Comme vous le voyez, il a obtenu un coup de cœur au club de la médiathèque de Dinard

Je comprends très bien ce coup de cœur, car au-delà de l’humour qui m’a fait sourire, il s’y installe peu à peu une profonde tristesse que l’on sent sincère. Ce roman se construit, en de courts chapitres, autour d’événements de cette génération qu’elle appelle « millénium », celle de l’auteur qui grandit avec la coupe du monde de 1998, et la défaite de Jospin au premier tour des élections de 2002. Mais le fil conducteur de ces courts chapitres, c’est aussi son amitié avec Carmen, jeune femme dynamique qui n’a peur de rien, jusqu’au 11 août 2003, date à laquelle une erreur de conduite la rendra responsable d’un accident mortel. Carmen ne pourra pas surmonter sa culpabilité, ni « refaire sa vie » – expression que la narratrice trouve particulièrement vide de sens . Et tout cela au rythme des chansons du groupe ABBA dont l’auteur a la gentillesse de nous traduire les textes. Je ne connaissais pas, mais je trouve une belle nostalgie dans ces paroles.

 

Un roman vite lu, comme les SMS d’aujourd’hui mais qui laisse une trace dans notre mémoire et qui permet de mieux comprendre une génération, dans laquelle les hommes n’ont vraiment pas le beau rôle. Il faut dire qu’enfant son prince charmant était Charles Ingall qu’elle a eu du mal à rencontrer dans sa vie de parisienne de tous les jours ….

 

 

Citations

 

Son père

Quand j’étais petite, je disais à mon père que je voulais devenir « docteur des bébés ». Et lui, au lieu de prendre ça en compte, de me dire quelque chose d’encourageant, genre : « C’est bien », il répondait. « T’es pas assez intelligente pour ça. Toi, il faudrait que tu travailles dans une boulangerie. » Il avait des idées louches. Comme si tous les boulangers étaient bêtes.

Sa mère

Si j’avais le culot de contester une de ses décisions, si j’exprimais un désaccord, j’avais droit à un interminable monologue culpabilisant qui commençait par : « Je te rappelle que j’ai passé vingt huit heures trente sur la table d’accouchement ! Vingt huit heures trente ! » Elle finissait par : « Je me suis battue pour avoir ta garde et je me sacrifie pour t’élever ! Il est où ton père, hein ? Il est où là ? » Elle disait ça en regardant autour d’elle ou en levant les yeux au ciel. Comme si elle le cherchait. »Hein ? Il est où ?. Tu le vois quelque part toi. » 

 (J’en ai rêvé des dizaines de milliers de fois, qu’il sorte de derrière le canapé, ou qu’il rentre par la fenêtre en mode Jean-Paul Belmondo pour lui fermer son clapet. « Abracadabra ! Top top badaboum. Coucou c’est moi ! »)

Sa mère sarkozyste

Entre son divorce, son remariage avec une chanteuse et les affaires dans lesquelles il avait trempé, le nouveau président était au centre de toutes les discussions. 
« On peut pas changer de sujet maman ? J’en fais une overdose !
– T’avoueras qu’il a un certain charisme, il est viril…. Je dis pas qu’il est beau, mais il a un truc… 
-T’es sérieuse ?
– Nan, mais attends, c’est tout de même autre chose que le père Chirac et son pantalon remonté jusqu’aux tétons… »

Art de la formule

C’était étrange, mais elle regardait mon menton. Il fait s’y faire, Sylvia, la mère de Carmen, parle aux gens en les regardant droit dans le menton.

Humour de Carmen son amie

En ce temps-là, mon père était en couple avec Nadine : une Corse qui travaillait dans un bar PMU et louait le studio meublé juste au-dessus de chez lui. 
Elle faisait des permanentes pour se friser les cheveux et les teignait en blond platine. Carmen se moquait tout le temps :  » Ça va ton père ?… Et son caniche ça va ? » Des fois elle demandait : « Ça te fait pas bizarre que ton père il sorte avec Michel Polnareff ? »

La séparation

C’était une punition injuste. Je l’avais quitté, mais il m’y avait poussé avec tant d’ardeur. Ce n’était pas faute d’avoir fermé les yeux, d’avoir résisté. Voilà pourquoi j’ai eu longtemps le sentiment d’avoir « subi » cette séparation. 

Lui, je ne l’aimais plus. 
Mais j’aimais tant ce rêve d’avoir une famille. J’aimais tant l’idée de donner des frères et des sœur à ma fille. J’avais tellement peur qu’une fois de plus on dissocie aussi Papa ET Maman. 
Je me réconcilie à présent avec l’idée que le divorce n’est pas la fin. Il conclut simplement une histoire qui se brise depuis longtemps déjà.

Les musiques de téléphone

L’annonce sur sa messagerie vocale , je m’en souviens très bien , c’était un extrait de mauvaise qualité de »novembre Rain » des Guns N’Roses. Eddy adorait ce groupe de musiciens crasseux et chevelus. Moi, je trouvais qu’il avait l’air de sentir la pisse.
 » De quoi tu parles ? Tu connais rien à la musique !Tu écoutes de la merde ! Abba, sérieux ? Quelle genre de meuf et écoute cette merde ? »
J’ai toujours pensé que les gens qui n’aimaient pas Abba ont le cœur aride, ils n’aiment pas la vie. Les membres du groupe ABBA, eux, au moins, portaient des vêtements propres et pailletés, et donnaient l’impression de sentir la lavande. J’ai toujours pensé aussi que mettre un extrait pourri d’une chanson sur son répondeur, c’est le summum du ringard. (Tout ce que l’on veut entendre sur une messagerie c’est le bip, putain, que ce soit bien clair une fois pour toutes.)

 

 

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. 

