Édition Belfond

Traduit de l’anglais Sarah Tardy

Repéré, d’abord, chez Céline et vu ensuite chez Moka, puis sur d’autres blogs dont j’ai oublié de noter le nom, je me demandais si j’allais apprécier cette auteure dont j’avais lu et aimé « L’étrange disparition d’Esme Lennox« . Je partage les avis que j’ai lus, je lui trouve un grand talent, la suite de ces récits où elle creuse son rapport à la maladie est aussi poignant que triste. Les réflexions qu’elle déteste entendre, je me les suis faites plusieurs fois : comment peut on avoir si peu de chance. Et elle me répondrait que non elle aurait dû tant de fois mourir qu’elle trouve avoir, finalement, beaucoup de chance d’être en vie. Si vous ouvrez ce livre, sachez que vous partez pour dix huit récits où la mort a souvent le premier rôle, elle la frôle, la menace ou cherche à atteindre les siens. Chaque récit porte le nom d’une partie du corps qui est alors l’objet du danger mortel. Si vous ne lâchez pas ce livre c’est que tout vient de son style et de de sa façon de raconter ce qui lui arrive, par exemple son accouchement : elle doit s’opposer au grand ponte de l’hôpital londonien qui méprise les mises en garde de son confrère du pays de Galle, cela sonne tellement vrai. Savoir le raconter comme cela doit faire du bien à tous ceux et toutes celles qui ont un jour senti ce regard méprisant sur leur corps souffrant. Elle a failli y rester mais elle a survécu et nous le raconte avec talent. Toutes les nouvelles sont intéressantes, et pour celles ou ceux qui comme moi n’aime pas trop que les auteurs se racontent sachez que le talent littéraire vous fera, encore une fois, passer au-delà de tous vos a priori

 

Citations

C’est tellement vrai mais comment faire ?

Quand vous serez plus grands et que vous sortirez, je leur dis, il y aura des fois où quelqu’un proposera quelque chose que l’on ne doit pas faire, et ce sera à vous de prendre la décision de le suivre ou pas. De faire comme le groupe ou de vous opposer à lui. De parler, d’élever la voix, te dire non, je ne pense pas que ce soit bien. Non je ne veux pas faire ça. Non non, je préfère rentrer chez moi.

Je n’aime pas l’avion mais cette expérience me tente :

Passer ainsi de fuseau horaire en fuseau horaire peut vous faire percevoir le monde avec une lucidité troublante distordue. Que faut-il blâmer ? L’altitude, l’inactivité prolongée, le confinement physique, le manque de sommeil, où les quatre à la fois ? Se déplacer à cette vitesse, à des milliers de pieds au-dessus du sol, dans une cabine d’avion modifie votre état d’esprit. Des choses que vous ne parvenez pas à expliquer se résolvent, comme si la bague d’un objectif avait été tournée. Dans vos pensées s’insinue soudain la réponse à des questions qui, depuis longtemps vous tourmentaient. Tandis que votre regard se pose sur les montagnes d’altostratus , étendues irréelles, vous vous surprenez à penser : Ah, mais bien sûr, et dire que je ne m’en étais jamais aperçu.

Pour moi l’avion c’est ça :

Personne ne voit rien venir, il y a juste un bruit de choc puis le froid qui envahit la cabine. Tout à coup, l’avion pique, décroche, tombe comme une pierre d’une falaise. L’accélération est inouïe, l’attraction la vitesse donnent la sensation de se retrouver sur le pire manège du monde, de plonger dans le néant, de se faire attraper par les chevilles et tirer vers les abîmes de l’enfer. La douleur éclôt dans mes oreilles, sur mon visage, tandis que ma ceinture me lacère les cuisses au moment où nous sommes projetés en l’air.
 La cabine est secouée comme une boule à neige : des sacs à main, des canettes de jus de fruits, des pommes, des chaussures, des sweat-shirt s’élèvent du sol des masques à oxygène se balancent du plafond comme des lianes et des êtres humains sont projetés en l’air. Je vois l’enfant qui était assis de l’autre côté du couloir percuter le plafond, pieds en avant, pendant que sa mère voltige dans l’autre direction, cheveux noirs défaits, l’air plus outré qu’apeuré. Le prêtre assis à côté de moi est lui aussi projeté vers le plafond, hors de son siège, vers son chapelet de perles. Deux nonnes qui ont perdu leurs cornettes volent comme des poupées de chiffon vers les lumières de l’appareil.

La scène avec le grand chef de service de l hôpital est criante de vérité

Les yeux plissés, monsieur C. s’est mis à taper sur son bureau avec le bout de son stylo. Puis il a décidé qu’il en avait assez. Il s’est levé et m’a adressé un petit signe de la main avant de lâcher sa réplique de fin :
« Si vous étiez venue me voir en fauteuil roulant, j’aurais peut-être accepté de vous faire accoucher par césarienne. »
Dire une chose pareille à quelqu’un était extraordinaire -surtout à quelqu’un qui avait réellement passé une partie de sa vie en fauteuil roulant. Ce qui m’horrifiait, ce n’était pas tant son refus de discuter -sans même parler du refus de m’accorder une césarienne programmée- , mais plutôt le fait qu’il sous-entende que j’étais une sorte de lâche perfide, qui me mentait pour tenter d’obtenir un accouchement facile. Ça, et sa tentative d’intimidation odieuse, et ça effarante. Me rendais-je compte que la césarienne était un acte chirurgical lourd ? Pas du tout, je pensais que c’était une promenade de santé.
Si je marche aujourd’hui, je le dois à l’unité de kinésithérapie ambulatoire, et son équipe et aux patient que j’ai rencontrés là-bas. Le fait qu’il ne m’aient jamais laissé tomber, qu’ils aient cru, contrairement aux médecins, que j’étais capable de bouger, de me déplacer, de guérir , a permis que cet espoir devienne réalité. Quand une personne vous affirme que vous êtes capable de faire quelque chose, quand vous voyez qu’elle croit vraiment en ce qu’elle dit, la possibilité que cela se réalise devient tangible.

