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Cela devrait être facile d’écrire sur ce livre que j’ai adoré. Mais voilà, j’ai été si émue que j’ai peur de rater mon billet, d’être trop dans l’émotion et de ne pas savoir faire partager mon plaisir de lecture. C’est la première fois qu’un livre me fait pleurer ? Rire toute seule en lisant un livre, ça m’arrive souvent, pleurer jamais.

À l’évocation de la mort de sa grand-mère mes larmes sont sorties sans que je puisse les arrêter. Evidemment d’autres morts en sont la cause ! Assez parlé de moi, revenons donc à David Foenkinos, j’avais adoré La délicatesse, pour son humour et son style. On retrouve ces deux qualités dans les souvenirs.La scène où le narrateur se décide à présenter sa compagne pour annoncer le mariage à ses parents alors que ceux-ci sont persuadés qu’ils viennent parce que leur fils a enfin compris qu’ils allaient divorcer est d’un tragi comique irrésistible. Les petites remarques rapides comme par exemple, le nom donné aux cliniques où l’on soigne les dépressifs, Camille Claudel et Van Gogh qui ne sont quand même pas des modèles d’équilibre mental m’ont fait sourire. Les souvenirs qu’il invente aux personnages, célèbres ou non, qu’il fait vivre dans son roman, m’ont également beaucoup amusée.

Mais pour moi, l’essentiel du roman, c’est la réflexion sur le vieillissement, et l’amour du narrateur pour ses grand parents. Sa grand-mère ne se sent pas bien en maison de retraite, elle est très émouvante et on comprend sa fugue vers son enfance, vers cette petite fille qu’elle a été et qui à cause de la faillite financière de ses parents a quitté l’école en CE2. Elle m’a bouleversée et il faut un vrai talent d’écrivain pour faire partager la force de ses émotions. Ses relations avec ses parents évoluent au fil des pages, et gagne en profondeur par contre je n’ai pas bien compris pourquoi son couple ne résiste pas à l’usure du temps.

Un beau livre qui permet de réfléchir en souriant aux liens familiaux.

Citations

On cherche toujours des raisons à l’étroitesse affective de nos parents. On cherche toujours des raisons au manque d’amour qui nous ronge. Parfois il n’y a simplement rien dire.

Il y avait aussi un tableau avec une vache. Le tableau devait être un pensionnaire et on l’exposait pour lui faire plaisir. Après renseignement, non, personne ne savait qui avait peint cette horreur, ni pourquoi elle était pendue là. On ne souciait pas de l’esthétique. Mon dégoût pour ce tableau allait pourtant provoquer chez moi une étrange réaction : à chacune de mes visites, je ne pourrai faire autrement que de m’arrêter devant pour le contempler. Cette vache faisait maintenant partie de ma vie. Elle serait pour toujours le symbole de la laideur. Ce n’est pas rien d’avoir ainsi un accès à la laideur, comme point de mire à l’horizon vers lequel il ne faut surtout pas aller. Cette vache là je passerai ma vie à la fuir.

 

La vie avançait pour les autres, me laissant toujours sur le côté, et je demeurais bloqué dans l’âge des choses immobiles. Ma vie sexuelle ressemblait à un film suédois. Parfois même sans les sous-titres.

 

Que veulent les vieux ? Ils s’isolent lentement, sur ce chemin qui les conduit à la blancheur. Tout ce qui fait la matière des conversations disparaît. Et on est là, comme des veilleurs de chagrin.

 

J’ai souvent entendu dire qu’un véritable ami c’est quelqu’un qu’on peut appeler en pleine nuit quand on se retrouve avec un cadavre sur les bras. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours aimé cette idée. Il y a des gens qui passent leur temps à se demander ce qu’ils feraient s’ils gagnaient au Loto, moi je me demande qui j’appellerai le jour ou je devrai me débarrasser d’un corps (car il est très peu probable que je gagne un jour au Loto) je parcours la liste de mes amis, et j’hésite. Je pèse le pour et le contre d’une lâcheté éventuelle. Et puis, je me rends compte que le choix est plus complexe que prévu : aimer un ami. C’est aussi éviter de l’impliquer dans une histoire aussi sordide que risquée.

