Dominique, merci.

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Et, j’espère que mon billet va donner envie à d’autres blogueurs et blogueuses de lire cet essai. Ok ! il est un peu long mais passionnant presque de bout en bout. Le « presque » n’est pas une critique mais décrit la nature même de cet essai. Svetlana Alexievitch part à la recherche de témoignages de citoyens qui ont connu l’URSS et qui vivent maintenant en Russie.Il y a donc, des témoignages plus intéressants que d’autres. Elle sait écouter ses compatriotes et on sent qu’il faut parfois du temps à ces gens pour dévoiler ce qui les rend très malheureux.

L’auteur alterne les témoignages assez longs avec des « propos de cuisine », qui sont un peu les brèves de comptoir chez nous. On y lit l’opinion de « Monsieur et Madame tout le monde » et que, le saucisson a longtemps été l’unité de mesure de la richesse d’un pays ! Tous ou presque sont tristes et les seuls destins moins tragiques sont ceux qui vivent à l’étranger.

On ressort bouleversé par cette lecture, car on se sent aspiré peu peu par les différentes tragédies russes. J ai parfois été proche du malaise, car il ressort de ce livre que le pire ennemi de l’homme c’est l’homme s’il a le droit de tout faire subir à son semblable. Comme ce tortionnaire qui se vante d’avoir fait mourir des prisonniers en leur maintenant la tête dans les seaux d’excréments.

Il se pose alors régulièrement cette question : comment vivre sereinement en Russie, puisqu’aucun tortionnaire n’a été jugé. Les victimes et les bourreaux se partagent donc les lieux de rencontre. Je pense que cela ne doit pas être très facile à vivre. À travers tous ces témoignages un élément ressort régulièrement, du temps de la période soviétique, l’argent n’avait pas d’importance et c’est pour tous un choc énorme d’imaginer qu’aujourd’hui, on soit jugé sur ses capacités financières.

Il y avait peu de plaisirs durant les 70 années du soviétisme, en conséquence de cela (peut-être), les joies de l’esprit -en particulier celles des textes littéraires- s’imposaient. Les jeunes Russes d’aujourd’hui n’ont plus ce goût de lire. Être libres, voulaient dire pour les intellectuels soviétiques, pouvoir lire ce qu’on voulait ,sauf que maintenant ils sont libre et ils ne lisent plus !

Le plus déchirant , parce ce que plus contemporain : les victimes des purges staliniennes appartiennent au passé, c’est le sort des Russes dans les nouvelle Républiques. Les guerres contre les minorités sont horribles , tout est permis et, hélas ! Ça continue.

Un grand livre indispensable pour comprendre notre époque !

 Citations

Humour communiste

Un communiste, c’est quelqu’un qui a lu Marx, et un anti-communiste, c’est quelqu’un qui l’a compris.

L ‘argent

Avant, je méprisais l’argent parce que je ne savais pas ce que c’était. Dans notre famille, on n’avait pas le droit de parler d’argent. C’était honteux. Nous avons grandi dans un pays où on peut dire que l’argent n’existait pas. Je touchais mes cent vingt roubles, comme tout le monde, et cela me suffisait. L’argent est arrivé avec la perestroïka. Avec Gaïdar. Le vrai argent. Au lieu de « Notre avenir, c’est le communisme ! » il y avait partout des pancartes avec « Achetez…Achetez…..L’argent est devenu synonyme de liberté.

 Juger Staline ?

Pourquoi nous n’avons pas fait le procès de Staline ? Je vais vous le dire… Pour juger Staline, il faut juger les gens de sa propre famille , des gens que l’on connaît. Ceux qui nous sont le plus proches.

 Les gens simples

Ils n’étaient pas tous communistes, mais ils étaient tous pour un grand pays. Les changements, ça leur faisait peur , parce qu’après tous les changements, les gens simples finissent toujours par se faire avoir.

 Un pays conçu pour la guerre

Notre État a toujours fonctionné sous le régime de la mobilisation , dès les premiers jours. Il n’était pas conçu pour la paix.

Une formule à retenir

Le communisme, c’est comme la prohibition : l’idée est excellente mais ça ne marche pas.

 Une famille ordinaire

Moi, je fais partie des gens que monsieur l’oligarque envoie se faire foutre. Je viens d’une famille ordinaire : mon père est alcoolique, et m amère se crève la paillasse pour trois fois rien dans un jardin d’enfants. À leurs yeux nous sommes de la merde , du fumier… Un jour quelqu’un me mettra obligatoirement un fusil entre les mains . Et je le prendrai.

 L’exil

J’ai fichu le camp aux États-Unis. Je mange des fraises en hiver. Du saucisson, il y en a autant qu’on en veut ici.

 Les changements

Il y en a qui ont eu le gruyère et d’autres, les trous du gruyère.

Les héros soviétiques à la maison

Un héros ! Pendant longtemps, il s’est pavané avec son manteau militaire, il buvait, il faisait la bringue. C’était ma grand mère qui travaillait. Lui, il était un héros.

On en parle

Chez Dominique où je l’avais noté et « entre les lignes et entre les mots » blog que j’ai trouvé chez Babelio.

 Traduit du russe par Sophie Benech.
Merci Dominique pour cette découverte.

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C’est un petit bijou ! Comme Dominique, je regrette que l’auteur ne se soit pas davantage étendu sur l’histoire de Tatania Gnéditch. Cette femme a traduit de mémoire (848 pages en édition poche !) le Dom Juan de Byron. Son talent est tel, qu’elle a réussi à attendrir un des bourreaux de la Tchéka qui lui a fourni, papier crayon , et une édition de Byron pour qu’elle puisse finir son travail.

