Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. (Mon club de lecture va peut -être devenir célèbre)

Ce petit roman m’a beaucoup plu, mais je suis incapable de savoir s’il plaira à d’autres. Je le définirai comme un roman d’atmosphère, il règne une ambiance à laquelle je me suis laissée prendre. La narratrice, part en train sur les bords du lac Baïkal pour retrouver un homme qu’elle a aimé Gyl, et dont elle n’a plus de nouvelles. Ce voyage est l’occasion de renouer tous les fils qui font d’elle la femme qu’elle est aujourd’hui. Cette pérégrination vers ce qu’elle est, avait commencé quelques années auparavant lors de sa rencontre avec une femme très âgée, sa voisine du dessous, Clémence Barrot, une ancienne modiste qui ne sort plus guère et à qui elle lit des histoires. Elle la retrouve le plus souvent possible installée sur son canapé rouge, -d’où le titre- .

Cette femme est riche d’une histoire d’amour qui s’est brutalement terminée en 1943. Paul a été fusillé par les Allemands, il avait été recruté par le PCF et était entré dans la résistance. Clémence garde une photo prise sur les bords de la Seine, qu’elle cache derrière le canapé. Ils avaient 20 ans, ils étaient amoureux, ils étaient beaux et la mort a tout arrêté. Clémence en veut terriblement aux Nazis et un peu au communisme qui lui a enlevé son amoureux. On retrouve un des éléments qui a constitué le passé d’Anne et Gyl, ils étaient tous les deux utopistes et voulaient changer la société. Gyl, n’a pas supporté que le communisme s’arrête et c’est pourquoi il est parti en Sibérie pour faire revivre ce en quoi il croit. Clémence aime les histoires qu’Anne lui raconte, il faut dire qu’elle choisit des femmes au destin étonnant, la brigandine Marion du Faouët, Olympe de Gouge, et Miléna Jezenska.

C’est l’autre élément qui construit le destin d’Anne : toutes ces femmes qui ont ont lutté jusqu’à la mort pour s’accomplir. Et puis il y a les livres qui l’habitent, Dostoïevski et Jankélévitch qu’elle a apportés avec elle pour ce voyage. Mais surtout, le plus important c’est de croire en la rencontre amoureuse. Tout cela provoque son départ et son voyage vers Gyl, mais en chemin elle croise Igor et s’il ne se passe pas grand chose avec lui, c’est un personnage important du voyage. Cette traversée de la Russise et son arrivée à Irkoutsk lui permettent de prendre conscience de ce qu’elle était venue chercher : elle même plus que Gyll. Hélas ! à son retour Clémence n’est plus là, elle ne pourra donc pas savoir qu ‘Anne a enfin trouvé ce qu’elle cherchait.

Citations

Fin d’une utopie

Je n’étais pas seule à percevoir cette insidieuse érosion des certitudes qui avaient emballé notre jeunesse, mais ce qui m’effrayait c’était le sentiment, que partageaient quelques-uns de mes amis, de ne rien pouvoir d’autre que de m’abîmer dans ce constat. J’avais lu dans un roman à propos de la mort des théories, « On se demande jusqu’à quel point on les avait prises au sérieux ». J’en voulais à l’auteur pour sa cruelle hypothèse. Ce monde rêvé, cette belle utopie : être soi, pleinement soi, mais aussi transformer la société tout entière, pouvaient-il n’être qu’enfantillages ? Nous consolaient-ils seulement d’être les héritiers orphelins des dérives commises à l’Est et ailleurs, que certains de nos aînés avaient fait semblant d’ignorer ?

Nostalgie

Sans aucun doute, Igor était né après la mort de Staline, et je me demandais ce qu’il me répondrait si je prononçais ce nom. J’aurais pourtant aimé lui dire combien son pays avait habité nos esprits, les cruelles désillusions qu’i l nous avait infligées, et comment ce voyage me ramenait à des années lumineuses où le sens de la vie tenait en un seul mot : révolution.

Fin d’un amour

Je me souviens aussi qu’en ouvrant la porte, j’avais en tête une phrase d’Antonioni,  » Je cherche des traces de sentiments chez les hommes ». Je l’avais dit un jour à l’homme qui me quittait sans l’avouer, par petites trahisons successives. Nous faisions notre dernier voyage. En entrant dans la chambre après des heures d’errance dans une ville où nous nous perdions, je lui avais dit ces mots comme s’ils 
étaient les miens et il avait pleuré. Je le voyais pleurer pour la première fois. La fatigue alourdissait nos corps, nous avions fait l’amour dans une sorte de ralenti, d’engourdissement, il continua de sangloter dans mon cou, j’aurais aimé que ces minutes ne s’arrêtent jamais, tout se mélodrame délicieux nous séparait avec une infinie douceur, contenait à lui seul le temps vécu ensemble.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

J’ai choisi de lire ce livre car l’image des femmes tondues à la libération, est quelque chose qui m’a toujours profondément révoltée. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas réagir contre des femmes qui avaient profité de la guerre pour s’enrichir grâce à des soldats allemands, mais alors qu’elle soient jugées et non livrées à la vindicte publique, c’est bien en tant que femmes qu’elles sont ainsi humiliées et non pour des faits de collaboration. J’ai déjà lu un roman de cette auteure (et toujours dans le cadre du club) « les oubliés de la lande » et je retrouve dans celui-ci un aspect qui ne me touche pas, un mélange du merveilleux de l’ancien monde celtique avec la cruauté du monde moderne. Cependant, j’ai apprécié que finalement, au moins dans un roman, toutes les femmes tondues se trouvent venger. Maria Salaün avait une superbe chevelure rousse et à l’époque c’était toujours mal vu et apparenté au diable, les choses ont bien changé , encore que … si on en croit Pascal Sacleux ce n’est toujours pas si facile d’être roux en Bretagne.

Voici les cheveux de Charlotte, ils me donnent le sourire à chaque fois que je les vois. Et je ne suis pas la seule …

Citations

Préjugés contre les rousses

La couleur du diable. Celle du feu et de tous les roussis de l’enfer.

