Édition Quidam (version poche)

J’avais été intriguée par ce que Keisha avait écrit à propos d’Owana , mais les commentaires sur son blog à propos de l’ETA m’avaient un peu refroidie. J’ai donc acheté et lu celui-ci qui, de plus, est paru en poche. C’est peut de dire que j’ai apprécié cette lecture, elle m’a transportée loin de ma Bretagne natale, au Québec, là où tant de Bretons ont trouvé du sens à leur vie et ont fait fortune : comment se sont-ils conduits là-bas ? Sans doute ni mieux ni moins bien que les protagonistes des personnages mis en scène par Éric Plamondon dans ce roman qui s’appuie sur des faits historiques : le 11 juin 1981 la police du Québec débarque dans la réserve de Restigouche pour confisquer les filets à saumons des Indiens Mi’gmaq. C’est là et à cette époque que l’auteur a décidé de faire vivre Océane une jeune indienne qui va malheureusement croiser la route de redoutables prédateurs . Elle rencontre aussi un homme qui va l’aider à se sortir d’un piège redoutable et une institutrice française qui lui donnera le goût des études. Le suspens à travers cette nature superbe est haletant et j’ai retrouvé mes plaisirs d’enfance lorsque je passais une grande partie de la nuit à lire Jack London -dont il est aussi- question ici aussi. Car c’est la grande force de ce roman, dans des chapitres très courts, il rappelle tout ce qui a constitué ce grand pays, pourquoi et comment on en est arrivé à réduire les indiens à ce qu’ils sont aujourd’hui . On suit la remontée dans le temps du passé de ces territoires comme le saumon qui remonte le fleuve et lorsqu’il est Taqawan, c’est à dire un saumon d’eau douce qui jaillit hors des chutes d’eau pour assurer la survie de son espèce le lecteur se sent transformer. Oui, ce roman emporte et pourtant il est très court, chaque chapitre en deux ou trois pages apporte un petit cailloux à un édifice qui ouvre nos yeux sur un nouveau monde. On peut, sans doute, lui reprocher d’être trop manichéen mais la charge contre les colonisateurs de ces régions me semble plutôt mesurée : en même temps qu’on enlevait des filets aux Indiens, le gouvernement laissait des compagnies privatiser des rivières entières pour que de riches Américains puissent satisfaire leur envie de pêcher tranquillement. Tous les faits sont historiques, les rassembler dans un même roman donne une force peu commune à cette histoire, qui se termine sur l’espoir que la jeune Océane trouve dans l’étude du droits des lois qui permettront aux Indiens de se défendre autrement qu’en s’opposant à la police. Pour celles et ceux qui trouvent que ce roman est trop à charge recherchez et lisez ce que l’église catholique a fait aux enfants indiens. Le terme de génocide est sans doute un peu fort mais l’horreur est absolue.

Citations

Les scènes d’autrefois avant l’arrivée des blancs

Quand le soleil a dépassé la pointe de la baie, un éclaireur rentre au village. Parti depuis trois jours, il revient avec une mauvaise nouvelle. Les ennemis du Sud, ceux de la tribu du Grand Aigle, arrivent. Il faut rapidement éteindre le feu, rapatrier les enfants, défaire les wigwams préparer les canots. Pour ce petit groupe, la fuite se fait souvent par la mer. C’est le meilleur moyen de ne pas laisser de traces et de s’éloigner au plus vite. Alors méthodiquement, parce que cela fait partie de leur vie, et que chacun sait ce qu’il doit faire, on lève le camp. En fin d’après-midi, ils prennent la mer pour fuir l’ennemi lancés sur le sentier de la guerre. Si tout se passe bien, ils seront hors d’atteinte avant la nuit. On campera et on continuera un peu plus loin demain. Les ennemis du Sud repartiront bredouilles à moins qu’ils ne croisent un groupe moins prudent et le déciment . Le Grand Aigle est vorace. 
Le lendemain, ils reprennent donc la mer pour se mettre à l’abri de tout danger pour un long moment. C’est du moins ce qu’ils croient. Les douze canots glissent au large vers l’estuaire du grand fleuve. Un canot de guerrier est en tête du convoi, un autre à l’arrière. Ceux du milieu transportent femmes, enfants et vieillards. Ceux qu’ils doivent pagayer pagayent. Le dernier canot laisse flotter dans son sillage une branche de sapin de la longueur d’un homme. Attachée à la poupe, elle traîne dans les ondulations salées d’une eau baignant un continent qu’on a pas encore baptisé en l’honneur d’Amerigo Vespucci. La branche qui glisse derrière et un leurre. En ce jour où la tribu est partie bâtir son nouveau campement, une énorme gueule surgit des profondeurs et se referme sur la branche. Le dernier canot tangue, le leurre est arraché, les guerriers lancent des cris d’avertissement, il est là, ramener vers la terre, ramer vite vers la terre. Pendant que la ligne des embarcations bifurque vers la rive et que la cadence des rameurs s’accélère, un des guerriers du dernier cadeau canaux prépare les lances et détache un ballot de cuire. Bientôt un aileron émerge. On tire du ballot une peau qui servait de porte à un wigwam. On la lance dans la mer. L’aileron passe et plonge. La peau a disparu. Arqués sur les rames, les autres ne regardent pas derrière. Il faut gagner la plage au plus vite. L’aileron a resurgi et fonce vers la dernière embarcation. Une fois sa proie choisie, la bête s’entête. Cette fois, elles frôle le frêle esquif et reçoit en échange une pointe de lance hauteur de la dorsale. La forme noire plonge, disparais, reviens dans le sillage du canot d’écorce. Les hommes sont prêts. Ils savent que les chance d’échapper aux monstres des mers sont faibles. Ils savent que les Corses ne résiste pas aux dents de cet ennemi là. Comme il revient, on jette une autre peau pour le tromper à nouveau mais cette fois il ne mord.pas. Il arrache la pagaie des mains du rameur le plus fort. L’esquif ralenti. D’un autre paquet, on sort des morceaux de saumon séché. À l’assaut suivant, la gueule se satisfait de la chair de poisson, repart, tourne vite et revient. Les autres canots ont déjà parcouru la moitié de la distance. Ils sont bientôt en sûreté. Le dernier canot, lui, perd du terrain. Ses occupants n’ont plus qu’une rame, une lance, un ninog, trois peaux de castor et leurs vêtements. Quand la bête repasse. Le ninog se brise violemment sur son flanc. Ce trident conçu pour la pêche au saumon ne peut rien contre la créature. Les trois hommes se rapprochent de la terre. Il vient de jeter la dernière peau de castor pour occuper les crocs de l’assaillant. Le guerrier au milieu du chant, celui avec la lance, retire son pagne en cuir en vue de la prochaine attaque. il est prêt à jeter son vêtement quand la charge arrive, de côté cette fois-ci. Il se lève, tangue et brandit sa lance au-dessus de l’écume. Il veut donner le coup de grâce à cette chose qui s’en prend à lui et à ses frères. La gueule surgit. La gueule s’ouvre. La lance s’enfonce dans le nez noir de la chose. L’homme est soulevé. Accroché à la lance, il monte vers le ciel, s’envole puis retombe. Il retombe dans la gueule béante. Son flanc droit s’affale sur les dents qui se referme. L’homme est avalé comme un phoque par une nature plus grande que lui. À peine a-t-il le temps de hurler qu’il est emporté sous l’eau.