 

 

Un livre qui m’a davantage étonnée que plu. Il y a deux livres en un, d’abord le récit de formation de Pol Pot du temps où il s’appelait Saloth Sâr . C’est dans toutes les faiblesses de cet enfant, puis du jeune homme que Nancy Houston traque tout ce qui a pu faire de cet homme qui a tant raté, ses études, ses amours, un tyran parmi les plus sanguinaires. Il ne réussit pas à obtenir ses diplômes, il fera tuer tous les intellectuels. Il puisera dans les discours révolutionnaires français, de 1789 à 1968, le goût des têtes qui doivent tomber ! Les chiffres parlent d’eux mêmes, Pol Pot est responsable de 1,7 million de morts, soit plus de 20 % de la population de l’époque. L’article de Wikipédia, en apprend presque autant que ce livre, mais l’émotion de l’écrivaine rend plus palpable l’horreur de ce moment de l’histoire du Cambodge.

Et puis nous voyons la très jeune narratrice, qui doit avoir plus d’un point commun avec l’auteure, passer une enfance et adolescence très marquée par le mouvement hippie pendant son enfance et mai 68 à Paris pendant sa jeunesse. Le but de ces deux histoires, est de montrer les points communs entre cet horrible Pol Pot et la narratrice. Je pense qu’il n’y a qu’elle qui voit les ressemblances. En revanche, le passage par Paris et la description des intellectuels , Jean-Paul Sartre en tête qui soutiennent les Khmers Rouges est terrible pour l’intelligentsia française. La seule excuse à cet aveuglement volontaire, c’est de ne pas vouloir prendre partie pour les américains qui ont envoyé sur le Cambodge plus de bombes que pendant la deuxième guerre mondiale sur toute l’Europe. Et voilà toujours le même dilemme  : comment dénoncer les bombardements américains sans soutenir le communiste sanguinaire, Pol Pot.

 

 

Citations

l’écriture

De toute façon, elle a appris depuis l’enfance à neutraliser par l’écriture tout ce qui la blesse. Les mots réparent tout, cachent tout, tissent un habit à l’événement cru et nu . Dorit ne vit pas les choses en direct mais en différé : d’abord en réfléchissant à la manière dont elle pourra les écrire, ensuite en les écrivant. Protégée quelle est par la maille des mots, une vraie armure, les agressions ne l’atteignent pas vraiment.

 

Mai 68

Un jour Gérard vient l’écouter jouer du piano dans l’appartement de la rue L’homond. Au bout d’une sonate et demie de Scarlatti, il pousse un soupir d’ennui : » C’est bien joli, tout ça dit-il, mais je n’y entends pas la lutte des classes. »

 

Les Khmers rouges

 

Le 9 janvier 1979, les troupes nord-vietnamienne se déploient à Phnom Penh, révélant au monde la réalité du Kampuchéa démocratique, la capitale désertée, dévastée… Les champs stériles… Les monceaux de squelettes et de crânes… De façon directe ou indirecte, au cours de ces quarante cinq mois au pouvoir, le régime de Pol Pot aura entraîné la mort de plus d’un million de personnes, soit environ un cinquième de la population du pays. Le Cambodge gît inerte, tel un corps vidé de tout son sang .

 

Traduit de l’anglais par Ch.Romey et A. Rolet revue et préfacée par Isabelle Viéville Degeorges

Ainsi donc Keiha a éprouvé un grand plaisir de lecture avec ce court roman. Je n’avais jamais rien lu d’Anne Brontë ce qui n’est pas étonnant puisqu’elle n’a pas eu beaucoup de temps d’écrire avant de mourir de la tuberculose, comme trois de ses sœurs . Son frère a préféré mourir de la drogue et sa mère de cancer quand Anne avait 18 mois. Seule Charlotte survivra mais pas très longtemps. Quelle famille et quelle horreur que la tuberculose !

Ce roman autobiographie raconte le destin d’une jeune fille pauvre et éduquée. Elle a peu de choix même le mariage est compliqué car elle n’a pas de dot. Elle peut être institutrice ou gouvernante. Anne sera gouvernante et elle raconte très bien ce que représente cet étrange statut dans une riche famille anglaise du 19 siècle. Obligée de se faire respecter d’enfants qui méprisent les employés de leurs parents et qui, par jeu ou méchanceté, refusent d’apprendre. On sent que c’est une mission impossible et que les gouvernante ont bien peu de marge de manœuvre. Mais en lisant ce texte je me disais sans cesse qu’elle avait aussi bien peu d’idées pour intéresser ses élèves en dehors de les obliger à se fier à sa bonté et à son savoir. Elle semble fort regretter de ne pas pouvoir les frapper à sa guise. Du moins dans la première famille. Dans la deuxième, elle partage la vie d’une jeune beauté qui veut se marier mais qui auparavant exerce ses talents de séductrice sur tous les hommes du village dont le jeune vicaire qui a touché le cœur de la gouvernante. Je suis désolée Keisha mais cette romance sous l’autorité et la bénédiction de l’église est d’un ridicule achevé. La collection Arlequin fait dans le hard à côté de cette histoire d’amour. Sans l’analyse du rôle de la gouvernante dans la bonne société anglaise ce roman n’a aucun intérêt mais, il est vrai, que c’est bien le sujet principal du roman. Pour le style, on savoure l’imparfait du subjonctif et les tournures vieillottes. J’ai plus d’une fois été agacée par ce procédé de style dont elle abuse du genre :

Pour ne point abuser de la patience de mes lecteurs, je ne m’étendrais pas sûr mon départ. …. 
J’avais envie de lui dire, « et bien si, étends-toi ou alors n’en parle pas ! »

Citations

L’éducation britannique

Quelques bonnes tapes sur l’oreille, en de semblables occasions, eussent facilement arrangé les choses ; mais, comme il n’aurait pas manqué d’aller faire quelque histoire à sa mère, qui, avec la foi qu’elle avait dans sa véracité (véracité dont j’avais déjà pu juger la valeur), n’eût pas manquer d’y croire, je résolus de m’abstenir de le frapper, même dans le cas de légitime défense. Dans ses plus violents accès de fureur, ma seule ressource était de le jeter sur son dos et de lui tenir les pieds et les mains jusqu’à ce que sa frénésie fût calmée. À la difficulté de l’empêcher de faire ce qui ne devait pas faire, se joignait celle de le forcer de faire ce qu’il fallait. Il n’y arrivait souvent de se refuser positivement à étudier, à répéter ses leçons et même à regarder sur son livre. Là encore, une bonne verge de bouleau eût été d’un bon service ; mais mon pouvoir étant limité, il me fallait faire le meilleur usage possible du peu que j’avais.

