20161030_165320Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard

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Une déception mais quel dommage ! car c’était une bonne idée : peut-on guérir le mal-être grâce à la lecture ? Le personnage central de cette histoire, Alex, en est persuadé au point de devenir « bibliothérapeute ». (J’ai découvert, grâce à Google, que cette profession existait !). Je sais, également, grâce à mon expérience personnelle que lire et faire partager ses lectures fait un bien fou. Je me suis donc plongée avec délice dans ce roman pour suivre la vie d’Alex et de ses patients. Hélas ! malgré quelques remarques pertinentes sur notre société, un ressenti acerbe contre des mères dévouées mais envahissantes, aucun personnage ne prend un relief quelconque.

C’est un roman fade, les extraits choisis par le thérapeute pour guérir ses patients sont insipides et on se demande bien pourquoi la lecture de ces œuvres peut aboutir à une amélioration de l’état mental d’une personne souffrante. Mon jugement est sévère sans doute, mais il est à la mesure de ma déception. Je ne sais pas si mes lectures m’ont soignée, mais ce dont je suis sûre c’est que je ne pourrai jamais regarder sans sourire le comportement d’un snob après avoir lu Proust nous racontant Legrandin, que quand je suis triste ces vers de Verlaine me hantent :

Je ne sais pourquoi

Mon esprit amer

D’une aile inquiète et folle vole sur la mer

Tout ce qui m’est cher

D’une aile d’effroi

Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, Pourquoi ?

Lire permet de se comprendre, d’accepter la vie et celles des autres. Je m’attendais à trouver dans ce récit la magie de textes pouvant faire plus et même soigner quelqu’un, mais je ne l’ai pas trouvé. Une déception donc. Je n’ai pas réussi à m’intéresser au personnage du commercial qui confond les qualités de sa femme et celles de sa machine à laver, ni au footballeur qui ne sait pas s’il doit rester jouer en France, ni à Yann atrocement mutilé après un accident de voiture. Et hélas ! je n’ai pas cru aux amours d’Alex et de Mélanie.

Citations

Difficultés de plaire pour un littéraire

Elles cherchaient un amoureux fougueux, courageux, dont elles pouvaient être fières pas un garçon capable de déclamer Racine au bord de la piscine où les autres exécutaient des saltos avant.

La phrase qui tue pour un adolescent qui veut sortir avec une jolie fille

Je veux bien sortir avec toi mais je ne veux pas qu’on nous voie ensemble

C’est drôle mais peu crédible

Si Alex avait grandi dans une famille d’aliénés il lui aurait demandé si elle avait également filmé la conception de sa fille chérie. Les films de naissance ennuient tout le monde, enfin les personnes sensées. Les films de conception trouveraient un public plus large.

20161014_160713Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard,

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Avec cet humour que l’on dit « juif » Joann Sfar, l’auteur du « Chat du Rabbin » raconte sa tristesse à la mort de son père. Orphelin d’une mère « partie en voyage » alors qu’il avait quatre ans, ce père brillant, beau, dragueur, bagarreur a comblé la vie de ce dessinateur de Bandes Dessinées, cinéaste et romancier. Et le vide qu’il laisse après sa mort dans le cœur de son fils ne peut que difficilement se refermer. Alors, celui-ci écrit ce livre et dans un joyeux pèle-mêle raconte toutes ses joies et peines d’enfants qui viennent sous sa plume et vont lui servir exorcisme à sa douleur. Nous sommes dans la veine des dessinateurs de « Charlie Hebdo » plein d’irrespect mais aussi plein d’amour pour un père qui a su lui donner l’envie de vivre. Divisé en petit chapitre, ce texte m’a parfois ravie et souvent amusée mais pas tout le temps. C’est comme pour « Charlie Hebdo » parfois je me sens loin de cet humour, tout en reconnaissant le talent de ces humoristes.

Citations

La foi

Je ne contredis jamais mon cousin Paul. Parce que je l’aime. Parce que sa foi me rassure. Parce que j’aimais l’autorité qu’il avait sur moi quand j’étais enfant. Je ne sais pas au sujet de Dieu, mais pour mon cousin, j’ai toujours aimé le croire. Même si je n’y parviens pas.

