Vous avez été nombreux à parler en bien de ce roman, je vous ai donc suivis et je l’ai trouvé très instructif. Il fait réfléchir sur le trafic de drogue en France et le fonctionnement de la justice. J’ai moins aimé le côté roman policier mais je ne suis pas adepte du genre. L’auteure est avocate et connaît bien son sujet, on peut supposer qu’à part les exagérations imposées par le genre, ce qu’elle nous décrit est assez proche de la réalité. Je ne sais pas pourquoi elle fait un portrait aussi terrible de ses parents, qui engraissent leur jardin à coups de cadavres, et ce n’est certainement pas cette partie qui m’a fait mettre quatre coquillages. Cette auteure a un style enlevé et souvent drôle, voire très drôle. Quand son personnage principal devient interprète pour la justice, l’auteure qui en sait long sur la question nous fait découvrir le monde de la drogue en France qu’elle décrit ainsi :

Quatorze millions d’expérimentateurs de cannabis en France et huit cent mille cultivateurs qui vivent de cette culture au Maroc. Les deux pays sont amis et pourtant ces gamins dont j’écoutais à longueur de journée les marchandages purgeaient de lourdes peines de prison pour avoir vendu leur shit aux grosses des flics qui les poursuivent, à ceux des magistrats qui les jugent ainsi qu’à tous les avocats qui les défendent.

Je me suis fait ma philosophie personnelle à la lecture de ce roman, pour lutter contre la drogue et les mafias qui en vivent, il n’y a que deux solutions :

  • légaliser toutes les drogues, et voir immédiatement toute une partie de la jeunesse mourir devant nos yeux.
  • Où comme en Thaïlande ou au Maroc (où elle est cultivée !) punir de 20 ans de prison tous les consommateur et de mort tous les trafiquants.

Sinon, toutes les autres solutions apporteront des situations bancales laissant place à la création littéraire de bons romans policiers !

Citations

Le nerf de la guerre et depuis si longtemps !

L’argent est « le Tout » ; le condensé de tout ce qui s’achète dans un monde où tout est à vendre. Il est là réponse à toutes les questions. Il est la langue d’avant Babel qui réunit tous les hommes.

Humour

 À l’époque on parlait beaucoup du créationnisme aux États-Unis et on pouvait lire des conneries du genre : les dinosaures ont disparu parce qu’ils étaient trop lourds pour monter sur l’arche de Noé.

Regard sur les années 70

Dans les années 70 ça se disait PDG . Ça allait avec le canard à l’orange, les cols roulés jaunes sur des jupes-culottes et les protège-téléphones fixes en tissu galonné.

Ses parents

En couvrant sa femme des yeux avec fierté, mon père, qu’au passage toutes les prostituées du quartier de la Madeleine appelaient par son prénom, disait d’elle qu’elle était comme une oeuvre d’art : très belle, mais d’une valeur d’usage absolument nulle.

Vision réaliste du trafic de drogue en France. Point de vue de la traductrice

Quoi qu’il en soit le trafic de stups m’a fait vivre pendant pratiquement vingt cinq ans au même titre que les milliers de fonctionnaires chargés de son éradication ainsi que les nombreuses familles qui sans cet argent n’auraient que les prestations sociales pour se nourrir.

Les dealers la plupart Marocains en France

En semaine, leurs journées commencent vers quatorze heures et se terminent à trois heures du matin. Elles se résument à des va-et-vient en scooter ou en Smart entre leur point de réapprovisionnement et de deal et leur bureau sis au kebab du coin ou à la salle de sport.
Si j’avais à les filmer dans leurs activités, je mettrais en fond sonore « What a wonderful world » de Louis Armstrong.
Toutes leurs conversations tournent autour de l’argent : celui qu’on leur doit, celui qu’ils auraient dû toucher, celui qu’ils rêvent d’avoir… Cet argent, ils le claquent le weekend en boîte de nuit -les mêmes que les cadres de la Défense… Qui sont aussi leurs clients – sauf que eux, la bouteille de champagne à mille euros, lorsqu’elle arrive sur leur table, ils la vident en la retournant dans son seau car ils ne boivent pas d’alcool. Souvent, à la sortie de la boîte, ils se battent et sont systématiquement arrêtés et condamnés sans que l’on cherche même à savoir si ce sont où les cadres de la Défense qui ont commencé.
 Leur hiver, ils le passent comme leurs clients en Thaïlande, notamment à Phuket mais dans un autre quartier : à Patong, rebaptisé « Les 4000 » du nom de la cité de La Courneuve en Seine-Saint-Denis. Les Thaïlandais les appellent les « French Arabics ».
 Là-bas, c’est les vacances, ils ne dealent pas parce que le simple usage de stups est puni de vingt ans. L’été, ils se tapent le bled avec la famille. Là non plus il ne dealent pas pour les mêmes raisons.
Leurs films préférés sont « Fast and Furious » 1, 2, 3 … 8 et « Scarface ». Ils sont tout sur les réseaux sociaux – libres ou en taule, c’est selon ou ils s’affichent comme travaillant chez Louis Vuitton et fréquentant Harvard University. Ils y échangent de grandes vérités où l’islam sunnite (la partie qui a trait à la polygamie, principalement), se mele aux répliques cultes de Tony Montana et aux textes des rappeurs qui dépassent les cinq cents millions de vues sur YouTube.
Ils sont en matière d’introspection comme tous les mes commerçants du monde… D’une pauvreté crasse.
….And I think tout myself Whatsap à Wonder full world ..
Je sais, ça n’a pas l’air, mais j’ai pour certains d’entre eux comme de l’affection car ils me rappellent l’anarchisme de droite pratiqué par mon père et ils parlent comme lui la langue universelle : « l’argent ».

