5
La BD, ce n’est pas toujours ma passion, le plaisir de lecture n’a rien à voir avec celui procuré par un bon texte. Mais j’ai apprécié les dessins, l’humour et la nostalgie qui se dégagent de ces 18 nouvelles, mises en images par des dessinateurs talentueux. J’aime bien , Le View-Master de Jordi Sempere, un homme confronté à l’Alzheimer de sa mère. Ma préférée , surtout pour le dessin , Les Brûlures de Simon Hureau. Pour cette nouvelle, la qualité du graphisme ajoute beaucoup à l’histoire de la rencontre dans une piscine d’un policier noir et d’une jolie fille qui cache un secret douloureux. Le sous-titre du livre « autres nouvelles qui font du bien » est tout à fait vrai : c’est une lecture qui fait du bien.

Citations

– Vous avez raison patron. je dois être le seul chauffeur qui de fasse conduire par son patron.
– Le coup de la voiture avec chauffeur, ça épate beaucoup les coréens.
– Et vous patron, qu’est ce qui vous épate ?
– Que vous soyez parvenu à vous faire engager comme chauffeur sans même posséder votre permis de conduire !

On en parle

Voici le site qui m’a donné envie de lire cette BD : link.

3
Emmanuel Carrère est un auteur étrange qui se plaît à décrire le malheur absolu des autres. J’avais été très dérangée par son livre sur Roman, ce faux médecin qui a assassiné toute sa famille pour cacher qu’il n’avait jamais réussi ses examens de troisième année de médecine. D’autant plus dérangée, que cet écrivain est d’un sérieux et d’une objectivité redoutables, dans ce roman là aussi, mais c’est beaucoup plus agréable car il met son talent au service d’ émotions qui me touchent. « D’autres vie que la mienne » commence par le récit du Tsunami de 2003. Malgré moi, je me suis dit : encore ! Je n’étais pas convaincue par son récit.

L’autre vie qui n’est pas la sienne mais qui le touche de près, est celle de Juliette la sœur de sa compagne, jeune femme qui meurt d’un cancer. L’évocation de cette femme à travers les regards de ceux qui ont accompagné sa vie est d’une rare sensibilité et délicatesse. Comme elle est juge, l’auteur se transforme en journaliste d’investigation pour expliquer le surendettement et son travail pour enlever des griffes des nouveaux usuriers (les compagnies de crédit à la consommation) le justiciable trop naïf. Il est aidé par le témoignage du collègue de Juliette : Etienne qui est amputé d’une jambe à la suite d’un cancer des os. C’est un personnage intéressant et émouvant qui dira de Juliette « c’est un grand juge ».

Citations

Il n’empêche qu’il est prisonnier de ce que les psychiatres appellent un double bind, une double contrainte qui le fait perdre sur les deux tableaux. Pile tu gagnes, face je perds. Être rejeté parce qu’on a une jambe c’est dur, être désiré pour la même raison c’est pire.

 

Ça fait toujours plaisir une visite si ce n’est pas à l’arrivée, c’est au départ. (Paroles de Béatrix Becq)

On en parle

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2
Flop ! Je n’ai pas été sensible à cette histoire d’amour. Ce roman fait partie de la longue, très longue liste des romans français qui raconte un si petit monde et une si petite histoire. Les critiques sont pour la plupart excellentes.

Citations

Je marche dans la nuit, je voudrais ne penser à rien, n’être qu’un corps qui marche, un corps en mouvement dans la ville endormie.

Dehors l’air est tendre. Tu marches à côté de moi, lentement. Nos pas s’accordent. Ils se sont toujours accordés.

On en parle

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5
J’aime la poésie, avoir quelques vers en mémoire m’aide à supporter le quotidien ou à le trouver plus beau. Ce recueil m’a touché, et, j’ai pu faire partager cette émotion à tous ceux qui souffrent de la disparition d’êtres chers. Plus que mes phrases maladroites lisez et écoutez ce poème résonner en vous :