 

Mon père a trouvé une place de stationnement rapidement, et comme toujours cela le mit en joie. Je pense qu’on pourrait positionner le fait de se garer facilement dans le trio de son panthéon du bonheur. Quelque part, c’est si symbolique : mon père a toujours voulu avoir une vie rangée. Je critique cet enthousiasme de la place de parking, mais après tout chacun fait comme il peut pour se réjouir.

On en parle

 Minou a lu

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4
Jamais plus je ne regarderai les familles nombreuses à la sortie de la messe de Saint-Lunaire ou de Saint-Enogat, sans penser à ce livre. J’ai toujours eu beaucoup de compassion pour les fratries de 6 ou 7 enfants, tous coiffés de la même façon, cheveux courts pour les garçons, carré retenu par un serre-tête écossais pour les filles (la variante avec la barrette est aussi acceptable). Je sais par expérience que la vie dans ces familles n’est pas aussi rose que les gilets ras du cou de la dite couleur le laisseraient croire…

Quand en plus, la mère en veut à la société, à sa famille, à son conjoint, à ses enfants, de ne pas mener la vie digne de son « rang », alors ce qui était une difficulté de vivre devient un enfer. Au-delà de cet enfer, provoqué par la personnalité des parents, l’auteur décrit parfaitement bien la difficulté des rapports entre enfants et parents dans ce genre de famille.

J’avais déjà beaucoup aimé Priez pour nous, qui est son premier cri de désespoir adressé à ses parents. Lionel Duroy est plus complet dans ce livre autobiographique. Comme il commence au début de la rencontre de ses parents en 1944 et termine dans les années 2000, nous voyons toute notre époque se dérouler, avec ses violences et ses évolutions.

On voit aussi l’auteur prit dans des amours difficiles, il faut dire que, s’il sait critiquer les autres, il ne s’épargne pas non plus. Le moment où sa jeune compagne doit avorter seule et son manque de compréhension à ce moment là est d’une tristesse incommensurable. Toute ma jeunesse et ma vie d’adulte repassent devant mes yeux, et souvent un trait de caractère, une tristesse, un sourire, un souvenir me revient comme une fulgurance.

Etant donné le succès de cet auteur, il doit correspondre à plusieurs formes de sensibilité. J’ai beaucoup apprécié, également, la façon dont il décrit sa nécessité d’écrire, on le sent dans un état d’urgence et parfois même de survie. Il fait partie des enfants mal-aimés qui, sans l’écriture, auraient encore, tellement plus mal vécu. Il a le talent de savoir l’écrire, d’aller au-delà de sa souffrance personnelle et de s’adresser à chacun d’entre nous.

Citations

Ils ne s’autorisent que la méthode du docteur Kyusagu Ogino, qui consiste, pour la femme, à déterminer ses périodes de fécondité à l’aide d’un simple thermomètre, parce que cette technique a reçu l’onction de Rome.

 

Tant d’années après, je me dis que c’est ce soir-là qu’elle nous a fait le plus de mal, et par notre faute, parce qu’aucun d’entre nous trois, les garçons, n’a trouvé la force de la rappeler pour lui balancer en plaine figure ces mots que je me répète silencieusement, certaines nuits, aujourd’hui encore, et alors que notre mère est morte depuis longtemps : « maman, tu pourrais au moins nous remercier. On n’est pas des chiens. »

 

Comme si elle n’avait trouvé aucun moyen d’échapper à son personnage d’emmerdeuse – ni la force ni l’imagination-, et je me dis aujourd’hui qu’en cédant à ses caprices, à sa bêtise affichée (revendiquée, allais-je écrire), notre père a sans doute contribué à cet enfermement.

On en parle

Un nouveau blog (pour moi) le journal de Chrys

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Traduit du danois par Hélène Hervieu et Alain Gnaedig.

