Être prof, c’est être quitté tous les ans, et faire avec.


Il est parfait ce roman, je pense que tous les enseignants vont se retrouver dans ces récits qui décrivent si bien les heurs et malheurs de ce si beau métier. Pour les autres, il reste cette façon tout en pudeur de raconter le quotidien d’un homme de la classe moyenne en France au XXIe siècle. Ce n’est ni tragique ni plein d’espoir c’est juste. Je crois que la façon dont il raconte les différentes réformes de l’éducation nationale permet de comprendre pourquoi la France n’arrive pas à décoller dans les classements internationaux.

Personne n’écoute ce que les profs ont à dire, en revanche ceux qui ont toujours fui l’enseignement au collège ou au lycée pour devenir professeur à l’université ou inspecteur concoctent moult réformes et s’en fichent complètement si celles concoctées par eux l’année d’avant n’a pas encore été évaluée. J’ai beaucoup souri et j’ai été émue aussi lors de cette rencontre de parents d’élèves où lui, le prof d’anglais sûr de ce qu’il à dire se rendra compte du pourquoi de la baisse de régime d’un certain Mathieu lorsqu’il laissera enfin la parole à une maman qui était venu lui donner une explication. Le voyage scolaire à Londres vaut tous les sketchs comiques, et pourtant plus tard il saura que ce même voyage a laissé des souvenirs aux jeunes élèves. Et pas seulement pour la bière. Un livre sympathique qui réconcilie avec l’enseignement sans en faire un métier digne d’un sacerdoce.

Citations

Bien vu !

Il n’y a pas si longtemps, il y avait des mégots partout. C’est fini désormais. Une image, soudain. Moi, dans la cour, en train de fumer avec des élèves de première. C’est comme de la science-fiction.

Ce que les gens retiennent de vous…

Un jour, quand j’étais en sixième, pendant le cours de maths, mon stylo bille bleu m’a explosé dans la bouche et giclé sur mon pull, mon jean, j’étais tout bleu, un vrai Schtroumpf ; l’autre jour, j’ai croisé Francis qui était en classe avec moi, c’était à peu près la seule anecdote dont il se souvenait à mon sujet – comme quoi notre personnalité tient à pas grand chose. Il y a au moins sur terre une personne qui me voit comme Le-mec-qui-mordille-son-stylo-bleu-et-qui-l’explose.
(PS Pour ma meilleure amie je serai toujours celle qui a apporté des œufs durs pour une semaine pour faire des pique-nique, c’est vrai mais j’aimerais tant qu’elle arrête de le raconter !)

Le voyage éducatif

On imagine des souvenirs inoubliables pour les élèves, un temps radieux sur Londres/Oxford/Bath (appelé aussi le triangles des Bermudes des enseignants de langues -ou TBEL pour les initiés de l’Éduc nat)

 Et les familles d’accueil à Londres

On a des problèmes.avec les familles. Il faut changer deux élèves qui dorment sur un Clic Clac dans le salon parce qu’il y a déjà trois Japonais et deux Allemands dans les chambres, et une seule salle de bain. On trouve une solution in extrémistes. Ils viennent habiter avec nous, parce que le fils aîné de notre hôtesse doit passer le reste du séjour en taule pour trafics divers – il y a donc une chambre de libre.

Littéraire ou scientifique

Une première littéraire que tout le monde dénigrait déjà -il y a plus de trente ans maintenant que le scientifique tient le haut du pavé et que les littéraires sont regardés avec un mélange de commisération et de mépris, on se demande bien ce qu’ils pourraient faire après, les littéraires, perpétuels inadaptés à la société dans laquelle on vit, incapable de calculer, de vendre, d’acheter, de revendre, de travers, de sauver le monde, de guérir des patients, créer des machines commerciales un produit s’en mettre plein les poches améliorer le PIB le PNB ou au moins réparer les dents.


