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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Traduit du Polonais par Anna Smolar.

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Cet amour de pierre, c’est celui que ressent Grazyna pour Wotjek reporter de guerre. Ils s’aiment beaucoup et cherchent à construire une vie à deux, seulement voilà la guerre va peu à peu transformer en pierre ce qui était le dynamisme de leur vie : leur amour. Grazyna va sombrer dans une grave dépression, car elle se sent envahie par les histoires plus atroces les une que les autres que son mari lui raconte en revenant des conflits qui ont hanté notre quotidien ces dernières années. On voit passer, l’Afghanistan, la Géorgie, la Tchétchénie, l’Ouganda,le Cachemire, Ceylan, l’Afrique du sud… Grazyna porte maintenant en elle le destin de Taïa, violée pendant des années par les soldats russes, ou par une autre femme décapitée. Wotjek aime la sensation de peur et la montée d’adrénaline lorsqu’il suit un conflit, il aime aussi son épouse et a besoin de la savoir heureuse lorsqu’il est sur le terrain. Alors, ils vont tout essayer pour que ce qui les lie reste beau et vivant. Elle essaiera d’être son reporter photographe, mais ça ne marchera pas, car il n’osera plus prendre de risques de peur de la mettre en danger. Ils repartiront ensemble faire un voyage touristique, mais Wotjek est incapable de voyager comme un touriste, il s’ennuie, il lui manque quelque chose. Finalement, il renoncera à son travail, mais seront-ils heureux pour autant ?

Ce roman décrit très bien ce qui se passe chez tous les couples où l’un à une vie très intense (ici en plus très dangereuse) et que l’autre est réduit à l’attente. Dans cette situation déséquilibrée, il faut tout le savoir faire des femmes de marins ou de militaires, pour résister à la dépression chez la femme, et l’envie de fuite chez l’homme. Je ne peux pas dire que j’ai été passionnée par l’histoire qui semble très proche de la vie réelle de Grazyna JAGIELSKA, je trouve qu’elle ne fait rien pour s’inscrire dans sa vie personnelle. Ses enfants passent comme des ombres dans ce roman, et son métier de traductrice complètement absent. Elle n’attend les solutions que de son mari , or, on sait dès le début que ça ne peut que la détruire. J’avoue qu’elle m’a agacée plus d’une fois, mais elle raconte très bien les traces que peuvent laisser la guerre pour ceux qui en sont témoins.

 

Citations

Un couple qui se délite

Il sait m’accabler de tous ses problèmes, même la crainte d’arriver en retard à la guerre de Tchétchénie .

Je prépare la marinade de la dinde et fais semblant de ne rien entendre. Après toutes ses années, je continue à croire qu’on n’a pas le droit de dire des choses pareilles. Peut être qu’on peut les faire ? Se dépêcher pour ne pas arriver en retard à la guerre ? Je n’en sais rien vraiment.

La place de la guerre dans leur couple

Je sens la peur et l’impuissance m’envahir. Je me trouve là, à côté de lui ; autour de nous un été illusoire et incertain….J’ai envie de rejoindre le chat, de ramper dans les canalisations et d’y rester. Ne plus participer à quoi que ce soit. Ne plus regarder mon mari partir, et fermer la porte. Ne pas chercher de marques sur son visage quand il revient. Il me semble qu’à chacun de ses retours, il me prive de quelque chose. Il ramène ds gens dans ses bagages, mais il laisse une grosse partie de lui-même de l’autre côté, dans un monde auquel je n’ai pas accès.

Plaisir du reporter de guerre

Je fais quelque chose d’extraordinaire : je fais le contraire de ce qu’il est bon de faire dans de telles situations. Est-ce la raison de mon excitation ? D’habitude, les gens désertent les lieux qui m’attirent. Je suis spécialiste en condition extrêmes. J’entre en action là où les autres se sentent paralysés. N’est ce pas une façon de réaliser un rêve d’enfance ? Celui de devenir pompier, pionnier, ou encore soldat ?

 

 Traduit de l’anglais par Claude et Jean DEMANUELLI

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J’ai passé beaucoup de temps à lire ce roman , tout simplement parce que ce qu’il décrit est à peine supportable. La guerre en Afghanistan vu du côté pakistanais est une horreur et quand un écrivain sait très bien écrire et captive son lecteur, cela devient tragique et trop lourd à supporter parfois. Je n’ai pas renoncé ,d’abord parce que cet écrivain mérite d’être lu mais aussi parce que je me dis que, vivant dans un milieu tellement épargné ,je n’ai pas le droit de fermer les yeux sur les horreurs des guerres qui secouent la planète. Nadeem Aslman met son talent d’écrivain au service de la connaissance des civilisations entre elles. J ai lu dans un des interviews de l’auteur que ce livre apparaît comme un roman d’amour pour les Indiens et les Pakistanais, et un roman sur l’horreur de la guerre pour les Anglais, les Américains et les Européens. Pas de doute je fais partie des Européennes ! Et en plus , je me dis que, si les Pakistanais et les Indiens voient dans ce roman ,une belle histoire d’amour, ils ont une conception étonnante de ce sentiment.