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Voici la raison de mon silence sur mon blog, je suis restée plongée (jeu de mot trop facile !) dans ce roman pendant deux semaines. J’ai trouvé ce livre dans un lieu que j’aime la « droguerie marine » à Saint-Servan (à côté de Saint-Malo) ce livre était, pour le blog de la vareuse lié à la Droguerie, leur coup cœur de l’année 2010.

L’auteur revisite la fin du 19e et la moitié 20e siècle du point de vue de la communauté des gens de la mer de Marstal. Au début, lors des temps anciens de la voile (1848), c’est un peu lent pour moi, mais peu à peu, j’ai été captivée par ce roman et j’avoue avoir très envie d’aller visiter Marstal et sa région. La dureté de la vie sur un bateau est telle, que cela forge une mentalité particulière : sans la cohésion de tous et l’acceptation d’un chef incontesté, un bateau est menacé. Autrefois la survie en mer était très problématique tant les conditions étaient dures : l’humidité, le froid, les tempêtes, le risque de se perdre. Si, de plus, le capitaine ne savait pas se faire respecter de ses hommes, alors, tout l’équipage allait à une perte certaine.

J’ai beaucoup aimé le personnage d’Albert qui croit en l’unité et dans la solidarité et qui veut appliquer ce qu’il a appris de mieux sur les bateaux à l’organisation de la communauté. J’ai aimé aussi la tragique condition des femmes qui pleurent leur père, leur mari et leurs fils… Je comprends celle qui fera tout ce qu’elle peut pour que la mer n’attire plus les garçons. L’auteur a su donner vie à une région et à un pays, c’est je crois le premier auteur danois que je lis, je suis contente d’avoir commencé par ce livre car il rend compte du fondement de leur civilisation basée avant tout sur l’amour de la mer et de la navigation.

Les rapports entres les hommes sont finement analysés, la difficulté du sentiment amoureux également. Les hommes et les femmes vivaient vraiment dans deux mondes complètement séparés, pour les uns la dureté qui commençait dès l’école (mais était tellement pire à bord des navires), et pour les autres la survie du quotidien dans l’angoisse de l’attente.

Citations

N’est-ce pas là le secret des hommes à la guerre, qu’ils pissent et chient dans leur froc comme des enfants apeurés ? Nous avions tous, un jour ou l’autre, eu peur de mourir en mer, mais personne n’avait fait dans son froc parce que la tempête arrachait les mâts et le gréement ou parce qu’une simple vague brisait le bastingage et balayait le pont.
C’était ça la différence. La mer respectait notre virilité. Pas les canons.

 

Personne ne respecte le faible qui implore

 

Le destin qui nous attendait, c’étaient les coups et la mort par noyade, et pourtant on avait qu’un désir : prendre la mer.

 

Il voudrait être grand tout de suite. Il a l’intuition que l’enfance est un état qui n’est pas naturel et qu’à l’intérieur de lui-même se cache un être beaucoup plus grand qu’il empêche d’exister et qui surgira de autre côté de horizon.

 

Albert croyait au progrès. Il croyait aussi au sentiment d’honneur chez les marins. C’était sur lui que se fondait l’unité ? Sur un bateau, le manquement d’un seul pouvait être lourd de conséquence pour tous. Un marin s’en rendait vite compte. Le prêtre appelait ça les valeurs morales. Albert appelait ça l’honneur. À l’église, on était responsable devant Dieu. Sur un bateau, on était responsable devant tous les autres. C’est pourquoi le bateau était un meilleur lieu d’apprentissage que l’église.

 

Lors de son dernier voyage à bord de Résolution, James Cook avait fouetté onze de ses dix-sept matelots, il avait en tout distribué deux cent seize coups. Lorsque vint le moment où il eut besoin de leur soutien, ils lui tournèrent le dos, un dos couvert de cicatrices.

 

Il ne faut pas chercher vos racines dans votre propre enfance. C’est votre enfant qui vous lie à la terre. Votre chez vous, c’était l’endroit où se trouve votre enfant.