Ce récit trop bref, rend compte de la passion des russes intellectuels broyés par le régime soviétique, mais également fascinés par la littérature. Un petit bijou , et il faut parfois peu de mots pour être bouleversée ; l’image de Tatania dans sa minuscule cellule sans lumière de la Loubianka qui se fait rabrouer,et injurier par son gardien car elle se lève parfois, de sa table de travail au lieu de rester assise pour finir sa traduction, est définitivement fixée dans ma mémoire.

L absurdité du régime soviétique peut se lire dans les très longs livres de Soljenitsyne mais aussi dans les raisons qui ont valu à cette femme, en 1945, 10 ans de condamnation au goulag.

« A la demande d’un diplomate anglais, elle avait traduit en huitains anglais un poème de Véra Imber « le méridien Poulkovo », destiné à être publié à Londres. Après l’avoir lu, le diplomate lui avait dit : « Si vous travailliez pour nous , vous pourriez faire beaucoup pour les relations entre la Russie et l’Angleterre ! ».

Ces paroles l’avaient profondément marquée, l’idée de voyage en Grande Bretagne avait commencé à la hanter, et elle considérait cela comme une trahison. Elle avait donc retiré sa candidature au Parti. On comprend fort bien que les commissaires-interrogateurs n’aient pas ajouté foi à cette confession hallucinante, mais on n’avait pas réussi à trouver d’autres chefs d’accusation . Elle avait été jugée(cela se faisait à l’époque) et condamnée à dix ans de camp de redressement par le travail pour « trahison de la patrie », selon l’article 19, qui stipule que l’intention n’a pas été concrétisée. »

Elle reviendra du camp , sera professeur de traduction, et patagera son intimité avec des êtres incultes qu’elle a connus en camp , mais, peut-être qu’au delà de la littérature , ils l’ont aidée à survivre dans ce milieu où tant d’autres ont laissé leur vie.

« Son « mari de camp » , Grégori Pavlovitch (Égor), était alcoolique au dernier degré et jurait comme un charretier. Extérieurement, Tatania l’avait civilisé, elle lui avait appris, par exemple, à remplacer son juron préféré par le nom d’un dieu latin. À présent, il accueillait les élèves de sa femme en disant : « On boit un petit coup, les gars ? Et si, elle veut pas elle a qu’à aller se faire phébus ! »

Vraiment un tout petit livre pour une très grande émotion.

la-traversee-du-continent

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque, Thème littérature francophone canadienne.

5Et voilà 5 coquillages sans l’ombre d’une hésitation : quel plaisir de découvrir un petit bijou de lecture qu’on a immédiatement envie de partager avec tous ceux qu’on aime. Un club de lecture, ça sert à ça : PARTAGER des plaisirs. Une enfant de 11 ans vit depuis 5 ans avec ses grands parents aimants et ses deux petites soeurs, dans un tout petit village francophone, au milieu des champs de maïs ; elle doit traverser le continent Nord américain , pour retrouver sa mère .

Tout est parfait et sonne juste dans ce roman, d’abord la séparation avec les grands parents. L’auteur change de point de vue à chaque fois que Rhéauna (Nana) doit se confronter à la peine d’un membre de sa famille, on suit d’abord les difficultés de la petite fille, puis en quelques pages très sobres, on comprend pourquoi l’adulte en est arrivé à vivre une vie qui semble parfois totalement absurde. Comme le mari de Bébette monstre obèse qui dégoûte profondément la petite Rhéauna.

Le grand-père sait qu’après le départ de ses petites filles qu’il aime encore plus fort que sa propre fille, il n’y aura plus que la mort comme perspective. Sa souffrance m’a beaucoup touchée. La première halte de l’enfant, c’est chez la petite soeur de son grand-père. La mal aimée, l’acariâtre tante révèlera son douloureux et si beau secret à la petite fille émerveillée. Ensuite, elle retrouve Bebette et son fameux « saperlipopette », que de tristesse derrière cette personnalité exubérante !

Puis elle retrouve Ti-Lou , qui est devenue « guidoune » pour faire souffrir son tortionnaire de père. À travers ce voyage , l’enfant va peu à peu se détacher de la déchirure qu’a représentée la séparation de son lieu d’enfance protégé par ses grands-parents et en même temps, s’attacher et aller vers sa mère. Les trois rêves qu’elle fait dans le train sont de très beaux moments de littérature et permettent de comprendre le chemin inconscient de l’enfant qui part de la terreur pour aller vers l’indépendance et l’affection.

La chute, la fin, je ne peux pas la raconter sans déflorer le roman, mais c’est absolument génial. Le style fait beaucoup pour le plaisir de lecture, on ne comprend pas tous les mots mais on savoure une langue venue d’ailleurs, plus rocailleuse que le français mais qui va bien avec ce que décrit l’auteur.

PS je n’explique pas le mot « guidoune » à vous de trouver !

Citations

Les mots qu’on ne connaît pas mais qu’on comprend

Il l’embrasse à pleine bouche, cette fois en ratoureux qui n’a pas d’autre argument.

Les personnalité et les rôles dans les fratries

Elle continuait de faire rire tout le monde, comme toujours, tout en faisant preuve d’une assurance étonnante. Et se montrait tranchante quand elle trouvait bon de l’être, c’est-à-dire à peu près tout le temps.

C’est ainsi qu’elle s’était transformée sans trop s’en soucier en tortionnaire de cette petite sœur qu’elle considérait davantage, à l’instar des autres membres de la famille, comme la servante de la maisonnée que comme la fille cadette des Desrosiers, Bebette commandait, Régina obéissait. Ce n’était nulle part, c’était juste une chose qu’on acceptait sans discuter. Et qui avait durer des années.

J’ai enfin compris l’utilité des dimunitifs

Ils portent des noms impossibles, Althéode, Olivine, Euphrémise, Télesphore, Frida, Euclide, qu’ils font claquer à grands coups de tapes dans le dos ou entre deux embrassades.