 Superstitieuse, Marguerite refusa de toucher aux cheveux de l’enfant.
 Son père s’occuperait de la toilette de la fillette tandis que la vieille serait chargée de la nourrir, de la promener et de la divertir par quelques histoires de son cru.
Passant le seuil de la porte, il n’était pas rare de la voir s’immobiliser, demeurer comme interdite et cesser là tout ouvrage, oublier même celui qu’elle s’apprêtait à conduire. Aussi pouvait-elle entrer d’un pied ferme dans la chambre où l’enfant gazouillait et resté planté là, l’instant d’après, sans oser faire un pas de plus. C’était cette histoire de cheveux qui la paralysait. Rien à faire, elle ne s’y habitait pas. Elle prétendait voir une couronne de flammes ceindre la tête de la gamine. Quand ce n’était pas des grappes de vipère qui s’agitait en tous sens.
 Malheur, quel malheur ! Clamait la vieille à tout bout de champ impossible de savoir si elle parlait toujours des cheveux de l’enfant, de sa naissance qui avait tué sa fille, de la vie qui l’avait fait veuve trop tôt, ou de l’avenir de la petite.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Quel plaisir de lire qu’un tout petit pays à l’échelle du monde a sauver l’honneur de la conscience humaine ! Seul le gouvernement Haïtien a décidé de recueillir tous les juifs qui se présenteraient dans son pays pour échapper au nazisme. Les Haïtiens s’enorgueillissaient déjà d’avoir défait les troupes de Napoléon, d’avoir aboli l’esclavage et d’être sorti de la domination américaine. En 1940, Haïti a déclaré la guerre aux Nazis allemands et aux Fascistes italiens. Bien sûr leurs moyens militaires ne suivaient pas vraiment mais on aurait tant aimé que d’autres pays aient eu le même courage. Louis-Philippe Dalembert raconte le destin d’un médecin Ruben Schwarzberg descendant d’une famille de fourreurs polonais, ayant vécu une vingtaine d’année à Berlin. Ces destins de Juifs de la diaspora polonaise, nous sont connus. La famille a fui l’intolérance catholique polonaise, s’est fort bien adapté au développement économique en Allemagne, a souffert de la crise de 1929 et puis a vécu l’horreur de la montée du nazisme. Mais l’originalité et le charme de ce livre vient du rappel des positions historiques d’Haïti.

Grâce au style de Louis-Philippe Dalembert, qui sait nous faire comprendre pourquoi et comment les Haïtiens nous réchauffent le cœur, le roman n’a pas, pour une fois, le ton tragique alors que le risque de mort est présent pendant toute la fuite du Docteur Ruben vers son île de liberté. Le style de l’auteur donne un souffle des Caraïbes et épouse tellement bien ce que l’on peut savoir de ce pays. Je recommande pour tous ceux et toutes celles qui seraient en manque d’érotisme la scène durant laquelle notre tout jeune médecin allemand (un peu coincé) rencontre pour la première fois la plénitude d’une expérience sexuelle réussie avec Marie-Carmel épouse trop délaissée d’un diplomate Haïtien, les deux pages qui lui sont consacrées commencent ainsi :

« Marie-Carmel savait jouer de son corps comme d’un instrument de musique, en tirer les notes les plus vibrantes, des accords dont Ruben lui-même ignorait que ses sens étaient porteurs. »
Malgré les tragédies que nous connaissons bien et qui vont traverser la vie de cette famille la force de vie venant de ce petit pays fait de ce roman un livre joyeux. Mais c’est lors d’une autre tragédie, le terrible tremblement de terre de 2010 que le vieux docteur Ruben Schwarzberg racontera toute sa vie à sa petite nièce Deborah, la petite fille de Ruth celle qui grâce à sa clairvoyance et à son énergie aura donné conscience en 1938 à toute la famille qu’il fallait quitter au plus vite Berlin.
Comme beaucoup de familles juives exilées les uns ont pris souche en Israël. D’autres aux États-Unis et donc, deux des leurs, sont en Haïti. Leur histoire n’est pas sans rappeler celles des chrétiens d’Orient si bien raconté dans « les Dispersés » de Inaam Kachachi… d’ailleurs c’est le renouveau des milliers d’exilés fuyant les conflits violents qui ont poussé l’auteur à raconter celle-ci qui maintenant est prête comme les ombres à s’effacer de nos mémoires.
PS
Keisha et Aifelle ont beaucoup aimé

Citations

Déclaration de guerre de Haïti le 12 décembre 1941 à l’Allemagne nazie

Pour les plus avertis, c’était juste une question de logistique. On aurait été un chouïa mieux armé, il aurait vu ce qu’il aurait vu, ce pingre -« nazi » en créole haïtien signifiant aussi « grippe-sous ». On lui aurait fait bouffer sa moustache ridicule à Charlie Chaplin, dit un homme qui avait vu « le Dictateur » la veille. On lui aurait tellement latté le cul que même sa mère n’aurait pu le distinguer d’un babouin. (…) Depuis que leurs ancêtres avaient mis une branlée aux vétérans de l’indicible armada de Napoléon, les Haïtiens s’imaginaient terrasser les plus puissants de la planète, comme on écraserait un chétif insecte, d’un talon indifférent. Dans leur esprit, un Autrichien à la gestuelle de bouffon ou un nabot corse dressé sur ses ergots, c’était blanc bicorne, bicorne blanc.

Rencontre à Paris d’un juif allemand et d’une poétesse d’Haïti

Ces deux derniers années, Haïti avait accueilli quelques dizaines de Juifs, venus de Pologne et d’Allemagne pour la plupart. Les informations récentes avaient amené le nouveau gouvernement à prendre des décisions radicales, en désaveu officiel de la politique de ce monsieur Adolf. Tous semaines plus tôt, il avait publié un décret-loi permettant à tout Juif qui le souhaitait de bénéficier de la naturalisation « in absentia ».

Générosité haïtienne

S’il avait accepté de revenir sur cette histoire, c’était pour les centaines de millions de réfugiés qui, aujourd’hui encore arpente déserts, forêts et océans à la recherche d’une terre d’asile. Sa petite histoire personnelle n’était pas, par moment, sans rappeler la l’heure. Et puis, pour les Haïtiens aussi. Pour qu’ils sachent , en dépit du manque matériel donc il avait de tout temps subit les préjudices, du mépris trop souvent rencontré dans leur propre errance, qu’ils restent un grand peuple. Pas seulement pour avoir réalisé la plus importante révolution du XIX° siècle, mais aussi pour avoir contribué au cours de leur histoire, à améliorer la condition humaine. Ils n’ont jamais été pauvre en générosité à l’égard des autres peuples, le sien en particulier. Et cela, personne ne peut le leur enlever.