J’ai lu ce livre grâce ma sœur , elle avait recherché des lectures sur le thème de l’exil pour son club de lecture. Elle avait été touchée par ce récit tout en fraîcheur de cette auteure. Ce sont, me dit elle et je partage son avis, quelques pages vite lues mais qui laissent un souvenir très agréables. Laura Alcoba se souvient : quand elle avait 10 ans, elle est arrivée à Paris (ou presque, exactement dans la cité de la Voie verte au Blanc-Mesnil). Ses parents sont des rescapés de la terrible répression qui s’est abattue sur les opposante d’Argentine en 1976. Son père est en prison et sa mère réfugiée politique en France. Cela pourrait donner un récit plein d’amertume et de tristesse sauf que cela est vu par une enfant de 10 ans qui veut absolument réussir son assimilation en France, cela passe par l’apprentissage du français. Ce petit texte est un régal d’observation sur le passage de l’espagnol au français, la façon dont elle décrit les sons nasales devraient aider plus d’un professeur de français langue étrangère :

Les mouvements des lèvres de tous ces gens qui arrivent à cacher des voyelles sous leur nez sans effort aucun, sans y penser, et hop, -an, -un, on, ça paraît si simple, -en, -uint, oint( …) que les voyelles sous le nez finissent par me révéler tous leurs secrets -qu’elles viennent se loger en moi à un endroit nouveau, un recoin dont je ne connais pas encore l’existence mais qui me révélera tout à propos de l’itinéraire qu’elles ont suivi, celui qu’elles suivent chez tous ceux qui les multiplient sans avoir, comme moi, besoin d’y penser autant

Elle savoure les mots et veut à tout prix chasser son accent. Il faut aussi toute la fraîcheur de l’enfance pour traverser les moments de dureté dans une banlieue parisienne peu tendre pour les différences, même si ce n’était pas encore les cités avec les violences d’aujourd’hui ce n’est quand même pas la vie en rose que l’on pourrait imaginer en arrivant d’Argentine. J’ai souri et j’ai mesuré l’ironie du destin, en 1978, pour une gentille famille de la banlieue parisienne, la tragédie absolue c’est la mort de Claude François dans l’Argentine de Laura c’est « un peu » différent : la répression a fait près de 30 000 « disparus » , 15 000 fusillés, 9 000 prisonniers politiques, et 1,5 million d’exilés pour 30 millions d’habitants, ainsi qu’au moins 500 bébés enlevés à leurs parents ! Ce livre est bien un petit moment de fraîcheur, et il fait du bien quand on parle d’exil car Laura est toujours positive , cela n’empêche pas que le lecteur a, plus d’une fois, le cœur serré pour cette petite fille.

J’espère que les abeilles viennent butiner les fleurs auprès desquelles j’ai posé ce livre, puisqu’il paraît qu’elles aiment le bleu. (C’est son père qui le lui avait dit avant qu’il ne soit arrêté en Argentine)

Citations

le goût et les couleurs !

Dans l’entrée, un portrait de Claude François repose sur une chaise, juste devant le mur tapissé de fleurs roses et blanches où l’on va bientôt l’accrocher, comme Nadine me l’a expliqué. C’est sa grand-mère qui l’a brodé, au point de croix, dans les mêmes tons pastel que le papier fleuri -c’est aussi sa grand-mère qui a peint le cadre en essayant de reproduire les fleurs de la tapisserie, les pétales toujours ouverts vers le visage du chanteur, comme si, sur le cercle de bois qui l’entoure,toutes les fleurs poussaient dans sa direction. 

Le fromage qui pue

L’essentiel avec le reblochon, c’est de ne pas se laisser impressionner. Il y a clairement une difficulté de départ, cette barrière que l’odeur du fromage dresse contre le monde extérieur.

Son amour de la langue française

J’aime ces lettres muettes qui ne se laissent pas attraper par la vue, ou alors à peine. C’est un peu comme si elles ne montraient d’elles qu’une mèche de cheveux ou l’extrémité d’un orteil pour se dérober aussitôt. À peine aperçues, elles se tapissent dans l’ombre. À moins quelles ne se tiennent en embuscade ? Même si je ne les entends pas, quand on m’adresse la parole, j’ai souvent l’impression de les voir.