 La société dans les années 1900

En grandissant , tu vas te rendre compte qu’on vit dans un monde fait par les hommes, pour les hommes….pis souvent contre les femmes…C’est comme ça depuis la nuit des temps, on peut rien y changer, pis celles qui essayent de changer quequ’chose font rire d’elles… Elles ont beau se promener dans les rues avec des banderoles pour exiger le droit de vote par exemple, tout le monde rit d’elles…même les autres femmes. Tu comprends, on a juste trois choix, nous autres : la vieille fille ou ben la religieuse -pour moi c’est la même chose- , la mère de famille, pis la guidoune.

 On en parle

Babelio en attendant de mettre des liens plus précis

Traduit de l’anglais par Fernande DAURIAC
Lu grâce à la recommandation de mon libraire préféré.

Voyager c’est découvrir que tout le monde a tort.

5
J’espère que mon libraire n’attend pas avec impatience mon article sur Luocine car cela fait quelque temps que je trimbale ce livre dans tous mes déplacements… Sans jamais m’y mettre , mais, lorsque je l’ai commencé, j’ai compris son enthousiasme. C’est un livre à recommander à tous les voyageurs.

En voici le principe, à chaque fois qu’Aldous Huxley arrive dans un lieu, il nous en fait une description précise et rien que pour cela , ce livre mérite d’être lu. Aldous Huxley n’est pas qu’un observateur c’est aussi un penseur critique sur l’organisation sociale et comme le titre l ‘indique un authentique septique. J’ai savouré ses descriptions. Celle de Bombay est très drôle l’énumération des différents style d’une ville qui a été construite entre 1860 et 1900 est inoubliable :

On passe du « style gothique vénitien » au « style ornementé français du quinzième siècle » en passant par le « style gothique du quatorzième siècle » et pour finir « le style moyenâgeux de Mr Trubshawe » et comme le rajoute Aldous Huxley avec son humour si britannique : « Mr Trubshawe resta prudemment imprécis. » Cet auteur m’a sidéré par la modernité, la pertinence et parfois la profondeur de ses propos. Son livre est publié en 1926, et la partie la plus intéressante et la plus longue de son voyage se situe en Indes.


Il passe ensuite en Malaisie, en Chine, au Japon, aux USA, et revient à Londres. C’est une époque où, un Anglais aux Indes est amené à s’interroger sur la supériorité, ou la soi-disant supériorité, des valeurs du colonisateur par rapport à celles du colonisé. Bien loin de simplifier les situations, il nous entraîne à chaque fois dans une réflexion qui nous étonne. Je prends un exemple, il est amenée à faire une promenade à dos d’éléphant, il explique d’abord ce que représente un éléphant pour un homme important à Jaipur, puis avec un humour très britannique décrit ce mode de transport, 

au risque de paraître ingrat, je dois reconnaître que, de tous les animaux que j’aie jamais montés, l’éléphant est de beaucoup le plus inconfortable.

Suit une explication précise de l’inconfort. Comble de l’horreur, ce jour là l’éléphant se soulage. Une pauvre paysanne se précipite pour recueillir les excréments du royal animal.

Première remarque sur les différences de statuts

elle nous donna du Salaam Maharaj, nous octroyant dans sa reconnaissance le titre le plus pompeux qu’elle pût trouver

Il continue sa réflexion et après sa gène, d’être aussi nanti, il finit par conduire sa réflexion sur l’utilité de recycler les excréments. Et voici sa conclusion :

« Notre œuvre , quand on la compare à celle des vaches et des éléphants, est remarquable . Eux, font, de façon automatique , du fumier ; nous, nous le recueillons et en faisons du combustible. Il n’y a pas là matière à déprimer ; il y a là de quoi être fiers. Pourtant , malgré le réconfort de la philosophie, je restai songeur. »

Trois pages de réflexions sur les excréments d’éléphant .. nous laissent un peu songeur mais très amusés également !
A son arrivé à Manille, il est sollicité par la presse, il réfléchit alors sur ce qu’est la notoriété et il se scandalise d’être plus sollicité par les journalistes parce qu’il est un écrivain déjà célèbre. Il se dit que s’il avait été un scientifique dont les recherches pourraient être très importantes pour l’avenir de l’humanité, il aurait été beaucoup moins connu.
Je me suis alors demandé ce qu’il penserait de notre époque ou une jeune femme devient célèbre pour avoir dit « Allô quoi «  !

J’ai moins aimé ses descriptions et ses remarques sur les USA, pourtant ça commençait bien avec la description de la publicité pour une entreprise de pompes funèbres qui est vraiment très drôle !

Un livre à déguster et qui vous surprendra !

Citations

philosophie du voyageur

En voyage vous perdez vos convictions aussi facilement que vos lunettes, mais il est plus difficile de les remplacer.

 Un septique

Bien des matériaux pourraient, sans inconvénient pour personne, être laissés là où ils sont. Par exemple, ces molécules d’encre que je transporte si laborieusement de leur bouteille à la surface de mon papier.

 La vie des colons

En discutant avec des Européens qui vivent et travaillent en Orient, j’ai constaté que, s’ils aiment l’orient ( et c’est le cas de la plupart) , ils l’aiment toujours pour la même raison. Là , disent-ils un homme est quelqu’un : il a de l’autorité, il est considéré ; il connaît tous les gens qui comptent, on le connaît . Dans son pays le même homme est perdu dans la masse, ne compte pas, n’est personne.

 Solutions à propos de la puanteur des gens trop pauvres pour se laver

Comme remède, Tolstoï nous suggère de puer tous ensemble. D’autres réformateurs souhaitent améliorer la situation économique pour que tout homme puisse prendre autant de bains chauds et changer de chemise aussi souvent que les privilégiés d’aujourd’hui qui ne puent pas. Personnellement, je préfère la seconde solution.