 Je veux te dire cette sorte de secret
qu’on ne lit qu’en soi loin
derrière les paupières fermées
longtemps après que sur le cercueil
se sont reformés les liens du jour

 tes morts ne sont qu’à toi

 toi seule sais leur nom véritable
celui qu’on n’écrit pas aux registres
parce qu’il n’est signe dans nulle langue humaine
et qu’il n’est pas d’oreilles
pour la voix qui le dit

toi seule les vois tes morts
hors leur visage de cendre
et les vois sans faillir dans l’absence même
toi seule l’ombre plus claire dans l’ombre
où leur regard paraît

 et l’exacte main de douceur sur ton front
pareille au flux des herbes dans la brise
toi seule la reconnais
qui n’est pas la matière des songes
ni comme le souvenir appariée du désert

 toi seule sais
la douceur des morts qui t’appartiennent
car tu es né de leur douceur
et tu prolonges dans chacun de tes gestes
la douceur qui fut le pli heureux de leur vie
à tes yeux désormais
de voir clair dans la transparence
que fait leur disparition
à toi de comprendre dans la vie requise
l’effacement et le soleil unanimes
ta joie volontaire
et la beauté des choses

 comme endormis tes morts rêvent à tes côtés

 tu ne guériras pas de leur nuit
mais tu accompliras
comme l’île continuant la terre où elle n’est plus
leur part perdue
car fille des tes morts
tu es ce qu’ils ignoraient d’eux-mêmes

3
Lors de la lecture de ce roman, on ne cesse de penser que l’auteur a vécu très souvent cette situation. Il s’agit d’ un dîner parmi les puissants du si petit monde des parisiens friqués et branchés, avec une surprise l’invitation à table de la bonne, une beurette qui ne correspond pas aux clichés de la bonne société de gauche parisienne. Les scènes sont souvent drôles, le roman se lit vite. Le ton est parfois très caustique surtout à propos de la bonne société qui se croit ouverte. Le démarrage est un peu long. (normal : il faut camper les personnages). « Madamedu » Sophie du Vivier et monsieur Thibaut du Vivier reçoivent George Banon qui doit signer un gros contrat avec Monsieur. Ils reçoivent :

  • Sybil Costière et Erwan Costière des jeunes qui réussissent et qui aiment l’argent ce seront les seuls personnages qui seront antipathiques tout au long du roman
  • Stanislas Stevillano homme lettré et homme de goût.
  • Adrien Le Chatelard avocat et Christina Le Chatelard ne dit rien (leucémique ?) mais attire le regard de tout le monde créera le roman par sa superstition : jamais 13 à table.
  • Marie Do « minique » dit tout ce qu’elle pense femme de Stanislas odieuse et sympathique à la fois
  • Stanislas raté du quai d’Orsay
  • Joséphine appartenant au monde des médias « toujours prête à aider les puissants dans le besoin en authentique petite sœur des riches »
  • Dandieu académie française et son épouse biologiste
  • Sonia la bonne marocaine sympa et pas du tout la beurette de service qui ne s’appelle pas Sonia mais Oumeilkheir.

Le repas va être mouvementé !

Critique du monde

Pierre Assouline ne cesse de tourner autour de la table, pour nous offrir une savoureuse et cruelle galerie de portraits. Voici Sybil Corbières, personnage insignifiant, abonnée à la chirurgie esthétique : « Elle était ainsi faite et refaite que même ses cordes vocales sonnaient comme un piano accordé de la veille. » Voici Dandieu, l’écrivain, membre de l’Académie française, qui se gargarise de phrases creuses : « Il se voulait si républicain qu’il se disait laïque et obligatoire tout en regrettant de ne pouvoir être également gratuit. » Et Marie-Do, l’épouse de l’ambassadeur au placard, « celle qui dit tout haut ce que tout le monde n’osait même pas penser plus bas, encore que la bassesse soit également partagée ». Quant à maître Le Chatelard, spécialiste des divorces (« Il avait le génie de la séparation »), c’est un bavard impénitent. À écouter les silences de son épouse, « on comprenait vite qu’elle avait plusieurs fois divorcé de lui sans même qu’il s’en aperçoive ».

Le cruel Assouline n’y va pas avec le dos de la cuillère. Par moments, il donne l’impression de forcer inutilement le trait. Les convives, à deux ou trois exceptions près, mériteraient d’être jetés par la fenêtre, alors que la charmante – trop charmante ? – Sonia, alias Oumelkheir Ben Saïd, nous éblouit par sa finesse. Elle n’est pas spécialiste du couscous, mais termine une thèse de doctorat à la Sorbonne sur un mouvement architectural assez complexe qui s’était épanoui en Europe au début du XVIIIe siècle…

Ce monde n’est pas le sien, mais, à force de l’observer, elle en connaît les codes et les usages. Ayant « le goût des autres », elle n’arrive pas à détester cette faune. Quoique née à Marseille, elle restera toujours en France « une invitée ». Comme les juifs, finalement, remarque Pierre Assouline : ils ont derrière eux un tel passé d’exclusion, de persécution et de nomadisme « que ce sont eux, les invités permanents, en dépit des apparences »… Le titre du roman, qui paraissait bien banal, prend soudain une autre dimension.