Le statut de gouvernante

Je retournai pourtant avec courage à mon œuvre, tâche plus ardue que vous ne pouvez l’imaginer si jamais vous n’avez été chargé de la direction et de l’instruction de ces petits rebelle turbulent et malfaisants, qu’aucun effort ne peut attacher à leur devoir, pendant que vous êtes responsable de leur conduite envers des parents qui vous refusent toute autorité. Je ne connais pas de situation comparable à celle de la pauvre gouvernante qui, désireuse de réussir, voit tous ces efforts réduit à néant parce qu’ils sont au-dessus d’elle et injustement censuré par ceux qui sont au-dessus.

 

 

Traduit de l’anglais Etats-Unis par Aline AZOULAY

 

Un article sur le blog de Keisha m’a conduite à m’intéresser à cette auteure. J’attendrai que sa trilogie (Un siècle américain) soit traduite entièrement pour la lire, car je n’ai pas cette cette chance incroyable de pouvoir lire en anglais. (Heureusement les traducteurs, en l’occurrence pour ce roman une traductrice, font un excellent travail !). Je suis donc partie dans la vie de Margaret Mayfield de 1883 à 1942. Et n’en déplaise à certaines que je ne nommerai pas, le roman commence par la fin grâce à un prologue qui devrait plutôt se nommer « post-logue » nous sommes en 1942 pendant quelques pages. Nous sommes dans un lieu où des Japonais ont été regroupés aux Etats-Unis car ce pays est en guerre contre le Japon. Si leurs conditions de vie ont peu de choses à voir avec les camps japonais ou nazis, ce sont quand même des conditions de vie très rudes où l’humanité a peu de place. Ensuite nous suivons cette Margaret et surtout sont très curieux mari le capitaine Early. Voici un personnage fort intéressant et peu souvent l’objet de romans. Il s’agit d’un scientifique raté, les deux termes sont importants, il est vraiment scientifique et fait des recherches incroyables et parfois à la limite du génial, mais raté car ses convictions l’emportent sur la raison. Il passera une grande partie de sa vie à dénoncer les erreurs d’Einstein et essaiera de convaincre la communauté scientifique de son charlatanisme. Il se mettra à dos tous ses confrères scientifiques et fera le malheur autour de lui. Margaret sent que son mari ne tourne pas très rond, mais elle a peu de moyen de le contredire, une seule personne pourrait l’aider la mère du colonel Early, malheureusement celle-ci disparaîtra dans le séisme de San-Francisco

Après la mort de sa mère Andrew Early m’a plus aucun frein à sa mégalomanie. Evidemment il trouve sur sa route des disciples pour flatter son ego et la tristesse de la vie de son épouse est accablante, surtout que celle-ci n’a pas pu avoir d’enfant. Je ne suis pas surprise que Jane Smiley ait écrit une trilogie de l’histoire américaine car dans ce roman déjà , les personnages sont très ancrés dans l’histoire des Etats-Unis. C’est d’ailleurs un ressort important de ce roman. La personnalité de Margaret m’a laissée assez froide, je comprends mal sa passivité ou son peu d’intérêt pour son mari . Je trouve que cet entre deux est agaçant, elle ne mène pas sa propre vie le titre français le dit assez bien elle est « à part » .

 

Citations

Portrait d’un américain le grand père du personnage principal à la fin du 19 siècle prononcé par le prêtre à sa mort.

John Gentry fit son entrée dans l’état du Missouri assis à l’arrière d’un chariot. Enfant du Sud, il prouva son patriotisme à une nation élargie et gagna le respect des deux parties.
 — Certes, mais le fusil à la main, murmura Lavinia.
Il prit soin de ses esclaves et, après ça, de ses domestiques, de ses ouvriers agricoles, de ses mules, de ses arpents, de ses chevaux, de ses filles et de ses petites filles. Il continua à entretenir des rapports avec ses amis et ses relations des deux camps, ce que l’on ne saurait dire de beaucoup de Missouriens. Et ainsi, il prit soin de son âme. Aussi, nous comptons bien le retrouver là-haut, où il est certain qu’on lui a déjà attribué quelques charges.

Coïncidence

Je viens de regarder un documentaire à propos de Tesla cela correspond à l’idée que j’avais de lui .
-Que pensez-vous de Tesla ?
Nikola Tesla ! Enfin du véritable talent, quoique européen jusqu’à l’os. Vous l’avez rencontré ? Oui.
Un homme étrange, reprit Andrew. Bavard. Il vous interrompt sans cesse pour développer ses idées. Il ne vous écoute pas, en fait, même si vous comprenez parfaitement ces idées et que vous en avez une meilleure à lui exposer.

Le mariage

Personne ne lui avait jamais dit ce qu’elle avait appris au fil des années, que le mariage était usant et terrifiant.

 

Le choix d’une épouse et le sort des femmes.

C’était lors de ce printemps-là qu’il lui avait fait sa demande, finissant par se conformer au choix de sa mère d’épouser une vieille fille du coin, inoffensive mais utile, qui pourrait prendre soin de lui. Margaret réfléchit un instant. Elle était certaine que Lavigna avait été au courant, et que les deux mères avaient communiqué à son insu. Avait-elle perçu que Margaret n’était pas dépourvu de cette fierté missourienne que possédait Andrew ? N’avait-elle alors songé qu’à la précipiter dans ce piège ? Sans doute. Lavinia n’avait jamais envisagé que les aspects pratiques du mariage. L’amour est toujours le premier acte d’une tragédie, disait-elle. Lavinia l’avait envoyée porter des châles et des plats à des dames solitaires et dépendantes pour lui montrer ce qu’était la vie d’une vieille fille : jeune, vous deviez rendre service à tout le monde, et une fois vieille, vous attendiez patiemment qu’on vous vienne en aide.