L’art épistolaire

Ce qui est bien, avec les lettres, c’est qu’on peut tourner les choses comme on veut sans mentir pour autant. Choisir autour de soi, faire en sorte que sur le papier tout soit plus joli.

Présenté et traduit de l’arabe par Tahar Ben Jelloun. Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard (Thème le Maroc)

Cette plongée dans la misère totale ne peut laisser personne indifférent. Ce livre, écrit par Mohhamed Choukri, raconte sa propre enfance dans un Maroc qui, en 1940 à la veille de son indépendance, connaît une sécheresse terrible dans le Rif. Mohammed n’a pour lui qu’une mère qui essaie vainement de protéger ses enfants des coups de ce père ivrogne, drogué, fainéant et d’une violence totale. Devant les yeux du petit Mohammed, il tort le cou du grand frère malade. De cet acte horrible, l’enfant ne se remettra jamais, mais qui peut se remettre d’une telle vision ? Il va errer de mauvais lieux en mauvais lieux, fumant, buvant de l’alcool très fort. Il va subir toutes les violences possibles et rendre tous les mauvais coups que ses forces lui permettent de donner.

Et au milieu de tous les immondices de la société humaine, il découvre sa sexualité dans les bordels. Ce sont les seuls moments de calme et, parfois de douceurs, le corps des prostituées qui s’offrent à lui pour assouvir des désirs sexuels toujours présents. Ce livre est une plongée dans la lie de la terre. Le seul moment de beauté est écrit dans la préface de Tahar Ben Jelloun, qui nous apprend que ce livre n’a pas pu être édité dans une maison d’édition arabe car on aime pas beaucoup en pays de l’islam montrer la prostitution, l’alcoolisme et les méfaits de la drogue.

Heureusement pour l’auteur, ce livre est aussi un acte fondateur d’un grand écrivain, car, comme il le raconte dans les dernières pages, à 21 ans, il trouvera la force d’apprendre à lire et écrire. Il a laissé à la postérité un oeuvre plus apaisée. J’avoue que j’aurais préféré lire ces autres romans, celui-là m’a plongée dans une tristesse infinie à l’image du malheur de ce petit garçon.

Citations

La violence d’un père

J’avais déjà vu son mari la battre, elle et ses enfants, comme mon père le faisait, mais avec plus de violence, avec nous. Je l’avais vu aussi embrasser ses gosses et parler avec douceur et tendresse avec sa femme. Mon père, lui, criait et frappait.

le meurtre de son frère par son père

Abdelkader pleure de douleur et de faim. Je pleure avec lui. Je vois le monstre s’approcher de lui, les yeux plein de fureur, les bras lourds de haine. Je m’accroche à mon ombre et crie au secours : « Un monstre nous menace, un fou furieux est lâché, arrêtez-le ! « . Il se précipite sur mon frère et lui tord le cou comme on essore un linge. Du sang sort de la bouche.

La construction dans la délinquance

Donc mon père nous exploitait. Le patron du café lui aussi m’exploitait, car j’ai su qu’il y avait d’autres garçons mieux payés que moi. J’avais décidé de voler toute personne qui m’exploiterait, même si c’était mon père ou ma mère. Je considérais ainsi le vol comme légitime dans la tribu des salauds.

La sexualité et le style de l’auteur

Cette femme me faisait peur : elle me proposait de la pénétrer, d’entrer dans sa chair comme un couteau pénètre une plaie. Elle s’est mise sur le lit et a ouvert les jambes. Il n’y avait pas de poil sur son « truc ». Elle prit ma verge dressée entre ses doigts. Je pensai soudain : et si la « plaie » avait des dents ! Je glissai entre ses cuisses avec crainte. Elle m’enveloppa de ses jambes et me serra très fort, appuyant sur mes petits fesses avec ses talons. Elle se donnait de la peine. Énervée, elle me dit :

– Tu ne sais pas encore pénétrer une femme.

