De cette auteure j’ai lu et beaucoup apprécié « la femme de l’Allemand« , je retrouve ici son sens de la nuance et la volonté de ne pas juger avec des principes moraux si répandus une situation somme toute très banale. J’ai donc suivie l’avis d’Aifelle qui voit dans ce roman une façon pour Marie Sizun de combler les manques d’une généalogie incomplète.

Un homme, Léonard, aime sa jeune femme Hulda à qui il fait cinq enfants. Il embauche une gouvernante, Livia qui deviendra sa maîtresse et qui aura aussi un enfant de lui. Cet amour à trois, sous le même toit à quelque chose de destructeur et effectivement la santé d’Hulda ne résistera pas à cette situation. L’amour ancillaire (oui la langue française à un même un mot pour décrire cela ! faut-il que cette situation soit banale !) n’est pas le seul responsable de la destruction d’ Hulda. Cette très jeune fille suédoise de la très bonne société s’est entichée d’un séducteur français qui devra divorcer de sa femme anglaise pour pouvoir l’épouser.

Ce Léonard est bien étrange, amoureux de la littérature française il devient représentant en vin et « ses affaires » le retiennent très souvent loin de sa famille. Hulda exilée à Meudon ne trouve que dans Livia la gouvernante suédoise et aussi la maîtresse de son mari, une amitié qui la réconforte.C’est un triangle infernal et Marie Sizun a beau vouloir redonner une dignité à chacun de ses personnages, j’ai vraiment eu du mal à accepter le rôle de Léonard. C’est d’ailleurs le personnage le plus faible. On ne comprend pas, l’auteure ne le dit pas, pourquoi il fait de mauvaises affaires, et quelles sont les raisons qui le poussent à être toujours aussi loin de chez lui. Ce qu’on sait de lui le rend peu sympathique à quarante ans marié à une femme anglaise dépressive, il séduit une jeune fille de dix sept ans. Puis Leonard et Hulda forment un couple presque heureux tant qu’ils sont en Suède. Ils partent en France et ce représentant en vin laisse sa jeune femme se débrouiller à Meudon sans beaucoup d’argent et gérer la grande maison de Meudon et leurs quatre enfants. De son amour avec la gouvernante, on ne sait pas non plus grand chose, le talent de Marie Sizun arrive à donner un peu de consistance au portrait de Livia.

Marie Sizun explique qu’il s’agit d’un roman d’amour, je trouve que c’est un roman de l’enfermement, j’ai étouffé dans ce triangle et j’ai regretté que personne ne renvoie à Léonard Sèzeneau son rôle de prédateur que j’ai ressenti pendant tout le roman. Hélas ! seul le frère d’Hulda , Anders, a une vision assez juste de la personnalité de Léonard, il sent le piège qui se referme sur sa sœur, mais c’est aussi un personnage falot parasite incapable d’aider quelqu’un d’autre. Je comprends bien la volonté de Marie Sizun de retrouver un sens à cette histoire qui est en partie la sienne, mais il y a trop d’éléments qui lui manquent . Elle n’a pas voulu inventer et elle s’est en tenue au plus probable et au plus digne de chaque personnages. Je suis souvent restée sur ma faim trouvant en quelque sorte qu’il y avait bien des « blancs » dans cette histoire.

 

Citations

Le professeur français séduit sa jeune élève suédoise

Comme histoire, ici, se précipite !
Hulda a-t-elle osé, elle, la jeune fille sage, se glisser parfois dans l’appartement abandonné par la malheureuse anglaise ? De quelle façon les amants se sont-ils retrouvés , en quel lieu ? Personne n’a rien vu. Toujours est-il qu’au printemps 1868 le scandale éclate, soit qu’ils aient été surpris, soit que la petite ait parlé à sa mère : elle est enceinte. Un coup de tonnerre pour la famille du banquier. Sigrid Christiansson pleure beaucoup, son mari tonne, fulmine, se désole. Comment aurait-on pu prévoir une telle inconduite de la part d’une enfant si sérieuse, si pure ? Sa fille chérie, le trahir pareillement.

Noël en Suède

On prépare Noël. La maison n’a jamais été aussi lumineuse, aussi joyeuse, car on allume à plaisir lampes et bougies, on en met partout, jusque sur l’appui des fenêtres, et c’est beau dans la nuit toutes ces fenêtres éclairées. Les enfants, les bonnes sont tout excités à l’idée de la fête. Hulda elle-même se laisse gagner par cette gaieté. Avec Livia, elle parle de décoration de table, de sapin de Noël, de cadeaux. Comme tout semble harmonieux dans la musique des airs de Noël qu’elles jouent au piano à quatre mains, la gouvernante et elle, pour la grande joie des enfants !