Humour et style

Dans ma famille, on m’a dit qu’être avec une fille non juive, c’était aussi grave que d’être pédé (côté famille paternelle, car côté maman on a eu Hitler alors on n’a pas eu le temps pour embêter ses semblables).

Humour grinçant

Pour résumer, on peut l’appeler Yitzak Rabin ou Anouar el-Sadate : à chaque fois qu’un homme a sincèrement tenté de faire la paix dans cette région, il s’est pris une balle dans la tête.

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Ce livre a accompagné un voyage en TGV, je l’ai lu grâce à Aifelle qui m’avait donné envie de découvrir cette auteure. Je lirai certainement « Suite byzantine » ainsi que « l’Angoisse d’Abraham ». J’aime beaucoup les récits qui font une part belle à la langue, pour Rosie Pinhas-Delpuech, écrivaine et traductrice, qui parle le turc, le français, l’hébreux et sans doute bien d’autres langues, la recherche de l’identité prend un sens que je comprends si bien, car pour moi ma patrie est autant ma langue que ma nationalité.

Après son enfance qui est peu décrite dans ce tome, l’auteure cherche à comprendre cette tante Anna qui a perdu et son mari et son fils pendant la guerre 39-45. C’est l’occasion de vivre un épisode si banal dans l’après guerre mais si peu glorieux, comment des juifs se sont fait spolier de tous leurs biens, par des gens en qui ils avaient confiance. Mais si Anna souffre tant c’est aussi sans doute que la femme qui a dénoncé son mari était aussi sa maîtresse. Anna fera tout pour devenir une catholique française, elle ne pourra pas empêcher son fils unique de s’engager dans l’armée du général Leclerc et mourir en 1945 en combattant. Cette histoire centrale du livre, l’auteure ne peut la comprendre qu’en reprenant le parcours de sa famille depuis la Turquie. Toute sa famille avec ses lourds secrets et ses peines tragiques viennent hanter sa mémoire et permettent peu à peu de comprendre ce que cela veut dire d’être juive aujourd’hui dans un style absolument superbe.

Citations

Son enfance

C’était après la guerre, dans les années cinquante, au temps du chewing-gum, du swing et de la modernité. Etre juif représentait une maladie mortelle à laquelle on avait réchappé de justesse et dont il ne fallait pas trop parler.

La Turquie et les juifs

Lentement, subtilement, gentiment même, au fils des années d’école primaire, de l’apprentissage des rudiments d’histoire et de géographie, le turc m’avait débarqué sur le rivage : ma religion, mentionnée sur mon acte de naissance, « musevi », qui signifie mosaïque, s’interposait entre moi et la communauté nationale.

Son amour du français et de son orthographe

J’ignore jusqu’à aujourd’hui la cause de cet amour fou pour cette orthographe, de cette jubilation enfantine à conquérir l’arbitraire souverain de la langue. Peut-être que l’écriture phonétique du turc me paraissait d’une facilité enfantine et que la difficulté du français était à la mesure de celle de grandir ?

Une belle phrase tellement chargée de sens

Un destin de deuils et de chagrins avait balayé ce chatoiement crépusculaire de l’Entre-deux guerres, dans les Balkans ottomans voisins de l’Empire austro-hongrois.

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Une rumeur s’est emparée du monde des blogs : il faut lire « 14 juillet » d’Éric Vuillard. Emportée par l’enthousiasme de Keisha, de Dasola de Sandrine et bien d’autres, (excusez-moi je n’ai pas le talent d’Éric Vuillard pour rappeler tous les noms qui permettent de créer un événement) je n’ai pas résisté à cet élan républicain. Les quatre cocardes tricolores en disent long sur mon plaisir de lecture et saluent un livre dont le projet est très original malgré mes réserves sur le message final. L’auteur n’a pas fait qu’une oeuvre d’historien, il a voulu mettre tous les procédés de langue dont il disposait pour rendre compte d’une émotion qui a soulevé tout le peuple de Paris ces quelques jours de juillet 1789. Son texte nous permet de ressentir la peur, l’exaltation, le désespoir, la joie de la victoire, tout cela dans des odeurs de sueur, de larmes, de poudre, de sang et de cadavres en décomposition. On passe deux jours, heure après heure avec le petit peuple de Paris, réduit à un misère noire par des gens inconscients que leur mode de vie pouvait être menacé par un trop plein d’injustices. On espère avec eux, on tremble pour eux, et on se réjouit quand enfin, le symbole de la royauté est envahi. La Bastille est prise par un peuple affamé que rien ne pouvait plus arrêter.