Naheed et Mikal s’aiment mais ils sont davantage unis par la mort que par la vie. Un des aspects les plus intéressants de ce roman , c’est de montrer à quel point les Pakistanais n’ont absolument aucune idée des valeurs de l’occident, et comment les Américains ne connaissent pas mieux les motivations des combattants Afghans ou Pakistanais. Ce roman permet d’avancer dans la compréhension de ce qui s’est passé pendant cette guerre qui n’est pas encore terminée.

Aucun manichéisme dans les personnages , j’ai été bouleversée par le personnage de l’aveugle(Rohan) qui est un musulman sincère et sans être fanatique commet les pires horreurs au nom de sa foi. Il laisse mourir sa femme pour l’aider à retrouver la foi ! Il renvoie un enfant de son école dont la mère se prostitue pour payer les études de son fils….

Je résume rapidement l’histoire ; deux jeunes Pakistanais partent aider les Afghans qui, après le 11 septembre 2001, voient les Américains envahir leur pays. L’un d’entre eux Jeo meurt victime des seigneurs de guerre , l’autre Mikal sera pris et torturé par les Américains. Ces deux jeunes élevés ensemble par le père de Jeo, Rohan, directeur d’une école « L’esprit Ardent » sont liés par un sentiment d’amitié très fort. Hélas ! Ils aiment la même femme, Naheed qui n’est évidemment pas libre de choisir son destin. Finalement seules les femmes et le vieux Rohan survivront au carnage annoncé dès les premières pages. La fuite de Mikal, à travers l’Afghanistan et le Pakistan, permet de décrire les rouages de cette guerre religieuse où tous les coups sont permis, les êtres humains sont de simples pions dans les mains de bandits dont le seul intérêt est de satisfaire leurs plus bas instincts : appât du gain, viol des femmes , et surtout écraser tous les gens un peu différents .

La religion est un arme facile à brandir car personne n’ose s’y opposer et fabriquent des victimes consentantes. La description des paysages rajoute beaucoup, je n’ose dire aux charmes du roman, mais au plaisir de lecture. Ce n’est certainement pas ce livre qui fera aimer l’Islam , on le sait, tous les fanatismes religieux sont dangereux, mais aujourd’hui celui de l’Islam se gère les armes à la main et il faut remonter aux guerres de religions pour en retrouver l’équivalent en France . Il faut espérer que les musulmans sauront interdire que ces violences là soient perpétrées au nom de leur foi car seuls les musulmans ont le pouvoir de faire apprécier leur religion et de montrer au monde que les horreurs qu’on commet au nom de l’Islam n’ont aucun rapport avec leur foi.

Citations

Une belle émotion au début du livre

Au bout de quelques instants , il avait avoué que son angoisse était due à l’apparition du méchant dans l’histoire que son père lui racontait .

« Mais as-tu jamais entendu une histoire dans laquelle les méchants finissent par gagner ? » lui avait demandé Rohan, en riant doucement pour le réconforter.

L’enfant avait réfléchi un moment avant de répondre.

« Non, mais avant de perdre, ils font mal aux gentils. C’est ça qui me fait peur. »

L ‘utilisation des enfants au combat

– La moitié de gamins ne sont pas des soldats, dit Mikal à un chef taliban. Il serait bon qu’ils restent cachés.

– Ce serait bon pour eux, peut-être, mais pas pour notre cause, répond l’autre. Tout le monde doit se battre. Cela aussi, ajoute-t-il d’un ton sans réplique , fait partie des plans d’Allah. »

 Le drame de Rohan

J’ai fait des erreurs quand mon fils était encore enfant , dit Rohan. Sa mère est morte apostat , et, en conséquence , je nous suis imposé , à moi-même et à mes enfants , une forme extrême de piété , les obligeant à prier et à jeûner , leur révélant des choses qu’ils étaient trop jeunes pour concevoir . L’impermanence de ce monde , les tourments de l’enfer et , avant cela, la tombe . J’ai fini par comprendre mon erreur , mais ils ont dû en rester marqués . Je me demande si c’est pour cette raison que mon fils est parti en Afghanistan.

la peur et la haine des Américains

« Je ne tiens pas à être vu en train de soigner un Américain, comme ça en plein vent. On m’abattrait moi aussi. Je connais des gens qui refusent ne serait-ce que de regarder des photos d’Américains. »

L incompréhension

– On ne peut jamais deviner ce qu’ils veulent les Occidentaux. Pour le savoir , il faudrait manger ce qu’ils mangent, porter ce qu’ils portent, respirer l’air qu’ils respirent . Être né là où ils sont nés.

– Pas forcément . Tu as parlé des livres . On peut apprendre dans les livres.

– Personne d’ici ne peut savoir ce que savent les Occidentaux, dit l’homme. On ne les connaîtra jamais. Le fossé est trop profond, trop définitif. C’est comme si on demandait ce que savent les morts ou ceux qui sont à naître.

On en parle

Au bonheur de lire que je ne connaissais pas et voici l’opinion de KROL que je connais bien.