Les bons conseils, sa fille est gravement allergique et fait des chocs anaphylactique

J’ai appris à hocher la tête avec calme quand les gens me disent qu’ils savent exactement ce que je ressens parce qu’eux’mêmes souffrent d’une allergie au gluten et se retrouvent avec le ventre gonflé dès qu’ils mangent du pain blanc. J’ai appris à être patiente et diplomate quand il me faut expliquer que, Non, on ne peut pas apporter de houmous à la maison. Non, ce n’est pas une bonne idée de lui en donner un tout petit peu juste pour l’habituer. Oui, il faut vous éloigner d’elle pour ouvrir si ou ça. Oui, le déjeuner que vous avez préparé pourrait lui être fatal.
 J’ai appris à son frère, à l’âge de 6 ans, comment composer le 999 et dire dans le combiné, c’est pour une urgence, un choc anaphylactique. Ana-phy-lac-tique. Mon fils est entraîné à le prononcer. Ma vie avec ma fille comporte un grand nombre de courses effrénées dans les couloirs des hôpitaux. Aux urgences, les infirmières l’appelle par son prénom. Son allergologue nous a répété plusieurs fois qu’elle ne devait être soignée que dans de très bons hôpitaux.

 

Édition livre de poche Folio

J’avais noté le nom de cette auteure à propos d’un autre livre « J’irai danser si je veux » chez Cuné d’abord, puis chez Aifelle. Voilà une tentation que je ne regrette absolument pas et je vais certainement lire les autres romans de Marie-Renée Lavoie. J’ai commencé par son enfance, car ce livre est paru en poche et que les deux amies blogueuses en disaient du bien. Je vous le recommande sans aucune réserve. J’ai beaucoup ri et souvent retenu mes larmes. J’étais rarement à l’unisson avec Joe-Hélène qui pleure comme une madeleine lorsque son héroïne Oscar du dessin animé qui va enchanter toute son enfance, mourra dans un dernier combat pendant la révolution française. Au contraire quand Joe-Hélène reste digne en nous racontant les souffrances ordinaires des habitants de son quartier, je me suis sentie très émue, les portraits de ces vieux sortis de l’asile qui ont tout perdu sont presque tragiques, même s’ils sont « ordinaires » pour la petite fille qui a toujours vécu parmi eux. « Le vieux » Roger qui veille sur elle à sa façon lui sera d’un précieux secours lors d’une agression où le courage et la beauté de l’enfance ont failli se flétrir définitivement sur un trottoir. La galerie de portraits des habitants du quartiers est inoubliable, cela va de la famille des obèses, à ceux confits en religion, et ce Roger (c’est lui « le vieux ») qui ne dévoilera jamais son secret à la petite fille pour qui il a tant de tendresse, et qui jure dès qu’il ouvre la bouche. J’ai encore oublié ce détail, la langue ! Le québécois a pour moi des charmes qui me forcent à sourire et les « Ostie » « Jériboire » « Face de Bine » « Calvaire » « Crisse » »En Maudit » chantent dans ma tête. J’ai toujours eu des coups de cœur pour les livres qui savent raconter l’enfance. Ce n’est pas si facile : il faut, à la fois, retrouver la naïveté de cet âge-là et en même temps faire comprendre à l’adulte lecteur la réalité du monde dans lequel vivait cette enfant. Joe-Hélène est une petite fille d’un courage incroyable et si elle se trouve bien banale à côté de son modèle « Oscar » jeune fille déguisée en soldat pour servir Marie-Antoinette, elle va faire l’admiration de tous ceux qui, enfants, qui n’ont jamais eu à se lever deux heures avant tout le monde pour distribuer des journaux, afin de gagner quelques sous pour aider la famille. Sa famille est tenue de main de maître par une mère courage. Tout aurait pu se passer à peu près normalement si son père, enseignant, ne trouvait pas dans l’alcool et le tabac des compensations naturelles à un métier où il souffre de ne pas pouvoir imposer son autorité. D’ailleurs de l’autorité, il n’en a pas, il est seulement gentil et profondément humain. Sa femme heureusement tient la famille et grâce à elle cette bande de cinq petites va sans doute s’en sortir. Oui, ils n’ont n’a eu que des filles ! mais quand on voit le portrait des hommes dans ce roman , on se dit que c’est mieux d’être une fille, elles ont plus de courage et sont moins portées sur l’alcool.

Citations

Portrait des voisins

L’énorme fille unique de nos voisins portait, à seize ans à peine, une petite centaine de kilos, une permanente bouclée serrée et une humeur adaptée à sa condition de victime injustement traitée par des légions de médecins incompétents qui osaient prétendre qu’elle était responsable, en grande partie, de son sort. Gargantua Simard, son père, cardiaque de profession, toujours vêtu d’un maillot de corps jauni au travers duquel perçaient des mamelons dont la texture et le mouvement imitaient la pâte à gâteau pas cuite, promenait sont imposantes panse sur le balcon en maudissant à peu près tout. La pauvre mère, la sainte femme, faisait des ménages en plus d’assumer à elle seule toutes les tâches de la maison. Comme elle se mouvait presque normalement, quand ses tâches le lui permettaient, c’est sur elle qu’ils déversaient leur fiel bien macéré. Plus on s’en prenait à elle, plus elle souriait. Elle opérait comme une photosynthèse de l’humeur qui rendait l’atmosphère à peu près respirable. Les deux ventrus – jambus, fessus, doublementonus, têtus- avaient des visages de plâtre plantés sur décor de gargouilles obèses, et jamais l’idée de se rendre sympathique ne leur était passée par la tête.