5
L’écriture est extraordinaire, j’ai été envoutée par ce livre, on retrouve l’Espagne du début du 20e siècle, ses violences, l’obscurantisme, les croyances religieuses et la condition des femmes. On pourrait avoir un livre aux accents complètement désespérés les histoires sont toutes plus tragiques les unes que les autres (par exemple « l’ogre » qui viole et tue des enfants) mais grâce au style de Carole Martinez, on peut tout lire, ce qui ne veut pas dire tout accepter. C’est vraiment un beau livre que j’ai découvert grâce à mon club de lecture et qui depuis a gagné neuf prix littéraires.

Citations

 Un dimanche, la mère surprit ces œillades et, de retour chez elle, la jeune fille fut giflée.
– Tes yeux ne doivent voir que le padre ! Hurla Francisa.
– Pourquoi ? lui demanda la future fiancée.
– Parce qu’il porte des jupes, continua sa mère en larmes. Si quelqu’un surprend ton manège, on te prendra pour une fille perdue, on ira raconter que tu te donnes, que tu écartes les jambes quand on te paye et alors plus personne ne voudra de toi. Pense à la grand Lucia qu’on couche dans tous les buissons, qu’elle le veuille ou non, tout ça parce qu’on l’a vue se retourner pendant la messe vers celui auquel on l’avait promise.

 

La Maria privilégiait l’hygiène, la Blanca, la magie. L’une représentait l’avenir, la science ; l’autre le passé et ses forces obscures bientôt oubliées. Situées chacune à un bout du temps, en regard de part et d’autres du moment présent, ces deux femmes ne se parlaient jamais directement. Seule l’une des deux était présente lors d’un accouchement. Pourtant, quand la chose se présentait mal, elle faisait appeler l’autre. Alors, sans s’adresser un mot, les deux femmes agissaient de concert et il était bien rare qu’elles ne sauvent pas la mère, car toutes les deux contrairement à un bon nombre de celles qui les avaient précédées, faisaient passer la vie de la femme avant celle de son enfant et c’était sans doute sur cet accord silencieux que se fondait leur entente.

 

Cette fois, elle ferma les volets, couvrit le miroir, ce piège à âmes, arrêta l’horloge … Elle venait faire un mort.

 

En cousant les linceuls, on regretta le curé et l’église. Les maigres discours des anarchistes loqueteux ne valaient pas la pourpre des rituels catholiques, ils ne pouvaient promettre à ces hommes tombés pour la cause le moindre au-delà ! Les adieux prenaient un caractère définitif et dérisoire.

 

Depuis le premier soir et le premier matin, depuis la Genèse et le début des livres, le masculin couche avec l’Histoire. Mais il est d’autres récits. Des récits souterrains transmis dans le secret des femmes, des contes enfouis dans l’oreille des filles…….Ce qui n’a jamais été écrit est féminin.

5
J’ai ri et en rit encore, c’est plus qu’un coup de cœur c’est le coup de cœur des coups de cœurs et toutes mes amies de notre club de lecture étaient bien d’accord avec moi. Tout est parfait dans ce livre l’écriture la structure romanesque et la galerie des portraits. Un noir du Congo raconte sa vie et sa séparation avec la mère de sa petite fille dans le Paris d’aujourd’hui. Le style de Mabanckou est vraiment savoureux, j’aurais pu tout recopier , il faut lire de toute urgence ce livre, et comme moi je suppose que vous n’oublierez pas le « fessologue » de sitôt !

 Citations

 … Ce groupe fait la pluie diluvienne et le beau temps là-bas… C’est pour ça qu’à la différence de notre Arabe du coin, moi je respecte les Chinois et les Pakistanais. Ce sont de braves types à qui on colle injustement la mauvaise réputation qu’ils se démènent ou restent cois alors qu’ils ne font de mal à personne…

 

Le jour on inventera des tams-tams sans bruit, beaucoup de vieux nègres perdront leur raison de vivre…

2
L’auteur nous fait découvrir la famille de Rothschild à travers le portrait de la baronne Betty peint par Ingres en 1848. C’est l’occasion pour l’auteur-historien de faire revivre une époque et aussi de témoigner de l’antisémitisme français. Il s’amuse aussi à faire des bons mots et à répéter ceux qui ont fait sourire le tout-Paris de cette époque. Je n’ai pas trop aimé le livre mais il faut avouer que je n’ai que peu d’intérêt pour la famille de Rothschild.

