, bête et laide. C’était la maman la plus inutile de toutes celles qui ont jamais existé.
J’ai souvent eu envie de recopier des phrases de ce roman (il y a donc beaucoup d’extraits) , j’espère que vous les lirez car mieux que ce que je peux en dire, il vous expliqueront pourquoi j’ai aimé ce petit livre malgré la dureté du propos.

 

Citations

L’arrivée dans le village

Il y avait trois jours que je me trouvais dans ce village, sans avoir encore vu personne. Je dormais toute la journée, ou bien je fumais, ou bien je mangeais du pop-corn, ou bien je haïssais maman. Entre-temps, Jim et Kalo étaient partis pour Amsterdam, passer ces fameuses vacances que j’attendais depuis trois ans et pour lesquels j’avais mis de côté les sous que je recevais à l’occasion de chaque fête, plus ceux que j’avais piqués à Grand-Mère.

Sa petite sœur

Il aurait mieux valu que ce fût papa qui mourût, plutôt que Mika. Si la mort tenait compte de notre avis, il mourrait beaucoup de gens bien choisis.
 Notre psychiatre disait que, jusqu’à cinq ans, les enfants ne se souvenaient de rien. Moi, je crois qu’elle déconne et que Mika est morte avec beaucoup de souvenirs, les souvenirs les plus beaux et les plus vrais qui aient jamais existé dans notre maudite famille.
 Je suis sûr que si Dieu avait eu une fille, elle se serait appelée Mika. J’ai tellement le mal d’elle que je m’en arracherais les yeux.

Le monde de l’art

Du monde bigarré et avide qui m’entoure -intermédiaires qui gagnent plus que les artistes, directeurs de galeries prestigieuses ou douteuses, critiques d’art plus fous que moi, oligarques russes et mécènes japonais, milliardaires juifs qui ne reconnaîtraient pour rien au monde qui ne sont ni l’un ni l’autre -, il n’y a que Sacha qui est intérêt à me voir en vie. Si je n’avais pas été là, il aurait continué à travailler comme assistant d’un médecin, avec un salaire d’étudiant. Pour le reste, tout ce ramassis de hyènes serait bien content si je mourais – d’un cancer, de préférence, comme maman, ou de démence-, pour doubler ainsi tant la cote de mes œuvre que leurs profits, déjà gras et immérités.

La transformation de sa mère

Bien qu’elle soit devenue plus belle et plus intelligente, maman s’évanouissait de plus en plus souvent et devenait de plus en plus maigre. Quand elle marchait, ses mains se balançait le long du corps comme celle d’une poupée de chiffon et les commissures de ses lèvres tombaient, la faisant ressembler à un enfant boudeur.
Mais c’était la meilleure maman que j’avais eu jusqu’à présent. Même si je connaissais l’effet de cette maladie sur un humain, j’allais demander pour Noël un cancer pour maman, et non de faire l’amour avec Jude. Quant à papa, je crois qu’aucune maladie ne l’aurait fait changer.

La psychiatrie

Je me suis posé ces questions, dans ma solitude et ma folie, en ramassant mes os éparpillés dans tous les recoins de la chambre avec des mots flottants, allongé sur le divan des dizaines de psychiatres qui ont défilé dans mon cerveau comme dans le couloir d’un hôtel de passe, au cours de dizaines d’interviews et d’émissions sur moi et ma vision si original de la vie.

Les villages français

Aujourd’hui, que j’en suis à aimer les villages français plus que tout autre endroit au monde, tous ces festivals et toutes ces foires sont une partie de moi-même. Je n’en manque aucun, que je rentre à la maison avec une poignée de tomates ou avec un sac plein de laine de mouton. Mais je comprenais mal alors comment des gens sains d’esprit pouvaient avec pouvaient avec tout leur sérieux, organiser « la fête du panais », « la folie des produits à base de pois cassés » ou « le concours régional du meilleur poivron ».

Le voyage de noce de sa mère

Une longue histoire, partiellement inventée, je suppose, sur sa lune de miel avec papa a suivi. Bref, maman voulait voir Venise et papa l’a emmenée à Klaïpeda, un port de Lituanie, où il avait un cousin docker, et pendant quatre semaines ils ont déchargé les sacs d’un bateau.

 

Édition Notabilia

 

J’ai beaucoup aimé son précédent roman « Le dernier gardien D’Ellis-Island » . J’apprécie beaucoup l’écriture de cette romancière entre poésie et narration. Elle décrit ici, le chagrin d’une mère qui n’a pas su retenir son fils Louis auprès d’elle. Mariée trop jeune avec un marin pêcheur, et veuve quelques années plus tard, elle accepte de devenir la femme du pharmacien du village qui lui promet d’aimer son fils. Hélas ! il ne saura pas être un père de substitution et il sera même violent avec Louis qui s’enfuira pour devenir marin comme son père. Rongée par la culpabilité et la souffrance Anne ne se remettra jamais de ce départ. Elle l’attend, elle ne peut plus faire que cela, même si elle remplit aussi son rôle de femme et de mère avec les enfants qu’elle a eus de son second mariage. Dans sa petite maison, proche de la grève, elle invente le festin qu’elle cuisinera pour son fils quand il lui reviendra.