Le drame

– Maman n’était pas malade, intervient Isidore. Elle était juste triste. D’être ici, dans cet affreux pays, comme nous, d’ailleurs, mais plus que nous. »

Surprise par la dureté de son regard, Livia regarde le petit garçon : « Je ne sais pas, Isidore. Et c’est vrai que la tristesse peut devenir une maladie… En tout cas, de bébé Alice n’y est pour rien, et elle a comme vous perdu sa mère. Elle a besoin de vous. »
 Et à travers les mots qu’elle s’entend prononcer, dont elle voit le reflet sur le visage des quatre petits, elle éprouve elle-même singulièrement la cohésion de ces enfants là, de cette fratrie, elle sent de façon presque douloureuse la force qu’ils représentent autour du bébé tous les cinq, dans la profondeur de leur unité. Alors qu’elle, la gouvernante, n’est et ne sera jamais qu’une étrangère.

 

Traduit de l’anglais par Ch.Romey et A. Rolet revue et préfacée par Isabelle Viéville Degeorges

Ainsi donc Keiha a éprouvé un grand plaisir de lecture avec ce court roman. Je n’avais jamais rien lu d’Anne Brontë ce qui n’est pas étonnant puisqu’elle n’a pas eu beaucoup de temps d’écrire avant de mourir de la tuberculose, comme trois de ses sœurs . Son frère a préféré mourir de la drogue et sa mère de cancer quand Anne avait 18 mois. Seule Charlotte survivra mais pas très longtemps. Quelle famille et quelle horreur que la tuberculose !

Ce roman autobiographie raconte le destin d’une jeune fille pauvre et éduquée. Elle a peu de choix même le mariage est compliqué car elle n’a pas de dot. Elle peut être institutrice ou gouvernante. Anne sera gouvernante et elle raconte très bien ce que représente cet étrange statut dans une riche famille anglaise du 19 siècle. Obligée de se faire respecter d’enfants qui méprisent les employés de leurs parents et qui, par jeu ou méchanceté, refusent d’apprendre. On sent que c’est une mission impossible et que les gouvernante ont bien peu de marge de manœuvre. Mais en lisant ce texte je me disais sans cesse qu’elle avait aussi bien peu d’idées pour intéresser ses élèves en dehors de les obliger à se fier à sa bonté et à son savoir. Elle semble fort regretter de ne pas pouvoir les frapper à sa guise. Du moins dans la première famille. Dans la deuxième, elle partage la vie d’une jeune beauté qui veut se marier mais qui auparavant exerce ses talents de séductrice sur tous les hommes du village dont le jeune vicaire qui a touché le cœur de la gouvernante. Je suis désolée Keisha mais cette romance sous l’autorité et la bénédiction de l’église est d’un ridicule achevé. La collection Arlequin fait dans le hard à côté de cette histoire d’amour. Sans l’analyse du rôle de la gouvernante dans la bonne société anglaise ce roman n’a aucun intérêt mais, il est vrai, que c’est bien le sujet principal du roman. Pour le style, on savoure l’imparfait du subjonctif et les tournures vieillottes. J’ai plus d’une fois été agacée par ce procédé de style dont elle abuse du genre :

Pour ne point abuser de la patience de mes lecteurs, je ne m’étendrais pas sûr mon départ. …. 
J’avais envie de lui dire, « et bien si, étends-toi ou alors n’en parle pas ! »

Citations

L’éducation britannique

Quelques bonnes tapes sur l’oreille, en de semblables occasions, eussent facilement arrangé les choses ; mais, comme il n’aurait pas manqué d’aller faire quelque histoire à sa mère, qui, avec la foi qu’elle avait dans sa véracité (véracité dont j’avais déjà pu juger la valeur), n’eût pas manquer d’y croire, je résolus de m’abstenir de le frapper, même dans le cas de légitime défense. Dans ses plus violents accès de fureur, ma seule ressource était de le jeter sur son dos et de lui tenir les pieds et les mains jusqu’à ce que sa frénésie fût calmée. À la difficulté de l’empêcher de faire ce qui ne devait pas faire, se joignait celle de le forcer de faire ce qu’il fallait. Il n’y arrivait souvent de se refuser positivement à étudier, à répéter ses leçons et même à regarder sur son livre. Là encore, une bonne verge de bouleau eût été d’un bon service ; mais mon pouvoir étant limité, il me fallait faire le meilleur usage possible du peu que j’avais.

Le statut de gouvernante

Je retournai pourtant avec courage à mon œuvre, tâche plus ardue que vous ne pouvez l’imaginer si jamais vous n’avez été chargé de la direction et de l’instruction de ces petits rebelle turbulent et malfaisants, qu’aucun effort ne peut attacher à leur devoir, pendant que vous êtes responsable de leur conduite envers des parents qui vous refusent toute autorité. Je ne connais pas de situation comparable à celle de la pauvre gouvernante qui, désireuse de réussir, voit tous ces efforts réduit à néant parce qu’ils sont au-dessus d’elle et injustement censuré par ceux qui sont au-dessus.