Je ne savais quoi répondre. Je pensais aux chiens qui baisent et qui ne peuvent plus se détache. Sa « plaie » était sèche, elle me repoussa, mouilla ses doigts avec de la salive et les porta à sa « bouche » inférieure.

les deux dernières lignes

Mon frère était un ange. Et moi ? Deviendrait je un Diable ? C’est sûr, pas de doute. Les enfants, quand ils meurent, se transforment en anges, et les adultes en diables. Mais il est trop tard pour moi pour espérer être un ange.

 

 

Un livre vite lu et certainement vite oublié, je ne comprends absolument pas pourquoi cette auteure mêle sa vie sentimentale à ce récit. J’ai essayé de comprendre, puis j’ai lu en diagonal son histoire d’amour torride avec « P » le séducteur. En revanche, j’ai bien aimé la description de sa famille pied-noir. Le portrait de sa grand-mère est criant de vérité. Cette femme si digne , aux cheveux colorés et permanentés, au visage parfaitement maquillé a raconté à sa petite fille ses souvenirs de « là-bas₩ » c’est à dire de son Algérie natale qui n’a vraiment rien à voir avec le « crime contre l’humanité » dont à parlé un politique. Les Montaya sont des Espagnols pauvres qui ont réussi à fertiliser un bout de terre très aride de la campagne oranaise : Misserghin. Toute la famille a vécu dans le souvenir de ce lieu, et l’auteure décide son père à retourner en Algérie. Elle ne sait pas si elle a raison de l’y entraîner, finalement, il l’en remerciera. Dès que son père s’est retrouvé sur les lieux de son enfance, il s’est senti beaucoup plus à l’aise qu’en France où il a toujours été un homme timide et réservé. Les liens entre l’Algérie et la France, à travers les rencontres que le père et sa fille sont amenés à faire avec des algériens de toutes le générations sont décrits de façons sincères et subtiles cela montre que nous sommes bien loin des déclarations simplistes et polémiques des politiques sur ce sujet.

 

Citations

La mémoire de mon père m’impressionne. Celle d’Amin, me stupéfie. Ce n’est pas celle d’un garçons d’une trentaine d’années qui aime avant tout s’amuser et dont le caractère a priori joyeux n’a rien de nostalgique. En aucun cas il ne peut s’agir de ses propres souvenirs, on les lui a transmis. Il a reçu l’Algérie française en héritage, comme moi.

 Je ne sais pas depuis quand ce roman était dans ma bibliothèque ni qui l’y a mis. Je n’ai pas souvenir d’avoir voulu le lire, mais c’est chose faite. Est-ce un roman ? un essai ? une autofiction ? Je ne peux pas répondre à ces questions, tout ce que je peux dire c’est que rarement un écrivain aura fait de lui-même un portrait plus déplaisant. En le lisant, je me disais : « quel est le malheur plus grand que de n’être pas aimé ?, de ne pas aimer soi-même ? » et bien j’ai trouvé la réponse « d’être aimé par un écrivain à l’esprit torturé ! ». Car ce « roman russe » raconte la vie d’Emmanuel Carrère, sa mère, son grand père russe et collaborateur des nazis, et l’amour d’ Emmanuel pour une pauvre Sophie qui doit être bien triste de l’avoir aimé. Lui qui, lorsqu’il est angoissé a de l’herpès sur le prépuce. Ne soyez pas étonné que je connaisse ce fait si important, il est dans son roman comme tant d’autres détails dont je me serai volontiers passée. Donc, on connaît tout de ses petitesses dans sa conduite amoureuse, le clou de l’ignominie c’est lorsqu’il lui offre exactement la même bague que Jean-Claude Romand avait offert à sa femme et qu’il l’emmène le soir même une adaptation de son livre « L’adversaire » qui raconte justement les meurtres de Romand. Est-ce que je rejette tout de ce livre ? je me dis qu’il lui a permis peut-être de se reconstruire en étalant ainsi les côtés les plus déséquilibrés de son être et des failles de sa famille. Je trouve aussi que la partie russe résonne assez juste, mais ce dont je suis certaine c’est que si j’avais commencé par la lecture de ce livre je n’aurais plus jamais ouvert un livre de cet auteur.

