SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Une excellente surprise que la lecture de ce roman. Surprise, pourquoi ? Car il a été couronné par le prix Fémina 2015, et que je suis de plus en plus déçue par les livres récompensés, je finis par avoir un réflexe un peu stupide de fuite. Ce roman est vraiment très touchant, il est écrit d’une façon originale pour raconter une famille, en particulier la vie des grands-parents de l’auteur, des gens hors du commun. Mère-grand est rennaise, d’une horrible famille confite en dévotion, en sentiment de supériorité et désargenté mais qui veulent « paraître » et tenir leur rang (je me demande si je lirai, un jour, un livre où on dit du bien de Rennes, ma ville natale, que je n’ai jamais beaucoup appréciée).

La famille du grand-père rescapé des pogroms du centre de l’Europe, aura bien du mal, évidemment à survivre au nazisme et à la collaboration française. Le clan Boltanski a donné naissance à une kyrielle d’êtres remarquables : la grand-mère écrivaine sous le pseudonyme d’Annie Lauran, le grand-père de l’académie de médecine, un fils artiste plasticien reconnu Christian, un autre linguiste qui est le père de Christophe notre auteur journaliste. Lui seul pouvait nous raconter de l’intérieur ce qui faisait le quotidien de cette famille, marquée par « la cache » du grand-père pendant les deux dernières années de guerre. En progressant dans leur lieu de vie, un hôtel particulier (dans tous les sens du terme) avenue de Grenelle à Paris, à la manière du Cluedo (la comparaison est de l’auteur) nous approchons de plus en plus près de ce qui est l’âme de cette famille  : La Cache.

Mais avant d’y arriver nous passerons par toutes les pièces qui sont autant d’occasions de cerner au plus près la personnalité de de Myriam Boltanski, née Marie-Élise Ilari-Guérin, atteinte de poliomyélite et qui passera sa vie à nier son handicap et à refuser la vieillesse. Femme étonnante qui a insufflé à tous les siens l’énergie de la vie. Tout le clan est là resserré autour de celle qui fut abandonnée par sa propre famille à l’âge de 4 ans pour des raisons de commodités financières. On connaîtra tous leurs rituels, décrits avec beaucoup d’humour, les réceptions où les invités finissent par apporter de quoi se nourrir, la façon de s’endormir tous dans la même chambre au pied des lits des grands parents, l’absence d’hygiène corporelles, l’horreur de la maison de Mayenne héritage de la marraine adoptive, grand baraque humide sans aucun confort. On verra leur engagement communiste et auprès du FLN. Sans doute la conséquence de la guerre, j’aurais aimé qu’on en sache plus sur ce qu’ils pensent aujourd’hui de ces engagements là.

Il y a une absente, la propre mère de l’auteur qui laissera son fils vivre dans cet appartement plutôt qu’auprès d’elle, sans que l’on sache pourquoi , elle ne fait sans doute pas partie du fameux clan Boltanski

Citations

L’importance des objets qui ont peuplé les souvenirs de l’auteur

Objet mythique des films italiens des années 50, la Fiat de deuxième génération, dite Nuova 500, faisait penser à un bocal pour poisson rouge, à un sous marin de poche, à un ovni, et moi son passager, à un Martien projeté sur une planète inconnue. Dans son pays d’origine, on l’appelait la « bambina ». Moins flatteur, les Français l’avait surnommé le « pot à yaourt ».

La peur transmise

Cette appréhension, ma famille me l’a transmise très tôt, presque à la naissance. Petit, j’avais la phobie du sable chaud, des vagues, des champignons sauvages, des herbes hautes, des arbres serrés les uns contre les autres, des ténèbres, des vieilles dames affables que je confondais avec des sorcières, des araignées et, plus généralement, de toute forme d’insecte.

Le coté juif de son père adopté par sa mère

En signe de réjouissance, elle sortait alors ses plus belles assiettes, celle en porcelaine bleue. Les creuses pour la soupe, les plates pour la viande. Plus qu’un festin, elle nous offrait un passé. Elle nous reliait à une histoire qui n’était pas la sienne. Elle sacrifiait à un culte ancien dont elle avait adopté les rites. Elle accomplissait un genre d’eucharistie. Son potage roboratif au goût acidulé et à l’odeur de chou contenait consubstantiellement l’âme des Boltansky.