 

 

Traduit de l’anglais Etats-Unis par Aline AZOULAY

 

Un article sur le blog de Keisha m’a conduite à m’intéresser à cette auteure. J’attendrai que sa trilogie (Un siècle américain) soit traduite entièrement pour la lire, car je n’ai pas cette cette chance incroyable de pouvoir lire en anglais. (Heureusement les traducteurs, en l’occurrence pour ce roman une traductrice, font un excellent travail !). Je suis donc partie dans la vie de Margaret Mayfield de 1883 à 1942. Et n’en déplaise à certaines que je ne nommerai pas, le roman commence par la fin grâce à un prologue qui devrait plutôt se nommer « post-logue » nous sommes en 1942 pendant quelques pages. Nous sommes dans un lieu où des Japonais ont été regroupés aux Etats-Unis car ce pays est en guerre contre le Japon. Si leurs conditions de vie ont peu de choses à voir avec les camps japonais ou nazis, ce sont quand même des conditions de vie très rudes où l’humanité a peu de place. Ensuite nous suivons cette Margaret et surtout sont très curieux mari le capitaine Early. Voici un personnage fort intéressant et peu souvent l’objet de romans. Il s’agit d’un scientifique raté, les deux termes sont importants, il est vraiment scientifique et fait des recherches incroyables et parfois à la limite du génial, mais raté car ses convictions l’emportent sur la raison. Il passera une grande partie de sa vie à dénoncer les erreurs d’Einstein et essaiera de convaincre la communauté scientifique de son charlatanisme. Il se mettra à dos tous ses confrères scientifiques et fera le malheur autour de lui. Margaret sent que son mari ne tourne pas très rond, mais elle a peu de moyen de le contredire, une seule personne pourrait l’aider la mère du colonel Early, malheureusement celle-ci disparaîtra dans le séisme de San-Francisco

Après la mort de sa mère Andrew Early m’a plus aucun frein à sa mégalomanie. Evidemment il trouve sur sa route des disciples pour flatter son ego et la tristesse de la vie de son épouse est accablante, surtout que celle-ci n’a pas pu avoir d’enfant. Je ne suis pas surprise que Jane Smiley ait écrit une trilogie de l’histoire américaine car dans ce roman déjà , les personnages sont très ancrés dans l’histoire des Etats-Unis. C’est d’ailleurs un ressort important de ce roman. La personnalité de Margaret m’a laissée assez froide, je comprends mal sa passivité ou son peu d’intérêt pour son mari . Je trouve que cet entre deux est agaçant, elle ne mène pas sa propre vie le titre français le dit assez bien elle est « à part » .

 

Citations

Portrait d’un américain le grand père du personnage principal à la fin du 19 siècle prononcé par le prêtre à sa mort.

John Gentry fit son entrée dans l’état du Missouri assis à l’arrière d’un chariot. Enfant du Sud, il prouva son patriotisme à une nation élargie et gagna le respect des deux parties.
 — Certes, mais le fusil à la main, murmura Lavinia.
Il prit soin de ses esclaves et, après ça, de ses domestiques, de ses ouvriers agricoles, de ses mules, de ses arpents, de ses chevaux, de ses filles et de ses petites filles. Il continua à entretenir des rapports avec ses amis et ses relations des deux camps, ce que l’on ne saurait dire de beaucoup de Missouriens. Et ainsi, il prit soin de son âme. Aussi, nous comptons bien le retrouver là-haut, où il est certain qu’on lui a déjà attribué quelques charges.

Coïncidence

Je viens de regarder un documentaire à propos de Tesla cela correspond à l’idée que j’avais de lui .
-Que pensez-vous de Tesla ?
Nikola Tesla ! Enfin du véritable talent, quoique européen jusqu’à l’os. Vous l’avez rencontré ? Oui.
Un homme étrange, reprit Andrew. Bavard. Il vous interrompt sans cesse pour développer ses idées. Il ne vous écoute pas, en fait, même si vous comprenez parfaitement ces idées et que vous en avez une meilleure à lui exposer.

Le mariage

Personne ne lui avait jamais dit ce qu’elle avait appris au fil des années, que le mariage était usant et terrifiant.

 

Le choix d’une épouse et le sort des femmes.

C’était lors de ce printemps-là qu’il lui avait fait sa demande, finissant par se conformer au choix de sa mère d’épouser une vieille fille du coin, inoffensive mais utile, qui pourrait prendre soin de lui. Margaret réfléchit un instant. Elle était certaine que Lavigna avait été au courant, et que les deux mères avaient communiqué à son insu. Avait-elle perçu que Margaret n’était pas dépourvu de cette fierté missourienne que possédait Andrew ? N’avait-elle alors songé qu’à la précipiter dans ce piège ? Sans doute. Lavinia n’avait jamais envisagé que les aspects pratiques du mariage. L’amour est toujours le premier acte d’une tragédie, disait-elle. Lavinia l’avait envoyée porter des châles et des plats à des dames solitaires et dépendantes pour lui montrer ce qu’était la vie d’une vieille fille : jeune, vous deviez rendre service à tout le monde, et une fois vieille, vous attendiez patiemment qu’on vous vienne en aide.

Phrases finales d’une femme qui est passée à côté de sa vie.

Je me rends compte que je m’en souviens à présent que j’ose y penser . Il y a tellement de choses que j’aurais dû oser.