Phrases finales d’une femme qui est passée à côté de sa vie.

Je me rends compte que je m’en souviens à présent que j’ose y penser . Il y a tellement de choses que j’aurais dû oser.


Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Je suis ravie que le club de lecture ait renoué avec la tradition de proposer une BD à chaque séance et à propos du thème de l’aventure, celles-ci étaient particulièrement bien choisies. Quelle femme cette Alexandra ! Je suis certaine que toutes les participantes du club vont l’adorer, vont-elles accepter de surmonter leurs réticences à propos des B.D ? Celles-ci le mériteraient, les auteurs se sont inspirés du livre de souvenirs de sa dernière dame de compagnie Marie-Madeleine Peyronnet, pendant les dix dernières années de sa vie, Alexandra David-Neel a vécu en recluse dans sa villa nommée « Samten Dzong », à Digne.

Marie-Madeleine lui a servi de femme de chambre, de secrétaire, de dame de compagnie et de souffre douleur. Mais peu à peu des liens d’amitié se sont tissés entre les deux femmes, car Alexandra avait une personnalité hors du commun et généreuse à sa façon. Marie-Madeleine comprendra assez vite que, lorsque sa « patronne » est désagréable c’est qu’elle souffre le martyre, son corps la trahit et elle qui aimait tant marcher restera clouée dans son fauteuil pendant dix ans. Seules les visites d’amis souvent de prestigieux intellectuels arriveront à lui redonner du tonus. Cette femme qui s’est déguisée en Tibétaine pour aller à Lhassa capitale du Tibet interdite à tout étranger en passant par les montagnes de l’Himalaya , qui parle, lit et écrit un nombre de langues incroyables dont le tibétain, qui est considérée comme une spécialiste émérite de la religion boudhiste, est enfermée entre quatre murs . Mais elle a accumulé tant et tant de souvenirs que sa vie est encore très riche.

La B.D alterne sa vie au présent en monochrome avec Marie-Madeleine et ses souvenirs très colorés lorsque rien ne l’arrêtait pour comprendre cette civilisation qui l’attirait tant : le bouddhisme tibétain. Cette B.D m’a donné envie de relire cette auteure que j’ai lu il y a bien longtemps. Alexandra David.Neel donne du courage à toutes celles qui acceptent difficilement les limites imposées par les convenances, pour les femmes de son époque le chemin était tout tracé et ne passait pas toujours par l’Himalaya !

Toutes et tous nous pouvons faire de cette phrase notre devise

Marche comme ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Il s’agit de rhum et chez moi, certains ne plaisantent pas avec cette boisson, entre ceux qui parfument la pâte à crêpe et ceux qui le dégustent avec un petit carré de chocolat noir. Il y a même sur cette photo une bouteille de rhum de la même origine que cet auteur franco-vénézuélien. Miguel Bonnefoy part dans ce roman à la recherche du trésor d’un pirate des Caraïbes, et ils nous entraînent dans des contrées aussi fascinantes que dangereuses. Il ne s’agit pas d’un récit réaliste mais évocateurs des difficultés à vivre dans ces pays dominés par une nature luxuriante et des hommes facilement violents surtout s’ils sont en quête de trésors. C’est un auteur dont on parle sur les ondes radiophoniques et j’ai beaucoup entendu que Séréna, la femme et personnage principal, est du type « Emma Bovary » , et que Miguel Bonnefoy nous livrait là un conte philosophique épicé au merveilleux d’Amérique latine. Le roman flotte entre ses eaux là, et se lit très facilement.

Si aimer lire et connaître le monde grâce aux romans c’est faire du bovarysme alors je pense que nous sommes nombreuses à en faire ; si faire mourir sur un tas d’or une femme trop cupide c’est de la philosophie, cela m’étonne un peu ; si décrire un incendie qui mettra trois ans à s’éteindre c’est faire du merveilleux, pourquoi pas ? L’aspect que j’ai préféré c’est bien l’évocation de ces régions, la végétation luxuriante, les excès de pluies puis de sécheresse, le soleil trop violent puis la nuit trop sombres. Oui tout est « trop » dans ce pays des caraïbes . Et on ne peut survivre qu’en maîtrisant ses peurs et ses fièvres. Le rhum doit bien aider un peu, et vous saurez tout sur la façon d’en fabriquer un de grande qualité. Les personnages sont peu crédibles mais ce n’était visiblement pas le propos de cet auteur. Malheureusement, je fais partie des lecteurs qui aiment penser aux personnages et comprendre un peu leur choix de vie sans cet aspect je sais que je ne garderai pas en mémoire très longtemps ce roman. Je me souviendrai d’une odeur de rhum, d’une nature étonnante et de la cupidité des chercheurs d’or.

Citation

Portrait de femme soumise

Elle aimait recevoir des louanges sur l’entretien de sa vaisselle, sur le choix de ses meubles, sur la santé de son mari. Ses draps étaient toujours parfumés de fleurs glissées entre leurs plis. C’était une femme d’une patience minérale et, jusqu’à la fin de sa vie, prépara des soupes créoles, les yeux effacés au fond des marmites, dans sa cuisine où pendaient des jambons secs.

Jolie figure de style

L’heure n’avait pas d’ombre, la chaleur était forte, le soleil mordait la nuque, mais les deux hommes ne faiblissaient pas. 

Le pouvoir des livres

Ces livres enseignèrent à Séréna tout à la fois la servitude et la révolte, l’infidélité et le crime, la magie d’une description et la pertinence d’une métaphore. Ils lui firent découvrir les diverses aspects de la virilité, donc elle ignorait presque tout. Elle appris que la tour de Pise penchait, qu’une muraille entourait la Chine, que des langues étaient mortes, et que d’autres devaient naître.

