Éditions seuil, 363 pages, janvier 2013

Extraits
Début.
Ce grand miroir s’abaisse, telle une fenêtre à guillotine. La femme qui vient d’actionner le levier sourit : chaque fois, un petit frisson. Et si le cadre heurtait le parquet et que le verre éclatait ? Mais le contact est feutré- le monde est coupé en deux. De ce côté-ci , un salon blanc et or . De l’autre, dissimulés par le miroir, une alcôve, une bougie, un homme nu qui halète.
Portrait de Pierre III.
» Un crétin que Catherine épouse faute de mieux et dont elle se débarrasse à la première occasion. D’accord, il adorait ses petits soldats, mettaient ses chiens dans le lit conjugal, se soulait avec ses valets à qui il apprenait à marteler le pas à la prussienne. Quoi encore ? Ah oui ! Il ne pouvait pas copuler à cause de son prépuce ! Tu vas à nous pondre maintenant un traité de circoncision, c’est ça ? «Oleg se souvient d’avoir tenté une justification inutile : Pierre III n’était pas du tout l’idiot dont parle les historiens. Plutôt un inadapté un faible un songe-creux et tout le monde punit toujours la faiblesse des rêveurs.
Résumé du règne de Catherine.
Le favoritisme comme institution, le sexe comme forme de gouvernement, l’orgasme comme facteur de vie politique. Oui, cette alcôve qui permet à Catherine de conduire la marche de l’état sans interrompre ses ébats amoureux.Un raccourci rapide, mais historiquement vrai.
J’aime bien ce passage.
Nous sommes bien plus ramifiés que ce petit moi auquel nous nous agrippons. Le moi des comédiens moins adhésif, a la capacité de migrer d’un personnage à l’autre. C’est pour cela que les artistes sont si égocentriques. Ils doutent de leur propre identité.
Les nouveaux riches époque Eltsine. Cela rappelle les hôtels de quelqu’un, non ?
Oleg découvre que la nouvelle fortune de son ami est fondée sur nombre d’activités très diverses, allant de la vente de l’acier cémenté jusqu’à la pèche des anguilles dans les marais salants de la Caspienne. L’une des entreprises de Jourbine produit des sèche-cheveux, une autre des réfrigérateurs, une autre encore des meubles et de la literie. La dispersion n’est qu’apparente car les anguilles sont livrées au restaurant de Jourbine, et sèche-cheveux vrombissent dans les chambres de ses hôtels tout comme les frigidaires. Bref les Chinois qui viennent acheter son acier dorment dans ses lits, mangent ses anguilles dans ses restaurants, sortent des canettes de bière de ses frigos.
Reprise du pouvoir par les vrais oligarques proches du Kremlin.
En fait c’est encore plus bête. Les cons de mon espèce ont mordu à l’hameçon. Allez, futurs capitalistes, sortez vos économies, investissez, vendez, revendez, travailler jour et nuit, enrichissez-vous et avec le pognon gagné, bâtissez vos holdings, d’anguilles salées, de palaces étoilés t d’alcool trafiqué. Des crétins comme moi y ont cru. On a bossé pire que les bagnards ! Demande moi de me rappeler une seule journée où j’aurais eu une heure à moi – zéro ! Si je me rappelle les jours où je recevais des des oursons éventrés. C’est tout … On a amassé des fortunes, on se prenait pour des chasseurs de milliards ! Sauf que nous n’étions pas des chasseurs, nous étions des chiens qui traquaient la bête. Les chasseurs viennent maintenant, nous arrachent la proie et nous foutent dehors d’un coup de pied au cul. Car ils ont le pouvoir ! Ils sont au Kremlin, au Parlement, dans les ministères. Nous avons fait le sale boulot, eux ils boufferont la bête. Et si je commence à protester, une équipe de contrôleur vient, armée comme un commando d’assaut… Dans les ordinateurs qu’ils ont emporté le procureur trouvera de quoi m’offrir un long séjour derrière le cercle polaire … Lui aussi fait partie des chasseurs et la bête abattue c’est tout le pays !