Valeurs humaines des Indiens

Car les Indes ne sont pas le berceau des sentiments humanitaires. La vie d’une vache, il est vrai, y est respectée, mais non la vie d’un homme.

 Dieu

Le fait que les hommes ont eu sur Dieu des idées absurdes et évidemment fausses ne justifie pas notre effort pour éliminer Dieu de l’univers . Les hommes ont eu des idées absurdes et fausses sur presque tous les sujets imaginables. Ils ont cru , par exemple que la terre était plate et que le soleil tournait autour d’elle. Nous n’en concluons pas que l’astronomie n’existe pas.

 Enfin voici ma préférée

Voyager c’est découvrir que tout le monde a tort.

Les philosophies, les civilisations qui, de loin, vous semblent bien supérieures à la vôtre, vues de près sont toutes, à leur façon , aussi désespérément Imparfaites. Apprendre cela -et cela ne s’apprend qu’en voyageant- mérite, il me semble, toute l aa peine, toute l’absence de bien-être , et tous le s frais d’un tour du monde.

On en parle

On en parle peu voici un blog où j’ai trouvé un avis qui rejoint un peu le mien : Le pas grand chose

Emprunté à la médiathèque. Car j’avais beaucoup aimé Le grand Coeur, du même auteur.

5
J’arrive un peu tard , et je pense que, beaucoup d’entre vous êtes convaincus de la qualité de ce livre. Mais trois raisons me poussent à mettre un article sur mon blog :

  1.  Il reste peut-être un marcheur ou une marcheuse qui n’a pas encore entendu parler de ce livre ou qui hésite à le lire, à moi de les convaincre !
  2. Je trouve injuste de ne pas parler d’un livre qui nous a plu (nous, les blogueurs et blogueuses), sous prétexte qu’on en dit du bien partout. Nous n’avons pas qu’une fonction de découvreur. Ça arrive, et c’est bien agréable de trouver des petits chefs-d’œuvre, qui, sans nous,seraient passés inaperçus mais j’aime aussi, quand je lis sur mes blogs favoris, qu’un livre fait l’unanimité.Avec cinq coquillages, je dis assez que j’ai adoré ce témoignage.
  3.  Enfin la dernière raison me concerne. SI je tiens ce blog c’est, entre autre, pour garder une trace de presque tous les livres que j’ai lus.

Comme l’auteur, je rêve de faire ce chemin ou un autre. La marche à pied me fait du bien et j’y puise un réconfort moral qu’aucun sport ne me peut me donner. Jean-Christophe Ruffin , décrit avec attention l’état dans lequel se trouve peu à peu le marcheur , un état de fatigue et de bien-être très particulier.

La marche permet de réfléchir , offre une vie en harmonie avec la nature et permet d’éclairer différemment les réalités du monde d’aujourd’hui. Le marcheur ne peut aller plus vite que ses pas et doit tout porter sur son dos. Il change, alors, ses priorités et ce qui était nécessaire devient très vite superflu (en particulier quand un objet pèse plus de quelques kilos). Le regard du marcheur sur les abords des villes m’a beaucoup intéressée . Si nos anciennes cités ont encore bien des charmes, les zones d’activité artisanales et commerciales qu’il faut traverser avant d’y arriver, sont uniformément tristes que l’on se rapproche de Dinan ,Vézelay ,ou d’ Aix en Provence. On oublie ces zones quand on est touriste et en voiture, on se dépêche de regarder ailleurs , mais le piéton traverse tout d’un même pas, il ne peut pas se raconter des histoires quand c’est moche, il en profite jusqu’au bout.

Le récit de cet écrivain est plein de remarques légères et drôles sur le petit peuple des « Jaquets » , ainsi appelle-ton les pèlerins de Saint Jacques. Un regard amusé sur l’inconfort des auberges destinées à recevoir ce petit monde qui ne veut surtout pas dépenser trop d’argent : le pèlerin est pauvre mais surtout radin. Les chemins sont parfois beaux à couper le souffle et ces instants de magie se suffisent à eux seuls. Il est une question à laquelle je ne répondrai pas, Pourquoi fait-on le chemin ? C’est un chapitre du livre et je ne connais toujours pas la réponse.

Je pense qu’on peut marcher partout et j’aurais tendance à croire qu’on est partout mieux que sur les chemins qui mènent à Compostelle, je signe par là que je n’ai pas encore été atteinte par le virus…

 Citations

Difficultés du marcheur

Sitôt levé, assommé par le manque de sommeil ; il me fallait marcher jusqu’à trouver un café ouvert. Le rituel du réchaud est par trop déprimant le matin et, dans ce pays pourvu de toutes les commodités, il n’y a pas vraiment de raison de vivre comme dans les espaces désert de hautes montagnes.
Le seul problème est la contradiction qui existe entre les lieux où le camping sauvage est possible et ceux où se rencontrent des cafés.

 L’égalité devant la marche

Celui ou celle pour qui la ville est impitoyable, avec sa concurrence terrible, ses modèles tyranniques qui condamnent le gros, le maigre, le vieux, le laid, le pauvre, le chômeur, découvre dans la condition de pèlerin une égalité qui laisse sa chance à chacun.

 Les régions vertes

Il faut toujours se méfier des régions vertes. Une végétation si drue, une verdure si éclatante ne peuvent avoir qu’une origine : la pluie.

 L’orgueil du pèlerin et le secret du chemin

Car il est assez trivial de dire (mais plus rare d’éprouver soi-même ) que l’extrême humilité est une des voies de l’orgueil . À mesure qu’il se diminue le pèlerin se sent plus fort et même presque invincible. La toute-puissance n’est jamais loin de la plus complète ascèse. C’est en réfléchissant à cela qu’on approche peu à peu le véritable secret du Chemin, même s’il faut du temps pour le découvrir.