Traduit de l’espagnol par Vanessa Capieu. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Votre réveillon 2017 est terminé ? Venez partager celui de la famille d’Amalia à Barcelone ! Quel bon moment de lecture ! Si vous voulez un dépaysement total, un voyage au delà des Pyrénées, dans une famille où les non-dits font tenir l’ensemble. Invitez-vous à la table d’Amalia pour ce réveillon mémorable. Vous ferez la connaissance de son fils, Fernando, le narrateur qui doit avoir beaucoup points communs avec l’auteur. De sa fille Sylvia, celle qui essaie de réparer toutes les impasses dans lesquelles sa mère fonce tête baissée en n’écoutant que son grand cœur. Elle évitera par exemple que le père du clan des roumains dont elle héberge une jeune ne lui vole tous ses biens. Vous connaîtrez Emma qui vit avec Olga. Cette dernière vous fera pouffer de rire plus d’une fois, dépourvue totalement du moindre sens de l’humour, elle prend tout et raconte tout au premier degré, dans cette famille où le moindre propos cache un océan de secrets enfouis, ses regards ahuris et ses discours simplistes font beaucoup pour le rire à la lecture de ce roman, celui, par exemple, que vous aurez quand Amalia veut aider son frère Eduardo « à sortir du placard ».

Comme Olga vous serez peut-être étonné que les propos commencent par « l’inconfort » des bancs du jardin public en bas de l’immeuble. Enfin, il reste Ingrid, l’amie qui n’est pas là mais qui est si importante pour Amalia. Il faut dire qu’elle a des idées de génie cette Ingrid : remplacer la dinde du nouvel an par des feuilletés aux épinards, aller grâce à une ONG à Cuba (je vous laisse imaginer la contrepartie de ce voyage très peu cher)… et elle pourra vous faire « un reiki » qui remettra vos chakras dans le bon sens.

Le réveillon permettra à chacun de dévoiler une partie de son âme, la plus secrète, et peut être de repartir pour un an. Vous, le temps de la lecture, dans un livre un peu foutraque, à l’image du cerveau d’Amalia vous serez passé du rire à l’émotion proche des larmes. et surtout vous découvrirez « Une mère » ! Malgré son cerveau un peu dérangé, elle sera là pour chacun de ses trois enfants au moment où ils ont besoin d’elle. L’Espagne vous sera plus proche et tout en voyant les différences vous pourrez sans aucune difficulté vous dire que « l’humaine condition » est assez semblable et ne connaît pas les frontières.

Citations

Dialogue au téléphone quand Amalia n’écoute pas(hélas !) sa fille

« Oh,non,non ! Pas elle, je t’en prie ! » me suppliait-elle par mimiques, en agitant les mains devant elle comme si je la forçait à affronter Belzébuth lui-même. Puis elle s’est raclé la gorge, a pris deux profondes inspirations, s’est plaqué un sourire sur le visage comme si Sylvia avait pu la voir sur l’écran de son portable et a approché précautionneusement le combiné de son oreille. 

« Oui, ma chérie, j’ai entendu dire de cette voix de mère soumise et attentive qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Oui… Oui, bien sûr… Oui. D’accord… Comme tu voudras… Mais oui, ne t’inquiète pas… Dès demain… Si, j’ai compris… Non, inutile que tu répètes. Oui… Oui. Très bien.

 Après une vingtaine de minutes de « Oui, bien sûr, d’accord, tu as raison »avec cet air de vache égarée qu’elle prend quand ce que quelqu’un lui dit entre par une oreille pour sortir par l’autre, elle a enfin raccroché. Puis elle m’a passé le téléphone.

« Qu’est-ce qu’elle t’a dit ? » ai-je demandé.
Elle m’a regardé d’un air somnolent et m’a sorti : 
« J’ai oublié. »

Une scène touchante et le portrait de son père

 J’étais à deux doigts de lui hurler que oui, je savais parfaitement comment il était, presque aussi bien que les inspecteurs de la Sécu et du fisc qui cherchaient encore à lui mettre le grappin dessus. Comme Téléphonica, Onno et Voldafone, comme Mazda, BMW et BBVA, sans parler de tout les amis qui s’étaient portés garants pour lui à un moment ou à un autre de ses magouilles et intrigues frauduleuses, et qu’il avait évidemment perdu en route. J’ai eu envie de l’attraper par les épaules pour la secouer, de lui hurler que nous le savions tous, sauf elle, parce que nous avions tous été victimes à un degré ou à un autre de cet homme à la personnalité maladive qui ne s’intéressait à rien d’autre qu’à lui-même, mais soudain je l’ai vu plantée sur le seuil du salon, si fragile et vulnérable que je me suis approché pour la prendre dans mes bras, et pendant que j’essayais de trouver une formule conjuratoire capable de calmer la furie qu’allait devenir Sylvia, à coup sûr, quand elle apprendrait que maman avait envoyé à papa son contrat de divorce signé, se condamnant ainsi à une liberté qui allait lui coûter très cher, je lui ai souhaité à l’oreille :
. »Je sais, maman je sais… »
 Elle m’a regardé alors avec un soulagement enfantin et a conclu en m’embrassant sur la joue :
« Il faut bien laisser une chance aux gens non ? »

L’avantage de vivre avec un homme lors de la première rencontre avec l’amie de sa fille lesbienne le narrateur c’est son fils homosexuel

 Tu as bien raison, ma fille. Moi, si c’était à refaire, je te le dis franchement, je ferai comme vous. Je me chercherais une bonne amie pour aller au cinéma, aller déjeuner ensemble et tout partager. Oui, certainement. Mais chacune ses culottes, hein ? Parce que tu vois, le seul avantage d’un mari, c’est qu’au moins il ne t’emprunte pas tes culottes ou tes soutiens-gorge. Enfin, sauf si tu as la malchance qu’il soit un peu bizarre, bien sûr, parce qu’il y en a des comme ça aussi « , a-elle achevé en se tournant vers moi.

Cuba vu par l’oncle Eduardo

  » Et bien …oui, oui, les Cubains, ils sont comme ça fit-il de sa voix d’homme du monde. Ils vous donnent tout ce qu’ils ont. Le problème, c’est qu’ils n’ont jamais rien, alors ils inventent. Parce qu’ils aimeraient bien pouvoir donner. En fait, ce n’est pas qu’ils mentent, ils devancent la réalité. C’est de là que vient le cubisme. »

L’humour dans la présentation des personnages : le frère de Peter l’amant norvégien de Sylvia

 Son frère Adam, qu’on croyait activiste de Greenpeace en mer du nord jusqu’à ce que les flics le prenne avec deux kilos de cocaïne cachés dans la cale du bateau avec lequel il poursuivait les baleiniers le jour pour les fournir en neige artificielle la nuit.