Citations

Autoportrait peu flatteur

La plupart de mes amis s’adonnent à des activités artistiques, et s’ils n’écrivent pas de livres ou ne réalisent pas de films, s’ils travaillent par exemple dans l’édition cela veut dire qu’ils dirigent une maison d’édition. Là où je suis, moi copain avec le patron, elle l’est avec la standardiste. Elle fait partie, et ses amis comme elle, de la population qui prend chaque matin le métro pour aller au bureau, qui a une carte orange, des tickets restaurants, qui envoie des CV et qui pose des congés. Je l’aime, mais je n’aime pas ses amis, je ne suis pas à l’aise dans son monde, qui est celui du salariat modeste, des gens qui disent « sur Paris » et qui partent à Marrakech avec le comité d’entreprise. J’ai bien conscience que ces jugements me jugent, et qu’ils tracent de moi un portrait déplaisant.

Jugement du principal protagoniste du film Retour à Kotelnitch

C’est bien : et ce que je trouve surtout bien, c’est que tu parles de ton grand père, de ton histoire à toi. Tu n’es pas seulement venu prendre notre malheur à nous, tu as apporté le tien.Ça, ça me plaît.

20161014_160713Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard,

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Avec cet humour que l’on dit « juif » Joann Sfar, l’auteur du « Chat du Rabbin » raconte sa tristesse à la mort de son père. Orphelin d’une mère « partie en voyage » alors qu’il avait quatre ans, ce père brillant, beau, dragueur, bagarreur a comblé la vie de ce dessinateur de Bandes Dessinées, cinéaste et romancier. Et le vide qu’il laisse après sa mort dans le cœur de son fils ne peut que difficilement se refermer. Alors, celui-ci écrit ce livre et dans un joyeux pèle-mêle raconte toutes ses joies et peines d’enfants qui viennent sous sa plume et vont lui servir exorcisme à sa douleur. Nous sommes dans la veine des dessinateurs de « Charlie Hebdo » plein d’irrespect mais aussi plein d’amour pour un père qui a su lui donner l’envie de vivre. Divisé en petit chapitre, ce texte m’a parfois ravie et souvent amusée mais pas tout le temps. C’est comme pour « Charlie Hebdo » parfois je me sens loin de cet humour, tout en reconnaissant le talent de ces humoristes.

Citations

La foi

Je ne contredis jamais mon cousin Paul. Parce que je l’aime. Parce que sa foi me rassure. Parce que j’aimais l’autorité qu’il avait sur moi quand j’étais enfant. Je ne sais pas au sujet de Dieu, mais pour mon cousin, j’ai toujours aimé le croire. Même si je n’y parviens pas.

Humour et style

Dans ma famille, on m’a dit qu’être avec une fille non juive, c’était aussi grave que d’être pédé (côté famille paternelle, car côté maman on a eu Hitler alors on n’a pas eu le temps pour embêter ses semblables).

Humour grinçant

Pour résumer, on peut l’appeler Yitzak Rabin ou Anouar el-Sadate : à chaque fois qu’un homme a sincèrement tenté de faire la paix dans cette région, il s’est pris une balle dans la tête.

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Ce livre a accompagné un voyage en TGV, je l’ai lu grâce à Aifelle qui m’avait donné envie de découvrir cette auteure. Je lirai certainement « Suite byzantine » ainsi que « l’Angoisse d’Abraham ». J’aime beaucoup les récits qui font une part belle à la langue, pour Rosie Pinhas-Delpuech, écrivaine et traductrice, qui parle le turc, le français, l’hébreux et sans doute bien d’autres langues, la recherche de l’identité prend un sens que je comprends si bien, car pour moi ma patrie est autant ma langue que ma nationalité.