Deux expériences à ne pas tenter

Je n’avais pas peur de ma mère, je savais seulement qu’il n’était pas possible de tailler, ne serait-ce qu’une toute petite brèche, dans son imprenable personnage. Pas la peine de se plaindre, de pleurnicher, d’argumenter, de se monter un plaidoyer. Insister ne pouvait que condamner à une abdication des plus humiliantes. Je le savais pour m’être quelquefois frottée à son opiniâtreté. Chercher à gagner sur cette femme relevait de la même témérimbécilité que de se coller- avec la même intention de voir ce que ça fait vraiment- la langue sur une rampe de fer forgé bien glacé. Mais bon, j’avais mis un certain temps à le comprendre. Dans les deux cas.

La mort et les jeunes

 Je comprenais ça parce que j’étais à l’âge où la mort n’avait encore aucune prise sur moi. Je n’allais jamais mourir , moi , je n’avais même pas dix ans . Et, à cet âge-là, on accepte d’emblée que les vieux doivent mourir, ça semble même dans l’ordre des choses. Après, le temps coule et ça se complique parce que ça se met à nous concerner. C’est là qu’on a besoin de concepts philosophiques dérangeants, comme celui de l’absurdité, ou d’abstractions humanoïdes réconfortantes, comme la plupart des Dieux.

L’adolescence

De toute façon, les crises d’adolescence ne sont pas à la portée de tous : ça prend avec les parents qui ont de l’énergie pour tenter de discuter, s’énerver, crier et faire des scènes ou encore pour lire des bouquins de psychologie de comptoir et traîner les jeunes ingrats chez des spécialistes. Aucun adolescent ne prend la peine de se farcir une crise sérieuse sans avoir la conviction de susciter la colère d’au moins un petit quelqu’un en bout de ligne. Tous ces petits arrogants en mal de vivre, qui se faisaient les dents sur le dos des professeurs un peu mou, comme mon père, avant de jouer leur grand « Fuck the world » à leurs parents pas payés cette fois pour les endurer, usaient mon père prématurément.

L’obésité et la télécommande

L’emplacement qu’avait choisi mon père était le seul que la télécommande occuperait jamais : sur le téléviseur. Même si le raisonnement qui justifiait cette règle relevait d’un syllogisme des plus fallacieux ( Badaboum utilisait toujours à distance la télécommande, or Badaboum est obèse, donc les télécommandes rendent obèse), le caractère imposant du contre-exemple qu’elle représentait suffisait à nous convaincre de son bien-fondé. L’énormité de l’argument permettait à mon père de faire de petites entorses au sens commun.

Découvertes qui font grandir

Plus jeune, j’avais fait quelques découvertes qui m’avaient arraché un bout de naïveté, mais jamais rien d’aussi grave. Durant l’année de mes six ans, par exemple, j’avais dans la même semaine découvert tous les cadeaux du Père Noël entassés au fond du congélateur désaffecté et le petit Jésus, pas encore né, dans la boîte à fusibles placée dans l’armoire au-dessus du sèche-linge. Ça faisait tout un tas de croyances qui tombaient d’un coup. Mais la peine alors ressentie avait rapidement laissé place au bonheur de partager tous ces secrets avec mes parents qui tenaient à ce qu’on soit complices pour que mes petite sœur bénéficient du droit sacré de croire à n’importe quoi. Ce n’était au fond qu’une autre forme du même jeu. Seule l’image de mes parents, que je suspecterai désormais de tout, c’était trouver altérée par ce mensonge pieux

Le feuilleton télévisé qui a rythmé sa vie d’enfant

Et puis, je suis morte dans l’épisode suivant celui de la mort d’André. Un vendredi soir, à 16h17, sur Canal Famille. Les morts télévisuels sont toujours précis, comme les naissances de la réalité. Ça m’a semblé tout naturel, même si j’avais secrètement souhaité quelques grandes scènes encore pour pouvoir engranger dans ma mémoire des hauts faits d’armes de dernière minute. Pour ma postérité. Mais voilà, comme tous les destins étaient liés, Oscar ne devait pas survivre longtemps à la mort d’André, de son beau cheval blanc et de la vieille France. L’effet domino.

Les toilettes uniques dans une famille nombreuse

Je me suis réfugiée dans la salle de bain, le seul endroit où il était possible d’échapper aux poursuites de la bienveillance familiale. Assis sur le carrelage gelé,me suis pleuré pendant des heures.
Et comme il n’y avait toujours qu’un seul WC dans l’appartement, il s’est passé peu de temps avant qu’on ne se mette à piétiner devant la porte. Les plus grands drames de l’histoire n’ont jamais eu d’emprise sur les plus petits besoins de l’homme. Ça contrecarrait un peu mes plans, je voulais mourir là, par terre, misérable, seul, au moins jusqu’au dîner.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. 

Depuis « Touriste » découvert grâce à la blogosphère, je me laisse facilement tenté par cet auteur. En plus il était au programme de notre club de lecture … On retrouve bien l’humour et le sens de l’observation un peu décalé de l’auteur qui aime autant regarder une feuille qui plane jusqu’à son trottoir du quartier de Belleville, que les réactions des Parisiens après les attentats du 13 novembre 2015.

Julien Blanc-Gras est « PAPA » et nous décrit avec humour les premières années de la vie de son enfant, avec en toile de fond, la quarantaine pour lui, la montée de l’intolérance islamiste, les attentats, toutes ces violences le poussent à savoir ce que ses propres grands parents ont vécu à savoir : la guerre 39/45. Mélangeant les époques et les réactions des Parisiens d’aujourd’hui, il veut se forger une conduite personnelle face aux événements qui ensanglantent la capitale. Mais pas plus qu’il ne trouve les réactions adéquates pour éduquer son fils avec les valeurs qui sont les siennes, il ne trouvera pas non plus des lignes de conduite dans les réactions de ses aïeux : s’il y a une morale ou un enseignement à ce livre c’est qu’en matière d’éducation, comme en matière de conduite en matière de guerre, chacun fait ce qu’il peut et ne se trouvera jamais à la hauteur de la situation.
Cela nous vaut un livre agréable souvent drôle et parfois profond. Un livre de Julien Blanc-Gras en somme.