Traduit de l’anglais par Élodie Leplat. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


En juin 2018 , notre club de lecture après une discussion mémorable avait attribué au « Chagrin des vivants » son célèbre « coup de cœur des coups de cœur ». C’est donc avec grand plaisir que je me suis plongée dans cette lecture. Envie et appréhension, à cause du sujet : je suis toujours bouleversée par la façon dont on a toujours maltraité des êtres faibles, En particulier, les malades mentaux. Ce roman se situe dans le Yokshire en 1911, dans un asile que l’auteure a appelé Sharston. Cette histoire lui a été inspirée par la vie d’un ancêtre qui, à cause de la grande misère qui a sévi en Irlande au début du vingtième siècle, a vécu dans des institutions ressemblant très fort à cet asile.

Le roman met en scène plusieurs personnages qui deviennent chacun à leur tour les narrateurs de cette tragique histoire. Ella, la toute jeune et belle irlandaise qui n’a rien fait pour se retrouver parmi les malades mentaux et qui hurle son désespoir. Clèm une jeune fille cultivée qui a des conduites suicidaires et qui tendra la main à Ella. John Mulligan qui réduit à la misère a accepté de vivre dans l’asile. Charles Fuller le médecin musicien qui sera un acteur important du drame.

Ella et John vont se rencontrer dans la salle de bal. Car tous les vendredis, pour tous les patients que l’on veut « récompenser » l’hôpital, sous la houlette de Charles Fuller, peuvent danser au son d’un orchestre. Malheureusement pour tous, Charles est un être faible et de plus en plus influencé par les doctrines d’eugénisme.

C’est un des intérêts de ce roman, nous sommes au début de ce siècle si terrible pour l’humanité et les idées de races inférieures ou dégénérées prennent beaucoup de place dans les esprits qui se croient savants : à la suite de Darwin et de la théorie de l’évolution pourquoi ne pas sélectionner les gens qui pourront se reproduire en améliorant la race humaine et stériliser les autres ? L’auteure a choisi de mettre toutes ces idées dans la personnalité ambiguë et déséquilibrée de Charles Fuller, mais on se rend compte que ces idées là étaient largement partagées par une grande partie de la population britannique, elles avaient même les faveurs d’un certain Winston Churchill. Il s’en est fallu de peu que la Grandes Bretagne, cinquante ans avant les Nazis n’organise la stérilisation forcée des patients des asiles. On apprend également que ces patients ne sont pas tous des malades mentaux, ils sont parfois simplement pauvres et trouvent dans cet endroit de quoi ne pas mourir de faim. On voit aussi comme pour la jeune Ella, que des femmes pouvaient y être enfermées pour des raisons tout à fait futiles. Ella, un jour où la chaleur était insupportable dans la filature où elle travaillait a cassé un carreau. Ce geste de révolte a été considéré comme un geste dément et son calvaire a commencé. Au lieu de l’envoyer à la police on l’a envoyée chez les « fous ». On retrouve sous la plume de cette auteure, les scènes qui font si peur : comment prouver que l’on est sain d’esprit alors que chacune des paroles que l’on prononce est analysée sous l’angle de la folie. Et lorsque Ella se révolte sa cause est entendue, elle est d’abord démente puis violente et enfin dangereuse.

Le drame peut se nouer maintenant tous les ingrédients sont là. Un amour dans un lieu interdit et un médecin pervers qui manipule des malades ou des êtres sans défense.

J’ai lu ce deuxième roman d’Anna Hope avec un peu moins d’intérêt que son premier. Elle a su, pourtant, donner vie et une consistance à tous les protagonistes de cette histoire, ses aïeux sont quelque part dans toutes les souffrances de ces êtres blessés par la cruauté de la vie. Il faut espérer que nos sociétés savent, aujourd’hui, être plus compatissantes vis à vis des plus démunis. Cependant, quand j’entends combien les bénévoles de « ADT quart monde » se battent pour faire comprendre que les pauvres ne sont pas responsables de leur misère, j’en doute fort.

Citations

Le mépris des gardiennes pour les femmes enfermées à l’asile

 Toutefois elle voyait bien comment les surveillantes regardaient les patientes, en ricanant parfois derrière leurs mains. L’autre jour elle avait entendu l’infirmière irlandaise qui dégoisait avec une autre de sa voix criarde de pie : « Non mais c’est-y pas que des animaux ? Pire que des animaux. Sales, tu trouves pas ? Mais comment il faut les surveiller tout le temps ? Tu trouves pas ? Dis, tu trouves pas ? »

Les femmes et la maladie mentale

 Contrairement à la musique, il a été démontré que la lecture pratiquée avec excès était dangereuse pour l’esprit féminin. Cela nous a été enseigné lors de notre tout premier cours magistral : les cellules masculines sont essentiellement catholiques – actives énergiques- tandis que les cellules féminines son anatomiques – destinées à conserver l’énergie et soutenir la vie. Si un peu de lecture légère ne porte pas à conséquence, en revanche une dépression nerveuse s’ensuit quand la femme va à l’encontre de sa nature.

Théorie sur la pauvreté au début du 20e siècle

 La société eugénique est d’avis que la disette, dans la mesure où elle est incarnée par le paupérisme (et il n’existe pas d’autres étalon), se limite en grande partie à une classe spécifique et dégénérée. Une classe défectueuse et dépendante connue sous le nom de classe indigente.
Le manque d’initiative, de contrôle, ainsi que l’absence totale d’une perception juste sont des causes bien plus importantes du paupérisme que n’importe lesquelles des prétendues causes économiques.