 

 

traduit de l’américain par Françoise Adelstain

Lu dans le cadre de :

La photo dit bien combien j’aime lire les romans d’Irvin Yalom et encore je n’ai pas retrouvé « Et Nietzsche a pleuré » qui est sans doute mon préféré. Je l’ai sans doute prêté à quelqu’un qui l’aime tant qu’il a oublié de me le rendre (ce n’est très grave mes livres sont de grands voyageurs). Alors, quand Babelio a proposé la lecture de l’autobiographie de cet auteur, je n’ai pas hésité. Et ? Je suis déçue ! l’auteur est beaucoup plus intéressant dans ses romans que lorsqu’il se raconte. Ce n’est pas si étonnant quand on y réfléchit bien : Irvin Yalom est non seulement un bon écrivain mais aussi un grand spécialiste de l’âme humaine et un psychothérapeute encore en exercice (à 85 ans !). Alors l’âme humaine, il connaît bien et la sienne en particulier, donc aucune surprise ni de grandes émotions dans cette autobiographie, il maîtrise très (trop !) bien son sujet. On a l’impression qu’il dresse entre lui et son lecteur une vitre derrière laquelle il se protège. Un peu comme ses étudiants qui regardaient ses séances de psychothérapie derrière une glace sans tain. On voit tout, mais on apprend du meneur du groupe que ce qu’il veut bien montrer de lui. Oui, il se raconte dans ce livre et pourtant on a l’impression de ne pas le connaître mieux qu’à travers ses romans. Le dernier chapitre est, peut être plus émouvant celui qu’il a nommé « l’apprenti vieillard » . Je dois dire que je me suis aussi ennuyée ferme en lisant toutes les différentes approches de la psychologie clinique. Cela plaira sans doute aux praticiens tout ce rappel historique des différents tendances des thérapies de groupes. Une dernière critique : cet auteur qui se complaît à raconter ses succès littéraires c’est vraiment étrange et assez enfantin. En résumé, j’ai envie de donner ce curieux conseil :  » Si vous aimez cet auteur ne lisez pas sa biographie, vous serez déçu par l’homme qui se cache derrière les romans que vous avez appréciés ».

Citations

Quand Irving Yalom s’auto-analyse

Avant ma rébellion de la bar-mitsvah, j’avais commencé à trouver ridicule les lois qui prescrivent de manger ceci ou cela. C’est une plaisanterie, et surtout elles m’empêchent d’être américains. Quand j’assiste à un match de base-ball avec mes copains, je n’peux pas manger un hot-dog. Même des sandwichs salades ou au fromage grillé, j’y ai pas droit, parce que mon père explique que le couteau qui sert à les découper a peut-être servi à couper un sandwich au jambon. Je proteste : »Je demanderai qu’on n’les coupe pas ! »  » Non, pense à l’assiette, dans laquelle il y a peut-être eu du jambon, répondent mon père ou ma mère. C’est pas « traif » pas « kasher ». Vous imaginez, entendre ça, docteur Yalom, quand on a treize ans ? C’est dingue ! Il y a tout l’univers, des milliards d’étoiles qui meurent et qui naissent, des catastrophes naturelles chaque minute sur terre, et mes parents qui clament que Dieu n’a rien de mieux à faire que de vérifier qu’il n’y a pas une molécule de jambon sur un couteau de snack ?

 

Un récit qui manque d’empathie

Nous avions trouvé une maison en plein centre d’Oxford, mais peu avant notre arrivée, un avion de ligne britannique s’est écrasé, tuant tous les passagers, y compris le père de la famille qui nous louait la maison. À la dernière minute, il nous a donc fallu remuer ciel et terre pour dégoter un autre logis. Faute de succès dans Oxford même, nous avons loué un charmant vieux cottage au toit de chaume à une trentaine de minutes de là, dans le petit village de Black Burton, avec un seul et unique pub !

Raconter ses succès c’est impudique et inintéressant

Le lendemain, j’ai eu une autre séance de signature dans une librairie du centre d’Athènes, Hestia Books. De toutes les séances de ce genre auxquelles j’ai participé dans ma carrière, celle-ci fut la crème de la crème. La queue devant le magasin s’allongeait sur huit cent mètres, perturbant considérablement la circulation. Les gens venaient acheter un nouveau livre et apportaient les anciens afin de les faire dédicacer, ce qui constituait une épreuve, car je ne savais pas comment écrire ces prénoms inconnus, Docia, Icanthe, Nereida, Tatiana… On demanda alors aux acheteurs d’écrire leur nom en capital sur des petits bouts de papier jaune qu’ils me tendaient avec le livre. Nombreux étaient ceux qui prenaient des photos, ralentissant ainsi la progression de la queue, on dû les prier de ne plus en prendre. Au bout d’une heure, on leur dit que je ne pourrai signer, outre celui qu’il achetait, un maximum de quatre titres par personne, puis on descendit à trois, à deux pour finir a un. Même ainsi la séance a duré quatre heures , j’ai signé plus de huit cents livres neufs et d’innombrables anciens.

Je retrouve le thérapeute que j’apprécie

Ce livre, je l’ai conçu comme une opposition à la pratique cognitivo-comportementale, rapide, obéissant à des protocoles, obéissant à des pressions d’ordre économique, et un moyen de combattre la confiance excessive des psychiatres en l’efficacité des médicaments. Ce combat se poursuit encore maintenant, malgré les preuves indéniables fournies par la recherche de la réussite d’une psychothérapie repose sur la qualité de la relation entre le patient et son thérapeute, son intensité, sa chaleur, sa sincérité. J’espère aider à la préservation d’une conception humaine et plein d’humanité des souffrances psychologiques.