À travers son chagrin, on revit la vie de cette femme simple et courageuse. Née dans une famille pauvre dans les années 1930, Anna est élevée à la paire de claques et sans amour. Elle se marie très vite et très vite a un fils Louis. Ce roman met en lumière des faits de guerre dont je n’avais jamais entendu parler : Anna est veuve pendant la guerre parce que son mari est parti pêcher alors que la Grande-Bretagne avait averti qu’elle coulerait tous les bateaux afin que l’occupant allemand ne puisse pas se nourrir des produits de la mer. Elle doit travailler à l’usine de conserves de sardines (je me suis demandée comment cette usine avait des poissons si la pêche était interdite !), elle vit la guerre dans la terreur et l’après guerre ne lui apporte que peu de joies jusqu’à l’arrivée d’Etienne qui lui déclare son amour et en fait sa femme. J’avoue avoir été très triste par la fin du roman tellement injuste ! Un beau roman dont l’écriture saisit le lecteur jusqu’à la dernière ligne.

 

Citations

Paroles de l’impossible réconfort

« Une fugue, ça arrive, vous savez, Madame, c’est un adolescent un peu difficile, dites-vous, mais il va sûrement revenir. Il est mineur, il n’a pas d’argent, où voulez-vous qu’il aille ? »
 Je n’ai pu que hocher la tête pour approuver ces paroles que j’aimerais tant croire, mais ce ne sont que les mots usés, épuisés, rapiécés, de l’impossible réconfort.

L’école pour une enfant misérable avant guerre

 On me trouvait sauvage , rebelle , alors qu un mot , un geste aurait suffi affaires céder toute cette tension qui me dévorait . J’étais lasse des moqueries des autres élèves, pour mes affaires oubliées, perdues ou cassées, pour ma blouse tachée ou déchirée, lasse des punitions. J’aimais apprendre, j’aimais lire surtout, j’aurais voulu des journées entières passées à vivre d’autres vies que la mienne, mais je haïssais l’école, tout autant que je désirais fuir un foyer ou seul des brutalité m’attendaient. Oui, fuir,mais où ?

Adolescence

Seize ans, le temps de tous les tourments, des désordres, des élans , des questions, des violences contenues qu’un mot heureux pourrait apaiser, des fragilités qui n’attendent qu’une main aimante. L’âge où tout est prêt à s’embraser, à s’envoler ou à s’abîmer. Je le sais, je suis passé par là. Les grandes marées du cœur. Louis a épousé la rage, la déception, la colère, et aussi une peine qu’il ne voulait pas s’avouer, face à tant d’inconnus qu’il découvrait en lui. Il faut du temps pour se déchiffrer à ses propres yeux. Son enfance a pris fin depuis longtemps, il ne reste une béance, celle de l’absence de son père, que je suis impuissante à combler.

Je ne savais pas cela

C’est la Royal Air Force qui avait bombardé le chalutier. Pour les Anglais, depuis le début de la guerre, depuis qu’en juin 1940 les Allemands étaient arrivés jusqu’en Bretagne, l’objectif était simple : il ne fallait pas nourrir l’ennemi. Alors, plus de pêche, ou si peu, pour affamer l’armée d’occupation. À tout prix. Londres y veillait, Churchill s’était montré intraitable. Intérêt supérieur des nations entendions nous. Les restrictions, les interdictions pleuvait sur les bateaux de pêche. Puis les avertissements, les intimidations, les menaces. Les sommations. Les tirs. Les bombes. Les mouillages de mines par les sous-marins. La guerre.

 

Édition JC Lattès, traduit de l’anglais par Freddy Michalski

Une histoire à deux voix, deux jeunesses , celle d’Odile qui a vingt ans en 1939 à Paris et Lily qui en a seize en 1988 à Froid dans le Montana. Lily rencontre Odile qui vit à Froid à l’occasion d’un exposé sur la France. Les deux vies vont se dérouler devant nos yeux. Odile réussit, grâce à l’énergie de sa jeunesse à être employée à la Bibliothèques américaine de Paris , et elle y a trouvé le bonheur au milieu des livres qu’elle aime tant. Elle est issue de la petite bourgeoisie parisienne, sa mère est prisonnière de toutes les convenances sociales, et son père, commissaire de police mène sa famille d’une main de fer. La bibliothèque est son espace de liberté dont elle a besoin pour devenir pleinement adulte. La guerre va détruire tout cela et détruira Odile en lui mettant devant les yeux ce qu’elle ne voulait pas voir. La vie de Lily est moins tragique même si elle perd sa mère trop tôt et se retrouve vivre avec une belle mère et deux petits frères aussi adorables que fatigants. Odile aidera, Lily à comprendre sa belle mère et surtout à ne pas perdre son amitié pour Mary-Louise. La solitude d’Odile loin de sa famille parisienne cache bien des drames qui ne sont révélés que peu à peu. Très vite on comprend que les juifs qui disparaissent peu à peu de l’univers de la bibliothèque vont hanter l’esprit d’Odile mais le pire est à venir et on le découvrira à travers la vie de Margaret son amie anglaise qui a réussi à rester vivre à Paris.

J’avoue ne pas avoir beaucoup apprécié cette lecture malgré l’importance donnée aux livres. Je ne crois pas aux personnages et je sens que tout l’intérêt vient du dévoilement progressif des horreurs de la guerre à Paris . Finalement le pire est une réaction de jalousie d’Odile vis à vis de Margaret. Quand j’ai lu ce roman, je me disais que lorsque les Français ont connu cette période ou que leurs descendants essaient de transcrire ce qu’ont vécu leurs aïeux, ils le font de façon beaucoup plus juste . Ici, on a le regard d’une américaine sur la France et cela se déroule comme dans un film américain où toutes les explications psychologiques sont si simples à comprendre et la réalité de la France occupée par les Nazis comme un décor pour un film à suspens.