Citations

Si vrai ….

Amina faisait preuve d’un professionnalisme sans faille. J’ai slalomé entre des bébés prénommés Madeleine, Gaspard Marianne, salué des assistantes maternelles prénommées Fatou, Yuma et Chipo, et j’ai descendu l’escalier en tenant mon fils contre moi un peu plus fort que d’habitude …

Le père parle à son fils d’un an après le massacre de Charlie hebdo

Je m’imaginais en train de lui exposer la situation. « Des abrutis ont massacré des gens parce qu’ils qu’ils faisaient des dessin. »

 Tout compte fait, ce n’est pas facile à comprendre pour un adulte non plus.

Autre époque

Ça veut dire quoi, protéger ? J’étais porteur d’une inquiétude nécessaire que je voulais maintenir dans des proportions raisonnables, suffisantes pour conserver une vigilance sans toutefois diffuser une angoisse contre-productive. Où se trouve l’équilibre entre sécurité et confiance ? Le périmètre de liberté laissé aux enfants c’était affreusement réduit en une génération. Mes parents me laissaient rentrer de l’école tout seul à six ans. Impensable de nos jours. Le monde n’est pas devenu plus dangereux, notre conscience du danger s’est accrue. On ne lâche plus ses gamins des yeux. Réduction de l’autonomie géographique. Les blousons munis de balise GPS existent déjà et il n’est pas insensé d’imaginer une géolocalisation généralisée des enfants dans un futur proche. On ne lâche plus nos gamins des yeux et ils collent le leurs aux écrans, espace de liberté affranchi de la surveillance des adultes.

Autre horreur !

Un fait divers récent avait retenu mon attention, deux employés d’une crèche du New Jersey avait eu l’idée d’organiser des combats de bébé. Une sorte de Fight Club pour les tout-petits, qu’elles invitaient à se mettre des mandales pour les filmer et les poster sur snapchat. Il faut reconnaître que cela aurait pu faire un bon programme de télé réalité. Il faut aussi reconnaître que cela ne renforce pas notre foi en l’être humain.

Paroles de petit garçon deux ans et demi

– Non Madeleine, toi tu peux pas dessiner un avion parce que tu es une fille. Tant pis pour toi. 
J’étais atterré comment était-il possible qu’il soit déjà aussi phallocrate ? Quand il me demandait comment volaient les avions, je prenais pourtant bien soin de lui expliquer que c’était des messieurs ou des dames qui pilotaient.

Début de scène très drôle à la poste

Je suis allé chercher un colis à la poste. J’admets que cette phrase est sans doute la plus ennuyeuse de l’histoire de la littérature mais je ne pouvais pas y couper pour raconter l’épisode qui suit. À ma grande surprise, j’avais développé une sorte de plaisir pervers à me rendre à la poste. Le service public offrait des interstices où l’on pouvait établir une relation verbale avec des gens vieux, gros ou moche, salutaire injection de chair réel dans nos quotidien s’effrite en dans la dématérialisation marchande.

 

(

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un livre étonnant loin de beaucoup d’idées préconçues auxquelles on pourrait facilement penser, puisque cette écrivaine a choisi de mettre le drame dont elle a été victime au cœur du récit et pourtant il n’y a ni voyeurisme ni détails sensationnels donc racoleurs dans ce roman. D’abord, c’est très bien écrit, j’ai lu le souffle court ce récit ou deux êtres vont finir par se rencontrer, l’une est écrivaine, l’autre est l’assassin de sa mère. Elle se sert de tout son talent pour fouiller la conscience de cet homme, elle le suppose après ses années de prison devenu jardinier à Nogent Rotrou. C’est le personnage principal du roman, que pense-t-il aujourd’hui de l’horreur de son geste ? Est-ce que sa conscience le tourmente ? Ou arrive-t-il à oublier complètement en vivant le quotidien le plus intensément possible ? Cela nous vaut de très beaux passages sur le travail des jardiniers d’une petite ville et une approche réaliste de la vie en province. Et puis il y a la deuxième voix, celle de l’écrivaine qui explique au lecteur qu’elle se donne le droit d’inventer une conscience et une personnalité à celui qui vit quelque part sur terre avec le souvenir de ce qu’il a fait. Il n’y a pas de rancœurs dans ce roman, sauf une et elle est forte, il existe un reportage qui avait été fait à l’époque sur l’assassin de sa mère. Et les journalistes avaient construit une théorie sur l’homosexualité de l’assassin et en avait fait une sorte de victime de la misère sexuelle. Cela, elle le trouve très injuste et décrit très bien la façon dont les journaliste de télévision font accoucher les gens de propos auxquels ils n’avaient même pas penser. La force du roman, c’est la montée dans l’intensité de la rencontre de ces deux êtres, on est vraiment saisi par ce roman. Je pense que l’écriture aura permis à cette auteure de regarder en face tout ce qui était enfoui au plus profond d’elle même. Quand on sait que cette femme a, aussi, dû vivre la mort tragique de sa fille, le lecteur espère très fort que l’écriture permet de survivre aux plus terribles des souffrances quand on a ce talent : celui d’être écrivaine et à mon goût une excellente écrivaine.

Citations

La façon d’interroger dans les médias

Ce qu’ils voulaient entendre, ils te l’arrachaient de la bouche. Ils avaient une façon de t’interroger, de te poser les questions en suggérant les réponses, d’orienter l’entretien, de manipuler ton discours, de t’amener là où t’avais pas prévu, avec des « Vous voulez donc dire que, » et des « On pourrait donc en conclure que … » Et toi, t’es comme un con, tu sens que c’est pas exactement comme ça que tu penses, mais comme il faut pas laisser de blancs trop longs, à cause du ronron de la caméra qui tourne, tu dis  » Oui oui, c’est ça  » sans trop réfléchir, et ton destin est changé. 