La vieillesse

Enfant, j’ai toujours été le plus jeune – de ma classe, de l’équipe de Baseball, de l’équipe de tennis, de ma chambrée en camp de vacances. Aujourd’hui, où que j’aille, je suis le plus vieux, – à une conférence, au restaurant, à une lecture de livre, au cinéma, un match de Baseball. Récemment, j’ai pris la parole à un congrès de deux jours sur la formation médicale continue des psychiatres, patronné par le Département de psychiatrie de Stanford. En regardant l’auditoire de collègues venus de tout le pays, je n’ai vu que quelques types à cheveux gris, aucun à cheveux blancs. Je n’étais pas seulement le plus âgé, j’étais de loin le plus vieux.

 

Traduit de l’espagnol Vanessa Capieu

J’ai tellement aimé « une mère » que je n’ai pas hésité à lire ce roman, j’aurais dû me méfier, j’ai beaucoup de mal à comprendre l’amour absolu des maîtres pour les chiens. Je comprends très bien que l’on aime bien son animal de compagnie et qu’on le traite bien, mais j’aime qu’il reste un animal et non pas le substitut d’une personne. Ici, c’est le cas, le chien devient le remplaçant de l’être aimé et aussi bien pour la mère que pour toute la famille le deuil d’un chien semble équivalent à la mort d’un être humain. On retrouve dans ce récit le charme d’ « Une mère » et certains passages sont drôles. Mais l’effet de surprise n’existe plus on sait qu’Amalia ne perd la tête qu’en apparence et qu’elle veut surtout que ses trois enfants connaissent une vie plus heureuse que la sienne. Ce qui n’est pas très difficile. Ses efforts pour trouver un nouveau compagnon à son fils sont souvent aussi drôles qu’inefficaces. Elle s’est mise en tête que cet homme doit être Australien, blond, vétérinaire et gay évidemment ! pas si simple à trouver mais cela ne l’empêche pas de chercher et de poser des questions étonnantes à tous les Australiens (ils sont heureusement peu nombreux !) êtes vous Vétérinaire ? êtes vous homosexuels?et inversement aux homosexuels ; êtes vous vétérinaire …

Bref un roman assez drôle mais qui reprend trop les effets du premier roman, je me suis donc beaucoup moins amusée.

Citations

Mort d’un chien

Cette impossibilité à définir, ce trou noir d’émotion, fait de sa mort des limbes étranges dont il est difficile de partager l’intensité, parce que pleurer un chien, c’est pleurer ce que nous lui donnons de nous, et qu’avec lui s’en va la vie que nous n’avons donnée à personne, les moments que personne n’a vu. Lorsque s’en va le gardien des secrets, s’en vont également avec lui les secrets, le coffre, le puzzle rangé dedans et aussi la clé, et notre vie en reste tronquée.

 

 Un éclat de rire

(Pour le comprendre vous devez savoir qu’Amalia qui perd un peu la tête essaie de cacher à sa fille -très écolo- qu’elle est encore tombée assez rudement par terre sans les protections que celle-ci lui a fait acheter. La serveuse Raluca d’origine chinoise avait donc donné à Amalia des torchons remplis de glaçons parce que ses genoux sont couverts de bleus)

« Alors tu veux pas torchon ? »
 Nouveau sourire de maman. Sylvia pousse un feulement et Emma un haussement d’épaules.
« Non, ma fille, répond maman. J’en ai plein chez moi, je te remercie. Maintenant que je sais que tu en vends, à si bon prix, en plus, je te les prendrais à toi quand j’en aurai besoin. C’est promis. Je n’irai plus les acheter au marché. »
 Et comme Raluca reste plantée là sans rien comprendre, le plateau en l’air, manifestement prête à demander des précisions que maman n’est pas le moins du monde disposée à donner, et que Sylvia ouvre de nouveau la bouche, elle ajoute :
« Et si tu as des culottes, mais des organique, hein dis-le moi surtout. Tu sais, précise-t-elle avec un clin d’œil entendu, de celles qui font le ventre plat. »
Silva et Raluca se regardent et Emma, qui bien sûr est tout autant perdue que Sylvia, baisse la tête et se passe le main sur le front.

Traduit du slovène par Andrée Lück-Gaye.

Repéré chez Blogart , je pensais vraiment tomber sous le charme de ce roman, mais ma lecture fut beaucoup plus laborieuse que la sienne. La construction du roman est originale : l’auteur scrute cette photo prise pendant la deuxième guerre mondiale et anime ces personnages statiques en leur donnant une personnalité enrichie de ses connaissances historiques.