Les mœurs haïtiennes

 Il n’était pas rare en tout cas de voir, un dimanche midi, déjeuner à la table familiale un enfant du dehors -comme on appelle ici les fils naturel- à côté d’un frère ou d’une sœur « du dedans » du même âge ; tout comme de voir un gosse porter, réunis en prénom composé, les nom et prénom de son père naturel mariée par ailleurs, et qui avait refusé de le reconnaître légalement. La maîtresse bafouée jurait ses grands dieux que ce n’était pas pour elle, mais pour le petit innocent venu au monde sans rien avoir demandé à personne, et prenait ainsi sa revanche, mettant, sinon le père réel ou supposé devant ses responsabilités, du moins toute la ville au courant, surtout si le coupable était quelqu’un de connu.

Philosophie

L’avantage avec le grand âge, c’est qu’on sait qu’on va mourir de quelque chose, autant que ce soit par le rhum.

La religion à Haïti

Ce qui préoccupaient le plus les Haïtiens, c’était de savoir si on pouvait être juif et vaudouisant à la fois, servir Yahweh et le Grand Maître, Abraham et Atibon Lebga, un compromis trouvé de longue date avec la religion catholique.

Traduit de l’allemand par Georges STURM. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


Il est très rare que je lise des romans policiers, mais c’est tout l’intérêt de ce club de lecture : se laisser guider vers des romans que j’ignorerais autrement. Ce roman permet de revivre le terrible hiver 1947 à Hambourg. Il y a fait un froid sibérien de janvier à mars. Et dans cette ville bombardée qui n’a pas encore eu le temps de se reconstruire, la population grelotte, a faim et vit pour une grande’ partie des plus pauvres dans des conditions de promiscuité terribles. Beaucoup de gens fuyant les russes, ou n’ayant plus de maison s’entassent dans des hangars ou des bunkers et doivent leur survie à la fouille des décombres laissés par les bombardements. Sur ces ruines, quatre corps nus seront découverts, un homme deux femmes et une fillette (le fait est réel, la police n’a jamais pu savoir qui étaient ces gens et n’a pas pu trouver leur assassin). L’enquête est menée par un policier Frank Stave, un adjoint qu’il n’apprécie pas Maschke, un anglais (Hambourg est encore en 1947 sous domination britannique) James C. MsDonald. La vie après le IIIe Reich à Hambourg est beaucoup plus passionnante que l’enquête elle-même (mais c’est une non-spécialiste du genre « policier » qui le dit !).

Au début j’étais gênée par le côté larmoyant du policier : oui les Allemands ont souffert après la guerre mais étant donné le traitement qu’ils avaient réservé à l’Europe, je me sentais peu de compassion. Et puis, peu à peu, les personnages se sont étoffés et on sent que pour revivre, l’Allemagne doit faire face à son passé, beaucoup essaient de le faire, mais aussi que l’on ne peut pas tourner la page brusquement. Les Allemands qui avaient vu leurs maisons détruites par les bombes anglaises étaient dans la misère et dans le désespoir car ils se sentaient aussi coupables que victimes. Cela donne une ambiance étrange que cet écrivain a parfaitement rendu. On sent aussi qu’il faudra beaucoup de temps pour que les Allemands prennent conscience de l’étendue des horreurs que les nazis ont commises. Hambourg est rempli de réfugiés, de personnes déplacées, mais aussi de bourreaux qui se cachent parmi tous ces gens et espèrent ainsi échapper à la justice.

Ce roman plaira sans doute aux amateurs des enquêtes policières, avec des flics un peu glauques et ayant trop vu d’horreurs pour garder confiance dans la bonté des hommes. Mais même les non-lecteurs du genre aimeront ce roman qui se situe à une époque très intéressante, celle où les Allemands n’ont pas encore réalisé l’étendue des horreurs nazies et où ils doivent mettre leur fierté dans leur poche et accepter que les vainqueurs qui les occupent et qui ont détruit leurs villes soient les maîtres de leur pays.

Citations

En 1947 à Hambourg

Il arrive que de jeunes Hambourgeois, dont certains viennent juste d’être libérés d’un camp de prisonniers des Alliés, chahutent des soldats britanniques dans les rues sombres, par fierté nationale comme ils disent, sans toutefois oser aller plus loin. Stave quant à lui ne ressent aucune haine des occupants, même si c’est bien une bombe anglaise qui lui a ravi Margarethe. Confusément, il se sent honteux des crimes des nazis, et c’est pourquoi, même si l’idée lui paraît perverse, il se sent libéré d’un poids face aux dévastations de la ville et à sa vie anéantie. Une perte et des privations comme punition méritée. On est devant des temps nouveaux. Peut-être.

Les survivants des camps 1947 Hambourg

Et quand un solliciteur a supporté patiemment toutes les humiliations, la Croix-Rouge lui accorde une ration spéciale : un pain, une boîte de corned-beef, cinq tickets repas- déjeuner dans une cantine publique, huit semaines de rations supplémentaires sur la présentation de la carte. C’est tout. Parce que les praticiens de la chambre des médecins de Hambourg ont décrété, je cite,  » qu’en règle générale l’état sanitaire et le niveau d’alimentation des détenus des camps est absolument satisfaisant ».

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Bernard Hœpffner avec la collaboration de Catherine Goffaux.


Le récent article de Keisha m’a amenée à relire ce roman que j’avais abandonné, il m’a fallu toute la force de sa conviction pour que je le termine. J’ai failli plus d’une fois faire comme Sandrine renvoyer ce roman aux oubliettes. Il est construit autour d’un texte perdu, caché, présenté comme « unique » et « superbe », il donne, donc, au lecteur une seule envie : le lire à son tour pour partager et comprendre ce plaisir mais les extraits qui sont donnés sont (pour moi) des flops, cette déception a entraîné une partie de mon désamour pour ce ce livre.

Extrait du livre présenté comme un chef d’oeuvre

Pendant l’age du verre, chacun pensait qu’une partie de son corps était extrêmement fragile. Pour certains c’était une main, pour d’autres un fémur, et d’autres encore pensaient que c’était leur nez qui était en verre. L’âge du verre avez suivi l’âge de la pierre en tant que processus évolutif de correction, avait introduit un sentiment nouveau de fragilité dans les relations humaines qui encourageait la compassion.