En 1981

La police assiège le territoire des Amérindiens. Les bateaux fendent l’eau et déchirent les filets. Côté Nouveau-Brunswick, le pont Van Horne est bloqué par la gendarmerie royale. Les Indiens sont encerclés par la cavalerie. Le ton monte. On serre les rangs. On se regroupe. Le pouvoir veut en découdre. Ça s’appelle une démonstration de force. On ordonne de reculer. On repousse. Sa gueule, ça crie, ça prie . Les gyrophares tournent à vide dans le soleil de juin. Il est bientôt midi. Sur l’eau, les gardes se lancent à l’abordage. Ils saisissent, confisquent. La moindre protestation dégénère. Un colosse d’un mètre quatre vingt dix, dans la police depuis trois ans, empoigne Bob Bany, qui met trop de temps à sortir de son bateau. Il lui aboie de se grouiller. Baby fait ce qu’il peut avec sa jambe de bois. Le policier tire, arrache la chemise, le plaque à terre, un coup de genou dans les côtes l’air de rien,un point sur la nuque parce qu’il faut qu’il obtempère. La clé de bras disloqué l’épaule. Un cri de douleur jaillit, étouffé par un « fuck you » hargneux. Ils sont maintenant 4 sur le dos de l’homme à terre. Il n’avait qu’à obéir. Refus de se plier aux ordres des représentants de l’autorité. Il n’avait qu’à ne pas traîner. Ils lui maintiennent les jambes et lui passe les menottes. Un coup de matraque dans le dos pour finir. Les forces de l’ordre sont en train de sauver le Québec des terribles agissements de ces sauvages qui ne veulent jamais rien entendre. Il faut les discipliner et, leur apprendre. On est dans la province de Québec, sur le territoire provincial. Quiconque s’y trouve doit obéir aux lois et aux injonctions venues de la capitale. Le ministre a dit, la police exécute. Elle répand la parole de l’ordre par le bout des fusils, les gaz lacrymogènes et les barreaux de prison.

Mon pays c’est l’hiver

Je suis né dans le froid. La glace et la neige sont dans mes veines. Il n’y a pas de ciel plus clair et d’air plus pur qu’au milieu de l’hiver. Il n’y a pas d’odeur plus parfumée que celle de la neige fraîchement tombée sur les branches des sapins. Il n’y a pas de silence plus parfait que celui d’une nuit étouffée sous les flocons d’un début de tempête. J’aime cette saison parce que les choses y sont claires. On sait exactement ce qui se passe dans les bois quand tout est blanc. La moindre forme de vie laisse une trace. Les branches sans feuilles permettent de voir clairement des corneilles en haut des cimes. Les rivières sont des routes pour s’enfoncer au plus profond de l’inconnu. On est pas emmêlé dans les broussailles, on file droit, en raquettes ou en ski-doo. C’est une sensation de fuite qui n’est possible que dans la neige. Ceux qui se plaignent du froid n’ont jamais passé une nuit dehors à moins quinze devant un feu de camp et sous la lune qui éclaire comme en plein jour. 

Il a vraiment l’air sincère. Ses yeux se sont mis à briller. Elle a envie de lui demander s’il a un peu de sang indien pour parler ainsi mais elle sait que c’est la dernière question à poser à quelqu’un dans ce coin de pays. Elle a suffisamment gaffé lors de son arrivée pour savoir que le sujet est plutôt sensible. Le vieux fermier qui lui loue sa maison en planche vers tu lui as dit. :
Au Québec, on a tous du sang indien. Si c’est pas dans les veines, c’est sur les mains.
 
https://www.youtube.com/watch?v=CH_R6D7mU7M

 

Édition ACTES SUD . Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

Je ne sais plus comment ce roman est arrivé chez moi, peut-être l’ai-je trouvé dans une brocante. Et, hélas pour moi, je ne me souvenais pas non plus que j’avais dit à Kathel que ce roman ne m’attirait pas plus que ça. J’ai vraiment peiné à le lire et je n’ai pas compris grand chose à ce que veut nous expliquer cette auteure. Le résumé est simple, un homme photographe publicitaire recueil un petit animal que des voyous essaient de tuer à coups de pied en bas de son immeuble. Cet animal est en réalité un troll auquel Ange va s’attacher et essayer de sauver. Cela nous vaut des digressions sur les légendes autour des trolls qui tentent à prouver l’existence de ces étranges créatures. Aucune réflexion sur les croyances et ce qu’elles représentent dans la mentalité des peuples qui croient à ces créatures. Par exemple en Bretagne, il existe de nombreuses légendes autour des fontaines, les Groac’h , les sorcières peuvent entraîner les imprudents dans l’eau, je pense que bien des accidents ont été évités lorsque les enfants couraient librement dans les campagnes. S’approcher de l’eau reste un danger et le petit enfant est sensible à ce genre d’histoires. Est-ce la même chose avec les trolls finnois. On n’en saura rien dans ce roman. Je me suis même demandé si ce n’était pas plutôt une analyse de l’homosexualité car il s’agit surtout de cela du désir sexuel entre hommes. Une mauvaise pioche pour moi, mais lisez vite l’avis de Kathel, de Keisha qui peuvent complètement vous faire oublier le mien.