On en parle

blog de La Vareuse

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Traduit de l’anglais britannique par Nelly PERONNY.

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Excellent roman, on est bien avec Jack et Sally autant quand ils se disputent que lorsqu’ils s’entendent bien. Ce roman nous fait rire, sourire et nous émeut souvent. Je pense que ceux qui peuvent lire en anglais ont beaucoup de chance car ils doivent être, plus que nous, sensibles aux maladresses de langue. La traductrice essaie de nous en donner un peu l’idée mais c’est toujours compliqué ce genre de jeux de mots, évidemment !

Donc voilà, Jack veut devenir Anglais, mais alors un Anglais pur jus ! Il a quelques handicaps, il est juif d’origine allemande, il s’appelle Rosenblum, quand il est vraiment en colère les jurons sortent en allemand, sa femme Sadie adore parler allemand et surtout cuisine parfaitement des spécialités qui lui viennent de sa mère et grand-mère et qui n’ont rien à voir (heureusement !) avec la cuisine britannique. Le pire de tout : il n’est pas admis dans les clubs de golf où les juifs ne sont pas les bienvenus. C’est oublié que Jack ne s’arrête jamais à des détails d’aussi piètre importance, puisqu’on ne l’admet pas sur les terrains de golf, il construira le sien.

J’ai tout aimé dans de livre, l’évocation de la campagne anglaise, la peinture des habitants du Dorset, les animaux dont-il faut avoir peur (le cochon laineux par exemple !), et par-dessus tout la façon dont l’auteur rend compte des difficultés d’assimilation de la première génération d’immigrés. Sadie ne peut pas oublier les siens emportés par la Shoa mais grâce à ses talents de cuisinière le village finira par l’adopter, elle et sa mémoire à jamais meurtrie. Jack veut devenir plus Anglais que n’importe quel Anglais il rédige un code de 151 règles. Finalement, il forcera, grâce à son courage -celui de creuser seul la terre du Dorset pendant un mois- l’admiration des villageois et lui permettra de devenir un des leurs.

J’aime que l’antisémitisme anglais soit épinglé sans que cela devienne lourd ni tragique, je trouve que c’est encore plus efficace : le fameux humour britannique ! Lisez le passage où Jack vend sa maison de Londres sans avertir sa femme pour réaliser son rêve, c’est savoureux.

 

Citations

 

Si vous ne pouviez pas traire la vache du voisin, il vous suffira de posséder une vache. Aucun club de golf ne voulait de lui, il n’aurait qu’à construire le sien.

 

Cette boîte contenait tout ce qui lui restait de l’avant : une demi-douzaine de photographies…un vieux livre de prières … ainsi que le livre de recettes de sa mère et une serviette en lin blanc pliée avec soin.

 

« Sadie tâche donc d’être heureuse. »

Il n’avait pas compris. Malgré les années, il n’avait toujours pas compris. « Je ne veux pas être heureuse »

 

« Mein Gott ! Constamment de bonne humeur ! Ce n’est pas normal. Tu ne pourrais être un peu malheureux, une fois de temps en temps ? Nous aurions peut-être enfin des choses à nous dire après tant d’années !

– La colère affleurait dans sa voix, à l’immense satisfaction de Sadie ? Enfin elle le tenait. « Tu es comme un rayon de soleil à un enterrement. »

Jack eu un petit rire nerveux. « Et alors, où est le mal ? »

– Tout le monde veut du beau temps pour un mariage, mais, pour un enterrement, le ciel devrait au moins la décence de se couvrir. Juste par respect. »

Jack finit son pain, décocha un regard las à sa femme et sortit de la cuisine »

 

Sadie lut la recette à voix haute : « Mélangez les œufs, la bonne dose de sucre, de la farine en quantité suffisante et juste ce qu’il faut de vanille »

 

Voyez, voyez ! C’est pour cette raison que l’Angleterre est un grand pays. Dieu vous a donné les meilleures terres de golf au monde. C’est la providence. »

 

On en parle

Chez la souris jaune , je sais où elle a trouvé ce roman !