 

Ce départ est vraiment très intéressant  : vous voyez ces deux jeune filles, l’une d’elles regarde des hommes en uniforme allemand. Tout le drame de la Slovénie est dans ce regard. Voici donc la jeune Slovène, Sonja, qui sait que son amour, Valentin, est dans les geôles de la Gestapo qui est dirigée par un Slovène, Ludek, fervent militant de l’idéal Nazi. Il est plus allemand que n’importe quel soldat de la Wehrmacht. Pour cela, il oublie son identité slovène et veut se faire appeler Ludwig. Contre les faveurs de la jeune fille, il acceptera de libérer son amoureux que nous suivrons dans les maquis de la résistance yougoslave. Aux horreurs nazies s’opposent les horreurs des maquisards, la population est broyée par des brutes sanguinaires qui se méfient de tout le monde. Que reste-t’il de l’âme d’un peuple lorsque de telles logiques totalitaires se mettent en place ? Pas grand chose, des bribes de poésies qui hantent encore les mémoires et parfois des personnages qui gardent leur humanité, mais ils sont si seuls. C’est un roman désespérant et difficile à lire car on change souvent de point de vue, les mêmes faits se répètent racontés par des personnages différents. Et puis parfois, les faits décrits sont tout simplement insoutenables, comme les assassinats par les communistes de pauvres gens qui n’ont que le tort d’être là au mauvais moments, comme les tortures dans les geôles nazies. Personne n’est à l’abri, surtout quand on commence à penser que les espions peuvent être partout. Ce roman montre, une fois de plus que lorsque l’horreur s’abat sur un pays personne n’en sort indemne contrairement aux versions officielles construites par les vainqueurs.

Citations

Traitement des prisonniers par les SS

Il s’agit de creuser des tombes pour les fusillés

Là il y a des hommes condamnés définitivement qui purgent une peine de prison ça pourrait se faire. Et les prisonniers de guerre du camp de Melje. Les Anglais ? demanda quelqu’un à travers un nuage de fumée. Ça n’ira pas. Ça ne peut absolument pas être des Anglais, d’après la convention de Genève, les prisonniers de guerre anglais ne peuvent pas faire ce travail. Mais on a des Russes, eux, on peut les utiliser.

Un pays en guerre

Mais même si c’était la guerre et si les informations toujours plus mauvaises, parfois même terrifiantes se bousculaient, les gens vivaient leur vie de tous les jours. Dès que les sirènes s’arrêtaient de hurler et des bombes de tomber, ils allaient au théâtre et au cinéma ou avant chaque film on passait une revue hebdomadaire, Wochenshau, où des militaires en tanks que déboulaient toujours plus superbement dans les plaines polonaises et défendaient la frontière occidentale de l’invasion des Barbares, d’autres allaient aux expositions à Paris et mangeaient des croissants dans les café en compagnie de femmes, d’autres encore faisaient tourner les roues des canons et leurs obus déchiraient le ciel nocturne au-dessus de l’Allemagne et battaient les avions qui apportaient la mort avec leurs bombes. C’était la guerre, en ville, la vie continuait, on obtenait de la nourriture avec des cartes de rationnement, les trafiquants du marché noir gagnaient de l’argent grâce à la viande qu’ils rapportaient des fermes environnantes, les bureaux travaillaient impeccablement, les travailleurs continuaient à sortir de l’usine. On ne savait pas on ne voulait pas savoir ce qui se passait dans les bureaux où aller travailler Ludwig Mischkolnig et Hans Hochbauer ni dans les caves où Johann retroussait ses manches.

L’amour et la guerre

L’amour triomphe de la distance, l’amour triomphe de tout. Sauf de la guerre. La guerre triomphe de tout, même de ceux qui se battent. Et de ceux qui attendent que ça passe.

Le militant le courage en temps de guerre.

Avec une mitrailleuse, au-dessus de Vitanje, il avait tenu la position tout un après-midi dans la neige de sorte qu’on avait pu se replier. Un combattant, un fou. Peut-être qu’il n’aurait pas dû devenir chef du renseignement. Un communiste. Un idéaliste. Mais entre l’idéalisme et le sadisme, la voie est parfois étroite, estimait Vasja, le sadique est celui qui sait quel démon il a en lui.

 

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sylvie Schneiter. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Un roman qui est construit comme une suite de fragments de vie, autour des souvenirs de Jacqueline Woodson, écrivaine spécialiste de littérature pour la jeunesse. Dans ce livre, c’est sa propre jeunesse qui l’occupe et elle se souvient, d’abord de la mort de sa mère qu’elle a essayé de toutes ses forces d’oublier. C’était avant Brooklyn, quand la famille vivait dans une ferme du Tennesse : »SweetGrove ». Moments de bonheurs bouleversés par la mort. Celle de Clyde le frère de sa mère mort au combat au Vietnam. Puis celle de sa mère qui ne surmontera jamais ce deuil, alors le père entraîne ses deux enfants à Brooklin, « où est maman ? » demande le petit frère d’August (prénom féminin, celui de la narratrice), « elle vient demain ou après demain ou encore après » répond inlassablement August qui est surtout attirée par les trois filles qui semblent posséder les clés pour vivre heureuse à Brooklin.