 

 

Citations

 

L’amour d’un père dans le Montana

– Les gens sont maladroits, ils ne savent pas toujours ce qu’il faut faire ou dire. Essaie de ne pas leur en tenir rigueur. Tu ne sais jamais ce qu’ils ont dans le coeur. 

– Papa est trop souvent absent.
– Oh, quel dommage que les bébés ne gardent aucun souvenir de la manière dont ils ont été chéris. Ton papa t’a bercée dans ses bras des nuits durant.

En 1939 à Paris, dans une famille conventionnelle

Les hommes importants ont des maîtresses, poursuivit-il. C’est un symbole de statut social, comme une montre en or.
– Le divorce, avait répété maman d’une voix blanche. Mais qu’allons nous dire aux gens ?
Ma mère avait une tournure d’esprit bien à elle et sa première réaction était invariablement :  » Que vont penser les gens ? » Elle avait jeté un coup d’œil à Mgr Clément qui se tenait sur les marches de l’église. 
– C’est tout ce que tu trouves, à dire ? s’était exclamé tante Caro.
– Tu ne pourras pas assister à la messe.

 

Édition de l’Olivier

Je pensais avoir déjà mis des romans de cet auteur sur mon blog mais puisque je ne l’ai pas encore fait, je vais commencer par celui-là qui a eu le grand mérite de m’occuper pendant deux jours pendant cette horrible période de confinement au printemps 2020. Nous sommes en 2008, et le narrateur un Paul Stern qui doit avoir quelques points communs avec l’auteur, est accablé par une famille assez lourde. Son oncle Charles et son père se détestent. Son père a formé avec sa mère un couple traditionnel, catholique très conservateur qui a un peu étouffé leur fils unique Paul. Le père a eu bien des déboires financiers et a mené une vie assez étriquée, Charles est tout le contraire, il est très riche, vit avec une femme sans être marié qu’il appelle John-Johnny et a de nombreuses maîtresses. Il cherche par tous les moyens à écraser son frère en particulier en achetant des bateaux à moteur très puissants. Ce frère meurt, et le père du narrateur hérite et avoue à son fils qu’il n’a jamais eu la foi et qu’il n’a jamais aimé sa femme… Dans sa propre famille Paul ne comprend pas pourquoi sa femme Anna est dépressive au point de ne plus avoir envie de rien et de dormir toute la journée. En revanche, ses trois enfants ont l’air d’aller bien. Paul Stern part une année à Los Angeles pour rédiger le script d’un film tiré d’un mauvais film français. L’intérêt du roman vient de la peinture du monde de Los Angeles, d’Hollywood exactement et c’est vraiment terrible de voir comment ce grand pays maltraite sa population vieillissante et pauvre. Evidemment la peur de vieillir est encore plus terrible pour les acteurs. Son année aux US est ponctuée par les coups de fils de son père qui n’arrive pas à se mettre dans la tête le décalage horaire, et l’on voit cet homme que son fils a connu toute sa vie très coincé se lâcher dans les plaisirs du sexe et de l’argent. Paul reviendra en France et retrouvera une Anna plus en forme et on l’espère pour lui, une vie familiale plus épanouie.

Il manque de la profondeur à ce roman, en particulier sur les malaises de sa propre famille. On a aucune explication au mal-être d’Anna mais ce n’est sans doute pas ce que voulait faire l’auteur. En revanche l’auteur ne manque pas d’humour et son livre est riche d’impressions hélas trop justes sur l’envers du décor de la réussite américaine.

 

Citations

Ambiance dès le début du roman

Pour autant qu’il m’en souvienne, je n’ai jamais vu vivre ces deux hommes autrement que dans l’exécration et le conflit. Mon oncle, propriétaire de biens, installé à Paris – en outre le seul individu que j’ai connu à posséder un portefeuille en velours pourpre-, tenait son frère pour un velléitaire envieux, un raté oxydé par la province et l’aigreur, tandis que mon père, lorsqu’il évoquait les frasques de son aîné, commençait inévitablement par cette phrase : »Le sauteur s’est encore fait remarquer. » Ce terme désuet était assez approprié à l’univers des frères Stern.

Les deux frères

À quai, les frères s’épiaient . Quand l’un larguait les amarres, l’autre, en général Charles, le suivait précipitamment. À la sortie du chenal, le rituel était toujours le même : mon père calait son régime moteur à 1800 tours par minute – ce qui lui garantissait une consommation horaire d’un litre et demi de gas-oil- et sa ligne sur un cap à l’ouest tandis que son frère derrière lui, lançait ses turbines rugissantes. Au moment où il était dépassé sur bâbord, mon père s’efforçait de demeurer impavide dans la gerbe d’écume, n’adressant pas même un regard à l’énergumène qui envoyait son bateau ballotter dans tous les sens, ce chauffard des mers qu’il ne connaissait que trop.

Portrait d un acteur

 Il faut s’aider de la beauté nébuleuse caractéristique de ces médiocres acteurs dont on ne se rappelle jamais le nom. Il était à l’âge charnière où l’on pouvait encore deviner l’enfant imbuvable qu’il avait été et voir déjà le sale con qu’il s’apprêtait à devenir.

Ce roman date de 2008 mais ce qu’il décrit est encore vrai aujourd’hui.

