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J’avais lu ce roman, il y a deux ans je crois. Et je l’avais apprécié. Je l’ai relu en ayant en tête toutes les critiques, plutôt négatives, que j’ai entendues depuis. Je suis toujours sensible à la rencontre de Renée la concierge et de Paloma la jeune fille de 13 ans suicidaire. Et le romanesque l’emporte sur les défauts. Il est vrai que les personnages sont caricaturaux, il est vrai qu’on y trouve tous les clichés sur les « bobos », il est vrai que les qualités n’existent que chez les pauvres et un richissime japonais et que le tout est parsemé de concepts philosophiques qui ne rajoutent pas grand chose au roman.

Malgré tout cela, j’ai passé un bon moment de lecture. Le seul grief, pour moi, c’est d’avoir cédé à la mode actuel du héros surdoué. C’est très agaçant comme s’il ne suffisait pas d’avoir une intelligence normale pour être sensible à l’amour, à l’art et comprendre ses semblables.

Citations

Madame Michel, elle a l’élégance du hérisson : à l’extérieur, elle est bardée de piquants, une vraie forteresse, mais j’ai l’impression qu’à l’intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont des petites bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes.

 

Les enfants aident à différer la douloureuse tâche de se faire face à soi même et les petits-enfants y pourvoient ensuite.

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Roman très court, un peu plus long qu’une nouvelle. Très facile à lire, on survole la vie de l’auteur petite fille d’une famille juive touchée par la Shoa. Le livre reste superficiel, même si un certain nombre des remarques me semble très juste.

Les quelques pages sur Korczak, éducateur juif polonais qui est mort avec les orphelins dont il avait la charge sont bouversantes .

Citations

J’ai inventé un adage selon lequel des amoureux se quittent, la plupart du temps, pour les mêmes motifs que ceux qui avaient présidé à leur union… Le poison est dans l’élixir.

 Les nazis nous traitent de cancrelats, ils nous voient comme des montres infestés de vermine, des sous-hommes, nous comparent aux fruits gâtés qu’il convient de détruire afin qu’ils ne contaminent pas les récoltes saines, et nous chantons, et nous disons des vers, nous récitons la Divine Comédie , des fables et des comptines. Cela ne sert à rien, on meurt quand même. L’art ne sert à rien, car on meurt toujours. Mais l’image reste. L’image d’un convoi d’enfants qui chantent en allant vers la mort et disent « en nous exterminant, c’est vous-mêmes que vous tuez »

Site où on en parle

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J’ai lu plusieurs fois ce roman et je viens de le relire pour le mettre dans mon blog , avec toujours le même plaisir. J’avais dans la tête la phrase de ma sœur : « à travers les livres j’élargis ma connaissance du monde et des gens ». Farrago correspond exactement à cette attente. On y croise une foule de personnages pris dans des turbulences tragiques et comiques à la fois. On sent que l’écrivain a aimé tous ses personnages et qu’il a la tête pleine d’histoires de notre époque. Si on ne s’y perd pas, c’est grâce à Homer Idlewilde, vagabond à la recherche de son destin. Le tout se passe dans une Amérique profonde, avec des marginaux haut en couleur que l’on n’est pas près d’oublier.

Citations

Je pars moi-même à la recherche du shérif, ce qui d’une simplicité enfantine, le shérif étant de loin, dans toute la communauté, l’individu le plus facile à pister.

 

Duke, dont les ancêtres esclaves se sont tués au travail dans les champs de coton avant d’être libérés et de venir se tuer au travail dans l’arrière-pays californien et dans les mines de Tuskegee Heights

 

La misère, j’ai pensé, c’est que les gens n’arrivent pas à raconter l’histoire de leurs misères.

 

Je souhaite avoir un destin, j’ai murmuré. Je souhaite vivre une histoire qui fasse de ma vie un destin.

 

Sur toutes les plages du monde, il y a un galet que tu choisiras de ramasser parmi tous les autres, et sur tous les quais de gare du monde il y a un voyageur que tu choisiras de voir dans la foule des visages.

