Édition Gallimard NRF . Traduit du Russe par Christine Zeytounian-Beloüs. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

La seule chose qui leur permet de nous contrôler, c’est notre peur.
Encore un roman sur la déliquescence du régime russe avec à sa tête l’homme le plus corrompu du pays et peut être du monde qui tient tous ses compatriotes par la peur, car il a tout appris de son ancien service : le KGB.
Mais … l’intrigue est trop compliquée et je me suis un peu perdue. Et puis, il n’y a vraiment rien de nouveau dans ce roman, la seule question que l’on se pose , mais pourquoi les Russes supportent-ils un régime aussi corrompu et qui les maltraitent autant.
Le récit commence par un incident qui se passe sous le régime soviétique : Vladimir a vendu des pneus au marché noir. Ce jour là, pour son malheur, il signera un papier comme quoi il acceptera de travailler pour le KGB. Le même Vladimir pense qu’à la suite du renversement du régime soviétique, ses ennuis sont derrière lui. Comme tous les Russes malins, il se fait beaucoup d’argent dans des compagnies de vente et revente. Un jour, il est envoyé aux USA, il y a un enfant avec la femme qu’il aime. Et puis brutalement, il est rappelé à Moscou et là, on lui ressort le papier qu’il avait signé dans sa jeunesse.
18 ans plus tard, cet homme fera tout pour sauver son fils du terrible piège qui s’abat sur eux. Mikhaïl Chevelev garde le suspens de son récit jusqu’à la dernière page. Ce n’est pas, évidemment, ce qui m’a intéressée (puisque c’est par cette page que j’avais commencé ma lecture) mais en revanche tout ce qui tourne autour de l’économie Russe et la complicité hypocrite des puissances occidentales, c’est à la fois terrible et hélas tellement vrai. L’occident a accepté les milliards des oligarques corrompus sans se poser de questions sur ce que cela voulait dire pour l’appauvrissement de la population russe, ni surtout, du pouvoir que l’on donnait ainsi à un régime qui, aujourd’hui, nous fait la guerre.
Un roman qui plaira aux amateurs de thrillers et qui, encore une fois, désolera ceux qui pensent que la Russie mériterait mieux que toute cette corruption et la violence qui va avec !

Citations

Le KGB.

 Bien des années ont passé, oui bien des années avant que je ne comprenne une vérité toute simple. Ils ne savent rien sur nous. Rien du tout. À part ce que nous leur racontons. Sur nous-mêmes et sur les autres. Et toutes ces légendes sur leurs yeux qu’ils sont partout et leur omniscience diabolique ne sont que du bluff, un mythe, un appeau à moutons. La seule chose qui leur permet de nous contrôler, c’est notre peur.

Blanchir l’argent .

 On m’a chargé de fonder deux entreprises, l’une à Moscou l’autre à New York. Leur but était de faire sortir l’argent de Russie et des autres ex républiques soviétiques, de le légaliser et de le placer. En Occident, principalement aux États-Unis et en Grande Bretagne, il se transformait en biens immobiliers, en yachts, en avions, en actions.
Ça a continué pendant plus d’une décennie. Durant ce laps de temps nous avons blanchi, pour appeler les choses par leur nom et selon mes calculs, près de six milliards de dollars. Nous n’étions pas la seule et certainement pas la plus grosse organisation chargée de cette activité. 

La vie en Russie.

 Il nous semble seulement à nous citoyens de Russie, que nous vivons tous dans des mondes différents. Dans l’un les oligarques, les ministres, et leurs députés avec leurs villas sur la chaussée Roublev, leurs Ferrari, leurs Lamborghini, leurs jets privés, leurs yachts à Saint-Tropez et leurs hôtels particuliers à Londres. Et dans l’autre les gens ordinaires : ouvriers, ingénieurs, enseignants, médecins ou autres, dont le souci principal est de tenir le coup jusqu’au prochain salaire mensuel. (…)
 Le véritable malheur de l’économie russe, c’est qu’elle repose sur la corruption. Détournements de fonds, et dessous de table, fausses factures et blanchiment : voilà sa vraie nature ses principaux mécanismes et, peut-on dire, son but essentiel.


Édition Equinox (les arènes) 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Un roman thriller politique, écrit par un journaliste qui connaît parfaitement les dessous de la vie politique des années 90/2000 de l’ex-URSS et de l’Ukraine. Le style journalistique de l’auteur rend ce roman très facile à lire, les chapitres sont courts et contiennent chacun une information qui constituent une pièce de puzzle qui amènera la chute de la « chienne », et le recul des « loups » pour un temps de l’Ukraine. Ils rodent en meute encore chez le grand frère Russe avec à leur tête le chef du clan Poutine . Et l’on sait aujourd’hui que cette meute n’acceptera pas de se contenter de dominer le territoire russe qu’il lui faudra aussi revenir en force en Ukraine. C’est pourquoi je l’associe à la guerre alors qu’il se situe deux ans avant l’invasion de 2014.