Citations

Rapport sexuel avec un troll

La porte grince, Pessi sort de la salle de bain l’air repu et content, sa petite langue rouge pourlèche ses babines telle une flamme. Il bondit droit dans mes bras sur le canapé et se pelotonne sur mes genoux. Son enivrante odeur de baies de genièvre me monte aux narines et son poids chaud sur mes cuisses, rayonnant de l’excitation de la chasse, est à peine supportable. Pessi nettoie paresseusement le sang des commissures de ses lèvres et, sans vraiment savoir ce que je fais, je le tire un peu plus près de moi, à peine et tout doucement et au moment où sont au chaud touche mon ventre, j’explose tel un volcan. 

Mon cœur bat aussi vite et fort qu’un marteau-piqueur. Le dos de Pessi est taché de sperme, comme mes cuisses, et j’essaie de toutes mes forces de ne pas penser à ce qui vient de se passer. Instinctivement, j’éloigne le fragile bouquin jauni et, au même moment, Pessi s’écarte un peu, pas par irritation mais par commodité, il n’a pas fini sa toilette, et je le repousse de mes genoux d’un geste si soudain, presque violent, qu’il prend peur, file dans l’entrée et cherche à grimper sur le porte chapeau. Ses puissantes pattes de derrière battent l’air et heurtent le cadre du miroir, qui tombe avec un bruit sourd sur l’épais tapis au moment où je me rue dans la salle de bain pour laver le liquide honteux.

 

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Ce livre n’est pas pour moi, et je dois faire un aveu qui me coûte encore plus : je le mets sur Luocine alors que je ne l’ai pas terminé et que je ne le terminerai jamais. Je me demande si les habituelles amoureuses de la nature iront jusqu’au bout de ce livre très étrange. Monsieur Henri dont on ne sait rien se réveille un jour ; se réveille de quoi ? de sa nuit ? d’une maladie ? avec l’envie de découvrir le monde. Il est aidé par une gouvernante, un médecin et un nouveau voisin, qui ont comme rôle de l’aider dans ses entreprises de découvertes. Le roman n’a rien de réaliste, il évoque tout ce que l’on peut faire si on ouvre les yeux et que l’on sait s’émerveiller d’être en vie. Monsieur Henri ira de plus en plus loin mais sans moi car au bout des deux tiers du livre, j’étais agacée puis je me suis ennuyée à ces évocations sorties de tout contexte. Aucun paysage n’apparaît vraiment tout passe par les sensations de ce Monsieur et les plus beaux paysages vus par le plus petit des détails ne m’ont à aucun moment transportée mais peut-être comme je l’ai dit en commençant ce livre n’est pas pour moi tout simplement.

Citations

Les mots

Monsieur Henri s’engage sans difficultés  : il reconnaît un adjectif, trouve une famille d’articles qui lui manquait, évite un inconnu, tombe dans un trou, se perd, fait machine arrière, débroussaille un tunnel, découvre une pépite (adverbe infundibuliformément long, achéiropoïètement imprononçable, oryctognosriquement rare) coûte que coûte cherche à poursuivre.

Un des charmes de ce livre mais qui finit par lasser : les mots rares.

Vers midi le docteur a souhaité déjeuner, par contre si je déjeune je ne conduis pas : , les vapeurs postprandiales m’endorment.
L’espace interdidal ….
Ni ne s’enfoncera vers l’intérieur des terres à la recherche de l’orobranche améthyste ou de l’inule fausse criste par exemple.

Le voyage

On n’avait pas avancé, tourner en rond pour des raisons de préparation mais tourner en rond est une façon d’avancer, le docteur regardant sur la carte, le nouveau voisin comptant pour progresser sur les indications du docteur qui ne savait pas lire une carte et finissait par avoir mal au cœur à défaut de dormir. Un GPS eût été fort utile même si le docteur on a connu un qui proposait systématiquement de faire le tour de la terre puis de tourner à gauche. C’est un peu ce qu’ils avaient l’impression d’entreprendre.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Sans mon club, je ne serai certainement pas allée vers ce livre, et je ne suis certainement pas la personne qui convient au projet de ce roman. Plusieurs choses me sont totalement étrangères, le manque de réalisme dans le projet de vie en autarcie : les bambous qui poussent en une semaine, la femme qui abat vingt pins dans sa journée, le potager qui pousse en quinze jours … et puis cette communion avec la nature à laquelle je n’adhère pas non plus, et la poésie qui n’est pas celle qui me touche ! Il reste quoi ? des textes sur l’escalades assez répétitifs qui au début m’ont enchantée et puis lassée. Est-ce que je rejette tout ? Non, et surtout pas les réflexions de cette auteure sur le sens de la vie que je trouve très pertinentes, elle possède aussi un sens de la tension romanesque : on se demande qui est cette nonne qui vit en recluse, elle aussi, dans cette montagne. J’ai, également, été séduite par certaines évocations de la nature, par exemple, quand celle-ci devint apocalyptique, comme cet orage qui « déplace les montagnes ». Bref je ne sais ni classer ni définir ce roman qui certainement doit autant séduire que déplaire. Je me situe à mi chemin : j’ai aimé certaines descriptions et certaines réflexions, mais pas accroché au récit lui-même .

Citations

But de l’expérience

Je dois savoir si la détresse est une situation, un état du corps ou un état d’esprit.
 On peut être accroché à une paroi à trois mille quatre cents mètres d’altitude en plein orage nocturne sans être en détresse. On peut aussi sous le même orage nocturne se sentir au chaud au fond de son lit au cœur de la détresse. On peut avoir soif, être fatigué, blessé sans être en détresse.
 Il suffit de savoir que la boisson, la nourriture, le repos, le secours sont à portée de main. Qu’on peut les atteint. Plutôt facilement.
L’effort n’est pas la détresse mais il est souvent lié.
 Il suffit d’alimenter un alpiniste coincé depuis deux jours sur une vire sans eau ni nourriture à la limite de l’hypothermie pour que disparaisse la détresse.
 Le corps recouvre ses forces, l’esprit reprend courage, l’environnement n’est plus un obstacle. Ni un cercueil, ni une menace.
De la même façon, il suffirait de le déplacer (le descente de la vire en hélicoptère) pour que disparaisse la détresse. Bien avant qu’il soit réhydraté et nourri.
Comme il suffira d’une parole capable de changer ses représentations mentales -du passé, du présent, de l’avenir immédiat, de sa place dans le monde- pour que disparaisse la détresse.
La seule limite est la mort.