Portraits de deux paumés style SDF

 Gilbert et moi restions collés l’un à l’autre comme un naufragé à son rondin, tous les deux étrangement oppressés, comme si le délabrement de nos vies se lisait sur nos visages, comme si l’odeur de défaite qui émanait de nos parkas défraîchis dressait un cordon sanitaire autour de nous.

La culture en prison

Les seules fois de ma vie où j’ai vu des spectacles, c’était en taule. Les premières années c’était vraiment une fête, un truc rarissime. On était tous volontaires pour aménager le réfectoire, pousser les tables et les chaises, accrocher aux fenêtres de vieilles couvertures pour faire un semblant d’obscurité. Et puis au milieu des années 90 c’est devenu monnaie courante, un truc banal. Toutes les semaines un nouveau pack culturel bien démago, session de rap, de slam ; impromptus théâtraux, sur le racisme, les ravages de la drogue, l’injustice sociale et autres calamités du monde moderne. Plus personne y allait, blasés on était… À la fin, c’était presque les concert de musique classique qui finissaient par avoir plus de succès. Moi, en bon fayot, j’ai assisté à tout, ça faisait des points, je me faisais bien voir, je multipliais les distinctions sur mon costume de bagnard. Converties en année de remise de peine, ça faisait un beau pactole.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. 

C’est un livre étrange construit autour de courts chapitres ayant pour thème les relations entre deux frères. J-B est le frère cadet de J-F Pontalis, jeunes l’aîné avait tout pour lui mais n’a pas fait grand chose de ses talents, son jeune frère s’est mieux débrouillé que lui, il deviendra célèbre et sera finalement détesté par son aîné. Les différents portraits de fratries aimantes ou haineuses m’ont amusée le temps de la lecture, mais je sais que j’oublierai assez vite ce livre. J’ai été très contente de voir une référence à un roman que j’ai adoré « Le pouvoir du Chien » et qui, il est vrai, décrit très bien les relations entre deux frères unis par la haine et le mépris. J’ai aimé aussi le portrait de Modiano, et il faut souligner que cet auteur écrit très bien. Un livre facile et agréable à lire, mais aussi, hélas, à oublier !

 

Citations

Difficultés de porter un nom célèbre

Pour autant, pas question de le renier, ce pesant patronyme. C’eût été renier mon père dont le nom, lui, ne figure dans aucun dictionnaire, seulement, à jamais, dans ma mémoire. J’ai eu, tout au long de mon adolescence, à résoudre cette contradiction : être, j’y tenais par-dessus tout, le fils de mon père et n’être à aucun prix le descendant de sa famille. Sans doute pour garder toujours vivante en moi, et à moi seul, l’image – non, pas l’image : la présence, de ce père aimé-aimant, mort très jeune, me fallait-il fuir tous les membres d’une famille qui avait commis la faute impardonnable de n’être pas lui.

Bonne remarque

Je ressemblais à ces touristes qui vont de site en site, d’un portail d’église à un château-fort sans quitter de leurs yeux leur guide bleu ou vert, cherchant à vérifier si ce qui est devant eux correspond bien à ce qui est inscrit dans le guide. Ils ne voient rien. Ils refusent de se laisser absorber, ne fût-ce que quelques instants, par ce qui est là, à portée de leur regard, offert. Ils font plus confiance au guide qu’à eux-mêmes, ils ne savent pas percevoir.

Quand J-B Pontalis parle d’un de mes roman préféré

L’intensité tragique de ce roman défi tout résumé. Son titre :  » pouvoir du chien ». Son auteur, américain, se nomme Thomas Savage. C’est un des romans les plus fort que j’ai lu.

Portrait de Modiano

Il ne peut être que notre ami, qu’un frère très proche, ce grand garçon inquiet, incapable de finir une phrase, mécontent si, croyant lui venir en aide,on tente de la finir à sa place.

Si bien raconté !(cela se passe en 1942)

Quand je sortais du lycée Henri IV, j’étais partagée entre deux sentiments, plaisir d’échapper à l’ennui savamment distillée par la plupart de nos professeurs, particulièrement celui dont les « fiches » qu’il tenait serrées dans sa main potelée comme un prêtre son bréviaire avait de quoi vous dégoûter à jamais de la littérature ; vague tristesse de me séparer de mes camarades qui s’empressaient de rentrer chez eux, à l’exception des internes dont les blouses grises me paraissaient avoir déteint sur toute leurs personne. Comme tout alors était gris, à commencer par le ciel, comme l’avenir était obscur .

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. 

 

 

Un livre qui m’a davantage étonnée que plu. Il y a deux livres en un, d’abord le récit de formation de Pol Pot du temps où il s’appelait Saloth Sâr . C’est dans toutes les faiblesses de cet enfant, puis du jeune homme que Nancy Houston traque tout ce qui a pu faire de cet homme qui a tant raté, ses études, ses amours, un tyran parmi les plus sanguinaires. Il ne réussit pas à obtenir ses diplômes, il fera tuer tous les intellectuels. Il puisera dans les discours révolutionnaires français, de 1789 à 1968, le goût des têtes qui doivent tomber ! Les chiffres parlent d’eux mêmes, Pol Pot est responsable de 1,7 million de morts, soit plus de 20 % de la population de l’époque. L’article de Wikipédia, en apprend presque autant que ce livre, mais l’émotion de l’écrivaine rend plus palpable l’horreur de ce moment de l’histoire du Cambodge.