L’auteure sait si bien nous les décrire ces quatre filles qui parcourent les rues de la grande ville en se tenant par les épaules et en se défendant quand elles le peuvent de tout le mal que peuvent faire les habitants d’un quartier voué à la misère que nous la voyons cette bande : Sylvia Angela Gigi et August, on entend leurs rires et leurs peurs. Leurs vies peuvent devenir très vite tragiques et la réussite ne tient qu’à leur courage et à leur détermination. Le père est un personnage attachant, qui se soucie de l’éducation, on peut imaginer son bonheur d’avoir réussi à élever ses deux enfants dans un quartier où les dangers les guettaient à tous les coins de rue. Malgré tous les événements qui forment comme le décor de la vie de cette petite fille : les émeutes qui font fuir les rares blancs de son quartier, les pillages des quartiers chics et la drogue déjà bien implantée à Brooklyn, ce n’est pas, finalement, le tragique qui l’emporte mais l’optimisme et la fraîcheur de l’enfance qui arrive à devenir adulte sans trop se perdre.

Citations

Être noire : discours d’une mère à sa fille

Sa mère lui dit qu’elle avait les yeux de son arrière-grand-mère. « Elle est venue au monde en Caroline du Sud, par un papa chinois et une maman mulâtre. » Gigi regarde à ses yeux, légèrement bridés, marron foncé. « Les cheveux aussi, enchaîna sa mère, soulevant les tresses de Gigi. Lourds et épais comme les siens. »
 » Ta seule malédiction, c’est ta peau sombre. Je te l’ai transmise, conclut sa mère. Tu dois inventer un moyen de dépasser ta couleur. Inventer ta voie pour y échapper. Reste à l’ombre. Ne la laisse pas devenir plus foncée. Ne bois pas de café. »
 

Mot d’enfant

Une fois, j’étais petite, ma mère m’avait demandé ce que je voulais être quand je serai grande. « Une adulte » avais-je rétorqué. Mon père et elle avaient éclaté de rire.

La vraie misère

Un homme qui avait grandi dans notre quartier marchait dans les rues en uniforme de l’armée. Manchot. Il avait appris à tenir une seringue entre ses dents et à s’injecter avec sa langue, de la cam dans les veines au niveau de l’aisselle.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

J’ai choisi de lire ce livre car l’image des femmes tondues à la libération, est quelque chose qui m’a toujours profondément révoltée. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas réagir contre des femmes qui avaient profité de la guerre pour s’enrichir grâce à des soldats allemands, mais alors qu’elle soient jugées et non livrées à la vindicte publique, c’est bien en tant que femmes qu’elles sont ainsi humiliées et non pour des faits de collaboration. J’ai déjà lu un roman de cette auteure (et toujours dans le cadre du club) « les oubliés de la lande » et je retrouve dans celui-ci un aspect qui ne me touche pas, un mélange du merveilleux de l’ancien monde celtique avec la cruauté du monde moderne. Cependant, j’ai apprécié que finalement, au moins dans un roman, toutes les femmes tondues se trouvent venger. Maria Salaün avait une superbe chevelure rousse et à l’époque c’était toujours mal vu et apparenté au diable, les choses ont bien changé , encore que … si on en croit Pascal Sacleux ce n’est toujours pas si facile d’être roux en Bretagne.

Voici les cheveux de Charlotte, ils me donnent le sourire à chaque fois que je les vois. Et je ne suis pas la seule …

Citations

Préjugés contre les rousses

La couleur du diable. Celle du feu et de tous les roussis de l’enfer.

 Superstitieuse, Marguerite refusa de toucher aux cheveux de l’enfant.
 Son père s’occuperait de la toilette de la fillette tandis que la vieille serait chargée de la nourrir, de la promener et de la divertir par quelques histoires de son cru.
Passant le seuil de la porte, il n’était pas rare de la voir s’immobiliser, demeurer comme interdite et cesser là tout ouvrage, oublier même celui qu’elle s’apprêtait à conduire. Aussi pouvait-elle entrer d’un pied ferme dans la chambre où l’enfant gazouillait et resté planté là, l’instant d’après, sans oser faire un pas de plus. C’était cette histoire de cheveux qui la paralysait. Rien à faire, elle ne s’y habitait pas. Elle prétendait voir une couronne de flammes ceindre la tête de la gamine. Quand ce n’était pas des grappes de vipère qui s’agitait en tous sens.
 Malheur, quel malheur ! Clamait la vieille à tout bout de champ impossible de savoir si elle parlait toujours des cheveux de l’enfant, de sa naissance qui avait tué sa fille, de la vie qui l’avait fait veuve trop tôt, ou de l’avenir de la petite.

 

 

traduit de l’anglais par Franchita Gonzalez Batlle

 

Après avoir lu les nouvelles « la cité de la poussière rouge » je voulais connaître cet auteur pour les romans qui l’avaient rendu célèbre : les romans policiers. Malgré mon peu d’appétence pour le genre, j’ai été intéressée par cette enquête qui se déroule à Shanghai en 1990. Une jeune femme est découverte assassinée, jetée à la rivière dans une bâche plastique et l’inspecteur Chen et son adjoint Yu vont chercher à savoir ce qui s’est passé alors que visiblement autour d’eux personne n’a trop envie de savoir. Quand, en plus, l’enquête touche aux hautes sphères du Parti Communiste alors, non seulement le silence des uns et des autres devient pesant, mais de plus très menaçant. La fin est horrible et tellement dans ce qu’on connaît de la Chine : reconnue coupable, la personne est exécutée le lendemain de son procès laissant bien peu de place aux doutes et à l’éclaircissement total des affaires. Beaucoup plus que l’enquête policière, ce qui m’a plu, c’est le monde chinois en mutation. Les amateurs de polars aimeront sans doute plus que moi cette enquête, mais tous ceux et toutes celles qui ont lu « la cité de la poussière rouge » aimeront trouver sous la plume de cet excellent écrivain la société de Shanghai en route pour une forme de gouvernance originale et impitoyable : »le capitalisme communiste »dont la devise pourrait être : tout est permis sur le plan économique mais ne touchez pas au PARTI ni à ses dirigeants.