Éric Vuillard souligne avec insistance combien les participants à cette insurrection ne possédaient rien, et comment leurs noms sont immédiatement tombés dans l’oubli. Alors que les nantis nobles ou pas sont restés dans les mémoires et sont le sujet de nombreux chapitres des historiens comme Michelet par exemple. S’il est vrai que le gouverneur de Launay fut tué ce jour là et sa tête mise au bout d’une pique, Vuillard rappelle que sa veuve reçut une pension de trois mille livres, alors que Marie Bliard veuve de l’allumeur de réverbère ne reçoit qu’un pauvre papier lui signifiant la mort de son compagnon. Ces deux poids deux mesures choquent tant l’auteur qu’il fait tout pour retrouver le nom et la vie des obscurs participants à cet acte fondateur de notre République. Le livre se termine par un vibrant appel à mettre le feu aujourd’hui à toute la bureaucratie qui étouffe selon lui la société française. Hélas, je ne suis absolument pas sûre que ces solutions violentes puissent servir au mieux vivre de notre société certes sclérosée. Si certains aimeront ce livre pour son message, je l’apprécie, quant à moi, pour son style.

Citations

Mélange de style et d’époque

Et ce jour là, Necker fut exactement ce qu’il était, froid, démonstratif, il ne parla que de finances et d’économie politique ; il fut abstrait, hautain, et il assomma tout le monde pendant trois plombes par un discours techniques.

Pour se défendre, les gens improvisent des barricades de chaises puis ils se saisissent de bâtons, de caillasses, et c’est l’intifada des petits commerçants, des artisans de Paris, des enfants pauvres.

Le style

Et dans la nuit du 13 juillet tout cela résonne, ça gratte entre les pattes du petit chien qui traîne, ça urge entre les jambes du vieil ivrogne qui pisse qui poisse sous les aisselles du chiffonnier, ça démange tout le monde.

Un trait de caractère souvent vérifié

Enfin, Louis XVI, le débonnaire, monte sur le trône ; mais comme tous les tyrans indulgents et magnanimes, il sera plus féroce que ses prédécesseurs.

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4Merci Krol, je suis à la recherche de textes courts pour mes lectures à haute voix au Foyer Logement de Dinard. Je ne lisais pas beaucoup de nouvelles, je m’y intéresse de plus en plus et grâce aux blogs je fais de très bonnes rencontres. Ces quatre nouvelles sont, à l’image de leur auteur, Patrice Franceschi, très fortes ancrées dans les drames et les choix les plus cruels que la vie peut nous conduire à faire. J’ai une très nette préférence pour la première nouvelle, mon goût pour la mer et récemment pour la navigation, me permet de vivre avec angoisse et fascination les récits de tempête. Et celle que doit affronter Flaherty, en décembre 1884, est un pur moment d’horreur et d’effroi.

Lire ces pages bien calée dans un fauteuil arrive quand même à donner un sentiment d’insécurité tant les mots sonnent justes et que les images sont fortes. Ensuite, il y a le thème qui est le même dans les quatre récits : des circonstances exceptionnelles amènent à faire des choix que rien n’y personne ne peut faire à votre place et qui vous marqueront à jamais. Après le capitaine de « la Providence », on retrouve un sous-lieutenant qui ne veut pas s’avouer vaincu et qui seul résistera à l’avancée allemande en mai 1940, puis un autre marin, Wells, qui ne veut pas voir des réfugiés sur un bateau de fortune mourir en pleine mer sous les yeux d’un équipage indifférent et enfin, Pierre-Joseph qui rencontre Madeleine en 1943, sur un quai d’une gare parisienne avant de monter dans un train avec leurs enfants pour être déportés vers la mort décidée par des Nazis qui jouent de façon sadique une dernière fois avec leurs victimes.