Et puis nous voyons la très jeune narratrice, qui doit avoir plus d’un point commun avec l’auteure, passer une enfance et adolescence très marquée par le mouvement hippie pendant son enfance et mai 68 à Paris pendant sa jeunesse. Le but de ces deux histoires, est de montrer les points communs entre cet horrible Pol Pot et la narratrice. Je pense qu’il n’y a qu’elle qui voit les ressemblances. En revanche, le passage par Paris et la description des intellectuels , Jean-Paul Sartre en tête qui soutiennent les Khmers Rouges est terrible pour l’intelligentsia française. La seule excuse à cet aveuglement volontaire, c’est de ne pas vouloir prendre partie pour les américains qui ont envoyé sur le Cambodge plus de bombes que pendant la deuxième guerre mondiale sur toute l’Europe. Et voilà toujours le même dilemme  : comment dénoncer les bombardements américains sans soutenir le communiste sanguinaire, Pol Pot.

 

 

Citations

l’écriture

De toute façon, elle a appris depuis l’enfance à neutraliser par l’écriture tout ce qui la blesse. Les mots réparent tout, cachent tout, tissent un habit à l’événement cru et nu . Dorit ne vit pas les choses en direct mais en différé : d’abord en réfléchissant à la manière dont elle pourra les écrire, ensuite en les écrivant. Protégée quelle est par la maille des mots, une vraie armure, les agressions ne l’atteignent pas vraiment.

 

Mai 68

Un jour Gérard vient l’écouter jouer du piano dans l’appartement de la rue L’homond. Au bout d’une sonate et demie de Scarlatti, il pousse un soupir d’ennui : » C’est bien joli, tout ça dit-il, mais je n’y entends pas la lutte des classes. »

 

Les Khmers rouges

 

Le 9 janvier 1979, les troupes nord-vietnamienne se déploient à Phnom Penh, révélant au monde la réalité du Kampuchéa démocratique, la capitale désertée, dévastée… Les champs stériles… Les monceaux de squelettes et de crânes… De façon directe ou indirecte, au cours de ces quarante cinq mois au pouvoir, le régime de Pol Pot aura entraîné la mort de plus d’un million de personnes, soit environ un cinquième de la population du pays. Le Cambodge gît inerte, tel un corps vidé de tout son sang .

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Voici mon deuxième auteur de ma famille affective. C’est encore d’un deuil dont il s’agit, celui de son frère. Ils sont quatre garçons, dans la famille, Daniel a partagé pendant onze ans sa chambre avec son frère de quatre ans son aîné. C’était le préféré de la famille, et comme il le lui avouera plus tard ce n’est pas toujours facile de porter ce titre sur ses épaules. Lui, Daniel, c’est celui qui rate l’école dans une famille ou être reçu à une grande école , si possible polytechnique était la règle, ce n’était pas facile non plus. Mais Daniel avait Bernard qui d’une simple phrase savait le rassurer. Quand l’enfant rentre très triste avec de très mauvaises notes, et qu’il hurle de colère le plus fort qu’il le peut : « je suis con, je suis con » d’une voix douce son frère lui répond

– Mais non, si tu étais con, je le saurais !

Citations

Manger ou dîner ?

L’heure tournant, je me lavais :
– Bon, ce n’est pas tout ça mais il faut qu’on y aille, on va manger chez les R.
Ma tante me regarda comme si elle avait avalé son dictionnaire. 
-Mais non, voyons, vous allez « dîner », chez les R.
Mon frère tempera doucement. 
-Oui, et tu connais Daniel, il en profitera certainement pour manger quelque chose. Toute notre vie je me suis alimenté à son humour.

Vocation ?

Il était ingénieur en aéronautique, spécialiste des vibrations. Il aurait préféré les eaux et forêts, les arbres, les animaux. Il aurait fait un bon éthologue. Des concours d’entrée en décidèrent autrement. Ainsi va la vie dans certaines familles qui ont accès aux grandes écoles, recalé à ce concours ci, reçu à celui-là, tu aurais aimé t’occuper d’oiseau, tu t’occupes d’avion. La préférence ? Qu’est-ce que ce caprice, au regard du rang à tenir ?

Humour

La probabilité jouait un grand rôle dans sa vie, le pire étant sûr -question de probabilités-, il n’y avait aucune raison de dramatiser. Nous échangions beaucoup de blagues autour de la probabilité. La veille de mon permis de conduire il me conseilla de convaincre l’inspecteur qu’il valait beaucoup mieux traverser les carrefour à cent quatre-vingt à l’heure qu’à vingt
 – Neuf fois moins de chances de percuter un autre véhicule, Monsieur l’Inspecteur.

Le couple

C’est donc l’histoire d’un couple, me disais-je, où le mari ne m’aura jamais dit de mal de sa femme qui ne m’en n’aura jamais dit du bien.

Ce jour je vais publier deux romans de deux auteurs pour lesquels j’éprouve de l’affection. Cela ne se dit pas, sauf sur un blog. Tous les deux font partie de ma famille de lectures, et tous les deux racontent le deuil.

Je lis tous les livres de cet auteur qui me tombent sous la main, celui-là c’est la souris jaune qui me l’a conseillé, qu’elle en soit remerciée. C’est un très beau livre, qui explique bien des failles et des difficultés d’être à fond dans la vie qui sont évoquées dans tous les livres de Jean-Philippe Blondel. Lorsqu’il avait 18 ans un accident de voiture a tué sa mère et son frère, c’est son père qui conduisait et celui-ci meurt quatre ans plus tard. Plombé par ces deux tragédies, le narrateur très proche de l’auteur, sans aucun doute, a bien du mal à trouver l’envie de « rester vivant » . Avec beaucoup d’humour et en restant très pudique, il arrive à nous faire comprendre et partager sa souffrance. Ce que j’apprécie chez lui, c’est que jamais il ne s’apitoie sur lui, jamais il ne fait pleurer sur son sort. Sa vision de l’Amérique est original et tout en suivant une chanson de Lloyd Cole Rich qui l’amènera à Morro Bay. 