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Quand un journaliste peut écrire un roman de cette qualité, on se dit qu’il a emmagasiné une somme d’informations colossale sur le sujet. Ces articles sur l’Irlande, à l’époque où il couvrait l’actualité, devaient être riches et passionnants.

Ce roman se lit d’une traite et j’ai été sidérée à quel point j’ai déjà oublié ce qui faisait, à une certaine époque partie, de mon quotidien : la violence en Irlande du Nord. Je me souviens de Bobby Sand mais je ne savais plus qu’il y avait eu autant de jeunes hommes à mourir de la grève de la faim dans les geôles anglaises. Le roman est construit autour d’un homme qui a été obligé de trahir l’IRA et qui, revenu de tout, se réfugie à Killybegs , petit village de son enfance . C’était là qu’un père alcoolique et violent lui avait inculqué la haine des Anglais.

J’ai été très intéressée par la description de la violence haineuse qui a séparé les « papistes » et les « protestants » et puis, finalement le côté vain de cette lutte puisqu’aujourd’hui, ces deux communautés vivent ensemble. Je crois que tous les gens de ma génération liront ce roman avec un grand intérêt , car si la cause des Irlandais était juste, elle n’a pas pour autant triomphé et comme le personnage principal , ils se demanderont : finalement, tous ces morts ont servi à quoi ?

Le côté implacable de la répression anglaise est difficilement supportable, je ne sais pas si, seule Madame Thatcher est responsable ou si le mépris des Anglais pour les Irlandais vient de plus loin. Le seul pays a à avoir défendu la réunification de l’Irlande c’est l’Allemagne Nazie, ce n’est pas une très bonne carte de visite. Les autonomistes bretons en savent quelque chose.

Je n’ai pas encore parlé du poids de la traitrise, qui pourtant fait une grande partie de l’intérêt du livre, le personnage principal ne pourra pas y survivre et pourtant il n’avait pas eu le choix. Personne ne sort grandit de cette tragique Histoire ni les individus, ni les nations.

 

Citations

Quand mon père me battait il criait en anglais, comme s’il ne voulait pas mêler notre langue à ça.

 

Pourtant la tristesse, en Irlande, c’est ce qui meurt en dernier.

 

Quand la campagne de l’IRA a officiellement cessé, en février 1962, huit des nôtres avaient été tués, six policiers avaient trouvé la mort et seules nos rivières couraient libres.

 

 

On en parle

Clara et les mots

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Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christophe Magny.

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Je ne serais pas allée naturellement vers ce livre et j’aurais eu tort, que « Babelio » en soit remercié, cela m’a permis découvrir un livre intéressant et de réfléchir à un problème qui empoisonne l’humanité depuis plus de 60 ans. Tous ceux qui s’intéressent à Israël et à la Palestine, devraient lire ce livre. S’ils ont déjà des réponses toutes faites, ou bien s’ils sont, par avance, convaincus par leur cause, ils n’apprendront rien, mais s’ils cherchent à comprendre, encore une fois, comme moi, ils verront que rien n’est simple dans ce conflit.

La maison au citronnier n’est pas un roman, ce livre est né d’un documentaire sur une maison à Ramla qu’une femme israélienne a ouverte aux enfants arabes de son pays afin d’en faire un lieu de paix. L’auteur suit le destin des deux familles, celle de Dalia juive bulgare échappée aux bourreaux nazis, et celle de Bachir chassée de chez elle à cause de la naissance de l’état d’Israël. Il s’attache à respecter scrupuleusement le point de vue des deux parties et plonge son lecteur dans l’horreur inextricable de deux communautés qui ne peuvent que s’exclure. Pourtant, entre Bachir et Dalia , un lien fragile existe et peut-être un tout petit espoir. Très faible en effet : Bachir et sa famille ne comprendront jamais pourquoi ils ont dû partir de chez eux, et Dalia sait que si on autorise les Palestiniens à revenir Israël n’existera plus.

Deux souffrances terribles et l’amour d’une même terre peuvent-ils permettre de vivre ensemble ? Je ne sais pas, l’auteur non plus mais au moins, pour une fois, juifs et palestiniens, sont réunis dans un même livre et rien que pour cela ce témoignage est remarquable.

Citations

(Début du livre)

La maison dépeinte dans cet ouvrage existe réellement, de même que le citronnier qui se trouve dans sa cour… la maison aux deux histoires.

 Les Israéliens qui venaient déposer ces gerbes honoraient ce qu’ils appelaient leur guerre d’indépendance ; Bachir appelait ce même événement la « nakba », la catastrophe.

 Pour moi, Sion est l’expression d’un désir très ancien, un mot qui symbolise un refuge pour mon peuple, et notre expression collective ici. Pour lui, c’est un régime de terreur qu’il a le devoir de combattre, auquel il doit résister par tous les moyens. Car pour lui, le sionisme est le règne de la terreur, et le terrorisme est donc une réponse adéquate !

Dalia haussait le ton : « Non, je ne peux pas combattre une erreur en en commettant une autre.Cela ne mène nulle part. »

On en parle

Critiques futiles