 Les conduites humaine

Je connais des bistrots à Paris où ces messieurs par ailleurs autoritaires et habitués à commander viennent s’adonner à l’heure du déjeuner au plaisir masochiste de se faire rudoyer par un patron insolent et grossier. Les coups de fouet moraux qu’il leur assène pendant le repas semblent les revigorer et leur donnent une énergie nouvelle pour tourmenter à leurs propres subordonnés.

 Les bondieuseries

Il est une règle qui ne souffre pas d’exception : chaque fois qu’un projet artistique est soumis à l’arbitrage d’un grand nombre, la banalité et la laideur prévalent. La collégialité, en matière artistique, c’est l’eau tiède. On peut être certain que beaucoup de gens ont été consultés pour l’érection de la statue qui orne le Monte del Gozo car il est difficile de concevoir plus laid, plus prétentieux et plus décourageant. On pourrait considérer que c’est un chef-d’œuvre, à condition de le faire concourir dans un genre bien particulier : celui du kitsch catholique.

et voici la photo …… plus moche ce n’est pas possible ! ! ! !

 

J’aime cette formule

Pour le dire d’une formule qui n’est plaisante qu’en apparence : en partant pour Saint Jacques, je ne cherchais rien et je l’ai trouvé.

 On en parle

à sauts et à gambades (en livre lu) , le goût des livres et ….36 critiques chez Babelio

Traduit de l’anglais par Judith ERTEL£
Emprunté à Lourse

5
J’avais déjà ouvert cette BD et refermée car les dessins ne m’inspiraient pas du tout. Il a fallu l’article de Keisha et … tous les commentaires .. .et…l’ouverture de ma médiathèque pour que je force mon peu d’appétence pour les BD. 
C’est absolument génial, je vais lire la suite évidemment ! J’apprécie les BD, lorsqu’on a l’impression que le récit ne pourrait pas être raconté sous une autre forme. Les dessins qui m’avaient rebutée au premier regard , collent complètement au récit , et font vivre intensément la vie des juifs polonais pendant la guerre.

Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit donc d’Art Spiegelman, dessinateur de bandes dessinées qui fait raconter à son père Vladeck Spiederman la façon dont il a survécu à la shoa. Les deux époques, aujourd’hui et les années de guerre en Pologne, se mêlent et tissent le récit . Au présent, ce père acariâtre rend malheureux sa seconde épouse, mais il accepte de parler à son fils qui note pour sa future BD tous les souvenirs de la tragédie de ses parents juifs polonais. Le père visiblement a du mal à s’exprimer en anglais et la traduction rend bien ses difficultés d’expression et donne un charme fou au récit.

Le livre s’ouvre sur une citation d’Hitler : « Les juifs sont indubitablement une race mais ils ne sont pas humains ». Je ne sais pas si c’est pour cela que l’auteur a choisi de dessiner tous les juifs avec des figures de rats, les polonais sous les traits de cochons, et les allemands sous les traits de chat. C’est très efficace et je suis certaine que cela participe au succès de sa BD .

Je me suis demandé pourquoi cette BD me faisait autant d’effet, je pense que, le fait que je sois aussi peu attirée par le genre fait que lorsqu’une BD m’intéresse cela me surprend moi-même. Je suis aussi bluffée qu’avec une apparence de pauvreté de moyens graphiques on arrive à rendre une histoire aussi prégnante. Enfin sa façon de nous faire découvrir un père à peu près odieux et ses difficultés de rapport avec lui rend le récit terriblement humain. Ce n’est pas la vie d’un super héros paré de toutes les qualités style cinéma hollywoodien, pour être survivant il fallait d’abord de la chance, puis un sens de la débrouillardise hors du commun.

Un grand moment de découverte pour moi, et je suis d’accord avec vos commentaires lu sur le blog de Keisha oui c’est bien de la littérature.

 Citations

La façon de parler de son père

Quand j’étais jeune, tout seul je pouvais faire ces choses. Maintenant, chéri, ton aide j’ai besoin pour la gouttière.

 Rapport père fils

La barbe ! Il veut que j’aille l’aider à réparer son toit ou j’sais pas quoi . Merde, même quand j’étais petit je détestais l’aider quand il bricolait. Il adorait montrer qu’il était adroit …Et me faire sentir que moi je n’étais qu’un empoté. Il m’a rendu phobique au bricolage.

 Pudeur et tragédie

Après , quand je suis rentré à Sosnowiek on leur a envoyé des colis…

Un temps ça a été plus facile pour nous. Alors très heureux ils étaient et ils nous ont écrit comme ça les aidait

Et puis ils ont écrit que les allemands gardaient les colis.

Et puis ils ont arrêté d’écrire. C’était fini.

 On en parle

Par exemple MIMIPINSON , il y a , à ce jour,101 critiques plus une(la mienne !)chez Babelio

Roman traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson

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Une fois n’est pas coutume je vais recopier la quatrième de couverture, je pense que cela suffira à vous donner envie de lire le roman de Bergsveinn Birgisson, cela prouve que les éditions Zulma font bien leur travail de mise en valeur d’un roman :

 « Mon neveu Marteinn est venu me chercher à la maison de retraite. Je vais passer le plus clair de l’été dans une chambre avec vue plongeante sur la ferme que vous habitiez jadis, Hallgrímur et toi. » Ainsi commence la réponse – combien tardive – de Bjarni Gíslason de Kolkustadir à sa chère Helga, la seule femme qu’il aima, aussi brièvement qu’ardemment, d’un amour impossible.