Après son enfance qui est peu décrite dans ce tome, l’auteure cherche à comprendre cette tante Anna qui a perdu et son mari et son fils pendant la guerre 39-45. C’est l’occasion de vivre un épisode si banal dans l’après guerre mais si peu glorieux, comment des juifs se sont fait spolier de tous leurs biens, par des gens en qui ils avaient confiance. Mais si Anna souffre tant c’est aussi sans doute que la femme qui a dénoncé son mari était aussi sa maîtresse. Anna fera tout pour devenir une catholique française, elle ne pourra pas empêcher son fils unique de s’engager dans l’armée du général Leclerc et mourir en 1945 en combattant. Cette histoire centrale du livre, l’auteure ne peut la comprendre qu’en reprenant le parcours de sa famille depuis la Turquie. Toute sa famille avec ses lourds secrets et ses peines tragiques viennent hanter sa mémoire et permettent peu à peu de comprendre ce que cela veut dire d’être juive aujourd’hui dans un style absolument superbe.

Citations

Son enfance

C’était après la guerre, dans les années cinquante, au temps du chewing-gum, du swing et de la modernité. Etre juif représentait une maladie mortelle à laquelle on avait réchappé de justesse et dont il ne fallait pas trop parler.

La Turquie et les juifs

Lentement, subtilement, gentiment même, au fils des années d’école primaire, de l’apprentissage des rudiments d’histoire et de géographie, le turc m’avait débarqué sur le rivage : ma religion, mentionnée sur mon acte de naissance, « musevi », qui signifie mosaïque, s’interposait entre moi et la communauté nationale.

Son amour du français et de son orthographe

J’ignore jusqu’à aujourd’hui la cause de cet amour fou pour cette orthographe, de cette jubilation enfantine à conquérir l’arbitraire souverain de la langue. Peut-être que l’écriture phonétique du turc me paraissait d’une facilité enfantine et que la difficulté du français était à la mesure de celle de grandir ?

Une belle phrase tellement chargée de sens

Un destin de deuils et de chagrins avait balayé ce chatoiement crépusculaire de l’Entre-deux guerres, dans les Balkans ottomans voisins de l’Empire austro-hongrois.

20160716_131754Traduit de l’anglais par Hélène Hinfray

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Je conseille la lecture de ce court témoignage à tous les fans de « Downton Abbey ». La quatrième de couverture dit que ce récit inspira plusieurs scénaristes dont Julian Fellowes (créateur de Downton Abbey). Mais ne vous attendez pas à retrouver la série, contrairement au personnage de Daisy, Margaret Powel est une jeune fille qui a tout de suite eu une conscience aiguë des limites de sa condition. Elle ne fait pas partie de ceux ou celles qui, à l’image de Carson ou de Mme Hughes, s’identifient complètement à la famille qu’ils servent. Elle cherche par tous les moyens à sortir de sa condition d’aide cuisinière et pour cela change le plus souvent possible d’employés. Cela nous vaut une série de portraits des riches familles anglaises hautes en couleurs ! Entre celle où on l’oblige à repasser les lacets des chaussures, celles où on ne les nourrit pas assez, celles où on les fait trimer comme des bêtes de somme, tout cela donne une vision bien éloignée de notre chère famille Crawley. Une seule famille semble un peu corresponde à cet idéal, mais Margaret n’y reste pas longtemps car elle veut surtout se marier et ne plus être au service de.. Ce qui donne autant d’énergie à cette toute jeune fille c’est une éducation rude mais très joyeuse au bord de la mer à Hove près de Brighton. Elle y a acquis une vision très juste de la société. Bien sûr le style est très plat mais on ne s’attend pas à plus pour ce témoignage très vivant.
Pour le plaisir d’entendre sa voix voici un petit film où elle recommande de manger du poulet anglais :

Citations

L’importance du dimanche dans sa famille

Enfin, on ne peut pas dire non plus que l’église jouait un grand rôle dans la vie de mes parents. Je crois qu’ils n’avaient pas vraiment de temps à consacrer à ça ; ou plus exactement ils n’en avaient pas envie. D’ailleurs on était plusieurs dans la famille à ne pas être baptisés. N’empêche qu’on devait tous aller au catéchisme le dimanche. Pas parce que nos parents étaient croyants, mais parce que pendant ce temps-là on n’était pas dans leurs jambes. Le Dimanche après-midi, c’était le moment où il faisait l’amour.