Oui, tous ces choix sont terribles et interpellent le lecteur. Ils vont bien à la carrure d’aventurier De Patrice Franceshi qui les raconte très bien. Mais, il se passe quelque chose dans les nouvelles, c’est que, malgré soi, on compare les récits : je me suis totalement embarquée avec Flaherty, et beaucoup moins dans les deux dernières nouvelles qui sont pourtant parfaitement racontées. Une seule explication : je m’attendais à leur contenu. Et j’ai déjà lu ces récits dans d’autres romans, ce n’est pas une critique suffisante, les exilés qui meurent sur les mers dans l’indifférence la plus totale, comme la cruauté des Nazis peuvent être mille fois traités. Mais le raccourci de la nouvelle fait que le lecteur est plus exigeant, il exige quelque chose en plus que le récit des bassesses humaines qu’il a si souvent lues. Je l’ai trouvé dans « le fanal arrière qui s’éteint » et aussi dans « carrefour 54  » qui d’ailleurs traite d’un moment moins connu de notre histoire : comment ont réagi sur le terrain les soldats français en 1940 qui ne voulaient pas accepter la déroute de l’armée mais moins dans les deux autres.

Citations

L’entente du second et du capitaine

L’estime réciproque que se portaient Mackney et Flaherty était l’une des légendes de la « Providence ». Les deux hommes avaient affronté ensemble d’innombrables coups durs sur tous les océans et ne s’en étaient sortis que par leurs savoirs mutuels ; cependant, ils n’auraient su donner un nom aux liens que ces épreuves avaient tissés entre eux et on ne se souvenait pas que Flaherty ait jamais adressé le moindre compliment à Mackney, ni que celui-ci ait félicité un jour son capitaine pour quoi que ce sot. En vérité, cela ne se faisait pas entre gens de cette sorte ; de toute façon, comme le disait Klavensko, ces deux là n’avaient pas besoin de mots pour se dire ce qu’ils pensaient.

Le début de l’angoisse

Ils se sentirent envahis soudain par une inquiétude sourde et entêtante qu’ils n’avaient encore jamais connue ; c’était comme une bête malsaine qui venait de prendre naissance quelque part dans leurs corps et enflait maintenant tout doucement, se nourrissant de ce qu’il y avait de meilleur en eux.

Le poids des responsabilités

Flaherty reconnut dans ses yeux cette drôle d’espérance qui persiste dans l’adversité tant qu’il existe un ultime recours. Et voilà, songea-t-il avec une morne pensée ; en vérité, les capitaines ne servent à rien en temps ordinaires … Mais quand plus rien ne va… Alors, bien sûr… Tout sur leurs épaules… Et pour eux, pas de recours… Personne au-dessus… Ah, je suis peut-être trop prétentieux.

L’ouragan

Dix heures ne s’étaient pas écoulées que, le 24 décembre au petit matin – dans l’aube infiniment triste qui se levait sur l’océan déchaîné – , le vent, tout en restant plein sud se mit à forcir comme on ne pensait pas que ce fût possible. Il hurlait avec une telle hargne qu’il devint presque impossible de s’entendre à moins de deux mètres ; l’aiguille de l’anémomètre se bloqua au-delà de 11 Beaufort. Cette fois, l’ouragan était-là -et il écrasa littéralement la houle et les vagues (…) Le vent était si assourdissant qu’il n’entendait rien que son sifflement aigu – et tous les autres sons étaient annihilé : il y avait de quoi terroriser les plus téméraires. Il eut la prémonition que la mer venait de s’emparer de toute sa personne, avec tout le mal qu’elle contenait et tout ce que cette « faiseuse de veuves » pouvait apporter de malheur- et il eut peur pour la première fois de sa vie.

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J’avais tellement apprécié « les forêts de Ravel » que je me suis précipitée sur ce roman. C’est encore une fois Sandrine qui m’a fait noter son arrivée dans une rentrée littéraire trop encombrée pour moi. Michel Bernard a deux talents, il sait décrire la guerre dans toute son horreur et les sentiments patriotiques qui conduisent des hommes jeunes à risquer leur vie. Et cet auteur sait aussi raconter la création artistique. Le premier remord de Monet, c’est l’histoire de ce jeune talentueux, courageux et très beau Frédéric Bazille  qui est mort pendant la guerre de 1870, alors que Monet est réfugié à Londres loin des tumultes des armes. Frédéric Bazille c’est ce grand jeune homme allongé sur ce tableau.dejeuner-pouchkine