Pourquoi autant de mystère autour d’un texte aussi inintéressant ! Mais le pire n’est pas là, le côté absolument insupportable de ce roman c’est sa construction. Les personnages sont reliés entre eux par des fils qui sont si emmêlés que l’on ne sait pas ce qui les rapproche. Il y a cependant de très beaux passages, les évocations des différents aspects de l’extermination des juifs de Pologne et d’Europe centrales. Le poids de tous ces morts et les souvenirs qui ne peuvent plus être ravivés par les vivants mais qui se sont arrêtés alors que les parents, les frères les sœurs, les amants et amantes avaient encore le reste de leur vie à partager avec la fratrie ; cela finit par étouffer les survivants. J’aurais tant voulu apprécier ce livre, je suis bien triste de ne pas y être parvenue.

Citations

Une mère envahissante

Quand je disais que j’allais dans ma chambre elle m’appelait : « Que puis-je faire pour toi, je t’aime tellement », et j’avais toujours envie de dire,mais sans jamais le faire : Aime- moi moins.

Le grand amour

Et si l’homme avait autrefois été un garçon qui avait promis qu’il ne tomberai jamais amoureux d’une autre fille tant qu’il vivrait a tenu promesse, ce n’est pas parce qu’il était têtu ni même loyale. Il ne pouvais pas faire autrement. Et, après s’être caché pendant trois ans et demi, caché son amour pour un fils qui ne savait même pas qu’il existait ne paraissait pas impensable. Pas si c’était ce que la seule femme qu’il aimerait jamais lui demanderait de faire. Après tout, quelle importance si un homme doit cacher une chose de plus lorsqu’il a complètement disparu ?

Un juif réfugié au Chili et le poids de la découverte du sort de ceux qui sont restés en Pologne.

La guerre s’acheva. Petit à petit, Livinov apprit ce qu’était devenu sa soeur Myriam, et de ses parents, et de quatre autres frères et sœurs (ce qui était arrivé à son frère aîné André, il ne put le deviner qu’à partir de probabilité). Il apprit à vivre avec la vérité. Pas à l’accepter, mais vivre en sa compagnie. C’était comme s’il vivait avec un éléphant. Sa chambre était minuscule et, chaque matin, il devait se glisser le long de la vérité simplement pour se rendre à la salle de bains. Pour atteindre l’armoire et sortir des sous-vêtements, il lui fallait passer à quatre pattes sous la vérité, en priant qu’elle ne choisisse pas ce moment précis pour s’asseoir sur son visage. La nuit, quand il fermait les yeux, il la sentait planer au-dessus de lui.

Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot.


Les cinq coquillages veulent dire, tout simplement, qu’il faut lire ce livre car il nous en apprend tant sur une période qu’on voudrait à jamais voir bannie et fait réfléchir sur la langue du monde politique qui veut manipuler plus que convaincre. Rosa Montero dans « la folle du logis« en parlait et elle m’a rappelé que je voulais le lire depuis longtemps. À mon tour de venir conseiller cette lecture à toutes celles et tous ceux qui se posent des questions sur le nazisme en particulier sur l’antisémitisme des Allemands. Ce pays hautement civilisé qui en 1933 permit que l’on inscrive à l’entrée de l’université de Dresde où Victor Klemperer enseignait la philologie  :

« Quand le Juif écrit en allemand, il ment. »

Comment cet homme qui se sent tellement plus allemand que juif peut-il comprendre alors, qu’aucun de ses chers confrères n’enlèvent immédiatement cette pancarte ? Cet homme qui a failli laisser sa vie pour sa patrie durant la guerre 14-18 ne peut accepter le terrible malheur qui s’abat sur lui. Pour ne pas devenir fou, il essaie d’analyser en bon philologue la langue de ses bourreaux. Il cachera le mieux qu’il peut ses écrits et leur donnera une forme définitive en 1947. Comment a-t-il survécu ? contrairement à son cousin Otto le chef d’orchestre, il est resté en Allemagne, marié à une non-juive ; il a survécu tout en subissant les lois concernant les Juifs alors qu’il était baptisé depuis de longues années. La veille des bombardements de Dresde, il devait être déporté avec sa femme, les conséquences tragiques du déluge de feu qui s’est abattu sur sa ville lui ont permis de fuir en dissimulant son identité.

Son essai montre de façon très précise comment on peut déformer l’esprit d’un peuple en jouant avec la langue et en créant une pseudo-science . Il semble parfois ergoter sur certains mots qui ne nous parlent plus guère, mais ce ne sont que des détails par rapport à la portée de ce livre. Il est évident que Victor Klemperer réussit à survivre grâce à l’amour de sa femme et le dévouement d’amis dont ils parlent peu. Il est tellement choqué par la trahison des intellectuels de son pays qu’il a tendance à ne rien leur pardonner et être plus attentif aux gens simples, qu’ils jugent plus victimes du régime que bourreaux . Pour ceux qui avaient la possibilité de réfléchir, il démontre avec exactitude qu’ils ont failli à leur mission d’intellectuels. Malheureusement dans un passage dont je cite un court extrait, on voit que sa clairvoyance s’est arrêtée au nazisme et qu’il est lui-même aveuglé par l’idéologie communiste. Le livre se fait poignant lorsque Victor Klemperer se laisse aller à quelques plaintes des traitements qu’il subit quotidiennement. Que ce soit » le bon » qu’il reçoit pour aller chercher un pantalon usagé réservé aux juifs, puisqu’il ne peut plus acheter ni porter des vêtements neufs, ou le geste de violence qui le fait tomber de la plate-forme du bus, seul endroit que des juifs peuvent utiliser dans les transports en commun. Avec, au quotidien, la peur d’enfreindre une des multiples règles concernant les juifs et l’assurance, alors, d’être déporté : avoir un animal domestique, avoir des livres non réservés aux juifs, dire Mendelssohn au lieu du « juif Mendelssohn », sortir à des heures où les juifs n’ont pas le droit d’être dehors, ne pas laisser la place assez rapidement à des aryens, ne pas claironner assez fort « Le juif Klemperer » en arrivant à la Gestapo où de toutes façon il sera battu plus ou moins fortement … un véritable casse-tête qui fait de vous un sous-homme que vous le vouliez ou non.

Lors de la réflexion sur le poids des mots et des slogans en politique, j’ai pensé que nous avions fait confiance à un parti qui s’appelle « En marche », et que ces mots creux ne dévoilaient pas assez, à travers cette appellation, les intentions de ceux qui allaient nous gouverner. En période troublée, les mots comme « République » ou « Démocratie » sont sans doute plus clairs mais engagent-ils davantage ceux qui s’y réfèrent ?