L’importance des meubles des meubles de famille et la bourgeoisie rennaise

Il subsistait tant bien que mal avec une maigre pension d’instituteur,entouré de quelques meubles de famille qu’elle reconnaissait, malgré leur réapparition dans un tout autre contexte. Elle disait qu’il avait recréé sous les tropiques l’appartement rennais de leur enfance, tout en apparence et en mensonge, à la fois bourgeois et misérables.

L’hygiène

En tant qu’ancien vice-président de l’Union internationale d’hygiène scolaire et universitaire, Grand-papa avait théorisé ce laisser-aller général : « Dans un monde propre, il faut être sale, répétait-il. Les bactéries nous protègent. » Ne pas se laver était, selon lui, un moyen de renforcer nos défenses.

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Un grand plaisir de lecture avec ce livre reçu grâce à Masse critique de Babelio , j’avais pourtant dit que je n’y participerai plus ! Mais j’ai une grande tendresse pour nos voisins québécois, leur langue et la dureté de leur vie. alors voilà j’ai dit oui, et hélas ce livre est arrivé au milieu de mes trajets de l’été et c’est évidemment beaucoup plus compliqué pour publier dans les délais exigés.

3La couverture fait immédiatement penser à la BD de Loisel et Tripp « Magasin Général » et c’est bien le même monde qui est ici décrit, à tel point que je pense que la BD est une adaptation de ce roman. On retrouve les mêmes personnages si je me souviens bien de la BD que j’ai parcourue avec plaisir dans le cadre de mon club de lecture .
Nous voici donc, en 1901, dans le Québec rural, bien parti pour une saga en quatre tomes avec les familles Joyal et Boisvert dans le village de Saint-Paul-des-Près. La jeune Corinne, cadette de la famille Joyal, est amoureuse de Laurent le plus jeune fils de Gonzague Boisvert, un vieux grigou au cœur sec et nous assistons à la préparation de son mariage et au début de sa vie conjugale.

Le lecteur est embarqué une vie de village où chacun doit tenir sa part de travail pour que la communauté puisse faire face au climat rigoureux du Québec. Tout cela béni par une religion catholique bigote , chacun s’exprimant dans une langue qui me fait toujours sourire. Michel David possède un talent de conteur indéniable, et même si ce n’est pas de la grande littérature, j’ai beaucoup apprécié cette lecture. L’intrigue tourne autour d’une sombre histoire de terrain sur lequel on doit reconstruire une église, les rivalités des clans politiques opposent « les Bleus » aux « Rouges » , mais le plus important ce sont les manigances du vieux Gonzague Boisvert qui aimerait être le maitre incontesté de son village. Surtout n’ayez pas peur des 500 pages, il ne m’a fallu que deux jours pour en venir à bout. Je ne sais pas si je lirai la fin de la Saga , mais à l’occasion pourquoi pas. Les personnages sont vivants et bien croqués, mais il y a un côté gentillet qui risque de m’ennuyer quelque peu.

Citations

Les jurons québécois

Ah ben, ma saudite air bête ! 
Maudit torrieu ! hurla-t-il . Même pas capable de traire une vache comme du monde !
Maudit calvinus de calvinus !

Croyance et religion

J’espère qu’il va faire beau demain, ajouta la jeune fille , l’air inquiet. 
-T’as juste à aller installer ton chapelet sur la corde à linge, lui conseilla Lucienne.
-Voyons donc, m’man, protesta Germaine. Vous allez pas nous dire que vous croyez à ça. ..
– Tout ce que je sais , c’est que je l’ai fait pour mes noces et Blanche a fait la même chose pour les siennes et ça a marché, déclara tout net la mère de famille.

Éducation sexuelle

Elle se dépêcha d’endosser sa robe de nuit en évitant de se regarder nue dans le miroir. Elle se rappelait très bien encore les mises en garde du vieux curé Duhaime qui prédisait la damnation éternelle dans les flammes de l’enfer à tous ceux qui succombaient au péché d’impureté. On devait éviter de regarder et surtout de toucher les « parties sales » du corps.