Le début du roman commence par la quête du père de Frédéric, il veut retrouver son fils, Michel Bernard nous décrit, alors, ce qu’a représenté cette défaite de la France. Une armée mal préparée, une république toute neuve qui n’a pas pu se défendre des soldats prussiens qui venaient de vaincre Napoléon III. La quête de ce père, fou de chagrin, à travers le pays dévasté, puis son retour sur ses terres avec le corps de son fils pour qu’il soit enterré dignement est bouleversant. On retrouve le talent de cet écrivain pour nous parler de la guerre comme il l’avait fait pour raconter celle que Maurice Ravel a faite en 14-18.

L’autre qualité du roman de Michel Bernard , c’est de nous faire partager l’élan créateur de ce peintre. Et ce sera le second remord de Monet que son amour pour Camille dont il a laissé de nombreux portraits . L’écrivain cerne au plus près les sensations du peintre et nous comprenons peu à peu les forces qui l’ont poussé à créer toute sa vie. Le roman suit l’artiste à Londres, à Argenteuil, sous le soleil, sous la neige, il épouse les différents moments de la vie de Monet et nous retrouvons des tableaux si célèbres et tant de fois admirés. Comme celui-ci dont j’ai toujours trouvé la lumière si belle :monet-la-piePuis viendra, pour Monet, le moment des séries et toujours la remise en question de son travail que ce soit à travers les peupliers, la cathédrale de Rouen. Je crois qu’après avoir lu ce roman, on comprend mieux la quête de la lumière pour les peintres en particulier les impressionnistes. Et quel superbe final que cette réalisation de son jardin de Giverny et sa séries des nymphéas. Monet a réussi sa vie, je ne sais toujours pas s’il a eu des remords mais ce qui est sûr, c’est qu’il a offert à la France une oeuvre magistrale à laquelle Michel Bernard rend un très bel hommage.

Citations

Les phrases que j’aime lire

Les cyprès, lanternes des morts au soleil de la Méditerranée, fusaient au-dessus des murs du cimetière.

L’élan patriotique

Les armées prussiennes étaient entrées en France et marchaient sur Paris. Cela avait décidé Frédéric, le doux rêveur Frédéric, à s’engager. Il avait lui aussi trouvé stupide ce conflit, stupide ce régime à bout de souffle, stupides ces généraux carriéristes ressassant les nostagies impériales. La défaite et l’invasion changeaient tout. Le pays était malheureux, la France était blessée, il fallait faire son devoir.

La création des nymphéas

Les teintes glauques, où les effets de lumières assourdis mêlaient l’air et l’eau, baignaient voluptueusement le regard blessé du peintre. Une autre dimension des choses vivantes lui apparaissaient qu’il n’aurait pas su voir quand il était jeune. Elle était supérieure, il le sentait, parce qu’elle lui apportait une certaine sérénité dans la contemplation. Il avait fallu la longue préparation d’une vie pour l’atteindre et le comprendre. Il y a vingt ans, il avait deviné que quelque chose était là, qui l’attendait, mais c’était encore trop tôt. Impatient, tumultueux et désordonné, il s’était prématurément jeté à la conquête de ce qu’il fallait encore attendre. Maintenant, devant ses yeux usés, un monde intermédiaire s’ouvrait, neuf pour lui et vieux comme la Création.

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Comme vous le voyez, je n’ai pas résisté longtemps au billet de Noukette pas plus qu’à celui de Jérôme. Ces deux là quand ils vous promettent un bon roman qui fait du bien, vous pouvez y aller, ils sont rarement à côté de la plaque ! J’ai tout simplement adoré ce roman , je l’ai avalé en quelques heures et déjà, je rêve de lire la suite. Un psychologue originaire des Antilles soigne des gens mal dans leur peau et dans leur vie. C’est un bel homme noir dont le charme ne laisse pas indifférent les femmes. Il a une clientèle d’enfants et d’ados. Au retour de l’école, son fils, Lazare écoute les récits des patients. Cela permet à l’auteur de multiplier les points de vue sur le monde des gens qui vont mal aujourd’hui en particulier les adolescents. Nous avons le regard de Sauveur (beau prénom pour un psychologue) celui de Lazare son fils et aussi les propos des gens qui viennent le voir. C’est drôle, pétillant, triste souvent et tragique parfois.