Mais aussi à Las Vegas où il a bien failli se perdre lui et et aussi Laura et Samuel. Ce sont ses amis et leur trio est compliqué, Laura c’st son ex qui est maintenant la petite amie de Samuel qui est son ami pour toujours. Ce road movie lui permet de faire des rencontres intéressantes et même la loueuse de voiture qui semble d’un banal achevé se révélera plus riche qu’il ne s’y attendait. Bien curieuse famille où lui était l’enfant raté à côté du frère parfait qu’il entendait pourtant pleurer très souvent la nuit dans son lit.

la chanson qu’ils ont chanté pendant leur voyage à propos de laquelle il dit

Je devrais écrire un mail à Lloyd Cole.

Je commencerai par « Tu vois, Lloyd, un jour, j’y suis allé, à Morro Bay ».

Un jour, j’en suis revenu aussi. Et après, la vie a repris ses droits.

 

Citations

Style

Nous restons un moment comme ça, inutiles, sur le trottoir. Il n’y a presque personne dans les rues de la ville. On est un vendredi 2 mai. Le nuage de Tchernobyl s’est arrêté au frontière française. Il fait bon. Je sens des picotements dans mes mains et dans mes pieds. Je remarque une tache de peinture rouge sur le mur d’en face. Samuel se dandine d’une jambe sur l’autre. Il demande ce qu’on fait maintenant. Je veux voir du monde. Sentir la sueur et l’alcool. Nous optons pour le seul café qui reste ouvert jusqu’à trois heures du matin. En marchant, j’oublie que je sors de l’hôpital, j’oublie que je devais me faire opérer le lendemain, j’oublie que mon père est mort sur une route de campagne. La seule chose dont je me souviens, c’est que j’ai vingt deux ans ans.

Le deuil

Nous avons pris la voiture tous les quatre, au grand dam de mon oncle – qui ne voyait pas ce que Samuel avait à voir avec tout ça. Laure, encore, à la limite. Mais Samuel, non. J’ai simplement dit : » Il vient aussi. » Et tout le monde a obéi. Être le roi du malheur, ça a quand même des avantages. Les sujets se plient de mauvaise grâce à vos désirs, mais ils n’ont pas assez de cran pour vous contredire.

Une vision originale de Las Vegas

Je me sens instinctivement bien à Las Vegas.

C’est le centre du monde de l’oubli.

 

 

traduit de l’américain par Françoise Adelstain

Lu dans le cadre de :

La photo dit bien combien j’aime lire les romans d’Irvin Yalom et encore je n’ai pas retrouvé « Et Nietzsche a pleuré » qui est sans doute mon préféré. Je l’ai sans doute prêté à quelqu’un qui l’aime tant qu’il a oublié de me le rendre (ce n’est très grave mes livres sont de grands voyageurs). Alors, quand Babelio a proposé la lecture de l’autobiographie de cet auteur, je n’ai pas hésité. Et ? Je suis déçue ! l’auteur est beaucoup plus intéressant dans ses romans que lorsqu’il se raconte. Ce n’est pas si étonnant quand on y réfléchit bien : Irvin Yalom est non seulement un bon écrivain mais aussi un grand spécialiste de l’âme humaine et un psychothérapeute encore en exercice (à 85 ans !). Alors l’âme humaine, il connaît bien et la sienne en particulier, donc aucune surprise ni de grandes émotions dans cette autobiographie, il maîtrise très (trop !) bien son sujet. On a l’impression qu’il dresse entre lui et son lecteur une vitre derrière laquelle il se protège. Un peu comme ses étudiants qui regardaient ses séances de psychothérapie derrière une glace sans tain. On voit tout, mais on apprend du meneur du groupe que ce qu’il veut bien montrer de lui. Oui, il se raconte dans ce livre et pourtant on a l’impression de ne pas le connaître mieux qu’à travers ses romans. Le dernier chapitre est, peut être plus émouvant celui qu’il a nommé « l’apprenti vieillard » . Je dois dire que je me suis aussi ennuyée ferme en lisant toutes les différentes approches de la psychologie clinique. Cela plaira sans doute aux praticiens tout ce rappel historique des différents tendances des thérapies de groupes. Une dernière critique : cet auteur qui se complaît à raconter ses succès littéraires c’est vraiment étrange et assez enfantin. En résumé, j’ai envie de donner ce curieux conseil :  » Si vous aimez cet auteur ne lisez pas sa biographie, vous serez déçu par l’homme qui se cache derrière les romans que vous avez appréciés ».

Citations

Quand Irving Yalom s’auto-analyse

Avant ma rébellion de la bar-mitsvah, j’avais commencé à trouver ridicule les lois qui prescrivent de manger ceci ou cela. C’est une plaisanterie, et surtout elles m’empêchent d’être américains. Quand j’assiste à un match de base-ball avec mes copains, je n’peux pas manger un hot-dog. Même des sandwichs salades ou au fromage grillé, j’y ai pas droit, parce que mon père explique que le couteau qui sert à les découper a peut-être servi à couper un sandwich au jambon. Je proteste : »Je demanderai qu’on n’les coupe pas ! »  » Non, pense à l’assiette, dans laquelle il y a peut-être eu du jambon, répondent mon père ou ma mère. C’est pas « traif » pas « kasher ». Vous imaginez, entendre ça, docteur Yalom, quand on a treize ans ? C’est dingue ! Il y a tout l’univers, des milliards d’étoiles qui meurent et qui naissent, des catastrophes naturelles chaque minute sur terre, et mes parents qui clament que Dieu n’a rien de mieux à faire que de vérifier qu’il n’y a pas une molécule de jambon sur un couteau de snack ?

 

Un récit qui manque d’empathie

Nous avions trouvé une maison en plein centre d’Oxford, mais peu avant notre arrivée, un avion de ligne britannique s’est écrasé, tuant tous les passagers, y compris le père de la famille qui nous louait la maison. À la dernière minute, il nous a donc fallu remuer ciel et terre pour dégoter un autre logis. Faute de succès dans Oxford même, nous avons loué un charmant vieux cottage au toit de chaume à une trentaine de minutes de là, dans le petit village de Black Burton, avec un seul et unique pub !