 

De même les gens sont incapables de raconter une histoire s’ils ne disposent pas d’une chute heureuse ou malheureuse …


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Henry Bauchau est à mon avis un écrivain majeur de notre époque et j’apprécie toute son œuvre , ce roman me touche particulièrement. Ce livre m’a permis de mieux comprendre l’enfant psychotique, le travail du thérapeute et la création artistique. Les trois thèmes se mêlent dans un laborieux mais superbe aboutissement d’une œuvre poétique et romanesque
La création du langage est vraiment étonnante.

Citations

On était un enfant retardé par une maladie du cœur jusqu’à quatre ans. À l’hôpital Broussais on a été opéré et on a connu la terreur. Heureusement il y a un enfant bleu de sept ans qui a protégé… Parfois la vie devient plus clair, on est moins petit devant ceux qui font les mauvais coups mais souvent le démon est comme un ovni dans le ciel. Les gens se sorciérisent et les autobus hurlent dans les rues qui deviennent noires.

Vocabulaire du peuple du désastre

Bagarrement baïonnetter Bazardifier
Bazarder
bazardement
Bazarbouillis
bazarbouiller Bombardifier
bombardiser
bouilloniser brigandorangé bouillantonner Le catastrophié charabiacés
chauffagiser clocharder débilancolique Débilisé
Débiléfou
débilodélirant
désauvagé Détracté
Détractement
détractouiller déstructifié embalbutié emmerdoubler
ennuiable escarbarbouiller fabricole Gouille-gare Malheurifier
Le malheurifié
malheurisant
maragouiller médiouse orager pachacroute parlerie
rayonniser renversifier résucrrectifier révolvériser Sauvagé
sorciérisé
scandalifiant
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J’ai beaucoup apprécié ce livre en particulier, toutes les remarques sur le vocabulaire et les contresens que nous faisons parfois en donnant au mot le sens d’aujourd’hui. Molière,  » valet du roi » est très éclairant à ce propos. Chaque rituel permet de comprendre la fonction royale mais permet aussi de réfléchir à propos de notre société

Citation

Je me sentis comme élever l’esprit et le courage, je me trouvai tout autre, je découvris en moi ce que je ne connaissais pas, et me reprochai avec joie de l’avoir trop longtemps ignoré. Cette première timidité qu’un peu de jugement donne toujours, et qui d’abord me faisait peine, surtout quand il fallait parler quelque temps en public, se dissipa en moins de rien. Il me sembla seulement alors que j’étais roi et né pour l’être.


4
J’ai commencé ce roman avec amusement, persuadée que je n’y trouverai qu’un intérêt modéré. (Ma grand-mère me parlait toujours avec émotion de Madame Coty, c’était son idéal de femme, elle lui attribuait des pensées de compassion pour les pauvres gens – sans doute à cause de la photo où elle sert de la soupe à son président de mari- et surtout Madame Coty était une bonne catholique). J’ai beaucoup aimé le livre du petit fils de René Coty, il permet au lecteur de traverser le siècle par petites touches et analyses assez fines de notre société. L’auteur s’y met en scène avec une honnêteté surprenante.Je pense que mon intérêt vient aussi de la description d’Etretat ou plus d’un dinardais retrouvera des remarques qu’il se fait parfois sur notre « si » petit monde. Je sais que j’offrirai ce livre à des amis de Saint-Lunaire, Saint Briac ou de Dinard. Son dernier chapitre sur le bain dans l’eau de la Manche m’a vraiment ravie.

Citations

Mais le rêve d’amour avait fait place au harcèlement mutuel qui occupe souvent les vieux couples.
 

Chaque dimanche, après déjeuner, les paysans cauchois s’engouffrent dans leur voiture pour aller regarder la mer …tout le reste a changé : les cultivateurs habitent des maisons modernes, reconstruites à l’intérieur des anciennes cours plantées ; leurs bêtes engraissent dans des hangars en parpaings et leur fourrage est protégé par des bâches en plastique sous des piles de pneus.