Le roman se situe donc, en 2012, il met en scène une femme qui va devenir présidente de l’Ukraine, elle s’est taillé un empire grâce à une énergie et une absence totale de scrupules. Nous sommes dans les 30 jours qui précèdent son investiture, elle est menacée par un accord qu’elle avait conclu au début de sa montée en puissance avec les Russes. Ceux-ci la tiennent et veulent donc qu’elle se soumette. Le piège est admirable et le suspens est si bien mené que je ne peux pas en dire plus.

En revanche ce que je peux dire et cela vous le savez : l’Ukraine n’acceptera plus les manoeuvres des politiciens corrompus et cela deviendra insupportable pour les Russes qui comme le décrit si bien Iegor Gran dans « Z comme zombie » n’ont aucune illusion sur leurs dirigeants mais s’en accomodent très bien.

Une lecture facile et prenante, une pierre de plus dans ma compréhension de ce que les Ukrainiens vivent aujourd’hui et les raisons pour lesquelles nous devons être solidaires de leur combat.

 

Citations

Efficacité du style.

 La fille est suivi par quatre serveurs en costume blanc étincelant. Son travail à elle est de rouler du cul dans un pantalon de cuir, le leur est de ressembler à des matelot de « La croisière s’amuse ». Elle sans doute mieux payée qu’eux, d’ailleurs. Quelques centaines de dollars. C’est donc que les choses sont en ordre, à leur place. L’argent est le meilleur étalon, le plus incontestable des ordonnateurs. Pas un des convives ne songerait à remettre en question cette simple vérité

Vision de Vienne.

 Les Russes ne sont pas les seuls à avoir colonisé Vienne. Toutes les langues de l’ex- URSS s’y font entendre. Les mercenaires de Ramzan Kadyrov y donnent la chasse aux réfugiés politiques thétchènes. les Azéris ont noyauté les organisations internationales installées là, distribuant leurs valises de billets aux fonctionnaires internationaux. Les oligarques kazakhs en disgrâce cohabitent avec les officiels d’Astana qui cherchent à les descendre.
Les Ukrainiens ne sont pas en reste.

Efficacité d’Olena face à l’impuissance de Valeri, son mari.

 

 Peu à peu ses affaires ont gagné en organisation et en professionnalisme. Au lieu de ployer sous des ballots de plastique, elle remplissait les coffres de vieille Lada. Elle payait désormais le voyage d’autres femmes vers la République tchèque, l’Allemagne, en quête de nouvelles raretés et de ces jeans que la jeunesse et les nouveaux riches s’arrachaient. Valéri la regardait faire avec effroi, s’enfonçant encore un peu plus à mesure que sa femme sauvait sa peau, s’élevait au dessus du mouroir. Le pays qu’il voyait naître dans les yeux d’Olena n’était pas celui qu’il avait imaginé, attendu, pas celui que lui promettait les articles qu’il lisait à la fin de la décennie précédente. Il condamnait ses combines minable, amorales, mais n’était même pas capable de sortir de l’appartement.

Les enfants du communisme : passage clé pour comprendre les personnages du roman.

 

 Ce qui est important ce n’est pas de savoir quelle enfant était Olena Hapko, ni si elle a changé plus tard, et à cause de quoi. Ce qui a changé, c’est le monde autour d’elle. Il n’a pas seulement changé, il s’est écroulé en un claquement de doigts. Ces gamins nous les avons élevés avec nos valeurs, et nos références. Et puis, lorsqu’ils sont devenus adultes, plus rien de tout cela n’avait le moindre sens. Ces valeurs qu’on leur avait inculquées sont devenues le mal, du jour au lendemain. Tout ce qu’on leur avait dit de respecter est devenu nul et non avenu. Pour nous aussi, ça a été dur. Avec l’écroulement de l’URSS, c’est comme si on nous disait que nous avions vécu toute notre vie dans l’erreur. Mais au moins nous étions des adultes. Nous avions eu le temps de constater l’hypocrisie du système soviétique, son cynisme. Nous étions blindés contre tous les grands discours. Tout ce qu’on nous demandait c’était de nous serrer la ceinture et de courber l’échine, une fois de plus, accepter que le passé était mort. Nous avons vu la violence des années quatre-vingt-dix comme un nouvel avatar de notre histoire dramatique, de notre destin. Qu’est-ce que ça pouvait nous faire, leurs « privatisations » à nous qui avions connu la collectivisation, les purges, la guerre, les camps … Mais imaginez ce qu’ont pu ressentir ces enfants qui arrivé à l’âge adulte à ce moment là, plein de confiance et d’allant. Eux ne connaissaient ni la violence de la cupidité ni les cadavres étendue en pleine rue. Ils étaient habitués à croire ce qu’on leur disait et surtout à croire en l’avenir. Comment comprendre le bien et le mal, comment savoir à quoi s’accrocher, en quoi garder la foi ? Qu’est-ce que ça veut dire dans le monde entier se met à tourner dans tous les sens, rester la même personne ou changer ?