Raconter ses succès c’est impudique et inintéressant

Le lendemain, j’ai eu une autre séance de signature dans une librairie du centre d’Athènes, Hestia Books. De toutes les séances de ce genre auxquelles j’ai participé dans ma carrière, celle-ci fut la crème de la crème. La queue devant le magasin s’allongeait sur huit cent mètres, perturbant considérablement la circulation. Les gens venaient acheter un nouveau livre et apportaient les anciens afin de les faire dédicacer, ce qui constituait une épreuve, car je ne savais pas comment écrire ces prénoms inconnus, Docia, Icanthe, Nereida, Tatiana… On demanda alors aux acheteurs d’écrire leur nom en capital sur des petits bouts de papier jaune qu’ils me tendaient avec le livre. Nombreux étaient ceux qui prenaient des photos, ralentissant ainsi la progression de la queue, on dû les prier de ne plus en prendre. Au bout d’une heure, on leur dit que je ne pourrai signer, outre celui qu’il achetait, un maximum de quatre titres par personne, puis on descendit à trois, à deux pour finir a un. Même ainsi la séance a duré quatre heures , j’ai signé plus de huit cents livres neufs et d’innombrables anciens.

Je retrouve le thérapeute que j’apprécie

Ce livre, je l’ai conçu comme une opposition à la pratique cognitivo-comportementale, rapide, obéissant à des protocoles, obéissant à des pressions d’ordre économique, et un moyen de combattre la confiance excessive des psychiatres en l’efficacité des médicaments. Ce combat se poursuit encore maintenant, malgré les preuves indéniables fournies par la recherche de la réussite d’une psychothérapie repose sur la qualité de la relation entre le patient et son thérapeute, son intensité, sa chaleur, sa sincérité. J’espère aider à la préservation d’une conception humaine et plein d’humanité des souffrances psychologiques.

La vieillesse

Enfant, j’ai toujours été le plus jeune – de ma classe, de l’équipe de Baseball, de l’équipe de tennis, de ma chambrée en camp de vacances. Aujourd’hui, où que j’aille, je suis le plus vieux, – à une conférence, au restaurant, à une lecture de livre, au cinéma, un match de Baseball. Récemment, j’ai pris la parole à un congrès de deux jours sur la formation médicale continue des psychiatres, patronné par le Département de psychiatrie de Stanford. En regardant l’auditoire de collègues venus de tout le pays, je n’ai vu que quelques types à cheveux gris, aucun à cheveux blancs. Je n’étais pas seulement le plus âgé, j’étais de loin le plus vieux.

 

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sylvie Schneiter. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un roman qui est construit comme une suite de fragments de vie, autour des souvenirs de Jacqueline Woodson, écrivaine spécialiste de littérature pour la jeunesse. Dans ce livre, c’est sa propre jeunesse qui l’occupe et elle se souvient, d’abord de la mort de sa mère qu’elle a essayé de toutes ses forces d’oublier. C’était avant Brooklyn, quand la famille vivait dans une ferme du Tennesse : »SweetGrove ». Moments de bonheurs bouleversés par la mort. Celle de Clyde le frère de sa mère mort au combat au Vietnam. Puis celle de sa mère qui ne surmontera jamais ce deuil, alors le père entraîne ses deux enfants à Brooklin, « où est maman ? » demande le petit frère d’August (prénom féminin, celui de la narratrice), « elle vient demain ou après demain ou encore après » répond inlassablement August qui est surtout attirée par les trois filles qui semblent posséder les clés pour vivre heureuse à Brooklin.

L’auteure sait si bien nous les décrire ces quatre filles qui parcourent les rues de la grande ville en se tenant par les épaules et en se défendant quand elles le peuvent de tout le mal que peuvent faire les habitants d’un quartier voué à la misère que nous la voyons cette bande : Sylvia Angela Gigi et August, on entend leurs rires et leurs peurs. Leurs vies peuvent devenir très vite tragiques et la réussite ne tient qu’à leur courage et à leur détermination. Le père est un personnage attachant, qui se soucie de l’éducation, on peut imaginer son bonheur d’avoir réussi à élever ses deux enfants dans un quartier où les dangers les guettaient à tous les coins de rue. Malgré tous les événements qui forment comme le décor de la vie de cette petite fille : les émeutes qui font fuir les rares blancs de son quartier, les pillages des quartiers chics et la drogue déjà bien implantée à Brooklyn, ce n’est pas, finalement, le tragique qui l’emporte mais l’optimisme et la fraîcheur de l’enfance qui arrive à devenir adulte sans trop se perdre.

Citations

Être noire : discours d’une mère à sa fille

Sa mère lui dit qu’elle avait les yeux de son arrière-grand-mère. « Elle est venue au monde en Caroline du Sud, par un papa chinois et une maman mulâtre. » Gigi regarde à ses yeux, légèrement bridés, marron foncé. « Les cheveux aussi, enchaîna sa mère, soulevant les tresses de Gigi. Lourds et épais comme les siens. »
 » Ta seule malédiction, c’est ta peau sombre. Je te l’ai transmise, conclut sa mère. Tu dois inventer un moyen de dépasser ta couleur. Inventer ta voie pour y échapper. Reste à l’ombre. Ne la laisse pas devenir plus foncée. Ne bois pas de café. »
 

Mot d’enfant

Une fois, j’étais petite, ma mère m’avait demandé ce que je voulais être quand je serai grande. « Une adulte » avais-je rétorqué. Mon père et elle avaient éclaté de rire.

La vraie misère

Un homme qui avait grandi dans notre quartier marchait dans les rues en uniforme de l’armée. Manchot. Il avait appris à tenir une seringue entre ses dents et à s’injecter avec sa langue, de la cam dans les veines au niveau de l’aisselle.