 

Citations

Formatage politique

C’est absurde, se dit-il, que la politique puisse modeler une vie de cette façon. Si Guan avait épousé Lai, elle n’aurait pas connu un tel succès dans la vie politique. Elle n’aurait pas été travailleuse modèle mais une épouse ordinaire qui tricote un pull pour son mari, transporte une bouteille de propane sur le porte-bagage de son vélo, essaie de payer trois sous de moins quand elle fait son marché, râle comme un disque rayé et joue avec un bel enfant assis sur ses genoux – mais elle aurait été vivante.

 

Où on retrouve l’auteur de » la Cité de la poussière poussière rouge »

Il habitait une vieille maison Shikumen à un étage- un style répandu au début des années trente, où une maison comme celle-là était construite pour une famille. Soixante ans plus tard, elle en abritait plus d’une douzaine, toutes les pièces avaient été divisées pour loger de plus en plus de monde. Seule la porte d’entrée peinte en noir était restée la même, elle ouvrait sur une petite cour jonchée d’objets divers, une sorte d’entrepôt de ferraille, d’où l’on entrait dans un vestibule haut de plafond et flanqué de deux ailes. Le vestibule autrefois vaste était transformé en cuisine et réserve collective. Des rangées de réchauds à charbon avec leurs piles de briquettes indiquaient que sept familles vivaient au rez-de-chaussée.

 

Traduit de l’italien par Elise GRUAU. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Roman qui se lit agréablement mais je pense que je l’oublierai assez vite. Il raconte cependant un point de vue intéressant, une jeune femme, fille d’un artiste reconnu et célèbre, part avec celui qui n’a pas su être un père dans un voyage à travers l’Italie alpine . On sent tout de suite que c’est leur dernière chance de se comprendre : tant de choses les ont séparés. Elle est la fille d’un couple qui n’a pas su s’aimer et d’un père célèbre trop souvent absent. Elle est la femme d’un mari qui ne la fait plus rêver et la mère d’une petite fille qu’elle aime de toutes ses forces. Il faudra du temps pour que ce père mutique et fuyant arrive à lui faire comprendre qui il est : au-delà de l’artiste célèbre et consacré se cache un enfant blessé et un homme meurtri. Acceptera-t-elle de quitter sa position de victime (qu’elle est) pour lui tendre la main ? Ce qui est certain c’est qu’elle ne sortira pas indemne de ce voyage vers une Italie des origines où se mêlent aux drames d’une enfance tragique des forces mystérieuses et magiques.

Pour que cette histoire soit plausible, c’est à dire pour comprendre pourquoi le père et la fille se connaissent si peu, il faut que les secrets qui les séparent soient à la fois énormes et crédibles. Sinon ils se résument en une phrase trop banale et quelque peu sordide. Son père a épousé sa mère par intérêt mais était amoureux d’une autre femme. Je ne trahis en rien le roman car tout le travail de l’écrivain c’est d’habiller cette triste réalité par des sentiments très forts, des pouvoirs magiques venant de femmes puissantes, des mystères de la création artistique. Malgré cela, je ne peux pas dire que j’ai été très convaincue par ce roman qui m’a semblé tellement » italien », dans la description du sentiment amoureux.

Citations

Personnalité masculine

Et puis que veux-tu que je te dises Viola ? Que je suis un ingrat ?
Il avait tout à coup pris ce visage que je détestais, celui qui disait : « Saute moi dessus si tu penses que cela peut te faire du bien, ou pardonne-moi. Mais ensuite, oublie et mets un point final. Tu n’arriveras pas à me faire changer, de même que personne n’a jamais réussi à le faire. »

L’artiste et les femmes

Oliviero place dans toutes ses sculptures quelque chose qui m’appartient et qu’il me dérobe en permanence, continua-t-elle, en s’efforçant de masquer ces mots avec la stupeur d’une flatterie. Il finira par m’avoir tout prix, ajouta-t-elle en souriant.
 Ma mère ne perdit pas de temps, et à la première occasion elle raconta à mon père ce qui lui avait été confié. Et si Oliviero pouvait supporter la jalousie de Pauline, il était en revanche trop jaloux de son art pour accepter qu’elle s’en serve pour se vanter face à une inconnue.
– Comment as-tu pu dire à cette femme une chose pareille, tellement à nous ?
– Tu as fait bien pire : pour elle, tu détruis la seule chose qui soit vraiment à nous. L’amour.