Il ne rejoindrait pas la cohorte de ces retraités qui se rendaient à leur travail à l’heure où, le soir, je rentrais chez moi. On ne dit pas assez la violence extrême et quotidienne que ce pays inflige à ses ressortissants, aux plus pauvres, aux plus faibles d’entre eux. Pour survivre, payer le loyer et leurs soins médicaux, un nombre croissant d’hommes et de femmes cumule deux emplois. Le jour ils embauchent dans des supermarché ou des compagnies de nettoyage et, la nuit les hommes gardent des parkings tandis que les femmes servent dans les « diners » ouverts vingt quatre heures sur vingt quatre. La ville, le pays tout entier usent ses vieux jusqu’à la corde, puis les jettent à la rue quand ils n’ont plus les moyens de se payer un logement.

Je trouve cela très vrai :

Et je m’étais lancé dans le récit d’un scénario que j’improvisais et modelais tout en le racontant. Ce n’était pas la première fois que je le constatais , mais cela me surprenait chaque fois : l’esprit n’est qu’une matière inerte, un moteur découplé. Pour fonctionner il lui faut un carburant terriblement volatil et précieux : le désir.

Le re-mariage de son père avec la concubine de son propre frère

Je vis surgir mon père dans un costume beurre frais, sans doute taillé pour Maurice Chevalier, canotier compris, s’avancer vers le Maire au bras d’une femme sans doute séduisante, mais moulée dans une robe de taffetas blanc aux lignes emberlificotées qui mouraient vers l’arrière en une esquisse de traîne timidement inachevée. Françoise-Johnny portait un chapeau de la même matière, l’une de ces choses effrayantes que l’on ne voit plus que sur certains hippodromes britanniques, et qui retombait sur ses épaules à la façon d’un col de cygne mort. Je me demandais si c’était l’amour ou l’âge qui rendait à ce point fou. À moins que ce ne fût les deux.

Un milliardaire américain

Pourquoi les milliardaires adoptaient-il toujours le mauvais goût des empereurs et éprouvaient-ils le besoin irrépressible, d’enluminer, de dorer ce qui déjà suintait l’argent ? J’ignorais à partir de quelle quantité de diéthylamide d’acide lysergique (LSD) ce décor de péplum devenait acceptable, mais pour un promeneur néophyte il était une constante irritation oculaire. Même si, dans son genre, Ames n’était sans doute pas le pire. Pour un homme réputé compliqué, il aimait plutôt les choses simples, les colonnes hellènes, un horizon de marbre, des moulures à palmettes, les plafonds sixtiniens, un mobilier emperlouzés,des portes sculptées aux poignées poinçonnées.

Humour

Tu sais comment je l’appelle ? Forrest Gump. Parce qu’il passe la moitié du temps à courir pour se maintenir en forme et l’autre à galoper pour échapper à sa femme. C’est ça, je baise avec Forrest Gump.

Le golf

Alors ce golf ?
– Je ne sais pas jouer. Ce n’est vraiment pas mon sport.
– Qu’est-ce que vous me dites là ? Le golf n’est le sport de personnes, Paul. Les types qui le pratiquent l’ont choisi par défaut, parce qu’ils ont échoué dans d’autres disciplines par manque de vitesse, d’adresse, d’endurance de force. Le golfeur dissimule une petite infirmité, c’est pour ça qu’il fait son parcours en voiturette électrique.

LOS Angeles

Elle incarnait toute la pensée désaxée de ce pays, cette espèce de religiosité spongieuse, de verroterie spirituelle, de macédoine sociale, avec des pauvres pour ramasser les merdes des chiens, des vieux pour garer des voitures, Edwards pour livrer des pizzas, un remède de cheval pour calmer Efrain et des champignons pour guérir les angoisses vertébrale, C4 C5 incluses. Ce pays était une secte, avec ses rites économiques et ses gourous fanatiques.

Après « le ciel par dessus les toits » , et « Les rochers de poudre d’or » , voici ma troisième lecture d’Anna Appanah . Un véritable plaisir au début qui se termine par une déception. Ce roman raconte comment une femme écrivain a élevé seule sa fille Anna. Elle est le fruit d’un amour très fort, si fort que cette jeune femme n’a pas voulu entraver la liberté de son amant en lui annonçant qu’elle était enceinte. Sa fille ne sait rien de cet homme et imagine une rencontre rapide entre sa mère et un géniteur un peu au hasard. Elle a besoin de stabilité et fait un mariage très conventionnel. Pendant ces quelques jours de préparatifs, on sent toutes les tensions entre la mère et la fille. C’est très finement analysé , l’on comprend aussi que cette maman mauricienne mère d’une enfant au visage britannique a été parfois regardée avec curiosité, mais surtout il lui a fallu faire face et être là pour cette petite fille qu’elle aime tant. Elle vit souvent dans ses propres histoires : celles qu’elle a su si bien inventer pour ses lecteurs. Anna sa fille n’a qu’une crainte, que sa mère ne respecte pas les codes de bienséance pour son mariage. Et évidemment, Sonia, sa mère va transgresser : elle éprouvera une attirance irrésistible pour le père de son gendre (qui est divorcé, ce n’est pas totalement glauque !) et sa fille les surprendra dans le même lit ! Et c’est le reproche que j’ai fait à ce roman je n’ai pas réussi à croire qu’une mère aimante soit capable de faire ça sans penser à sa fille, pas ce jour là !

Je vous l’avez dit, cette fin a gâché ma lecture, dommage car jusque là j’étais vraiment bien dans cette fiction avec encore une fois sous la plume de cette écrivaine une grand finesse dans l’analyse des rapports humains.