De l’utilité de la grammaire

Le regret engendre la détresse.  » Je n’aurais pas dû » est le début et le fond de la détresse. Le conditionnel tout entier, ce temps révolu qui n’est même pas le passé est le fondement et peut-être le créateur de la détresse. L’occasion qu’elle s’installe.
 Faudrait voir ce que cette forme grammaticale entretient comme relation avec la culpabilité et comment. Un mode verbal peut affecter la production de glucocorticoïdes. Et jouer sur notre humeur.
Le conditionnel introduit une illusion d’avenir à l’intérieur du passé. Il ouvre une brèche, un éventail de fantômes dans la nécessité des faits irréversibles, qui ont déjà eu lieu. Il n’y aurait pas de détresse sans le conditionnel. La fin, l’épuisement, la douleur et la mort si ça se trouve, mais pas de détresse.
 Ou je me trompe ?

Les bambous

(pourquoi sans « s » dans son texte)
Un bosquet de bambou est une armée invasive. Immobile, un bosquet de bambou ne fait que strier l’espace, diffracter la lumière et les moindre souffles du vent. C’est une armée calme, obstinée, une assemblée d’esthètes dont la présence change la lune en lanterne et l’envoie flotter parmi les cailloux. On est chez soi dans un bosquet de bambou, sous protection, camouflé, accueilli. Le chant des oiseaux dans un bosquet de bambou remplace les musique à corde. Assis près de l’eau dans un bosquet de bambou, buvant et fumant, on célèbre les trois arts avec les sept sages, poésie, calligraphie, et musique. C’est une bonne compagnie.

Des détails qui m’énervent comment abattre 20 arbres en quelques heures ?

C’est alors que j’ai abattu les 20 pins dont j’avais besoin, et que mon protocole de coupe est devenu si coulant à mesure que j’abattais que j’inspirais , que j’ expirais, qu’il fallut le cri de sorcière d’une effraie pour me sortir de l’action. Avec un bon frisson. La nuit n’était pas tout à fait tombée , ce qui me parut insolite. Sans le vouloir, j’ai repensé à la main de rapace que j’avais vu sortir d’un tas de laine sombre, et j’ai eu un second frisson. J’ai rassemblé mes troncs et j’ai commencé de les tirer vers le jardin. Les deux derniers, je les ai laissé retomber avec un vrai soulagement. Je suis allé ranger la hache dans le module du jardinage avant de remonter, et lorsque j’ai vu la couverture qui avait servi à protéger mes semis je me suis rendu compte que j’étais debout depuis plus de 34 heures et je me suis ravisée.

L humeur et le mauvais temps

Je dois sortir de l’influence du climat. Le moindre rayon de soleil est une joie pour tout, l’esprit, la peau, les cheveux, les boyaux, les vêtements, les casseroles. Dès que remonte ou retombe le brouillard, mon humeur s’alourdit. Ce n’est pas souhaitable. Je le subit. Je n’arrive pas à admettre ce rapport entre les nuées, les météores, le ciel bas et bouché et le niveau de mon énergie. Mon plafond interne se règle de lui-même sur la hauteur, la quantité et la qualité de l’atmosphère extérieur. Je le supporte mal.

Une réflexion intéressante

Les pompiers, les secouriste, les médecins, les chamans qui nous portent secours sont et doivent être des étrangers. Cela figure dans le serment d’Hippocrate : ne pas soigner ses proches. Parce que c’est dangereux pour les deux parties (…)
 le type absolument à bout de force , blessé , déshydraté , exsangue , choqué , au bord du délire d’épuisement ne peut être secouru que par un étranger. Son ami, son second de cordée, devient dans ces circonstances un étranger , le seul lien qui l’on est alors celui du soutien. Le plus archaïque, le plus ancien, le plus involontaire des liens ? Le plus neutre. Aussi neutre et aussi opaque que les mouvements des organes et la formation du fœtus.
Si l’ami ne s’oublie pas comme tel, ne s’abstrait pas de sa relation envers le blessé, son soutien sera brouillé, vraisemblablement inefficace. Si le blessé rappelle son amitié à celui qui le secourt, il l’empêche. La technique du soin, quelle qu’elle soit, interdit toute relation personnelle. Elle permet aux deux personnes de s’en garder, de passer sur un autre plan, indifférent, désaffecté, urgent. La vie ne peut être sauvegarder que par une volonté et un enchaînement de faits aussi impersonnels que ceux qui l’ont fait apparaître

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

 

Si vous voulez vous faire une idée exacte du trafic de l’ivoire entre l’Afrique et l’Asie ne ratez pas ce roman. L’évocation des paysages africains, m’ont entraînée vers un ailleurs qui me sortait agréablement de la grisaille bretonne. Mais bien loin des notes exotiques habituelles, nous sommes face à la réalité africaines : cette jeune Anglaise Erin, veut absolument arrêter le trafic de l’ivoire qui tue les éléphants africains. Oui mais, qui est-elle pour empêcher des hommes pauvres de vivre de ce qui leur rapporte un peu d’argent ? Que peut-elle contre les corrompus à qui ce trafic rapporte tant ? Et que faire face aux traditions qui pensent que les cornes des rhinocéros sont plus efficaces que le viagra ?

Est-ce un combat perdu d’avance ? En tout cas, la lutte semble tellement inégale, d’autant plus que, même si le trafic s’arrêtait, l’inexorable progrès et l’accroissement de la population africaine met en grand péril la faune sauvage.
Tous les aspects sont bien traités dans le roman, ce qui rend la lecture un peu laborieuse parfois, mais on ne peut pas reprocher à l’auteur d’être trop sérieux.

L’intrigue est bien construite, Erin a décidé de tracer les défenses d’éléphant pour frapper un grand coup contre la contrebande d’ivoire, elle sera aidée par un ranger qui connaît bien les habitudes des braconniers qu’il a été lui-même autrefois et un membre du gouvernement du Bostwana, cela nous permet un tableau assez complet de la population africaine impliquée dans ou contre le trafic de l’ivoire.

Je me demande toujours comment nous, les Européens, nous pouvons donner des leçons à l’Afrique, nous qui avons éradiqué tous, ou presque tous, les animaux sauvages qui peuplaient nos régions.

 

 

Citations

Trafic en Afrique

Ces dernières années, aux abords du célèbre parc, on est deux à trois rhino par jour. Leur corne, bien qu’elle soit un simple bout de kératine, restait l’appendice animal le plus cher et beaucoup essayaient de contourner la loi qui en avait interdit le commerce.