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Livre à recommander pour tous ceux qui, comme moi, se demandent comment l’auteur du chef d’œuvre Le Voyage au bout de la nuit, a pu être « antisémite militant ». David Alliot ne cherche pas à excuser Céline, tout l’accable : il publie en 1941, Beaux draps troisième pamphlet antisémite alors que les mesures de Vichy sont déjà en vigueur. Il réclame haut et fort, lors de l’exposition antisémite organisée par Vichy que ses deux précédents pamphlets rédigés avant l’occupation allemande, Bagatelle pour un massacre et L’école des cadavres fassent partie de la dite exposition.

La façon dont il s’est opposé à Robert Desnos, décriant son physique et faisant croire qu’il était juif, est absolument dégoutante, mais pour autant il n’est responsable ni de son arrestation ni de sa mort. La seule chose qui nuance le tableau peu ragoutant du personnage, c’est qu’il détestait autant Pétain que les juifs. Il n’a pas franchement collaboré avec les Allemands qui le trouvaient un peu outrancier ! ! !

En analysant un à un les principaux reproches que l’on fait à Céline, David Alliot permet au lecteur de se faire une opinion plus exacte. C’est aussi toute une période qu’on voit revivre et évidemment la vérité n’est pas que d’un côté. Le recul historique fait du bien, car on a le droit, aujourd’hui, de ne plus admirer Jean Paul Sartre pour ses qualités de résistant et que reste-t-il de son œuvre romanesque ?

J’ai été également très intéressée par son parcours en tant que médecin, on le présente souvent comme quelqu’un de désintéressé et altruiste, enfin un côté sympathique !

Un petit bémol, il a fait des études de médecine « allégées » parce qu’il revenait des tranchées, il n’était pas un très bon médecin, et s’il aimait mieux les pauvres, c’est qu’il pouvait les dominer. David Alliot qui connaît bien son Céline, place Mort à Crédit au dessus du Voyage. Il en explique la raison : le style célinien est plus abouti. Or, pour moi Céline restera l’auteur du Voyage, cela veut dire sans doute qu’il me reste des œuvres à découvrir, et cette idée me fait bien plaisir. Enfin, David Alliot souligne le rôle positif de Luccini à propos du regain d’intérêt pour Céline, je suis bien d’accord avec lui (Merci Mathieu de m’avoir offert ce livre pour mon anniversaire).

Citations

 Dans ce pamphlet, tout y passe, et Céline aligne tous les poncifs de son époque. Si l’antisémitisme n’est pas une rareté dans la société de son temps, il est le seul écrivain d’envergure à avoir mis son talent au service d’une cause aussi contestable.

 Quand parait « Mort à crédit » en 1936, l’évolution stylistique est importante. Encore classique dans « Voyage au bout de la nuit », la structure du roman est désormais complètement chamboulée. La grammaire et la syntaxe volent en éclat pour mettre en valeur le « rendu émotif ».

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 Traduit de l’anglais par François Dupuigrenet Desroussilles.

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Cadeau de ma voisine qui a un petit côté dame anglaise raffinée qui lui va si bien. Merci, Marie-Agnès : grâce à toi mon insomnie de pré concert (oui, il m’arrive de chanter et ça me donne toujours une de ses trouilles !) s’est merveilleusement transformée en une balade dans un jardin italien et les cœurs de ses dames « so british ».

Il y a un petit côté agaçant à suivre les pérégrinations de ces quatre femmes qui n’ont d’autres soucis que de se retrouver elle même dans un cadre enchanteur. Mais c’est très bien raconté, le côté vieille femme indigne ou femme de charité est bien analysé. Toujours à la façon anglaise sans insistance mais tellement d’humour, mine de rien ce charmant petit livre en dit beaucoup plus qu’il n’y paraît.

En le relisant plus attentivement, j’ai été étonnée de la qualité de l’analyse des rapports dans le couple. Et l’humour anglais est vraiment irrésistible par exemple le mari qui ne sait marquer son affection qu’en pinçant l’oreille de sa femme. Le soir où il déborde d’amour il lui pince les deux oreilles ! Comme Lotty, je me demande bien ce qu’il pourra bien lui pincer après !