 

Citations

Rapports mère fille

Anna m’appelle maman. J’aurais aimé qu’elle me donne un petit nom, quelque chose qu’elle aurait inventé pour moi, qui ne serait qu’à moi et si, par hasard, un jour, elle m’appelle alors que j’ai le dos tourné dans une grosse foule, si ce jour-là elle m’appelle à tue-tête de ce nom qu’elle m’aurait donné, je me retournerai, forcément, je saurai. Mais dans une foule, si quelqu’un crie maman, des centaines de femmes se retournent. Anna m’appelle maman, solennellement, gravement. Elle y met de la force, elle articule, elle fait des angles droits à ce mot-là, des falaises abruptes et des rochers affûtés en dessous, elle y met de la distance parfois, de la réprobation souvent. Elle me somme aussi, ai-je quelquefois l’impression, puisque je me raidis à ce mot-là. Une ou deux fois, au lieu de maman j’ai entendu madame et ça m’a rempli le cœur de larmes.

Chagrin d’une mère

Anna, ma fille, s’est éloignée de moi très jeune. Où est-ce moi qui ai fait le premier pas de côté à force d’être penchée sur des livres, de nourrir des familles entières dans la tête, de les aimer, de les faire grandir, de les tuer, de les triturer et à ma guise, peut-être dans ces moments-là, j’étais une mère distante, absente, faite de cendres et de fumée ?

(….)Je me suis dit que peut-être, elle ne m’aimait pas. C’est possible, cela arrive beaucoup plus souvent qu’on le pense, les enfants ne sont pas obligés d’aimer leurs parents.

Le bouquet du futur gendre

Les lys étaient droits comme des I, équilibre magique, plus rien de la fragilité de la douceur des fleurs, un boa en plumes blanches recouvrait le cou du vase- instrument et dans l’eau flottaient des paillettes blanches. Des jours plus tard, quand les lys se sont fanés et que j’ai essayé de les libérer de cette composition indescriptible , j’ai été saisie d’horreur en découvrant qu’ils étaient traversés par un fil de fer les maintenant jusqu’au pourrissement ultime, droit comme des militaires.

Que de remarques exactes dans ce court extrait

J’ai appris que l’expérience des autres n’a jamais servi à rien. D’ailleurs, on se demande bien si on apprend de sa propre expérience. 
On entend les gens dire des banalités, avoir de l’espoir ridicule, on sait qu’ils vont se casser la gueule sur la routine, que la vie à deux ce n’est pas cela, que les preuves d’amour c’est dans le quotidien, pas dans un nom qu’on porte, que l’amour c’est continuer à pardonner.

Édition Stock La cosmopolite. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mireille Vignol

Rien au monde n’est plus lourd que le cercueil d’un enfant et jamais d’adulte ayant ployer sous ce fardeau ne sera en mesure de l’oublier.

 

Je dois cette lecture à Krol, vous vous souvenez sans doute de son enthousiasme ? Et bien je vais vous faire partager le mien. Keisha me rappelle dans son commentaire qu’elle a beaucoup aimé aussi, je lui avais bien dit que mon billet allait venir, mais je ne dis plus jamais quand !

Je ne sais pas si c’est très utile mais l’auteur a eu besoin de nous avertir par ces mots :

Ce roman a été en partie inspiré par des faits qui se sont produits à Weston, dans le Wisconsin le 23 mars 2008.

Est-ce que cela rajoute quelque chose au roman ? En réalité , je n’en sais rien, tout parent qui a connu un de ses enfants s’éloigner de l’amour familial pour aller vers une dérive sectaire et y entraîner ses petits enfants peuvent se retrouver dans ce roman. Ici, il s’agit donc d’une dérive particulière, reliée aux églises pentecôtistes, les adeptes pensent que la prière peut remplacer les soins médicaux. C’est terrible pour les grands parents et il leur faudra tout leur amour pour essayer de sauver et d’arracher leur petit fils aux griffes de la secte tout en ne coupant pas les ponts avec leur fille.
Ce qui rend ce roman si attachant , c’est la description de la vie dans une petite ville du Wisconsin. Tout sonne juste, le magasin d’Électroménager qui a fermé ses portes, l’église traditionnelle qui se vide, les formes nouvelles de religion qui font le plein avec à leur tête des pasteurs peu scrupuleux. Les vieux amis qui disparaissent et le travail dans un verger qui est un des points forts du roman. Lyle le grand-père, impuissant devant les choix de sa fille s’y sent bien et aime y venir le plus souvent possible avec le petit Isaac. Mais sa fille est persuadée que ce grand-père a une influence satanique sur son fils, et Steven le pasteur malhonnête que l’enfant a des dons de guérisseur. La foi religieuse a une grande importance dans ce roman, et personne n’a de réponses toutes faites, sauf les sectaires qui ne doutent de rien et qui font tant de mal autour d’eux. Le personnage du pasteur traditionnel Charlie est tellement plus humain. Mais son église n’attire plus grand monde, dommage ! Une plongée dans l’Amérique religieuse qui va très mal avec des personnages très attachants. Lyle le grand père qui a lui-même perdu un enfant de neuf mois est très crédible et très attachant. On ne l’oublie pas facilement, je pense qu’en France il aurait eu plus facilement les autorités avec lui pour sauver plus vite son petit Isaac. Mais cela ne veut pas dire grand chose car, cela voudrait peur être dire que les sectaires se cachent mieux qu’aux USA. Il ne faut pas oublier qu’en France de très nombreux parents ne font pas vacciner leurs enfants.