 

Abrégeons les préliminaires qui constituent, pour cette activité, le moment le plus pénible. Aucune douceur, aucune excitation, aucun frisson d’extase à espérer quand la première vague glacée vient lécher vos orteils. Elle semble plutôt là pour vous faire renoncer, en vous rappelant que, même par beau temps, la mer reste toujours aussi fraîche, très inférieure à la température du corps…… Certains courent aveuglément sur les galets, ils descendent la pente en poussant des cris et entrent dans l’eau comme des soldats de 14 se jetant sous la mitraille ; d’autres hésitent longuement et progressent, pas à pas, dans une relation masochiste avec l’élément.

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Très bon roman, et là franchement le frontière entrelivre pour ado et adulte disparaît. J’ai beaucoup apprécié aussi le site consacré au livre http://letempsdesmiracles.bondoux.net C’est un véritable prolongement du livre. Beaucoup d’humour, d’amour de tragédies et de désespoirs dans la fuite de cette femme à travers le Caucase. L’enfant arrivera en France, elle non. Toute l’horreur de notre monde actuel est très bien racontée dans ce petit roman.Lorsque les deux enfants Prudence du Libérai et Koumaïl-Blaise du Caucase font un concours des horreurs qu’ils ont déjà vécus, on revoit sans peine toutes les images qui hantent nos mémoires d’aujourd’hui. Comme beaucoup de livres avec un itinéraire à parcourir l’intensité parfois décroit, mais il y a des moments inoubliables : l’immeuble, la décharge. La fin est terrible, on se demande comment va faire le héros pour continuer à vivre. C’est aussi un livre sur l’amour maternel.

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On se laisse prendre à ce roman historique,c’est un bon roman, sans plus. Je l’ai lu cependant jusqu’au bout, sans trop d’ennui. Cette période de l’inquisition en Espagne du 15e et 16e siècle est vraiment une horreur à vous dégoûter de la religion catholique.

Citation

Elle ferma les paupières, comme si elle voulait tendre un voile entre elle et l’horreur. quand elle rouvrit les yeux, deux condamnés étaient déjà la proie des flammes. Le premier agonisait sans un cri. Le second hurlait, suppliait et se débattait, tant et si bien que ses liens, déjà consumés, se détachèrent. Il jeta du haut du quemadero, torche vivante. Les bourreaux se précipitèrent sur lui. On réussit à lui entraver les pieds, on le replongea dans le feu. Il y demeura l’espace d’un credo et se précipita à nouveau hors du bûcher. Cette fois, un des soldats l’assomma du canon de son arme avant de le rejeter définitivement dans le brasier.
Une odeur âcre avait submergé l’air du couchant. Une odeur de suint, de sueur, fondue dans la pestilence des chairs brûlée.

Je suis assez d’accord avec cet avis trouvé sur le net

28 avril 1487 à Tolède. En pleine inquisition espagnole, la Dona Vivero assiste à un autodafé. Parmi les condamnés, le calme apparent d’un homme retient toute son attention. Cet homme, c’est Aben Baruel. Possesseur du Livre de Saphir, écrit de la main de Dieu, il l’a caché avant de mourir. Par l’intermédiaire de courriers post-mortem, il charge trois hommes de le retrouver : Samuel Ezra, le rabbin ; Cheikh Ibn Sarrag, le musulman et Raphaël Vargas, descendant des templiers et moine franciscain. Ces trois hommes, de confessions apparemment opposées, vont devoir taire leurs discordances pour résoudre les énigmes qui jalonnent leur chemin. Car Aben Baruel a distribué à chacun d’eux une partie des indices. Seule leur union leur permettra de venir à bout de cette quête. Au cours de leur investigation, il vont croiser le chemin de la Dona Vivero. Elle assure détenir la clé finale de leur parcours.