28 Thoughts on “La Daronne – Hannelore CAYRE

  1. Oups les deux solutions… ^_^

  2. j’avais lu son premier polar et je n’avais pas accroché du tout ! je ne me sens pas prête à replonger et les polars aujourd’hui me pèsent il faut qu’ils soient vraiment attractifs pour que je me laisse séduire

  3. Je vais laisser passer le temps, pas certaine d’avoir envie de réfléchir à des sujets trop sérieux en cette période ! Même si tu soulignes l’humour, et quatre coquillages quand même …

  4. Je l’ai entendue en interview et ce qu’elle disait éclairait le roman. C’est un personnage cette fille. Les solutions, heu … elles demandent peut-être à être affinées ;-)

  5. Ah oui peut-être…. un roman qui montre bien une certaine réalité, je pensais que vous l’aviez toutes lu! visibelment non.

  6. Te voilà donc séduite par un polar : tout arrive !

    • ce n’est pas l’aspect « polar » qui m’a séduite que la découverte du fonctionnement du trafic de drogue en France. D’ailleurs une récente actualité (l’arrestation de François Thierry, directeur de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants) lui donne entièrement raison.

  7. Si toi aussi tu succombes à ce livre que tout le monde encense, je ne vais pas pouvoir y échapper !

    • et comme tu le sais, j’ai peu de goût pour les polars, d’ailleurs c’est l’aspect un raté du roman d’après celles qui aiment les polars comme Krol, par exemple.

  8. Mon billet sur ce titre vient de paraître aussi. Je suis personnellement adepte de polar, et le noir, j’adore ! Ces exagérations que tu évoques m’ont au départ un peu gênée, car elle ne sont pas selon moi indispensables ou inhérentes au genre. J’ai finalement compris assez vite qu’il s’agissait d’une volonté assumée de l’auteure, de donner à son roman un style un peu « hybride » (entre humour souvent caricatural et polar cynique), ce qu’elle réussit plutôt bien, et qui fait l’originalité de « La daronne ». Et si ça permet de séduire des non adeptes du genre, je trouve ça épatant !!
    Et ta conclusion est à l’image de ce récit : à la fois drôle et cynique !

  9. J’ai apprécié sans plus ce livre, l’humour, oui, mais je n’ai pas tout à fait compris pourquoi on l’encensait tant… Quatre coquillages ! N’y en a-t-il pas un de trop ?

    • pour moi, l’intérêt de ce roman c’est de poser de façon très claire le problème du trafic de drogue en France. c’est plus que 3 coquillages car il m’a permis de surmonter mon peu de goût pour les polars.

  10. Son humour a l’air assez décapant :-)

    • Oui et parfois je passe complètement à côté. La vision de ses parents ne m’a fait rire, et d’ailleurs ce n’était peut être pas fait pour ça.

  11. Je lis peu de polars mais celui ci est tentant !

    • pour le côté polar ce n’est pas très réussi mais en revanche, le fonctionnement de la justice face à la drogue est très intéressant.

  12. Un polar drôle :si je le croise en bibliothèque, je l’emporte.

  13. Bonjour Luocine, je constate que toi aussi, tu as succombé à la Daronne. J’ai trouvé ce roman instructif aussi sur les ehpad. Cayre dit des choses très vraies. Je me suis bien divertie d’autant plus que c’est très bien écrit. Bonne journée.

    • je trouve que sa peinture des Ehpad est caricaturale même si c’est en partie juste, ce qui m’a intéressée c’est le monde des dealers et l’hypocrisie de l’état français

  14. c’est à mon programme mais vu le pavé, je ne sais pas quand je vais le lire…

  15. Bonjour Luociné (?)
    J’avais bien aimé La Daronne quand je l’avais lu, et la manière dont ça se finit plutôt bien… Tout à fait le genre de film que j’aimerais voir transposé au cinéma (comme l’a été récemment Un petit boulot)!
    Merci pour votre com’
    (s) Ta d loi du ciné, « squatter » chez Dasola

  16. Luocine ne lit pas au ciné …. j’ai peu d’avis sur le sujet adaptation au cinéma mais pourquoi pas!

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