J ‘aime beaucoup l’hystérie de la gentille Lotty, même si elle m’a un peu agacée avec son côté « tout le monde à un côté positif vous verrez la beauté du jardin italien au printemps le révèlera ». Elle est « trop » dirait-on, aujourd’hui. Si vous aimez le thé, les vieilles ladies, les beaux jardins, ce roman vous permettra de passer un très agréable moment.

Citations

 

Elle était de ces gens que nul ne remarque dans un vernissage. Ses vêtements mités de ladrerie, la rendaient presque invisible.

 

 

Dieu premier servi ! Frederick avait été comme saigné à blanc par les prières de sa femme.

 

De toute façon je suis persuadée que c’est péché de se rendre malheureuse à force de vertu. Vous avez l’air si triste que vous avez dû être bien vertueuse durant toutes ces années.

 

N’étaient-elles pas en Italie où les nuages semblent des anges potelés ?

On en parle

de façon très enthousiaste : La bibliothèque d’Allie

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Je savais que je lirai le livre de Dany Laferrière sur le tremblement de terre à Haïti, j’avais tellement apprécié « l’énigme du retour », je n’étais pas pressée car évidemment, je ne m’attendais pas à un livre d’actualité. Son livre est réussi, d’abord parce qu’il aide à comprendre ce que peut être une catastrophe de cette ampleur. Pour moi, les mots sont plus forts que les images, et je regarde de moins en moins les actualités à la télévision, je trouve que ça nivelle tout et qu’on perd tout sens critique.

Le livre de Dany Laferrière restera donc le témoignage de ce qui s’est passé le 12 janvier 2010 à 16 heures 53. Heure à partir de laquelle « notre mémoire tremble » nous dit-il avec cet art de dire les choses les plus graves sans pour autant larmoyer. On retrouve à travers sa déambulation pour savoir si les siens sont encore en vie, la société Haïtienne dans toute sa variété. Sa famille,ses amis toujours occupés à résoudre les problèmes du quotidien. Par exemple : savoir choisir un pneu pour qu’il dure au pire une journée au mieux une semaine !

On y retrouve la passion de l’auteur pour les artistes de son pays, son mépris pour ceux qui veulent réduire Haïti aux rites vaudou, beaucoup de remarques très intéressantes sur la façon de traverser une catastrophe comme ce photographe qui mitraille l’horreur sans trop se poser de questions.
Dany Laferrière sait faire aimer son pays et ses habitants, et lorsque j’ai senti l’humour poindre dans son texte, j’ai pensé que la vie reprenait ses droits :

« Un seul endroit a été épargné : le jardin dans lequel on s’est retrouvé maintes fois pour discuter de Tolstoï, de Joyce ou de Dieu (Frankétienne ne s’embarrasse pas du menu fretin). »

Citations

Dans les chambres d’hôtel souvent exiguës, l’ennemi c’est le téléviseur. On se met toujours en face de lui. Il a foncé droit sur nous. Beaucoup l’ont reçu sur la tête.

 

Toujours impeccable dans leurs uniformes, les employés de l’hôtel n’ont pas perdu leur sang-froid…..C’est peut-être le fait d’avoir une fonction à remplir qui leur permet de marcher droit.

 

Le séisme s’est donc attaqué au dur, au solide, à tout ce qui pouvait lui résister. Le béton est tombé. La fleur a survécu.

 

Je ne savais pas que soixante seconde pouvaient durer aussi longtemps. Et qu’une nuit pouvait n’avoir plus de fin.

On en parle

Les coups de cœur de Géraldine

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4
Merci Krol, cette BD est vraiment exceptionnelle à mon tour de t’en recommander une autre « la vieille dame qui n’avait jamais joué au tennis  » et en plus elle est moins triste.Car là ! il faut avoir le moral pour la lire, cette BD, je comprends ta tristesse si un ou une de tes proches est touchée par la maladie d’Alzheimer, car je crois que tout ce qui est décrit est très juste et du coup très triste.