Traduit du coréen par Lim Yeon-hee et Mélanie Basnel, lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un petit livre étonnant et fort instructif. Je salue d’abord la performance de l’auteur qui s’est mis dans la peau d’une femme pour écrire ce livre. Il y arrive très bien et il a eu bien raison de choisir ce point de vue pour nous faire comprendre pourquoi son pays est si peu attractif. Un homme peut se réaliser dans un travail qui sera quand même une lutte de tous les instants pour sortir du lot, mais pour une femme les barrières sont encore plus hautes et peu d’entre elles arrivent à les franchir et à s’épanouir. Et pourtant, les femmes n’ont pas le poids des interdits religieux et au moins sur le plan de la sexualité, elles sont libres. Mais pour le reste que de contraintes ! En réalité, tout est déterminé par l’origine sociale, si vous êtes née dans une bonne famille, vous habitez dans un beau quartier, votre logement sera spacieux et confortable, vous n’échapperez cependant pas à la terrible sélection mais aurez 99 % de chance d’aller dans une bon établissement secondaire et donc 90 % de chance d’entrer dans une bonne université, Vos parents pouvant payer pour vous, dans le cas où vous n’êtes pas au niveau le nombre de cours particuliers qu’il vous faudra pour réussir votre concours d’entrée à l’université dans laquelle « il faut » aller. Ensuite le tapis rouge se déploie devant vous et vous aurez la carrière de cadre à laquelle vous aspirez et vous ferez le mariage qui convient. Aucune chance pour vous, si vous venez d’une université moyenne, vous serez un cadre moyen. Et si vous n’avez pas réussi vos études vous resterez au bas de l’échelle sociale.
Ce qui révolte notre héroïne Kyena, c’est que tout le monde accepte cet état de fait sans même ressentir la moindre révolte, à commencer par ses parents qui ont trimé toute leur vie pour vivre dans un logement sans aucun confort. Tout le roman est écrit en alternance, sa vie en Corée qui est étriquée, laborieuse et épuisante, et sa vie en Australie qui sans être idyllique lui semble paradisiaque. Comme la photo sur la couverture Kyena sent qu’elle peut vivre dans ce pays où elle se sent libre, je lui laisse la parole pour que vous compreniez son choix

Si je ne peux pas vivre dans mon pays…c’est parce qu’en Corée, je ne suis pas quelqu’un de compétitif. Je suis un peu comme un animal victime de la sélection naturelle. Je ne supporte pas le froid ; je suis incapable de me battre de toutes mes forces pour atteindre un but : ; et je n’ai hérité et n’hériterai jamais d’aucun patrimoine. Mais tout ça ne m’empêche pas d’avoir le culot d’être salement exigeante : je veux travailler près de chez moi, qu’il y ait suffisamment d’infrastructures culturelles dans mon quartier, que mon boulot me permette de m’accomplir personnellement, etc. Je chicane sur ce genre de choses.

Voilà pourquoi elle crie très fort, et je pense qu’après avoir lu ce roman vous la comprendrez.

Pourquoi je suis partie ? Parce que je déteste la Corée

Citations

Classe moyenne pauvre

Ma famille vivait et vit aujourd’hui encore dans un très vieil immeuble délabré dont les matériaux de construction et les encadrements de fenêtres étaient de très mauvaise qualité dès le départ. Chaque année en octobre, mon père recouvrait les fenêtres avec d’épaisses feuille de plastique, mais ça n’empêchait pas l’air glacial de pénétrer dans la chambre au plus fort de la saison froide. Quand le vent soufflait, il faisait gonfler les feuilles de plastique vers l’intérieur. Ces jours-là, nous avions beau mettre le chauffage au sol au maximum, seuls les endroits où passaient les tuyaux était chauds. Ailleurs dans la pièce on était transi de froid. Dans le lit, on avait le bout de nez gelé.

 Les contraintes qui pèsent sur la jeunesse

Je n’ai pas d’avenir en Corée. Je ne suis pas sorti d’une grande université, je ne viens pas d’une famille riche, je ne suis pas aussi belle que Kim-Tae-hui. Si je reste en Corée, je finirai ramasseuse de détritus dans le métro.

Le paradis australien

Quand on devient australien, on peut toucher des indemnités chômage sans rien faire, et quand on attrape une maladie grave, on est soigné gratuitement. Quand on achète pour la première fois une maison, on touche vingt mille dollars d’aide de la part de l’État. On reçoit aussi plusieurs dizaines de milliers de dollars pour financer les études universitaires de ses enfants. En bref tout est merveilleux. En additionnant tout ça, on peut dire que la nationalité australienne vaut environ un milliards de Wons coréen.

 

Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse , d’ailleurs j’ai une petite remarque à propos de la traduction, que penser de cette phrase : »John Berger accompagne John Sassal, un médecin de campagne un ami à lui » ? 

 

Je savais pour avoir lu les critiques sur de nombreux blogs, que je lirai ce roman, La souris jaune, Keisha, Dominique, Krol, Aifelle (et sans doute, bien d’autres encore) en ont parlé avec enthousiasme . Je partage avec Aifelle l’agacement à propos des #hashtag malgré la justification que j’ai lue. Je ne trouve pas du tout que cela crée un réseau souterrain au roman, mais ce qui est sûr c’est que ça freine désagréablement la lecture. Ce roman est un travail de deuil pour l’auteure qui vient de perdre un compagnon, Pablo, tendrement aimé et qui raconte celui que Marie Curie a été amenée à faire lors de la mort accidentelle de Pierre. Les deux souffrances se mêlent pour nous donner ce roman dont j’ai eu envie de recopier des passages entiers pour vous faire partager mon plaisir et aussi retenir ce que Rosa Montero nous dit de façon si simple et si humaine. J’ai beaucoup lu à propos de Marie Curie, en particulier, il y a bien longtemps, le livre d’Ève Curie, et je me souviens très bien de la souffrance de Marie, la scène où elle brûle les effets tâchés du sang de Pierre sont gravés dans ma mémoire. J’aime cette femme de tout mon être , elle correspond à un idéal qui a marqué la génération de mes parents. Mais c’est aussi un idéal impossible à atteindre, comme tous les génies elle est hors de portée des autres femmes. Mais cela fait tant de bien qu’elle ait existé. Je connaissais aussi l’épisode où la presse s’est évertuée à la détruire car elle a été la maîtresse de Paul Langevin . De tout temps la presse a été capable de s’amuser à détruire la réputation d’une personne surtout si elle est célèbre. Mais l’accent que met Rosa Montero sur la personnalité de Paul Langevin montre les petitesses de ce personnage. Il a trompé sa femme et il l’a fait jusqu’au bout de sa vie mais il n’est victime d’aucun jugement de la part de la presse ni de l’opinion publique. Bien sûr il ne défendra pas Marie qu’il laissera tomber, mais finalement il se rappellera à son bon souvenir en lui demandant une place dans de chercheuse dans son laboratoire pour une fille qu’il a eu avec une de ses étudiantes . Quel galant homme !