Citations

Pour situer ce livre, on peut lire ceci dans la préface de Sonia Combe

À la fin de la guerre, Victor Klemperer et à double titre un survivant. Tout d’abord, bien entendu, parce qu’il a fait partie de ces quelques milliers de Juifs, restés en Allemagne, qui ont échappé à la déportation. Mais, en second lieu, parce qu’il demeure ce qu’il a toujours été, un Juif irrémédiablement allemand, un rescapé de la « symbiose judéo-allemande », de ce bref moment de l’histoire allemande qui permit la sécularisation de l’esprit juif, l’acculturation des juifs et leur appropriation de l’univers culturel allemand. Quoi qu’il en soit de la réalité de cette symbiose, aujourd’hui le plus souvent perçu comme un mythe ou l’illusion rétrospective d’une relation d’amour entre Juifs et Allemands qui ne fut jamais réciproque, Klemperer est l’héritier spirituel de cette Allemagne fantasmé et désiré – au point qu’elle restera, quoi qu’il arrive et pour toujours, sa seule patrie possible.

La mauvaise foi des scientifiques allemands de l’époque nazie

Le congrès de médecine de Wiesbaden était lamentable ! Ils rendent grâce à Hitler, solennellement et à plusieurs reprises, comme « Au Sauveur de l’Allemagne »-bien que la question raciale ne soit pas tout à fait élucidée, bien que les « étrangers » , August von Wassermann médecin allemand 1866 1925, Paul Ehrlich,médecin allemand 1854 1915 prix Nobel de médecine en 1908 et Neisser aient accompli de grandes choses. Parmi « mes camarades de race » et dans mon entourage le plus proche, il se trouve des gens pour dire que ce double « bien que » est déjà un acte de bravoure et c’est ce qu’il y a de plus lamentable dans tout cela. Non, la chose la plus lamentable entre toutes, c’est que je sois obligé de m’occuper constamment de cette folie qu’est la différence de race entre Aryens et Sémite, que je sois toujours obligé de considérer tout cet épouvantable obscurcissement et asservissement de l’Allemagne du seul point de vue de ce qui est juif. Cela m’apparaît comme une victoire que l’hitlérisme aurait remportée sur moi personnellement. Je ne veux pas la lui concéder.

L’influence Nazie dans les couches populaires.

Frieda savait que ma femme était malade et alitée. Un matin, je trouvais une grosse pomme au beau milieu de ma machine. Je levais les yeux vers le poste de Frieda et elle me fit un signe de tête. Un instant plus tard, elle se tenait à côté de moi : « pour ma petite mère, avec toutes mes amitiés ». Puis d’un air curieux et étonné, elle ajouta :  » Albert dit que votre femme est allemande. Est-elle vraiment allemande ? »
 La joie que m’avait causée la pomme s’envola aussitôt. Dans cette âme candide qui ressentait les choses de manière absolument pas nazie mais, au contraire, très humaine, s’était insinué l’élément fondamental du poison nazi ; elle identifiait  » Allemand » avec le concept magique d’  » Aryen » ; il lui semblait à peine croyable qu’une Allemande fut mariée avec moi, l’étranger, la créature appartenant à une autre branche du règne animal ; elle avait trop souvent entendu et répété des expressions comme « étrangers à l’espèce »,  » de sang allemand », « racialement inférieur », « nordique » et « souillure raciale » : sans doute n’associait-elle à tout cela aucun concept précis, mais son sentiment ne pouvait appréhender que ma femme pût être allemande.

L’auteur se pose cette question :

Mais voilà que le reproche que je m’étais fait pendant des années me revenait à l’esprit, ne surestimais-je pas, parce que cela me touchait personnellement de manière si terrible, le rôle de l’antisémitisme dans le système nazi ?
 Non, car il est à présent tout à fait manifeste qu’il constitue le centre et, à tout point de vue, le moment décisif du nazisme dans son ensemble. L’antisémitisme, c’est le sentiment profond de rancune éprouvés par le petit-bourgeois autrichien déchu qu’était Hitler ; l’antisémitisme, sur le plan politique, c’est la pensée fondamentale de son esprit étroit. L’antisémitisme, du début jusqu’à la fin, le moyen de propagande le plus efficace du Parti, c’est la concrétisation la plus puissante et la plus populaire de la doctrine raciale, oui, pour la masse allemande c’est identique au racisme. effet, que sait la masse allemande des dangers de l » negrification » (Verniggerun) et jusqu’où s’étend sa connaissance personnelle de la prétendue infériorité des peuples de l’Est et du Sud-Est ? Mais un Juif, tout le monde connaît ! Antisémitisme et doctrine raciale sont, pour la masse allemande, synonyme. Et grâce au racisme scientifique ou plutôt pseudo-scientifique, on peut fonder justifier tous les débordements et toutes les prétentions de l’orgueil nationaliste, chaque conquête, chaque tyrannie, chaque extermination de masse.

Originalité de l’antisémitisme nazie

Dans les temps anciens, sans exception, l’hostilité envers les Juifs visait uniquement celui qui était en dehors de la foi et de la société chrétienne ; l’adoption de la confession et des mœurs locales avait un effet compensateur, et (au moins pour la génération suivante) oblitérant. En transposant la différence entre Juif et non-Juifs dans le sang, l’idée de race rend tout compensation impossible, elle rend la séparation éternelle et la légitime comme œuvre de la volonté divine

Aveuglement sur le communisme

Car il est urgent que nous apprenions à connaître le véritable esprit des peuples dont nous avons été isolés pendant si longtemps, au sujet desquels on nous a menti pendant si longtemps. Et l’on ne nous a jamais menti autant que sur le peuple russe… Et rien ne nous conduit au plus près de l’âme d’un peuple que la langue… Et pourtant, il y a  » mettre au pas » et « ingénieur de l’âme » -tournures techniques l’une et l’autre. La métaphore allemande désigne l’esclavage et la métaphore russes, la liberté.