Et c’est tout un monde qui se ravive : entre son élevage de moutons, les pêches solitaires, et sa charge de contrôleur du fourrage, on découvre l’âpre existence qui fut la sienne tout au long d’un monologue saisissant de vigueur. Car Bjarni Gíslason de Kolkustadir est un homme simple, taillé dans la lave, pétri de poésie et d’attention émerveillée à la nature sauvage. Ce beau et puissant roman se lit d’une traite, tant on est troublé par l’étrange confession amoureuse d’un éleveur de brebis islandais, d’un homme qui s’est lui-même spolié de l’amour de sa vie.

Je n’ai qu’un goût modéré pour la nature mais ce livre n’existerait pas sans l’attachement à la terre que sait si bien raconter cet écrivain. Ces histoires sont totalement hors de mon quotidien , j’adore être dépaysée à ce point. L ‘histoire d’amour est très belle : on est bien avec toi Bjarni et on écoute tes histoires. J’ ai un petit faible pour le couple de vieux paysans qui ont vécu loin de tout et qui se sont aimés toute leur vie. Je ne vous raconte pas la solution qu’a imaginée le mari qui ne pouvait pas enterrer le corps de son épouse (le sol était gelé ) et qui ne voulait pas qu’elle soit laissée à l’abandon.

Mais je sais que vous n’oublierez pas l’odeur qui emplissait l’église le jour de son enterrement. Il y a dans ce roman des petites leçons de vie qui sont très agréablement distillées . Je suis moins sensible aux poèmes je les trouve un peu niais ,sans savoir si c’est voulu de la part de l’auteur où si leurs charmes ont du mal à passer en traduction.

 Citations

leçon de vie et exemple du charme du roman

Ah, je suis devenu un vieillard impossible qui prend plaisir à raviver de vieilles plaies. Mais on a tous une porte de sortie. Et nous aspirons tous à lâcher notre moi intérieur au grand air. Mon issue de secours à moi, c’est la vieille porte de la bergerie de feu mon père, celle que le soleil traverse par les fentes, en longs et fins rayons entre les planches disjointes. Si la vie est quelque part, ce doit être dans les fentes. Et ma porte à moi est désormais tellement faussée, branlante et déglinguée qu’elle ne sépare plus vraiment l’intérieur de l’extérieur. Devrais-je mettre au crédit du charpentier ce travail baclé ? Car toutes ces lézardes, ces interstices , laissent passer le soleil de la vie.

 Rudesse et avarice

Son grand-père fut longtemps célèbre pour l’amende d’une demi-couronne qu’il infligea à sa bonne pour avoir renversé le pot de chambre, gaspillant ainsi son contenu. C’est dire si, l’urine, qui servait à dessuinter la laine brute, était précieuse pour ces gens-là, et les rapports humains de peu de prix.

Et encore l’usage de l’urine

A son époque, à la campagne, le savon n’existait pas ; on lavait le linge et les vêtements à l’urine fermentée, comme de toute éternité….Dans sa jeunesse , disait-elle quand les femmes se shampouinaient à la pisse, leur chevelure longue et épaisse resplendissait.

 Reconnaissance

Et il n’y en a pas un qui m’a dit merci, alors que le foin de Tungunes, je l’ai mis en meule au moins dix-sept automne d’affilée.C’est comme ça. Celui qui en vient à mendier a le cœur qui saigne, et ces gars là ne voulaient sans-doute pas reconnaître leur dépendance.

 Proverbe campagnard

Il y a ceux qui allument le feu et ceux qui en profitent.

 Leçon de vie qui me rappelle une chanson de Brassens

Ainsi la règle m’a paru être que les gens prennent dans la vie le contre-pied de ce qu’ils prônent , quelle que soit l’image que revêt leur convicion. A croire que ceux qui parlent de maigrir sont toujours ceux qui sucrent le plus leurs crêpres et que ce sont les grosses brutes qui parlent de « précautions à prendre en présence d’une âme ». Les plus acharnés à condamner le crime sont généralement les criminels les plus endurcis ; le capitalisme qui est censé enrichir tout le monde, ne fait qu’appauvrir. Il faut s’attendre à ce que la liberté dont on parle tant à présent finisse par nous réduire tous en esclavage.

 On en parle

Lisez la réponse à la lettre à Helga du libraire de Lesneven à Bjarni je l’ai trouvée sur le site des éditions Zelma et merci à Jérome chez qui j’avais noté ce livre ainsi que chez Krol (qui a quelques réserves).

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J’ai lu plusieurs articles à propos du deuxième roman de Raphaël Jerusalmy : « La Confrérie des Chasseurs de livres » , et vous souligniez combien vous aviez aimé son premier roman « Sauver Mozart ». Puisque vous m’avez tentée, autant commencer par le premier !

Quel livre ! Ça fait longtemps que je n’ai pas mis 5 coquillages aussi facilement. C’est un roman étonnant et que j’ai lu d’une traite, je vais le relire avec plaisir pour le savourer. Nous lisons les lettres à son fils et le journal de Otto J Steiner, mélomane « un peu juif » qui dit de lui :

Je suis autrichien de confession phtisique . Et fier de l’être.

Il est malade,mal soigné et très malheureux d’être dans ce sanatorium au milieu de gens encore plus malades que lui . Il va mourir et a souvent envie d’avancer l’heure de sa mort. Il n’a personne à qui se confier, sauf ce journal qui pourrait bien être une source de graves problèmes. Si bien que le lecteur est le seul à savoir la vérité sur des sentiments qu’il ne peut que cacher s’il ne veut pas être immédiatement dénoncé et fusillé. C’est peut-être pour cela ,qu’il est a un aussi mauvais caractère, et puis franchement cela devait être difficile d’avoir le sourire en Allemagne en 1939 ! Il rouspète sur tout :

– le cabillaud bouilli du vendredi, et puis l’absence de cabillaud quand les temps seront encore plus durs.