L’école

Mais ce qui était formidable à l’école, c’est qu’on devait apprendre. À mon avis, il n’y a rien de plus important que de savoir lire et écrire et compter. C’est de ces trois choses-là qu’on a besoin si on veut travailler et gagner sa vie. Nous, on nous forçait à apprendre , et je pense que les enfants il faut les forcer. Je ne crois pas aux théories comme quoi « s’ils n’en ont pas envie ça ne leur apportera rien ». Bien sûr que ça leur apportera quelque chose . Nous, notre maîtresse venait nous donner une bonne gifle quand elle nous voyait bayer aux corneilles. Et croyez-moi, quand on sortait de l’école on sortait avec quelque chose.

L’intérêt des patrons pour leurs domestiques

En fait pendant toute ma vie en condition j’ai constaté que les patrons se souciaient toujours énormément de notre bien-être moral. Ils se fichaient pas mal de notre bien-être physique. Pourvu qu’on soit capable de bosser, ça leur était bien égal qu’on ait mal au dos, au ventre ou ailleurs ? Mais tout ce qui avait à voir avec notre moralité, ils trouvaient que ça les regardait. C’est ce qu’ils appelaient « prendre soin des domestiques » s’intéresser à ceux d’en bas. Ça ne les dérangeaient pas qu’on fasse de grosses journées, qu’on manque de liberté et qu’on soit mal payé ; du moment qu’on travaillait bien et qu’on savait que c’était le Bon Dieu qui avait tout organisé pour que nous on soit en bas à trimer et qu’eux ils vivent dans le confort et le luxe, ça leur convenait parfaitement.

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Livre lu grâce aux billets de Mior et de Galéa, je les remercie pour cette lecture. Bien sûr , nous avons tous et toutes, lu beaucoup de livres sur la persécution des juifs pendant la guerre. Mais chaque cas est unique, et la grande originalité de ce témoignage c’est qu’il a été écrit à chaud , pendant et juste après les événements. Cela fait penser à « Suite française » de Irène Némirovsky, tout en étant moins littéraire c’est quand même très bien écrit. Françoise Frenkel a une passion : les livres et en particulier ceux des écrivains français. Grâce à des études littéraires de très bon niveau, à la Sorbonne, elle ouvre une librairie française à Berlin en 1921. Ce lieu devient vite, grâce à sa culture, un haut lieu de la civilisation française en Allemagne. Hélas les nazis détruiront ce beau rêve et malheureusement pour elle, son origine juive et polonaise la met en grand danger. En 1939, elle arrive à Paris, puis se réfugie à Nice, en danger partout elle veut fuir en Suisse où l’attendent des amis. Son récit s’arrête lorsqu’elle pose les deux pieds dans ce pays où elle a pu survivre. Elle raconte avec précision, d’abord sa joie de créer à Berlin un lieu de culture française, puis son exil dans une France trop vite occupée et enfin sa fuite vers la Suisse, cela permet au lecteur de partager le quotidien d’une femme qui cherche à s’échapper de la nasse qui se referme inexorablement sur elle et ses relations.

Elle nous montre toute la diversité des réactions des Français, ceux qui sont dans l’évidence de la main tendue, comme ce couple de coiffeurs, qu’on a envie d’embrasser tellement ils sont intelligents et gentils, et puis ceux qui sont indifférents ou hostiles, une gamme de réactions qui sonnent tellement vraies. Françoise Frenkel tient à souligner l’attitude des Savoyards, c’est dans cette région qu’elle a senti le plus de compassion et le maximum d’aides pour ceux qui étaient traqués par la milice ou la Gestapo. Un livre prenant donc et indispensable au moment où des hommes et des femmes sont à nouveau traqués par une idéologie mortifère.