Le cogneur et le cracheur les deux hommes de la Gestapo qui ont tourmenté Klemperer pendant de longues années, ils les opposent aux intellectuels

Le cogneur et le cracheur, c’étaient des brutes primitives (bien qu’ils eussent le grade d’officier), tant qu’on ne peut pas les assommer, il faut supporter ce genre d’homme. Mais ce n’est pas la peine de se casser la tête dessus. Alors qu’un homme qui a fait des études comme cet historien de la littérature ! Et, derrière lui, je vois surgir la foule des hommes de lettres, des poètes, des journalistes, la foule des universitaires. Trahison, où que se porte le regard.
 Il y a Ulitz, qui écrit l’histoire d’un bachelier juif tourmenté et la dédie à son ami Stefan Zweig, et puis au moment de la plus grande détresse juive, voilà qu’il dresse le portrait caricatural d’un usurier juif, afin de prouver son zèle pour la tendance dominante.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

 Je suis souvent d’accord avec Krol mais pour ce roman nos avis divergent, il vous faut,donc lire ce qu’elle écrit pour vous faire votre idée sur ce roman. C’est le troisième roman de Laurent Seksik que je lis, j’ai découvert cet auteur grâce au club de lecture et j’ai beaucoup apprécié « l’exercice de la médecine » et  » le cas Eduard Einstein » . Pour ce roman, il faut lire, avant ou après, peu importe « La promesse de l’aube » . Le portrait que Romain Gary fait de sa mère est inoubliable et tellement vivant. Laurent Seksik s’appuie sur ce portrait pour nous présenter Nina, la maman de Roman, femme lutteuse et malheureuse, abandonnée par le père de son fils un certain Arieh Kacew qui restera avec toute sa nouvelle famille dans le ghetto de Wilno où comme 99 % des juifs qui y restèrent, ils furent assassinés par les nazis. L’auteur centre son roman sur les quelques jours de 1925, où accablée de dettes et de désespoir Nina avec son fils décident de partir pour la France. Plus Laurent Seksik sait rendre proche de nous la vie dans ce qui est déjà un ghetto, sous domination polonaise, plus nous avons le cœur serré à l’idée que rien n’y personne ne reste de ce morceau d’humanité. La fin en 1943 est celle qui est décrite dans tous les livres d’histoire : il ne restera rien de la famille naturelle de Romain Gary, est-ce pour cela qu’il se plaisait à s’inventer un père différent et plus romanesque : Ivan Mosjoukine.

Un père qui ne serait pas dans une fosse commune aux frontières de la Russie ou disparu dans les fours crématoires d’Auschwitz. Ou est-ce plutôt car il ne peut pardonner à son père d’avoir abandonné sa mère qu’il aimait tant. C’est le sujet du livre et c’est très finement analysé. Si je n’ai pas mis 5 coquillages, c’est que je préfère le portait que Romain Gary fait de sa mère, au début de ma lecture, j’en voulais un peu à l’auteur d’avoir affadi le caractère de Nina. Mais ce livre m’a saisie peu à peu, comme pour tous les écrits sur l’holocauste, je me suis retrouvée devant ce sentiment d’impuissance comme dans un cauchemar : je veux hurler à tous ces personnages : « mais fuyez, fuyez » . C’est pourquoi je l’ai mis dans mes préférences, Laurent Seksik parvient à nous fabriquer un souvenir d’un lieu où 40 000 êtres humains furent assassinés en laissant si peu de traces.

Citations

J’adore ce genre d’amour qui pousse à écrire ce genre de dédicace

À ma mère chérie.
À toi papa,
Tu étais mon premier lecteur.
Au moment où je t’ai fermé les yeux, j’étais en train de terminer ce roman, le premier que tu ne liras pas, mais dont tu aurais aimé le sujet parce qu’il nous ramenait tous les deux trente ans en arrière, au temps où j’étais étudiant en médecine. Du balcon de notre appartement à Nice, au 1 rue Roger-Martin-du-Gard, nous contemplions, toi et moi, l’église russe et le lycée du Parc impérial associé au souvenir de Romain Gary. Tu m’encourageais en me promettant une carrière de professeur de médecine, tandis qu’en secret je rêvais d’embrasser celle de romancier. Comme les autres ce roman t’est dédié.

Désespoir d’une mère un peu « trop »

Quand l’obscurité avait enveloppé la ville tout entière, son esprit était plongé dans le nord absolu. La tentation était alors de s’abandonner au désespoir, de s’envelopper de peine comme par grand froid d’un châle de laine. Elle éprouvait toujours un ravissement coupable à sombrer corps et âmes dans ces abîmes de désolation et de détresse.

Que cette conversation me touche entre un père et un fils juifs

-Nous sommes en 1912, au XX ° siècle !
– Ce siècle ne vaudra pas mieux que les précédents.
-Il sera le siècle du progrès, le siècle de la science, celui de la paix.
-Amen
– Il verra la fin des pogroms, la fin de l’antisémitisme.
– La fin du monde…
– une nouvelle ère s’annonce, papa, et tu la verras de tes yeux.

Où on retrouve un peu la mère de Romain Gary

Nina détestait tous les Kacew. En un sens, elle avait l’esprit de famille. Elle les détestait avec l’excès qu’elle appliquait à toute chose, les détestait sans nuances, avec une violence irraisonnée, une férocité jamais feinte. Elle excellait dans l’art de la détestation, haïssait avec un talent fou.

La vie à Wilno en 1925

La vie s’exprimait ici dans toute sa joyeuse fureur, son exaltation débordante, on était au cœur battant du ghetto, c’était le cœur vivant du monde. La clameur du jour balayait le souvenir des jours noirs. On se laissait griser par une ivresse infinie, la vie n’avait plus rien d’éphémère, le présent était l’éternité. Ces pieux vieillards à la barbe grise, ces femmes à la beauté sage, ces enfants aux yeux pétillants, ce merveilleux peuple de gueux marchait ici un siècle auparavant et arpenterait ces rues dans cent ans ce peuple là est immortel

Un homme de foi comme on les aime

Je ne peux rien te montrer qu’un monde de contraintes, de prières obligatoires, de règles à respecter, d’interdits et de lois -ne fais pas ceci, le Éternel à dit que … Mais sache que la religion, ça n’est pas que cela. C’est une affaire d’homme. L’Éternel existe avant tout en toi, dans le souffle de ton âme plus que dans l’air que tu respires. C’est simplement une sorte d’espérance, rien de plus, une simple espérance que rien ne peut atteindre, qui est immémoriale et qui se transmet, simplement de génération en génération, au-delà de la religion, de la foi, de la pratique. Une espérance indestructible, heureuse, qui fait battre le cœur même aux pires moments de haine.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard. Il a obtenu un coup de coeur.