Elle fait réfléchir, mais je ne vois pas de solution à cette maladie qui nous touchera tous, nous ou nos proches. J’apprécie que le dessin serve à ce point le propos de l’auteur, il y a de bons romans sur ce sujet mais le dessin permet de mieux se rendre compte de l’imaginaire de chacun et la remontée des souvenirs. J’ai beaucoup aimé quand le père revit une scène traumatisante de son enfance quand il se sent abandonné par ses enfants.

Une BD se relit plus facilement qu’un roman et cela permet de voir des détails qui avaient échappé à la première lecture comme la montée de la tension de l’homme qui ne supporte plus les ronflements de son voisin. Les maisons de retraite ne sont pas caricaturées, elles apparaissent dans leur dure réalité un lieu qui épargnent à ceux qui sont encore dans la vie la vue de ceux qui n’y sont plus !

On en parle

KrolAmeniKeisha.

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Traduit de l’anglais par Sabine Porte.

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Je ne connais pas le premier roman (« une brève histoire du tracteur en Ukraine ») de cette auteure, je me promets de le lire car j’ai beaucoup apprécié son humour et son style. Le talent de la traductrice Sabine Porte m’a bluffée. L’auteure joue avec les accents de chaque personnage, et avec les déformations des mots de la mère de Georgina qui souffre d’une légère surdité, c’est très drôle en français (petit exemple son père qui doit être opéré de la prostate et risque d’être « imputent »), je me demande comment c’était en anglais.

Le fil conducteur, c’est peut être la rupture de Georgina et de son mari Rip, à moins que ce soit la colle ! Ou le chat Wonder-boy qui tue les oiseaux et qui saute sur toutes les chattes du quartier ! Peu importe, ce roman survole beaucoup des problèmes de notre monde, la solitude et la déchéance des personnes très âgées, les malaises de la jeunesse, les conflits sociaux de la Grande Bretagne, les conflits du monde actuel, ceux du XXe siècle aussi.

Tout cela dans une sombre histoire de maison et d’héritage, dont on a très envie de connaître la fin.Je ne peux pas la raconter, ce serait dommage pour le suspens, je peux quand même dire que c’est bien imaginé ! L’amitié entre Georgina, hantée par sa séparation douloureuse et sa voisine très âgée, Madame Shapiro, permet de découvrir le monde de l’hôpital pour les personnes âgées et les problèmes de la dépendance quand des intérêts financiers sont en jeu. Ce n’est pas très réjouissant.

À travers madame Shapiro une femme juive de 82 ans, on suit le parcours tragique des juifs européen et la belle exception danoise. Comme sa vieille et trop belle maison a besoin de réparations, nous ferons la connaissance d’ Ali l’ex ingénieur palestinien reconverti en plombier, et de la tragédie des palestiniens chassés de leurs maisons en 1947 pour permettre la création d’Israël . (C’est la deuxième fois, pour moi cette année qu’un livre réunit le destin des juifs et des palestiniens « la maison au citronnier  »).

Le récit est loin d’être linéaire et Georgina, est aussi la fille de parents ouvriers qui ont connu les terribles grèves de mineurs. Mère d’un ado tenté par des gourous religieux qui sévissent sur le net. Amante d’un Mark qui l’attache du velcro aux montants de son lit, et qui oublie de la détacher alors que son fils rentre du lycée…

Tout cela prend peu à peu sa place dans le roman, qui du coup est un touffu, un peu trop peut-être, la colle a beau être le fil conducteur on s’y perd un peu.

Citations

 

Peut-être que si l’on réussissait à améliorer la cohésion humaine, les autres détails – les lois, les frontières, la Constitution – se régleraient d’eux-mêmes. Il suffisait de trouver l’adhésif le mieux adapté aux supports. La clémence. Le pardon. Si seulement ça existait en tube.

 

Ben, mon bébé, seize ans déjà et citoyen à part entière du Web ; « je suis un cuber-ado, m’man. J’ai grandi avec l’hypertexte », m’avait-il répondu un jour où je lui reprochais de passer trop de temps sur le Net.