Le pourquoi des trafics

Tant que l’homme pense que ses faiblesses peuvent être compensées par la bile, du foie, des pattes, des griffes, qui lui suffit de consommer ou d’accumuler des parties animales pour guérir ou pour exister, tant que les pays consommateur de corne, d’ivoire, d’écaille et autres produits issus de la faune sauvage ne décide pas d’interdire ces pratiques et de les condamner, le braconnage prospérera toujours plus.

Rupture de milieu

C’est vrai que mon fils est quelqu’un d’important maintenant qu’il travaille pour le ministère. Si important qu’il ne peux plus dormir chez sa propre mère.

Culpabilité

Il y a quelques mois, il lui avait proposé de s’installer à Gaborone, il lui louerait un petit appartement, mettrait son père dans une clinique, mais ça ne s’était pas fait, elle ne laisserait jamais ses frères seuls, et Serese n’avait pas beaucoup insisté. Autour de lui, au ministère, on avait connu des écoles privées, on avait voyagé, lui n’était allé qu’en Afrique du Sud, il avait étudié un an à l’université de Johannesburg. On lui avait appris à penser petit, il s’en était excusé avant de comprendre que le changement devait venir de lui, qu’il n’y avait personne d’autre à tenir pour responsable de ses faiblesses, même si ce n’était pas si simple.

La Chine et le commerce illégal de l’ivoire

Chaque année, le gouvernement chinois injectait cinq tonnes d’Ivoire sur le marché intérieur légal, ivoire qui était répartie entre les différents atelier de sculpture du pays. Cinq tonnes, un chiffre dérisoire. S’approvisionner par la seule voie autorisé était impossible. Des centaines de tonnes d’Ivoire entrait illégalement dans le pays. Il se murmurait que le gouvernement comptait d’ici deux ans interdire le commerce légal et fermer le marché, les atelier de sculpture, mais ces ateliers n’étaient qu’une vitrine, la majorité des transactions étaient illicites, se passaient de certificats d’authenticité. Les groupes qui tenaient ce marché tenaient aussi des policiers, des hommes politiques, le réseau était vaste, complexe, Yang n’en n’était qu’une infime partie. Il avait fallu des années pour qu’elle se construise son propre réseau, trouve des sources fiables d’approvisionnement, mais si son rôle était essentiel, sa personne ne l’était pas, toujours, il y aurait une autre Yang.
 Ces groupes avaient des tueurs, mettaient des têtes à prix, combien de victimes de leur volonté de s’enrichir. À la sortie d’un avion, là où on se sent en sécurité, près d’une grande ville, dans un quartier huppé, des balles qui se perdent, qui se logent dans le corps de cet homme qui disparaît avec son combat, laissant un enfant à qui il sera dur de raconter la véritable histoire. Dans certains ateliers de Pékin, les défenses sculptées étaient affichées a plus de 350000 dollars.

L’avenir de la faune sauvage

Si Erin était un éléphant, elle verrait aussi les forêts devenir des fermes, elle verrait des routes coupées en deux son habitat naturel, des barrières électrifiées sur le chemin de ses migrations, elle verrait l’être humain rogner toujours plus sur les terres sauvages pour développer l’agriculture, conquérir chaque jour du terrain, elle serait emprisonnée dans un monde plus petit chaque année, ce qui était vaste ne serai plus que grand, elle pourrait aussi éprouver la soif et boire des litres d’une eau contenant du sodium de cyanure dilué, elle pourrait être prise de convulsions, sentir son cœur ralentir, sa respiration s’alourdir, elle pourrait s’effondrer sur le sol, entendre des coups de fusil, être chassée pour la simple possession de son ivoire, peser plus de six tonnes et devenir un bracelet, si elle faisait partie de ce groupe, elle penserais sans cesse à l’homme, il l’obséderait, elle saurait reconnaître ses intentions à la simple intonation de sa voix et adapterait son comportement en conséquence, elle pourrait être aussi victime de la folie du divertissement et être capturée vivante par des hommes de l’agence de la vie sauvage zimbabwéenne pour le profit de zoo qui naissent à Hangzhou ou à Shanghai, elle pourrait finir dans un parc clos, derrière une vitre, elle pourrait être une mémoire perdue, oui, si elle était l’un d’entre eux, elle serait en danger, une menace perpétuelle comme elle ne le sera jamais en temps qu’Erin.

Traduit de l’italien par Daniele Valin

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Après « Le jour avant le bonheur » et « Le Tort du Soldat » voici ma troisième lecture de cet auteur et un vrai coup de cœur . C’est un roman très court, parfaitement écrit qui embarque le lecteur dans le monde de la montagne, des chamois et des braconniers. Plus exactement d’un braconnier qui a consacré sa vie à la chasse, et d’un superbe chamois qui a passé la sienne à l’éviter. Les évocations de la nature sont pleines de charmes et de poésie et sont parfois belles à couper le souffle. Le temps de la lecture on respire un air différent et de cette lutte implacable personne ne sortira vainqueur. J’ai aimé l’écriture économe autant que somptueuse (bravo à la traductrice  !) , ce roman a sa place dans toutes les bibliothèques des amoureux de la nature et les protecteurs du monde animal mais dépasse largement ce cadre. Voilà bien l’illustration du pouvoir de la littérature car ce sont deux sujets qui sont souvent loin de mes préoccupations et pourtant, j’ai tout aimé dans ce roman.

 

Citation

Une bien jolie évocation

Les sabots des chamois sont les quatre doigts d’un violoniste. Ils vont à l’aveuglette sans se tromper d’un millimètre. Ils giclent sur des à-pics, jongleurs en montée , acrobates en descente, ce sont des artiste de cirque pour le public des montagnes. Les sabots des chamois s’agrippent à l’air. Le cal en forme de coussinet sert de silencieux quand il veut, sinon l’ongle divisé en deux est une castagnette de flamenco. Les sabots des Chamois sont quatre as dans la poche d’un tricheur. Avec eux, la pesanteur est une variante du thème, pas une loi.

L homme et le chamois

Le chasseur avait suivi des cerfs, des chevreuils, des bouquetins, mais plus de chamois, ces bêtes qui courent à la perfection au-dessus des précipices. Il reconnaissait une pointe d’envie dans cette préférence. Il avançait sur les parois à quatre pattes sans une once de leur grâce, sans l’insouciance du chamois qui laisse aller ses pieds, la tête haute. L’homme pouvait aussi faire des ascensions bien plus difficiles, monter tout droit là où eux devaient faire le tour, mais il était incapable de leur complicité avec la hauteur. Eux vivaient dans son intimité, lui n’était qu’un voleur de passage.