L’introduction de Patrick Modiano est superbe, on comprend très bien pourquoi il s’est retrouvé dans ce témoignage lui qui a vécu la guerre sans la défense d’un milieu familial protecteur et qui a ressenti comme Françoise Frenkel, les valeurs humaines se déliter et le danger planer sur la moindre rencontre de personnalités plus ou moins bizarres. Il nous dit aussi que ce livre qui a paru en 1945 et qui a été totalement oublié ne livre pas l’intimité de l’écrivain mais que ce n’est pas si important. Mais, je dois être une femme de notre époque, car j’aimerais bien savoir, pourquoi elle ne nous parle pas de son mari, mort à Auschwitz, comment elle avait quand même un peu d’argent pendant la guerre, et surtout si de 1945 à 1975 elle a été heureuse à Nice. Oui j’aimerais en savoir plus sur cette femme si pudique et si courageuse.

Citations

Ambiance à Nice parmi les réfugiés

Un grand nombre de réfugiés se préparaient à l’émigration. Ils comptaient sur un parent plus ou moins proche, sur un ami, ou sur l’ami d’un ami, sur des connaissances établies dans de lointaines parties du monde et qui les aideraient, pensaient-ils, à réaliser ce projet.

Ils entretenaient une correspondance laborieuse, à mots couverts, lançaient des télégrammes coûteux, demandaient des affidavits, des visas, recevaient des réponses, des contre-demandes, des questionnaires, des circulaires qui engendraient une nouvelle vague de correspondance.

Ensuite, ils stationnaient des matinées entières devant les consulats pour apprendre que tel ou tel document manquait, n’était pas conforme aux prescriptions ou se trouvait inexact. Lorsque quelques-uns sortaient avec un visa, ils étaient regardés comme des phénomènes, comme des bienheureux !

Les départs étaient peu nombreux

L’exilé et la guerre

Le fond de cette existence était l’attente, canevas où un espoir toujours plus mince et une pensée de plus en plus morose brodaient ensemble des arabesques nostalgiques

L’âme humaine

Un fond de sadisme doit être caché en tout homme pour se dévoiler lorsqu’une occasion s’en présente. Il suffisait qu’on ait donné à ces garçons, somme toute paisibles, le pouvoir abominable de chasser et de traquer des êtres humains sans défense pour qu’ils remplissent cette tâche avec une âpreté singulière et farouche qui ressemblait à de la joie.

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J’ose maintenant me promener dans le rayon BD et en choisir une sans même avoir lu de critiques dans vos blogs ! Quelle révolution, toute personnelle (la révolution !), et qui affecte surtout mes finances… mais non, cela me procure aussi beaucoup de plaisirs. Ce n’est pas un sujet très gai que la disparition de ses parents, pas plus que le vieillissement, mais vous l’avez remarqué entre « Mamette » et »Les vieux Fourneaux » je m’y intéresse et le thème semble porteur. Vivrions-nous dans des sociétés vieillissantes ?

Roz Chast, raconte avec un humour et un réalisme étonnant la vie de ses parents dans un quartier populaire de Brooklyn, ils sont juifs d’origine russe. Ce qui veut dire, qu’entre les pogroms et la Shoa, leurs familles respectives n’ont pas été épargnées. Mais là, n’est pas le sujet de ce roman graphique. Roz nous fait le portrait de ses parents , et c’est parfois à mourir de rire. Sa mère a un tempérament explosif, et son père est gentil et délicat malheureusement c’est aussi un grand angoissé. Avec le grand âge, il est atteint de sénilité et tout devient alors effroyablement compliqué.

Roz Chast raconte très bien les difficultés et le coût de la vieillesse aux USA, elle a réussi à ce que ses parents soient à peu près correctement pris en charge, mais il s’en est fallu de peu qu’elle ne puisse pas faire face financièrement. Cette plongée dans le monde américain qui n’est pas dans la misère mais qui a du mal à s’en sortir est vraiment intéressante, tout cela raconté avec humour. Je pensais mettre cinq coquillages et n’avoir aucune réserve et puis les cinq pages finales me rendent mal à l’aise. Le livre se termine sur les dessins que Roz Chast a fait de sa mère sur son lit de mort. Je me suis sentie très mal tout à coup, sa mère meurt, elle est là avec elle et elle la dessine… bref je ne comprends pas et pire je suis un peu choquée. Dommage car le début et 99 % de ce roman graphique sont si bien.

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