Citations

On croit toujours qu’on dispose de beaucoup de temps devant soi quand on se souvient qu’on en a beaucoup derrière

Funèbre, la pompe n’en est pas moins mondaine

Elle paraît en forme, preuve que la méchanceté conserve. On hésiterait à lui arracher son masque de crainte qu’il ne cache rien.

Au fond, si nous avions dû bannir les antisémites de nos maisons, dîners et bals auraient eu lieu en petit comité.

… ne pas oublier que les gens ne vous pardonneront jamais le bien que vous leur avez fait. C’est là une constante de la loi d’ingratitude… Un bienfait ne reste jamais impuni

… elle lui lança « Monsieur vous êtes ivre » qui se voulait cinglant, à quoi il répliqua aussitôt d’un ton placide : « et vous madame, vous êtes laide, mais moi au moins demain je serai sobre »

Mais en vérité les Anglais ne sont pas froids ils sont lents. Il leur faut plus de temps qu’aux autres pour ressentir la même chose qu’eux. L’Anglais est ému à retardement.

 4
C’est un livre qu’on ne quitte plus quand on l’a commencé. Cette voix d’enfant à laquelle s’adresse l’auteur en lui disant « tu » touche le lecteur. Marion (Funny) doit affronter deux drames intimement liés la maladie mentale de sa mère maniaco-dépressive et la honte d’être une enfant d’un soldat allemand. L’enfant aime, a peur, a honte de sa mère. Une solution existe : ses grands parents des gens « comme il faut » mais qui ne savent pas comprendre l’attachement de la petite à cette mère qui aime sa fille malgré sa maladie.
Ce n’est pas un excellent roman mais c’est un beau témoignage de ce que peuvent supporter des enfants lorsque les parents sont déséquilibrés.

Citations

Une maladie à éclipses. Une maladie à répétitions. Une maladie à surprises. Une maladie sur le nom de laquelle à l’époque, on hésitait. Une maladie qui faisait honte. Une maladie qui faisait peur.

 

Tu aimes votre appartement,…. C’est là … que tu as commencé à aimer Fanny 

 

Tant de choses comme cela que tu ignores. Que tu devines vaguement. Des choses qui sont là. Qui te frôlent, cachées dans l’ombre, mais si denses que tu en éprouves la secrète présence, comme une menace.

 

Elle n’est pas comme les autres. Elle détonne parmi les fidèles, ces gens tranquilles, sans éclat, ces gens qu’on ne remarque pas, qu’on ne voit pas….. Elle crie au milieu des muets. Elle danse parmi les gisants.

 

Et celle-là, tu la hais, de toutes tes forces.
La bête mauvaise, c’était elle. Depuis le premier jour.

On en parle

La femme de l’Allemand – Marie SIZUN link

5
Petit roman plein d’humour qui se lit très vite. Peinture inoubliable d’une mère abusive, odieuse et du petit monde des exilés russes. Dimitri Radzanov excellent pianiste rivalise au piano avec un certain Horowitz. Pour la mère de Dimitri il n’y a aucun doute, son fils est le meilleur, même s’il joue dans un poulailler dans le fond de son jardin de Chatou et Horowitz (Face de Chou) à Carnegie Hall. Beaucoup des tragédies du 20e siècle : les guerres l’exil l’extermination des juifs traversent rapidement ce petit roman. Mais son charme vient surtout de tout ce qui est dit sur la musique, la solitude et la souffrance du concertiste virtuose.

Citations

« Nous faire ça à nous ! » La voix de ma grand-mère me fendait les tympans, aussi tranchante que le scalpel en train d’inciser les cadavres d’école. Par ce « nous » outragé, elle désignait les Radzanov uniquement, transformant une défaite historique en offense personnelle.

 

Maman n’avait pas d’instruction, ce qui constituait aux yeux de sa belle-mère un défaut rédhibitoire, aggravé par ce crime de lèse-Anastasie : « Elle m’a pris mon fils ! »

 

 – Vous connaissez Horowitz ? s’étonna ma mère.
– Non, mademoiselle, Horowitz NOUS connaît !

 

Mon père s’étant fait virer de sa fabrique de colle ( un boulot auquel il n’avait jamais adhéré)…

 

Car il faut savoir à qui cela ressemble, une vie de concertiste. C’est comme si tu grimpes l’Alpe-d’Huez tous les jours sans ta selle.

 

Depuis l’âge de25 ans, il est persuadé qu’il est atteint d’un mal incurable, mais sa seule maladie est la frousse de perdre sa virtuosité et d’être envoyé dans un camp comme son père et des millions d’autres juifs.