 

Traduit de l’américain par Juliane Nivelt

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

 

Une belle histoire d’amour et une lutte de tous les instants contre la sclérose en plaque. SP pour les intimes (qui aimeraient tant ne pas l’être !). Pour vous mettre dans l’ambiance je vous recopie la quatrième de couverture :

Maddy s’était juré de ne jamais sortir avec un garçon du même âge qu’elle, encore moins avec un guide de rivière. Mais voilà Dalt, et il est parfait. À vingt ans, Maddy et Dalt s’embarquent dans une histoire d’amour qui durera toute leur vie. Mariés sur les berges de la Buffalo Fork, dans le Wyoming, devenus tous deux guides de pêche, ils vivent leur passion à cent à l’heure et fondent leur entreprise de rafting dans l’Oregon. Mais lorsque Maddy, frappée de vertiges, apprend qu’elle est enceinte et se voit en même temps diagnostiquer une sclérose en plaques, le couple se rend compte que l’aventure ne fait que commencer.

Je dois avouer que ce roman ne m’a pas entièrement conquise. Certes la nature est belle, et oui, cet auteur sait décrire les somptueux décors des réserves naturelles nord-américaines. Mais les romans qui avancent à coup de dialogues ne sont pas mon fort. Et puis cette femme dont je comprends si bien la colère a souvent besoin de jurer et « les trou du cul » de succèdent à un rythme qui m’ont vite fatiguée. Leur histoire d’amour est belle un peu trop sans doute, on peut cependant y croire car l’auteur le raconte avec beaucoup de délicatesse. Ces deux thèmes qui se mêlent : cet amour profond qui les lie l’un à l’autre et la maladie qui ronge peu à peu les capacités de la jeune femme ont visiblement su séduire un large public. Je suis restée un peu en dehors, certainement à cause du style et je l’ai trouvé beaucoup trop long pour une fin que l’on sait, hélas ! inéluctable .

 

 

Citations

La maladie dans le regard des autres

Ses intentions sont bonnes, mais la vérité, c’est que je préférerais être brûlé vive.Je veux dire, je suis toujours heureuse de me retrouver dans les bras d’Allie, les rares fois où un type ne s’y trouve pas déjà, s’arrogeant toute la place. Mais pas de cette manière-là. Pas par pitié. Pas parce que je ne peux plus cacher mon bras, ma maladie.

 

Traduit de l’anglais écosse par Céline Schwaller 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Véritable coup cœur pour moi que je n’explique pas complètement. Je vais énumérer ce qui m’a plu :

  • J’ai retrouvé l’ambiance des films britanniques que j’apprécie tout particulièrement au festival de Dinard.
  • J’ai adoré les sentiments qui lient les deux héroïnes, deux sœurs différentes mais qui s’épaulent pour sortir de la mouise.
  • Je suis certaine que, lorsqu’on va mal, la beauté de la nature est une source d’équilibre.
  • Les personnages secondaires ont une véritable importance et enrichissent le récit.
  • La mère va vers une rédemption à laquelle on peut croire.
  • La fin n’est pas un Happy-End total mais rend le récit crédible.
  • Le caractère de la petite est drôle et allège le récit qui sinon serait trop glauque.

Voilà entre autre, ce qui m’a plu, évidemment la survie dans la nature encore sauvage des Highlands est difficile à imaginer, pour cela il faut deux ingrédients qui sont dans le roman. D’abord un besoin absolu de fuir la ville et ses conforts. Sal l’aînée en fuyant l’horreur absolue de sa vie d’enfant a commis un geste qui ne lui permet plus de vivre chez elle. Il faut aussi que les personnes soit formées à la survie en forêt, et Sal depuis un an étudie toutes tes façons de survivre dans la nature. Malgré ces compétences, les deux fillettes auront besoin d’aide et c’est là qu’intervient Ingrid une femme médecin qui a fui l’humanité elle aussi, mais pour d’autres raisons. Sa vie est passionnante et c’est une belle rencontre. C’est difficile à croire, peut-être, mais j’ai accepté ce récit qui est autant un hymne à la nature qu’un espoir dans la vie même quand celle-ci a refusé de vous faire le moindre cadeau.

Les Highlands :

 

Citations

La maltraitance

J’avais envisagé de le raconter pour Robert et qu’il comptait bientôt aller dans la chambre de Peppa aussi qu’il battait m’man et qu’il était saoul et défoncé tout le temps. Mais je savais que la première chose qui se passerait serait qu’il se ferait arrêter et qu’on nous emmènerait et qu’on serait séparé parce que c’est ce qui se passait toujours. En plus personne ne croirait que m’man n’était pas au courant et on l’accuserait peut-être de maltraitance ou de négligence et elle irait en prison. J’avais lu des histoires là dessus sur des sites d’informations, où la mère était condamnée et allait en prison et où le beau-père y allait pour plus longtemps parce que c’était lui qui avait fait tous les trucs horribles comme tuer un bébé ou affamer une petite fille, mais il disait que la mère avait laissé faire et elle se faisait coffrer aussi. Ils accusent toujours la mère d’un gamin qui se fait maltraiter au frapper, mais c’est toujours l’homme qui le fait.

L’étude de la survie

Tout en attendant à côté du feu éteint d’entendre quelque chose j’ai essayé de mettre un plan au point. Les chasseurs essaient de prévoir la réaction de leur proie pour savoir où et quand il les trouveront, ils savent ce qu’elles cherchent comme de l’eau et de la nourriture et ils adaptent leur propre comportement en fonction. Les prédateurs exploitent les besoins des proies pour essayer de les attraper quand elles sont les plus vulnérables comme lorsqu’elles font caca ou se nourrissent.