Citations

Prémisses de radicalisation religieuse

Depuis qu’Isaac et Shiloh étaient revenus vivre à la maison, elle assistait poliment à la messe dominicale avec ses parents mais se rendait ensuite à une autre église abritée dans un ancien cinéma de la Crosse. Elle y passait tout l’après-midi jusqu’en début de soirée, en « confrérie », disait-elle. Lyle comprenait le concept de confrérie religieuse, certes, mais il se limitait pour lui à deux ou trois tasses de café trop léger et à quelques bavardages polis .

Le vieillissement de l’église traditionnelle

La messe à Sainte Olaf était un rappel hebdomadaire et mélancolique de cette perte. Car au fil des ans, les cheveux des paroissiens avaient grisonné, blanchi, puis complètement disparu, et les bancs s’étaient progressivement clairsemé. Il y avait assurément beaucoup moins d’enfants, si bien que le dimanche matin le prêche à la fois désuet et provoquant du pasteur Charlie résonnait dans le vide ; la chaire sur laquelle il se dressait semblait de plus en plus fragile et artificielle. Lyle s’était souvent demandé s’il n’aurait pas mieux valu former un grand cercle et parler. Quant au pasteur Charlie, que pensait-il face à cette longue salle rectangulaire, bondée deux décennies plus tôt, elle accueillait maintenant quelques dizaines de paroissiens …

Vivre dans une petite ville

Lyle et Charlie avaient grandi ensemble dans des fermes voisines ; ils s’acquittaient de leurs corvées, allaient à l’école, jouaient au football et assistaient à l’école du dimanche ensemble. C’est la bénédiction et la malédiction la plus flagrante d’une petite ville : votre famille, vos amis, vos voisins, vos collègues de travail et votre paroisses ne cessent, semble-t-il, de vivre dans votre poche, de vous observer par la fenêtre, ils sont assez proches de vous pour deviner si vous êtes heureux, triste, distrait, amoureux ou si vous avez une furieuse envie de disparaître à tout jamais.

Le cancer de son vieil ami

Le cancer, mon vieux. On dirait qu’on m’a renversé un sachet de M&M’s sur la poitrine. Sauf qu’ils sont tous de la même couleur merdique. Tout un tas de vilaines petites tumeurs blanches. Le médecin m’a même présenté des excuses. Pour avoir cru que c’était une pneumonie(….) En même temps il y a aussi une bonne nouvelle.
 Lyle le regarda.
– Ah bon ?
– Plus besoin d’arrêter de fumer, dit Hoot avec un sourire mélancolique.

Évolution du commerce

C’est pour ça que Redford-Électroménager a fait faillite, tu sais. À cause de magasins comme ça. Les petits commerces peuvent pas faire le poids.
– C’est bien triste, si tu veux mon avis.
– Peut-être mais c’est l’Amérique, non ? La main invisible et tout ce bazar. Le libre marché. Personne se soucie des commerces de proximité. Je crois qu’on a eu de la chance jusqu’à maintenant. On était protégés de tout ça dans notre petite ville. Mais c’était juste une question de temps avant qu’on nous découvre.

Un dimanche dans le Midwest

Il est des jours dans le Midwest américain où rien ne semble plus naturel que de parcourir de longues distances, ne serait-ce que pour quitter votre ville une poignée d’heures ; cette expédition incompréhensible au reste du monde représente un simple loisirs dominical : photographier des feuilles automnales ; suivre le cours du Mississippi ou de la rivière Sainte-Croix, des rivages du lac supérieur ou du lac Michigan (qui sont de véritables océan intérieur en vérité ) ; emprunter un sentier menant à quelques cascades ou peut-être entreprendre une longue excursion en en cas d’une chose aussi simple qu’une part de tarte. Quand il n’y a rien à faire -en route !

 

Chacun ses doudoux ! quand je trouve que le monde va mal et qu’un fond de tristesse m’envahit, je cours chez Sauveur Saint-Yves et pour moins de quarante cinq euros et un peu plus d’une heure de consultation, ce thérapeute me redonne confiance dans l’humain. Je sais que cette série d’adresse aux adolescents ce que je ne suis plus depuis si longtemps et que j’ai déjà fait deux billets à propos de cette série (sur le « un » et le « deux« ) . Mais la période est franchement pas folichonne et donc je régresse avec une joie non dissimulée. D’autant plus facilement que Noukette et Jérôme se sont ligués pour avoir trouvé chez cette auteure leur dose de réconfort. Ils parlaient de la saison 6 mais peu importe, on y trouve toujours de quoi sourire et s’attacher aux personnages. J’aurais peut être dû acheter la six , car j’ai été un tout petit peu déçue. Le premier et le deuxième tome m’avaient complètement séduite, là, je suis un peu restée en dehors des récits et même des personnages que je connais trop bien maintenant. Ce n’est qu’une légère critique pour un ado cela sera parfait mais pour la grand mère d’un ado, il lui en faut sans doute un peu plus pour soulever le morosité ambiante.

Citations

Un bon sourire au début

Donc, mademoiselle Louane, qui vivait alors à Austin, Texas, avait consulté un thérapeute réputé qui déterminait en quelques séances quel était votre animal de soutien émotionnel, celui qui vous aiderait à traverser les inévitables épreuves de la vie. Dans le cas de Louane c’était le hamster, ce qui était sans doute préférable à l’hippopotame.