Roman choral qui suit tous les membres d’une famille pendant la guerre 39/45, au Havre. Ce roman nous fait revivre ce qui s’est passé dans cette ville et qui est, sauf pour les Havrais, quelque peu oublié. Dès le début de la guerre, cette ville a été plus que généreusement bombardée afin de détruire les installations portuaires. Mais l’épisode le plus douloureux se situe à la fin de la guerre. Une garnison allemande a refusé de se rendre alors que les alliés encerclaient la ville. Le commandant allemand a proposé de faire évacuer les civiles, on ne saura jamais pourquoi les Anglais ont refusé ni pourquoi ils ont bombardé Le Havre réduisant cette ville en cendre. Cet article du Figaro pose bien toutes ces questions.

Le roman suit la vie d’Emilie et de Joffre qui ont deux enfants Lucie et Jean et de Muguette sœur d’Emilie et de ses deux enfants. Les caractères sont bien imaginés et la vie de cette famille sous l’occupation est, sans doute, très proche de la réalité. J’ai découvert l’existence de la fondation Guynemer qui envoyait des enfants en Algérie pour les éloigner des duretés de la guerre. Beaucoup d’enfants du Havre et de Saint Nazaire ont ainsi bénéficié pour 6 mois ou un an d’une vie plus saine. Le déchirement pour les parents de devoir se séparer de leurs enfants est très bien rendu et aussi, la façon dont on doit se méfier de tout le monde quand on n’accepte pas de collaborer. C’est un bon roman historique qui permet de se remettre en mémoire de façon objective ce qui s’est passé au Havre à cette période.

Citations

Souvenirs de la guerre 14-18

La guerre chez nous avait déjà mangé presque tous les hommes, le père de papa décapité par un obus la veille de l’armistice, le père de maman et une demi-douzaine de grand-oncle gazés par les Boches -eux étaient rentrés en 1928, mais pas pour longtemps, ils étaient déjà asphyxiés et sont morts paraît-il dans d’atroces souffrances.

 Portrait d’une femme qui parle peu

La cuisine, c’était sa manière à elle de montrer son amour, parce que les mots, je voyais bien qu’elle les cherchait sans jamais les trouver, quand ça sortait, presque toujours ça faisait mal et je la détestais, puis aussitôt je lui par donnais ; elle faisait de son mieux et s’en voulait sincèrement de m’avoir blessée.

Je ne connaissais pas l’expression

Félix Mercier – un grand échalas qui ne se prenait pas pour la queue d’une poire.

La collaboration

« La collaboration cousine, tu sais de quoi il s’agit : donne-moi ta montre et je te donnerai l’heure. »

Cet essai n’est qu’un humble tribut de reconnaissance envers l’art français qui nous a aidé à vivre pendant ces quelques années en URSS.


Un livre que j’avais déjà remarqué puis oublié et qui m’a été remis en mémoire par Sandrine. Les circonstances de ce livre sont stupéfiantes : Joseph Czapski faisait partie des officiers polonais capturés par les soviétiques alors qu’ils voulaient combattre les nazis. Ce fut une conséquence du pacte Germano-Soviétique et comme la Russie a fini par le reconnaître en 1990, environ 30 000 officiers polonais furent tués par balle à Katyn. Joseph Czapski fait partie des quelques survivants, il ne sait pas ce que sont devenus ses amis. Voici ce qu’il dit dans son introduction

Nous étions soixante-dix-neuf de Starobielsk sur quatre mille. Tous nos autres camarades de Starobielsk disparurent sans laisser de trace.

Au camp-goulag de Grazowietz plutôt que de se laisser aller, avec ses amis, il organise des conférences sur les spécialités des différents intellectuels polonais prisonniers. Lui est peintre, il avait découvert l’oeuvre de Proust à Paris et décide donc de le présenter à ses camarades. De mémoire, car bien sûr il n’a pas de livres avec lui, il fait une présentation très fine de « la Recherche ». C’est très émouvant de s’imaginer ces pauvres hommes réduits à la condition de « zek » par la vie dans un goulag russe, écoutant ses conférences :

Je vois encore mes camarades entassés sous les portraits de Marx, Engels et Lénine, harassés après un travail dans un froid qui montait jusqu’à quarante cinq degrés, qui écoutaient nos conférences sur des thèmes tellement éloignés de notre réalité d’alors.
Je pensais alors avec émotion à Proust, dans sa chambre de liège, qui serait bien étonné et touché peut-être de savoir que vingt ans après sa mort des prisonniers polonais, après une journée entière passée dans la neige et le froid qui arrivait à quarante degrés, écoutaient avec un intérêt intense l’histoire de la duchesse de Guermantes, la mort de Bergotte et tout ce dont je pouvais me souvenir de ce monde de découvertes psychologiques précieuses et de beauté littéraire.

Quel plaisir de partager avec lui les souvenirs de cette oeuvre si particulière ! il fait revivre Swann, la duchesse de Guermantes et Bergotte et mieux que je ne saurais le faire, analyse l’importance de Bergson chez Proust en particulier pour cette notion du temps dans son oeuvre. Il balaie d’un revers de plume l’accusation de snobisme (qui d’ailleurs n’est plus guère de mise aujourd’hui). Il trouve même dans la recherche des accents pascaliens, je n’ai pas très bien compris pourquoi. Joseph Czapski est un artiste peintre de talent et il possède une culture personnelle d’un autre temps.

Il replace Proust dans son époque au milieu d’artistes, peintres ou écrivains dont il semble connaître parfaitement les œuvres. Et tout cela de mémoire ! j’ai eu l’impression de retrouver certains grands universitaires qui ont enchanté mes études. Mais eux, avaient des bibliothèques à leur disposition. Lui n’avait que ses souvenirs.

Tous ceux qui lisent avec plaisir Proust aiment entendre parler de leur auteur et seront sensibles à la prouesse intellectuelle de Joseph Czapski et des circonstances de la rédaction de ce court texte.

Citations

L’écrivain vieillissant et la prétention

Ce qui étonne, c’est que Bergotte, comme proche ami de Swann, se met à en dire du mal en voiture, avec beaucoup de finesse, de détachement, de facilité, au jeune garçon qui le voit pour la première fois. Bergotte donne l’occasion à Proust d’étudier avec cet esprit lucide et juste toutes les faiblesses, toutes les petites et grandes lâchetés, tous les mensonges si souvent rencontrés chez les artistes. Nous voyons dans les volumes suivants Bergotte vieilli, à l’époque de sa plus grande renommée, avec sa force créatrice en extinction. Maintenant, quand il écrit des livres de plus en plus rares, de moindre qualité, écrits avec infiniment plus d’efforts et avec ces sentiments de joie et nécessité intérieure bien affaiblis, il aime à répéter la phrase suivante : « Je pense qu’en écrivant ces livres j’ai été utile à mon pays » , phrase qu’il ne disait jamais du temps de ses chefs-d’oeuvre.