C’est un roman qui se lit très facilement. On se laisse rapidement entraîner par l’intrigue et les descriptions de l’Espagne du 15ème siècle sont saisissantes. Pourtant, je n’ai pas pu m’empêcher de noter quelques invraisemblances et anachronismes flagrants. Pour n’en citer qu’un parmi d’autres, Gilbert Sinoué écrit à la page 286 : « C’est tout de même meilleur que vos oeufs frits au lard, vos sempiternels duelos y quebrantos, vos sardines et vos pommes de terre ».
Sachant que nous sommes en 1487, que Christophe Colomb (qui intervient d’ailleurs dans ce récit) n’a pas encore découvert les Amériques, et que les pommes de terre ne seront introduites en Espagne qu’au 16ème siècle (1534 pour être précise), j’ai trouvé ce passage pour le moins risible… Et ce n’est pas la seule erreur indéniable de ce roman dit « historique ». Mettons donc de côté l’aspect « historique », pour conservé la part « mystique ».

J’avoue que j’ai trouvé la conclusion assez drôle. Moi, l’athée convaincue, j’ai toujours été persuadée que Dieu était une idée dangereuse. L’interprétation que j’ai faite de la fin de cette épopée n’a fait que me conforter dans ce sens. Mais je ne peux pas plus vous expliquer ici, au risque de déflorer le ressort de l’intrigue. Un bon roman pour l’été, si on n’est pas trop difficile sur l’exactitude historique.

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Le club de lecture auquel je participe, propose régulièrement des BD je les lis toujours mais en général je n’aime pas, celle-ci représente l’exception. Elle m’a beaucoup plu. J’apprécie à la fois l’histoire et le graphisme. Comme toujours pour les BD, j’ai dû passer du temps pour bien comprendre mais cette fois, j’ai enfin ressenti une osmose entre le dessin et l’histoire et j’ai pensé que la BD servait mieux ce récit que le romanesque. J’ai même proposé cette BD au coup de cœur du mois de février. Je trouve que certains visages sont très proches de nous, la ville du Mans est bien rendue et la multitude des personnages enrichit la trame de l’histoire sans la noyer sous les habituelles scènes érotiques ou d’horreur.

Seul petit bémol, la façon dont le dealer se tire d’affaire, mais on peut aussi penser justement que dans la vie il n’y a pas de Léonard pour sauver les gens qui se mettent dans de telles situations.

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Travail d’historien remarquable à propos de l’hôpital, c’est à dire le lieu où l’on enfermait les enfants abandonnés et les indigents sous Louis XIV et Louis XV. Les parisiens se sont révoltés parce qu’ils pensaient qu’on enlevait leurs enfants pour leur faire subir toute sorte de sévices , le travail minutieux de Marion Sigaut prouve que leurs craintes étaient fondées, et elle nous fait découvrir le traitement réservé aux enfants et aux femmes dans cet hôpital. La lecture des mauvais traitements imposés aux enfants est vraiment insoutenable, j’ai dû souvent arrêter la lecture.

Citations

Si on était « gâtée », c’est à dire syphilitique, le traitement à Bicêtre était obligatoire, et il était le seul moyen de n’en pas mourir rapidement… Le traitement durait six semaines et consistait en saignées, purges, bains prolongés (à quatre dans des baignoires trop petites), frictions à la pommade mercurielle pour faire perdre des litres de salive. Ce traitement de choc provoquait la perte des dents et soudait ls gencives qu’il fallait séparer au bistouri. La diète était sévère, les malades crevaient de faim…

Voici la conclusion

Pour lutter contre ces crimes, il aurait fallu des moyens que personne n’avait. Personne sauf le roi. Louis XIV y avait renoncé pour n’avoir pas à faire porter à ses enfants l’opprobre qui serait retombé sur leur mère. Quant à Louis XV, bâillonné, ligoté par son vice, il était le plus mal placé pour tenter quoi que ce soit contre les trafiquants d’enfants. Après sa mort, la chape de plomb s’abattit sur l’affaire et son successeur dut affronter d’autres problèmes. Et le silence retomba sur les sombres trafics de l’Hôpital général.