La vie

On choisit sans savoir, Gabin. Qu’est-ce que je savais de la psychologie avant de commencer mes études ? Trois fois rien. Qu’est-ce que je savais de ce que serait ma vie de psychologue ? Absolument rien. Et la femme que j’ai épousée ? Je ne la connaissais pas. Et le mariage, c’est quoi avant que tu sois marié ? Tu ne sais pas. En fait, tu embarques sur un bateau et après tu t’arranges avec la vague et le vent. Quand tu arrives au port, tu t’aperçois que c’est le voyage qui t’a fait ce que tu es, c’est pas si mal.

Encore un bon sourire

– Je vais m’engager dans la marine. 
Rien ne permettait de savoir si Gabin était sérieux ou s’ils déconnait.
– Tu es déjà allé sur un bateau ? Questionna à son tour Lazare. 
– J’ai fait un stage de planche à voile quand j’avais 11 ans. 
– Ça n’a rien à voir, gloussa Alice.
– Le mono m’avait dit que j’avais le pied marin, répliqua Gabin. On ne m’a jamais fait d’autres compliments depuis. Il conclut très fermement : 
– Je pense que c’est une vocation.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Édition de l’Olivier

J’ai été très touchée par ce roman car tout est en nuances ce qui n’enlève aucune profondeur au propos. Une écrivaine qui est proche de la personnalité de Fanny Chiarello , d’ailleurs c’est sans doute elle-même ou du moins une des ses facettes, aperçoit une jeune joggeuse dans un quartier populaire du bassin minier. Elle en fait une photo car elle est très attirée par elle. Puis, elle lui écrit ce roman où elle imagine sa vie. Une vie qu’elle connaît bien car elle est elle même issue du même milieu. Ainsi dans ce dialogue avec Sarah, elle révèle aux lecteurs et lectrices que nous sommes, à quel point c’est douloureux de se sentir différente dans ses orientations sexuelles, alors que tout dans la société vous pousse à être normal, c’est à dire attirée par des garçons. Est-ce plus difficile dans ce milieu que dans la bourgeoisie, je n’en sais trop rien ? Je sais depuis Edouard Louis, que cette différence peut conduire à des réactions très violentes. Je pense que dans des familles catholiques conservatrices ou musulmanes, peu importe l’origine sociale, cela doit être très douloureux pour la jeune adolescente. Dans ce livre, la famille de Sarah n’est pas caricaturée, même si la mère est intrusive et pense qu’elle a le pouvoir de remettre sa fille dans « le droit chemin » , elle le fait certainement par amour et par par peur des malheurs que peut engendrer l’aveu de l’homosexualité. Tout en étant une mère qui essaie de bien faire elle est d’une rare violence pour la jeune adolescente qui se cherche et ne voudrait rencontrer que douceur et compréhension. J’ai trouvé la construction romanesque intéressante et les sentiments de la jeune fille très bien décrits. En revanche, j’ai trouvé un peu convenues et sans originalité les remarques sur la langue française et différents passages obligés sur les différences entre l’homosexualité et l’hétérosexualité. À la fin du livre, quand je l’ai refermé et laissé mûrir dans mes pensées, je me suis dit que c’était déjà compliqué d’être adolescente, encore plus, sans doute quand on vient d’un milieu dont on n’épouse pas les codes mais quand, en plus, on se sent juger pour ses émois sexuels alors cela doit devenir proche de la cruauté ce qui peut pousser suicide ou au moins au repliement sur soi. Je me suis demandée si Sarah n’allait pas devenir anorexique, tant les moments à table où elle sent le regard de chacun la scruter, la juger et enfin la condamner sont pénibles pour elle.

PS . Je suis très contente d’avoir lu et apprécié un roman de cette auteure qui m’avait tellement ennuyée dans le précédent « Une faiblesse de Carlotta Delmont »

 

 

Citations

 

Détail bien vu

Son jean taille haute est si moulant que , quand elle glisse son téléphone dans la poche arrière , on pourrait taper un message à travers la toile .

Une homosexualité discrète

Quand tu entends Lou faire bruyamment étalage de ses attirance, tu es mal à l’aise pour elle. Ni plus ni moins que tu ne le serais si elle se jetait sur des garçons. Tu ne comprends pas les gens qui se donnent en spectacle, toi qui place l’intimité en tête des luxes possibles et y aspire de toutes tes forces.

Être végétarienne

 Tu as plaidé pour le droit d’être végétarienne mais ta mère a répondu qu’il était de sa responsabilité de t’assurer une croissance normale. Tu as alors tenté de démontrer qu’une croissance normale ne passait pas nécessairement par la consommation de viande ; pour étayer tes propos tu as imprimé quelques articles qui l’expliquaient mais ta mère a estimé avoir plus de bon sens que les scientifiques.

Je comprends

La plupart des gens trouvent les érudits passionnant, mais moi, ils me dépriment. Quand je suis amenée à en écouter (ce qui signifie que je suis tombée dans un guet-apens), je délaisse très vite le contenu de leur discours pour me concentrer sur sa forme, sa longueur, son rythme, son lexique, je l’observe comme une pathologie un peu triste.