– Le malade qui chantonne des airs obsédants , mais c’est de ce détail que lui viendra une idée extraordinaire !


Il rumine sa vengeance contre ce régime et tous ceux qui assassinent sa si belle musique , je ne peux, hélas ! sans dévoiler les effets du roman, vous dire comment il va s’y prendre. On est pris par ce texte du début à la fin et tout s’enchâsse de façon implacable , l’auteur nous plonge dans l’ambiance hitlérienne et dans la maladie , il le fait avec un tel talent que la lecture transporte son lecteur , par exemple le jour où Mussolini a rencontré Hitler en 1939 sur un quai de gare est grand moment de littérature.

On est bouleversé, également, quand la Gestapo descend dans le sanatorium et que l’on voit ces grands malades parfois grabataires traités comme du bétail. C’est tragique ! Et tout cela à cause du fils du concierge qui paiera de sa vie un geste d’humanité.

Mais ce livre est aussi un hommage à la musique et ravira tous les passionnés de Mozart. Il pose cette question jamais résolue comment se fait-il que les nazis pouvaient écouter cette musique sublime et aller tuer de façon abominable de pauvres ères sans défense ?

Citations

 L’importance de la musique

Je n’ai jamais aussi bien compris la musique que depuis que je n’en écoute plus . Depuis que j’en suis privée par la force des choses. Mais elle a d’autres moyens de se faire entendre . Pas besoin de gramophone. Ni de partition. Le génie musical, c’est le souffle qui traverse « la Flûte enchantée » avant même qu’elle n’émette un seul son. L ‘attente qui précède l’entente . C’est le geste, l’attitude, l’émotion. Rien à voir avec les notes.

Un peu de vocabulaire

J ai l’impression de vendre mon âme. Et de trahir Mozart. Servir de « nègre » à Hans .. « Nègre »?C’est l’expression consacrée. Négritude. Servitude.

Nous sommes tous esclaves des mots.

 La musique et les Allemands

Étrange que les Allemands soient mélomanes. La musique est éternelle approximation.

Et voici la postface, qui pose bien les problèmes de la place de la musique

 Salzbourg fut le haut lieu de la vie culturelle des nazis et le symbole du « rayonnement du Reich » .

Aucun des musiciens et chefs d’orchestre mentionnés dans le journal d’Otto ne prit jamais la défense de la liberté d’expression ni ne prêta la moindre assistance à ses collègues persécutés.

Après la guerre , tous jouirent de l’admiration sans réserve des mélomanes du monde entier.
Aujourd’hui, Salzbourg demeure l’une des capitales de la musique et de l’art. Et le « Festspiel » continue d’avoir lieu, chaque été.

 On en parle

À sauts et à gambades où j’ai pris l’idée de ce livre et lettre express

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Un très grand plaisir de lecture, dans un moment de découragement. Tout le monde connaît, du moins je l’imagine, un moment où tous les livres perdent leur saveur. Je me réfugie alors dans la lecture des blogs et je partage vos passions mais de loin sans complètement y croire. Or voilà un petit bijou dont j’aimerais vous parler.

Un intellectuel japonais est tombé follement amoureux de la langue française. Il raconte son périple et ses joies. Moi qui, dans une autre vie, ai enseigné à des étudiants étrangers, j’ai retrouvé avec émotion les efforts et les joies que représentent le passage d’une langue à une autre. Akira Mizubayashi avec la délicatesse japonaise adopte peu à peu la culture française, évidemment , la Française que je suis, se sent fière et un peu étonnée d’un tel amour pour Jean-Jacques Rousseau. Sa sensibilité à l’oralité passe aussi par la musique et là surprise c’est à Mozart qu’il doit l’éducation de son oreille.

Ses pages sur le personnage de Suzanne dans Les noces de Figaro m’ont rappelé de très bons moments de mes études universitaires : lorsqu’un enseignant savait au détour d’une explication nous faire revivre tous les enjeux d’un héros de roman ou d’un personnage de théâtre. Beaumarchais est un auteur qui ne m’a jamais ennuyé et dont la modernité me surprend aujourd’hui encore. Mozart en fait un chef d’œuvre à l’opéra, on est décidément en bien bonne compagnie avec Akira Mizubayashi !

L’autre moment que je vous recommande, ce sont les pages consacrés à son père. Il est rare de lire chez les romanciers japonais une critique du régime nationaliste qui a conduit leur pays à mener des guerres impérialistes et racistes Son père a souffert de ce régime et s’est réfugié dans l’amour de la musique occidentale alors totalement interdite (je ne savais pas qu’à l’époque écouter Beethoven était passible de condamnations). Il a surtout aimé ses fils et s’est totalement consacré à leur éducation, après avoir lu ce livre vous n’oublierez pas le dévouement de ce père qui accompagne son aîné pendant les 14 heures de train qui séparent leur ville natale de Tokyo où résidaient le professeur qui pouvait donner des leçons de violon.

Mais ce qui me ravit dans cet ouvrage c’est l’analyse très fine des différences culturelles qui passent par la langue entre le japonais et le français. Qui peut croire, par exemple que le « Bonjour messieurs dames », lancé à la cantonade dans un commerce puisse mettre aussi mal à l’aise un Japonais qui y voit une intrusion insupportable dans la vie privée d’autrui ?

J ai aimé ce livre de bout en bout, ce n’est pas une lecture passionnante mais j’étais bien avec cet homme si délicat qui aime tant notre langue et notre littérature.

Citations

Les raisons qui l’amènent vers la langue française

(c’est assez amusant quand on se rappelle des discours des étudiants français de l’époque !)

Dans les années 1970, la politique était encore très présente sur les campus universitaires…..Ce qui gênait le jeune homme de dix-huit ans …..c’était le vide des mots : des gauchistes, comme des revenants sur un champ de bataille où gisent des cadavres mutilés, usaient inlassablement de discours politiques stéréotypés à grand renfort de rhétoriques surannée…..