Comme je suis d’accord avec cette remarque

Chez Proust nous rencontrons un manque tellement absolu de parti pris, une volonté de savoir et de comprendre les états d’âme les plus opposés les uns aux autres, une capacité de découvrir dans l’homme le plus bas les gestes nobles à la limite du sublime, et des réflexes bas chez les êtres les plus purs, que son oeuvre agit sur nous comme la vie filtrée et illuminée par une conscience dont la justesse est infiniment plus grande que la nôtre.

La France à l’époque de Proust

Cette fin du XIXe siècle d’où découle la vision proustienne, est un moment suprême de l’art. La France produit alors un nombre d’artistes de génie qui, en surmontant toutes les contradictions profondes qui déchirait l’époque, arrivent à un art de synthèse.

Le projet littéraire de Proust

Nous appelons aujourd’hui tous les romans immenses, plus ou moins influencés par la forme de Proust, des romans-fleuves. Mais aucun de ces romans ne répond à cette dénomination à ce point qu’ « À la recherche du temps perdu ». Ce n’est pas ce qu’entraîne le fleuve avec soi : des bûches, un cadavre, des perles, qui représentent le côté spécifique du fleuve, mais le courant même sans arrêt. Le lecteur de Proust, en rentrant dans les flots apparemment monotones, est frappé non par les faits, mais par les personnes telles ou autres, par la vague non arrêtée dans son mouvement de vie même. Le projet primitif de son oeuvre, qu’avait Proust, n’a pas pu être réalisé dans sa forme extérieure d’après son désir. Proust voulait faire paraître cette immense « somme » en un seul volume, sans alinéas, sans marges, sans parties ni chapitres. Le projet sembla absolument ridicule aux éditeurs les plus cultivés de Paris et Proust fut forcé de morcelé son oeuvre en quinze ou seize volumes, avec des titres englobant deux ou trois volumes.

Lu dans le cadre de masse critique de Babelio.



Je me souviens que le résumé de ce livre m’avait attirée car on y parlait de la guerre en Abyssinie en 1936. C’est une guerre dont on parle peu mais qui m’a toujours intéressée et révoltée. L’Éthiopie d’aujourd’hui est aussi un pays qui m’intrigue et qui semble avoir un dynamisme où l’on retrouve cette fierté nationale dont parle ce roman. Je ne regrette pas d’avoir dérogé à mes principes et d’avoir répondu à « Masse-critique ». Ce roman historique qui commence en 1936, en Éthiopie pour se terminer à Rome en 1945, est passionnant et a d’étranges résonances avec la période actuelle. L’auteure Theresa Révay à choisi comme héroïne principale une correspondante de guerre. C’est une idée géniale car cela lui permet d’exercer son regard critique sur tous les points chauds du globe à l’époque. De la guerre d’Espagne à la montée du nazisme à l’entrée en guerre de l’Italie fasciste de Mussolini en passant par les guerres du désert et de la vie à Alexandrie. Elle aura tout vu cette sublime Alice et tout compris.

Le seul point faible du roman c’est cette superbe histoire d’amour entre ce prince italien et la belle correspondante de guerre américaine. Mais il fallait bien un amour pour relier entre eux des événements aussi tragiques. J’avoue que je n’y ai pas trop cru, c’est un peu trop romanesque mais ce n’est pas là l’essentiel. L’important c’est de revivre ces époques et se demander si le monde n’est pas à nouveau en train de partir sur des pentes aussi dangereuses que dans ces moments tragiques. Lire le récit de tous ces épisodes dans un même roman cela fait peur car l’enchaînement tragique était évitable sans la mollesse des consciences dans les démocraties. Le Nazisme a vraiment la palme de l’horreur et pourtant Mussolini et Franco n’étaient pas des anges. Je verrais bien ce roman dans une série, chaque guerre constituant une saison ; on aurait alors le temps d’aller au bout des dessous des conflits. Je crois, par exemple, que le public serait content d’en apprendre plus sur la façon dont les Italiens se sont conduits en Abyssinie.

Citations

Les armes chimiques en 1936 en Abyssinie

Après la grande Guerre, les armes chimiques avaient pourtant été proscrites aux termes d’une convention internationale ratifiée par l’Italie. Leur usage était un acte scandaleux et méprisable.

Le correspondant de guerre

Les relations avec les hommes d’État ressemblaient à un jeu de poker. Il fallait garder l’esprit clair, dissimuler ses pensées tout en obtenant qu’ils dévoilent les leurs.

Description qui permet de se croire au Vatican : sœur Pascalina

Le voile sombre ondulé ondulait sur ses épaules. Sa jupe effleurait le sol, dissimulant ses pieds, si bien qu’on avait l’impression qu’elle flottait au-dessus d’un pavement de marbre

Portrait d’Hemingway à Madrid en avril 1937

En face d’elles, un grand miroir se fendilla sur toute sa hauteur. Hemingway, torse bombé, gesticulait en cherchant à rassurer son auditoire. Le célèbre écrivain s’était d’emblée imposé comme le cœur ardent de la bâtisse. Non seulement parce qu’il stockait dans ses deux chambres, outre d’innombrables bouteilles d’alcool, des jambons, du bacon, des œufs, du fromage, de la marmelade, des conserves de sardines, et des crevettes, du pâté français t d’autres victuailles improbables en ces temps de pénurie, mais aussi parce que sa ferveur à défendre la cause républicaine et son tempérament homérique laminaient son entourage.

L’histoire d’amour

Ainsi allait le monde d’Umberto. Elle était consciente de ne pas y avoir sa place. (…) Elle mesura encore une nouvelle fois combien Umberto était écartelé entre sa vie de famille et les moments qu’il lui accordait. (…) A son corps défendant, une pointe douloureuse la transperça et elle regretta d’être devenue une femme amoureuse tristement banal.

Le fascisme

Je viens d’entendre le cri nécrophile « Viva la muerte ! » Qui sonne à mes oreilles comme « À mort la vie ! » s’était écrié le philosophe, avant d’ajouter : Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincre parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincre pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat. » Ses adversaires, fou de rage, avaient hurlé : « À mort l’intelligence ! »

Le nazisme

Pour être innocent sous le Troisième Reich, il fallait être enfermé dans un camp de concentration ou mort.