 

Édition folio, traduit de l’américain par Josée Kamoun

 

C’est donc le troisième roman de cet auteur sur mon blog . Après « La Tache« , chef d’œuvre absolu , et « Le complot contre l’Amérique » qui m’avait un peu déçue, j’ai retrouvé dans « Un Homme » tout ce qui fait de cet écrivain un grand de la littérature contemporaine. Dans un texte assez court Philip Roth cerne la vie d’un homme de 73 ans à l’enterrement duquel nous assistons dans le premier chapitre. Grâce à une succession de flashback nous allons mieux connaître ses parents, son frère, sa fille Nancy, ses femmes et ses fils . Certains de ces personnages l’aiment ou l’ont beaucoup aimé d’autres, en particulier ses deux fils, n’éprouvent que de l’hostilité pour lui. Philip Roth sait bien décrire tous les ressorts de l’âme humaine, sans jamais forcer le trait , il n’édulcore aucun aspect négatif mais ne renie jamais ce qui a été le moteur de sa vie : il aime et a été aimé des femmes et cela a rendu le mariage compliqué pour lui, il aime la jouissance physique cela rendu aussi, la fidélité quasiment impossible. Il a bien réussi sa carrière de publicitaire mais nous n’en saurons pas grand chose si ce n’est que cela lui permet de vivre une retraite sans soucis financier. Une grande partie du roman décrit la difficulté de vivre avec les maladies qui accablent parfois les êtres vieillissants. Et lui a subi moultes opérations pour permettre à son cœur de fonctionner normalement. Alors, bien sûr, il ne peut que se poser « La Question », la seule qui devrait nous hanter tous : celle de la mort. Aucune réponse n’est donnée dans ce livre et pourtant le personnage principal se confronte à elle sans cesse, il passe même une journée dans le cimetière où sont enterrés ses parents pour bien comprendre le travail du fossoyeur, et, il est parvenu à m’intéresser à la technique du creusement d’une tombe ! J’ai aimé aussi l’évocation de sa vie de petit garçon qui faisait les courses pour son père horloger bijoutier, celui-ci lui faisait traverser New-York avec une enveloppe remplie de diamants. J’ai aimé aussi son rapport à Hollie son grand frère toujours en bonne santé. Il éprouvera même de la jalousie face à cette injustice, lui, encore et toujours, malade et Hollie dont la bonne santé est comme un contrepoint à ses propres souffrances. Son amour pour Nancy, sa fille de sa deuxième femme, est très tendre . Bref un homme tout en nuances comme sans doute les trois quart de l’humanité, banal en somme mais quel talent il faut à un écrivain pour intéresser à la banalité en faire ressortir tout l’aspect humain. Ce livre qui commence et se termine par les poignées de terre jetées sur son cercueil, comme elles l’avaient été auparavant sur celui de son père nous permet-il d’accepter un peu mieux la mort ? Aucune certitude évidemment.

 

(Je me souvenais d’avoir lu le billet de Géraldine que je vous conseille vivement.)

 

Citations

Les communautés de retraités aux USA

Il quitta Manhattan pour une communauté de retraités, Starfish Beach, à trois km de la station balnéaire où il avait passé des séjours d’été en famille, tous les ans, sur la côte du New Jersey. Les lotissement de Starfish Beach se composaient de jolis pavillons de plain-pied, coiffés de bardeaux, avec de vastes baies et des portes vitrées coulissantes donnant sur des terrasse en teck ; ils étaient réunis par huit pour former un demi-cercle autour d’un jardin paysager et d’un petit étang. Les prestations offertes aux cinq cents résidents de ces lotissement répartis sur cinquante hectares de terrain comprenaient des courts de tennis, un vaste parc avec un abri de jardin, une salle de sport un bureau de poste, une salle polyvalente avec des espaces de réunion, un studio de céramique, un atelier bois, une petite bibliothèque, une salle informatique avec trois terminaux et une imprimante commune, ainsi qu’un auditorium pour les conférences, des spectacles et les diaporamas des couples qui rentraient d’un voyage à l’étranger. Il y avait une piscine olympique découvert et chauffée en plein cœur du village, et une autre, plus petite couverte, il y avait un restaurant tout à fait convenable dans la modeste galerie marchande, au bout de la rue principale, ainsi qu’une librairie, un débit de boissons, une boutique de cadeaux, une banque, un bureau de courtage, un administrateur de biens, un cabinet d’avocat et une station-service.

Les choix de vie d’un homme qui a peur d’encombrer sa fille (Nancy)

Il rentra sur la côte, reprendre son existence solitaire. Nancy, les jumeaux et lui -ça ne tenait pas debout, de toute façon, et puis ça aurait été injuste, car il aurait trahi le serment qu’il s’était fait de maintenir une cloison étanche entre sa fille trop affectueuse et les tracas et faiblesses d’un homme vieillissant.

Je comprends ce choix

Quand il avait fui New York, il avait élu domicile sur la côte parce qu’il avait toujours adoré nager dans les rouleaux et braver les vagues, et puis parce que cette partie du littoral était associé pour lui a une enfance heureuse.

La vieillesse

La vieillesse est une bataille, tu verras, il faut lutter sur tous les fronts. C’est une bataille sans trêve, et tu te bats alors même que tu n’en n’as plus la force, que tu es bien trop faible pour livrer les combats d’hier. 

Une note d’humour

Son épouse de l’époque, sa troisième et dernière épouse (…) était une présence à haut risque. Pour tout soutien, le matin de l’opération, elle suivit le chariot en sanglotant et en se tordant les mains, et finit par lâcher  :  » Qu’est-ce que je vais devenir ? »
Elle était jeune, la vie ne l’avait pas éprouvée ; elle s’était peut-être mal exprimée, mais il comprit qu’elle se demandait ce qu’elle allait devenir s’il restait sur le billard. « Chaque chose en son temps, s’il te plaît. Laisse-moi d’abord mourir, si tu veux que je t’aide à supporter ton chagrin. »