 

Elle m’a regardée en arborant son impassible sourire professionnel. J’avais envie de l’étrangler avec son ignoble tenue de reptile et de lui enfoncer ses talons carrés dans sa gueule de crécelle.

 

Papa disait toujours : « J’aime bien quand c’est un peu brûlé », ce qui tombait bien, car maman lui faisait volontiers cette faveur.

 

On en parle

Fattorius.

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 Traduit du Suédois par Philippe BOUQUET.

Quel plaisir de découvrir et savourer ces neuf nouvelles autour d’un même thème : la recherche universitaire. Neuf disciplines différentes donc neuf personnages soumis aux dures lois de la production intellectuelle. L’écrivain suédois, Björn Larsson, invité au Festival des étonnants voyageurs à Saint-Malo, lui-même professeur de français à l’Université de Lund, connaît bien les petits et grands travers de ses chers collègues. Il ne les brocarde pas avec férocité mais les décrit avec humour et beaucoup de tendresse.Passant du philologue, au grammairien, au chimiste au virologue au philosophe… ces neuf facettes de la vie universitaire, nous permettent de faire le tour des connaissances actuelles et de leurs limites.

Ce livre plaira beaucoup aux universitaires, car si aucun d’entre eux ne s’identifiera complètement à l’un des portraits, tous reconnaîtront un de leurs défauts, une de leurs qualités et surtout un de leurs collègues dans les personnalités décrites. Mais au-delà de ce «  petit monde », l’auteur à travers ses neuf récits scrute la condition humaine , soulève beaucoupde questions et ne se contente pas de réponses faciles.

Parfois ce sont les travers de notre société qui sont visés : le « Da Vinci Code » est bien largement préféré aux savantes études du philologue qui, seul pourtant, peut lire et comprendre les textes anciens dont prétend s’être inspirés Dan Brown. Plus grave, et quelque peu ridicule, on lui demandera de répondre à des questions posées par l’écrivain à succès mais qui n’ont rien à voir avec le sérieux de son travail. Combien de fois dans les interviews à la radio ou à télévision « le spécialiste » invité semble ennuyeux et combien plus chatoyant l’inventeur d’histoires et parfois même l’animateur du débat !

Les neuf nouvelles sont autant de petits drames très bien imaginés, surprenants et parfois angoissants à l’image du spéléologue qui met sa vie en danger pour la gloire d’être le premier à trouver un lac souterrain. Les chutes sont toujours surprenantes un peu trop à mon goût, j’aime bien que les nouvelles ne finissent pas par « un effet » mais soient comme suspendues dans le vide à l’image de la vie. Que ce léger reproche, qui ne reflète que mon goût ne vous empêche pas de vous précipiter sur ce livre qui, j’en suis certaine, saura vous plaire, vous amuser et souvent vous émouvoir.

Citations

Mais le monde est ingrat. Personne ne prêtait attention, quand il clamait les lois de l’évolution phonétique dans des salles de cours à moitié vides.

 

Il avait beau vivre dans son ancien français, il avait lui aussi besoin d’un peu de compagnie humaine, de temps en temps, surtout si la conversation, ainsi qu’elle le fit tout naturellement, venait à porter sur les subtilités de l’emploi du subjonctif dans le français du haut moyen-âge

 

Étant donné que tous les autres parlent anglais il suffit de savoir « un peu de français de tous les jours » pour se distinguer de la masse.

 

Ses collègues, en particulier ses rivaux dans la chasse aux crédits…

 

Au cours des années qui suivirent, Birger travailla encore plus dur, si possible. Il négligea femme et enfants, même si ceux-ci ne purent guère noter de différence par rapport à ce qui se passait précédemment. Ils avaient pris l’habitude que leur mari et père ne soit qu’exceptionnellement présent à la maison. La seule nouveauté était qu’il travaillait également le samedi et le dimanche.

On en parle

Un nouveau blog celui de miss orchidée.