La nature

C’était la première fois que je voyais des blaireaux ailleurs que sur un écran et même s’ils étalent plus gros qu’on aurait pu le croire ils se déplaçaient en souplesse avec leur dos qui ondulait. Les deux plus petits ont commencé à fouiner dans la neige et les feuilles et l’un d’eux n’arrêtait pas de partir et de revenir en courant vers les autres comme s’il voulait jouer. Le gros a humé l’air puis il est parti sur une des pistes qui venait presque droit sur nous. Les deux autres l’ont suivi et tous les trois se sont approchés de nous en ondulant et la m’man m’a saisi la main et me l’a serrée quand je l’ai regardée elle avait la bouche ouverte sur un immense sourire et ses yeux étaient tout écarquillés et brillant comme si elle n’en revenait pas. Comme les trois blaireaux s’approchaient de plus en plus de notre arbre on est resté parfaitement immobile. Ils ont continué d’avancer et on les entendait gratter dans la neige et on voyait les poils gris et noir de leur pelage bouger et ondoyer à mesure qu’ils marchaient. À environ quatre mètres de nous le gros s’est arrêté puis il a levé la tête et nous a regardé bien en face. Il nous fixait dans les yeux tandis que les deux autres avaient le nez baissé et continuaient de renifler et de gratter la terre derrière lui. Ils ont levé les yeux à ce moment là et nous ont fixé tous les trois. J’avais envie de rire parce qu’ils avaient l’air carrément surpris avec leurs petites oreilles dressées. M’man relâchait son souffle très doucement. On est restées comme ça pendant que les minutes passaient dans le bois silencieux, maman et moi sous un arbre en train de fixer trois blaireaux.

Je sais que je dois cette lecture à la blogosphère en particulier à Jérôme mais à d’autres aussi. J’ai d’abord dégusté et beaucoup souri à la lecture de ce petit livre et puis je me suis sentie si triste devant tant de destructions, à la fois humaines et écologiques. Le regard de cet auteur est implacable, il sait nous faire partager ses révoltes. Comme lui, j’ai été indignée par le comportement de Philippe Boulet qui refuse de donner un simple coup de fil pour sauver de pauvres Malgaches partis en pirogues. Un de ses adjoint finira par l’y contraindre , mais trop tard si bien que seuls 2 sur 8 de ces malheureux ont été sauvés et vous savez quoi ?

 

En tant que chef de mission, Philippe Boulet a été décoré d’une belle médaille par le gouvernement malgache pour son rôle émérite dans le sauvetage des pêcheurs. un article de presse en atteste. Il sourit sur la photo.

 

La vision de la Chine est particulièrement gratinée, entre les ambiances de façades et la réalité il y a comme un hiatus. Comme souvent dans les pays à fort contrastes « le gringo » ou le »blanc » est considéré comme un porte monnaie ambulant. L’auteur se moque autant de ses propres comportements que ceux des touristes qui veulent absolument voir de « l’authentique ». Mais souvent la charge est lourde et quelque peu caricaturale. C’est peut être mon âme bretonne qui m’a fait être agacée aux portraits de bretons alcooliques. Ceci dit, pour voyager comme il le fait, il vaut mieux résister à l’alcool car on est souvent obligé de partager le verre de l’amitié qui est rarement un verre de jus de fruit quand on veut absolument vivre avec et comme les autochtones.

Enfin, le pire c’est le traitement de la nature par l’homme, c’est vraiment angoissant de voir les destructions s’accumuler sous le regard des gens qui se baladent de lieux en lieux sans réaliser que, par leur simple présence, (dont celle de l’auteur !) ils contribuent à détruire ce qu’ils trouvent, si « jolis », si « authentiques », si « typiques »….

 

Citations

 

Humour

J’ai passé des journées à marcher dans les rues, fouiner chez les disquaires de Soho, contempler l’agitation de Notting Hill ou des puces de Camden. Tout cela était très intéressant, je rencontrais d’autres possibles, mais ça ne m’aidait pas réellement à savoir qui j’étais. Le déclic eut lieu une nuit que j’étais à me morfondre dans quelque pub anglais au cœur de Londres. Accoudé sur un comptoir, je noircissais des page de cahier à spirale, dans une navrantes tentative postadolescente de devenir Arthur Morrison. Je zonais depuis une semaine, le groupe du pub reprenait Walk Of Life et j’en étais à écrire des sonnets sous Kronenbourg quand quelqu’un a renversé son verre de Guinness sur mes vers de détresse. Une vision, féminine, chevelure fatal et hormones au vent. Note pour les jeunes poètes maudits : écrire la nuit dans les bars, pour pathétique que ce soit, peut attirer la gourgandine. C’était une vieille, elle avait au moins 25 ans. Elle portait une robe noire sophistiquée et des talons arrogants ; elle travaillait dans la mode. Ses yeux brillaient d’une assurance alcoolisée. Volubile et pleins d’histoires.

Très drôle

Il existe, à l’est de Leeds, localité dont peu de gens soupçonne l’existence. Un port où le soleil n’est qu’un concept lointain, une cité prolétaire ou Margaret Thatcher est Satan et Tony Blair, Judas. Une riante bourgade ravagée par la crise postindustrielle, où l’on repère les étrangers à leur absence de tatouages et de cirrhose. Liverpool sans groupe de rock mythique, Manchester sans le foot. Hull est un sujet de moquerie pour le reste de l’Angleterre. Sa page Wikipédia se résume à 5 lignes, c’est que pour une ville de 250000 habitants.
PS  : Vérification Hull a plus que 5 lignes sur Wikipedia

Cette envie de recopier le livre !

Toutes ses économies dilapidées dans un voyage à pile ou face, des mafias engraissées, le cache cache avec la police de deux continents, la peur et le froid. Tout cela pour devenir esclave à Hull, qui concourt au titre de la ville la plus pourrie d’Europe. Khalid n’exprimait aucun regret : « Il vaut mieux être ouvrier à Hul que mort à Kaboul. » Une évidence contre laquelle aucune loi ne peut lutter.
… Dix kilomètres jusqu’à la maison. Des cités décaties où descendaient les rouquins à capuche, un immense supermarché Tesco, qui était une des raisons pour lesquelles Azad, Mohamed et Khalid, victimes de la géographie politique avez tenté la vie en Europe. Je travaille à l’usine pour pouvoir voyager. Ils avaient beaucoup, beaucoup voyagé pour venir travailler à l’usine.

Bombay

J’ai entendu quelques histoires de jeunes Anglais venus faire de l’humanitaire en Inde en sortant de chez leurs parents, et repartant au bout de trois jours, traumatisés par la réalité de la misères. Impossible de faire abstraction, dans cette ville où il faut prendre garde à ne pas marcher sur les nouveaux nés qui dorment sur le goudron.