Le français m’est apparu alors comme le seul choix possible, ou plutôt la seule parade face à la langue environnante malmenée jusqu’à l’usure , la langue de l’inflation verbale qui me prenait en otage.

L évocation de son père

Le piano droit Kawai, le livre de Carl Flesh et le magnétophone Sony .. trois objets-témoins, trois objets-souvenirs. Trois objets culturels de valeur monétaire fort inégale. Trois substituts de la présence et de l’attention paternelle. Ils portent en eux le désir et la volonté d’un homme qui s’acharnait à repousser toujours plus loin les limites de son champ d’action, qui faisait l’impossible pour sortir de ses origines, de sa condition première, pour s’arracher à ce qui lui était primitivement et naturellement imposé….

Le français est ma langue paternelle.

 Les différences culturelles

Saluer des personnes inconnues ? Et oui, cela est fréquent en France ; il suffit de se promener dans les rues de Paris ou de prendre le métro, d’être attentif aux spectacles qui s’offrent ça et là dans les lieux publics. Tandis que dans mon pays, un tel geste, potentiellement créateur de liens est perçu comme une violence inacceptable ou au moins comme une incongruité suspecte.

 Son amour du français

La langue d’origine, maternelle, demeure inarrachable. Mon français va donc mourir avant même que ne meure mon corps ? Triste vérité. Mais je me considèrerai comme mort quand je serai mort en français. Car je n’existerai plus alors en tant que ce que j’ai voulu être , ce que je suis devenue de mon propre gré, par ma souveraine décision d’épouser la langue française.

On en parle

À sauts et à gambades et keisha en 2011.

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Après le succès de « Ru »,
Kim Thuy a retrouvé la magie de l’inspiration et de l’écriture pour nous livrer « Man ». 
Dès que j’ai lu dans des blogs amis , que ce livre vous avait plu, je me suis précipitée ! Je vais rajouter des louanges aux louanges.

J’aime la façon dont cette femme mêle les fils de son histoire et de de l’histoire tragique de son pays d’origine. Comme, dans « Ru » ,on a le cœur serré à l’évocation des plus grandes des tortures que les hommes du vingtième siècle ont su inventer. Ce père famélique, par exemple, qui voit ses enfants mourir de faim et qui laisse une soupe à la tomate et au persil à côté d’une clôture pour que ses enfants puissent s’en emparer.

Cette soupe , la meilleure du monde pour Hong sa fille survivante, devenue cuisinière dans le restaurant de la narratrice sera à l ‘origine d’une des recettes qui fera le succès de leur entreprise. Car c’est cela qui m’attache aussi fort à cette écrivaine, des souffrances naissent aussi la vie . On peut, au début de la lecture, être dérouté par sa façon de raconter , car son récit n’est pas linéaire. Finalement elle renoue tous les fils , ce n’est qu’à la fin du roman qu’on comprend la première phrase :

« Maman et moi nous ne nous ressemblons pas. Elle est petite, et moi je suis grande. Elle a le teint foncé, et moi j ai la peau des poupées françaises. Elle a un trou dans le mollet, et moi j’ai un trou dans le cœur. »

C’est bien ce trou dans le cœur qu’elle va nous raconter , à sa manière et en passant par tout ce qui fait sa vie : Man, cette mère qui l’a élevée, la guerre du Vietnam et son cortège d’horreurs, les odeurs et les goûts d’une cuisine qui la feront vivre, et aussi un amour passionnel qui lui trouera le cœur.

Citations

Le plaisir des mots

C’était mon premier mot de français, »londi » . En vietnamien , « lon » signifie canette et « di » partir . Ces deux sons ensemble en français font « lundi » dans l’oreille d’une Vietnamienne . A la manière de sa mère ,elle m a enseigné ce mot en me demandant de pointer la canette avant de lui donner un coup de pied et de dire « lon-di » pour lundi. Ce deuxième jour de la semaine est le plus beau de tous parce que sa mère est décédée avant de lui apprendre à prononcer les autres jours. 

 Le plaisir de la lecture

Beaucoup de livres en français et en anglais avaient été confisqués pendant les années de chaos politique. On ne connaîtra jamais le sort de ces livres , mais certains avaient survécu en pièces détachées. On ne saurait jamais par quel chemin étaient passées des pages entières pour se retrouver entre les mains des marchands qui les utilisaient pour envelopper un pain, une barbotte ou un bouquet de liseron d’eau … On ne pourrait jamais me dire pourquoi j avais eu la chance de tomber sur ces trésors enfouis au milieu des tas de journaux jaunis. Maman me disait que ces pages étaient des fruits interdits tombés du ciel. 

Le vietnamien une langue tonale

Julie prononçait les « la, là, lâ, lä , lah … » en distinguant les tons même si elle ne comprenait pas les différentes définitions : crier, être, étranger, évanouir, frais.

Aimer en chinois

le professeur avait expliqué que le caractère « aimer » englobait trois idéogrammes : une main,un cœur et un pied, parce que l’on doit exprimer son amour en tenant son cœur dans ses mains et marcher à pied jusqu’à la personne qu’on aime pour le lui tendre.

Les visages de l’amour

Pourtant à côté du visage de Luc, le mien me ressemblait comme une évidence. Si j’étais une photographe , Luc serait le révélateur et le fixateur de mon visage, qui n’existait jusqu’à ce jour qu’en négatif.

Le temps après

Moi je possédais l’éternité parce que le temps est infini quand on n’attend rien. 

On en parle

D’une berge à l’autre, lecturissime , lire et merveille, (avec une interview passionnante de l’écrivaine) et bien d’autres que j’oublie.