Ce roman nous entraîne donc dans une réflexion sur le deuil et la condition de la femme dans le couple. Cette superbe énergie que l’on connaît chez Marie Curie, on sait qu’elle habite Rosa Montero qui roman après roman nous livre le plus profond de son imagination. Rien ne peut l’arrêter d’écrire, comme rien n’a pu arrêter Marie d’aller vérifier ses expériences dans son laboratoire. Seulement ce sont aussi des femmes de chaires et de sang et elles peuvent flancher. Marie après la mort de Pierre s’est enfermée dans un silence mortifère et après la cabale de la presse à propos de son amour avec Paul Langevin, elle est restée un an loin du monde et de ses chères recherches. Est-ce la façon de cette auteure de nous dire que sa souffrance a failli, elle aussi, la faire trébucher vers la non vie ?

Citations

l’écriture

Je me sens comme le berger de cette vieille blague qui sculpté distraitement un morceau de bois avec son couteau, et qui, quand un passant lui demande : « Mais vous faites la figure de qui ? » répond : « Eh bien, s’il a de la barbe saint Antoine, sinon la Sainte Vierge. « 

 Autobiographie ou roman ?

Même si, dans mes romans, je fuis l’autobiographie avec une véhémence particulière, symboliquement je suis toujours en train de lécher mes blessures les plus profondes. À l’origine de la créativité se trouve la souffrance, la sienne et celle des autres.

La féminité dans les années 70

J’appartiens à la contre-culture des années 70 : nous avions banni les soutiens-gorge et les talons aiguilles, et nous ne nous épilions plus sous les bras. J’ai recommencé à m’épiler par la suite, mais quelque part j’ai continué de lutter contre le stéréotype féminin traditionnel. Jamais je n’ai porté de talons (je ne sais pas marcher avec). Jamais je ne me suis mis du vernis à ongle. Jamais je ne me suis maquillée les lèvres.

Réflexions sur le couple

« Le problème avec le mariage, c’est que les Femme se marient en pensant qu’ils vont changer, et les hommes se marient en pensant qu’elles ne vont pas changer. »Terriblement lucide et tellement bien vu ! L’immense majorité d’entre nous s’obstine à changer l’être aimé afin qu’il s’adapte à nos rêves grandioses. Nous croyons que, si nous le soignons de ses soi-disantes blessures, notre parfait bien-aimé émergera dans toute sa splendeur. Les contes de fées, si sages le disent clairement : nous passons notre vie à embrasser des crapauds , convaincues de pouvoir en faire des princes charmants. ….. quand Arthur dit que les hommes croient que nous n’allons pas changer, il ne veut pas parler du fait que nous prenions un gros cul et de la cellulite, mais que notre regard se remplit d’amertume, que nous ne les bichonner plus et ne nous occupons plus d’eux comme si c’étaient des dieux, que nous pourrissions notre vie commune par des reproches acerbes.
Tant de fois, nous menton aux hommes. À tant d’occasions, nous faisons semblant d’en savoir moins que nous n’en savons, pour donner l’impression qu’ils en savent plus. Ou nous leur disons que nous avons besoin d’eux pour quelque chose alors que ça n’est pas vrai. Juste pour qu’ils se sentent bien. Ou nous les adulons effrontément pour célébrer la moindre petite réussite. Et nous allons jusqu’à trouver attendrissant de constater que, si exagérée soit la flatterie, ils ne s’aperçoivent jamais que nous sommes en train de leur passer de la pommade, parce qu’ils ont véritablement besoin d’entendre ces compliments, comme des adolescents auxquels il faut un soutien extérieur afin qu’ils puissent croire en eux

Le cadeau de Pierre à son amoureuse

Avec Marie il avait trouvé son âme sœur. En fait, au début de leur relation, au lieu de lui envoyer un bouquet de fleurs ou des bonbons, Pierre lui avait envoyé une copie de son travail, intitulé  » Sur la symétrie des phénomènes physiques. Symétrie d’un champ électrique et d’un champ magnétique » : on convient que ce n’est pas un sujet qui fascine toutes les jeunes filles.

J’ai souri

On se mit tout de suite à utiliser les rayons x pour diagnostiquer les fractures des os, comme maintenant, mais aussi à des fins absurdes comme par exemple pour combattre la chute des cheveux : on dirait que chaque nouveauté inventée par l’être humain est testé contre la calvitie, cette obsession terrible attisée par le fait que ceux qui perdent leurs cheveux, ce sont des hommes.

La mort

Je suis sûre que nous parlons tous avec nos morts  : moi bien évidemment je le fais, et pourtant je ne crois pas du tout à la vie après la mort. Et j’ai même senti Pablo à mes côtés de temps à autre ……. Marie s’adresse à Pierre parce-qu’elle n’a pas su lui dire au revoir, parce-qu’elle n’a pas pu pu lui dire tout ce qu’elle aurait dû lui dire, parce qu’elle n’a pas pu achever la narration de leur vie commune.

Paul Langevin le grand homme !

Quelques années plus tard Paul Langevin eut une enfant illégitime avec une de ses anciennes étudiantes ( un vrai cliché) et il demanda à Madame Curie de donner à cette fille un travail dans son laboratoire. Et vous savez quoi ? Marie le lui donna.