Portrait de surfeurs

Tous ces garçons vivent entre eux dans une colonie de vacances perpétuelle, voyageant d’un spot à l’autre autour du monde, mangeant des corn flakes et des sandwichs à la mayonnaise dans des maisons de location, torse nu, pendant que le coach les dorlote. Le soir, ils boivent des bières autour d’un barbecue. Chaque année, à date fixe, il retrouve Hawaï, la Gold Coast australienne, le Brésil, l’Afrique du Sud ou Lacanau, sans avoir le temps de connaître les endroits qu’ils traversent. Ils ne se préoccupent pas de descendre sous la surface, leur fonction est de rester à flot. Ils gagnent très bien leur vie, ce sont des stars. Leurs performances sportives leur permettent de postuler au Statut de surhomme. Musclés et bronzés, ça va sans dire. Pas très grands, pour des histoires de centre de gravité. Leurs copines sont des splendeurs, rayonnantes de santé et de jeunesse, tout cela est très logique. On pourrait moquer la spiritualité de pacotille qui entoure le monde du surf, bric-à-brac de panthéisme cool où l’homme fusionne avec la nature dans l’action, mais ce n’est pas nécessaire. Ces types consacrent leur vie à la beauté du geste, dans un dépassement de soi photogénique. Ils tracent des sillons parfaits, en équilibre constant entre la perfection et la mort. Ce n’est pas rien.

La Chine

À Chongqing, je je trouve ce que j’aime dans lex tiers-monde. Le chaos organisé, la vie dans la rue, les gens qui vendent n’importe quoi à même le sol, les cireurs de chaussures,( l’un deux a voulu s’occuper de mes tongs), les vieux porteurs voûtés qui charrient le double de leur poids, les bars qui appartiennent à la mafia et les chiens qui n’appartiennent à personne.

À Pékin, on a posé une Chine en plastique sur la Chine. Et ça fonctionne très bien. Ils ont réussi à cacher les pauvres et les crasseux. À Chongqing, il n’y a pas de jeux olympiques. Les pauvres et les crasseux côtoient les costards cravates. Des ouvriers cassent les vieux immeubles à la masse, torse et pieds nus, à 15 mètres du sol. Les normes de sécurité ne sont pas optimales. Mais un centre commercial doit ouvrir dans 20 minutes à cet emplacement , alors il faut faire le boulot.

Portrait féroce et réducteur de l’autre….

Elle est prof. De maths. Allemande. Un sacré boute-en-train. Elle passe son temps à détailler de A à Z, tous les points de désaccord avec la culture chinoise. Je ne comprendrai jamais les gens qui, sortant de chez eux, ne supportent pas qu’on ne se comporte pas comme chez eux. De son côté, elle ne comprend pas que les Françaises s’épilent les jambes régulièrement. C’est pour l’instant, le plus gros choc culturel de mon séjour.

Traduit de l’allemand (Autriche) par Elisabeth Landes

 

Encore un coup de cœur de notre club, qui avait déjà couronné Le Tabac Tresniek que j’ai préféré à celui-ci. On est vraiment pris par cette lecture et pourtant, il ne se passe pas grand chose dans ce roman, si ce n’est qu’une vie entière y est racontée. Egger a d’abord été un enfant martyrisé par un oncle paysan qui n’avait aucune envie d’élever cet orphelin « batard », puis il deviendra un paysan dur à la tâche dans une Bavière des années 30. Enfin, il connaîtra l’amour et quelques années il sera heureux avec une jeune femme malheureusement disparue dans une avalanche qui détruira son chalet et sa vie. Il sera alors employé dans une compagnie qui construira des téléphériques et verra peu à peu sa montagne se transformer en lieu de loisirs . La grande histoire lui passe au dessus de la tête, lui qui n’a connu l’amour et l’affection que si peu de temps. Les risques qu’il prend dans les constructions en montagne, la guerre et surtout sa captivité en Russie soviétique aurait dû le voir mourir lui qui a perdu sa raison de vivre, il en revient, en 1952, encore plus solitaire. Oui, c’est toute une vie d’un homme simple et mal aimé qui se déroule devant nos yeux et l’auteur sait nous la rendre présente sans pour autant qu’aucun pathos ne se mêle à cette destinée solitaire.

Citations

Un enfant martyre

Comme toujours, le fermier avait trempé la tige dans l’eau pour l’assouplir. Elles fendait l’air d’un trait en sifflant, avant d’atterrir sur le derrière d’Egger dans un bruit de soupir. Egger ne criait jamais, cela excitait le fermier qui frappait encore plus dur. Dieu endurcit l’homme fait à son image, pour qu’il règne sur la terre et tous ce qui s’affaire dessus. L’homme accomplit la volonté de Dieu et dit la Parole de Dieu. L’homme donne la vie à la force de ses reins et prend la vie à la force de ses bras. L’homme est la chair, il est la terre, il est paysan, et il se nomme Hubert Kranzstocker.

L’enfant mal aimé

Pendant toutes ces années passées à la ferme, il demeura l’étranger, celui qu’on tolérait, le bâtard d’une belle-sœur châtiée par -Dieu, qui devait la clémence du fermier au seul contenu d’un portefeuille de cuir pendu à son cou. En réalité, on ne le considérait pas comme un enfant. Il était une créature vouée à trimer, à prier et à présenter son postérieur à la baguette de coudrier.

Camp de prisonniers en Russie

Au bout de quelques semaines, Egger cessa de compter les morts qu’on enterrait dans un petit bois de bouleaux, derrière le camp. La mort faisait partie de la vie comme les moisissures faisaient partie du pain. La mort, c’était la fièvre. La mort, c’était la fin. C’était une fissure dans le mur de la baraque, qui laissait passer le sifflement du vent.

La fin des camps de prisonniers en Russie

Il s’écoula encore près de six années avant que ne s’achève le temps d’Egger en Russie. Rien n’avait annoncé leur libération, mais, un beau jour de l’été dix-neuf cent cinquante et un, les prisonniers furent rassemblés tôt le matin devant les baraquements et reçurent l’ordre de se déshabiller et d’entasser leurs vêtements les uns sur les autres. Ce gros tas puant fut arrosé d’essence, puis allumé, et, tandis que les hommes fixaient les flammes, leurs visages trahissaient leur terreur d’être fusillés sur-le-champ ou d’un sort plus terrible encore. Mais les Russes riaient et parlaient fort à tort et à travers, et quand l’un d’eux saisit un prisonnier aux épaules, l’enlaça et se mit à effectuer avec ce fantomatique squelette nu un grotesque pas de deux autour du feu, la plupart sentirent que ce jour-là serait un jour faste. Pourvus chacun de vêtements propres et d’un quignon de pain, les hommes quittèrent le camp dans l’heure même, pour s’acheminer vers la gare de chemin de fer la plus proche.