La classe de CE2 de madame Dumayet fréquentée par Lazare vaut celle du célèbre petit Nicolas. Les cas suivis par Sauveur (et son fils) permettent à Marie-Aude Murail de mettre en scène des petits instantanés de notre monde contemporain. J’ai bien aimé aussi les maladresses de Sauveur avec son fils, lui qui sait si bien comprendre les souffrances des autres, a un peu plus de mal à voir celles de son enfant dans lesquelles il est impliqué, évidemment. Cela donne un sens à l’intrigue et au retour vers le drame de leur vie d’avant quand ils vivaient à la Martinique ce n’est pas la meilleure partie du roman . Autant les enfants et les ado sont passionnants autant certains adultes sont à la limite de la caricature.

C’est la raison pour laquelle je n’ai pas mis 5 coquillages. La raciste de service me semble sorti d’un roman de 4 sous, et le prof d’histoire dragueur et bedonnant (le père d’Océane) peu crédible. Le sel de ce roman ce sont les enfants et les ados qui nous le donnent et eux, pour peu que les adultes ne les écrabouillent pas complètement, sont prêts à vivre de toutes leurs forces. Je ne sais pas si cette auteure s’adresse à des ado ou à des adultes, ce que je sais, moi qui suis loin de cet âge là, c’est que j’ai eu l’impression de partager un moment la vie de gens plus jeunes et que Marie-Aude Murail me donnait, à travers les yeux compatissants de Sauveur et de son fils, des clés pour mieux les comprendre.

Citations

Les ambiances de classe comme si on y était

L ‘histoire intitulée « le loup était si bête » leur avait plu. Malheureusement, il s’agissait de faire maintenant l’exercice de compréhension numéro 3 page 42.

1/ Que nous apprend le titre du texte ?

2/ Ce conte fait-il peur ?

3/ Connais-tu des contes de Loup qui font peur ?

Paul dont l’esprit de concision faisait la charme répondit :

1/ Le loup il est bête 2/non 3/oui

Problème d’orthographe

Le mardi c’était le jour d’Ella, la phobique scolaire. Lazare avait eu quelques difficultés à obtenir des informations sur ce mal étrange car il avait d’abord tapé « fobic solaire » sur Google.

le sommeil des ados (je ne savais pas ça !)

Dans tous les cerveaux il y a de la mélatonine qui fait dormir, mais le cerveau des adolescents fabrique la mélatonine pas à la même heure que le cerveau des adultes. Alors le soir, ils n’ont pas envie de dormir. Mais le matin, si.

J’ai un petit faible pour Océane

Pour le proverbe du jour Madame Dumayet avait choisi. :« Après la pluie , le beau temps » . Qui sait ce que veut dire ? Oui, Océane.

Il faut pas oublier son parapluie.

Les enfants et leurs secrets

Les poule noire étranglée et le cercueil en boîte de chaussures étaient allés rejoindre le monde interdit aux enfants, dont les secrets s’échappent par une porte entrebâillée

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4Noukette qui participe au » prix des meilleurs romans des lecteurs de points » a placé celui-ci en très bonne place pour remporter le prix, il n’en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité. Comme elle, je trouve beaucoup de qualités à ce roman. Comme je n’ai pas lu les autres, je ne peux pas lui attribuer une place, en revanche, je lui attribue volontiers 4 coquillages. Pourquoi pas 5 ? Car il manque un peu de tensions dans les intrigues et sans m’ennuyer, je laissais parfois mon esprit vagabonder entre les poutrelles de Manhattan. Ce roman raconte la construction et la destruction des tours jumelles et prend pour personnage principal un Indien Mohawk qui fait partie des célèbres Ironworkers, c’est à dire de ceux qui ont construit les buildings de New-York et Chicago

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Plusieurs histoires s’entremêlent et permettent de vivre avec ces hommes très courageux de 1886 à 2012 …. Il permet de tordre aussi le cou à une légende tenace : oui les indiens Mohawks sont sujets au vertige comme tout le monde. Ceux pour qui ce malaise était trop fort n’ont pas fait ce travail là , voilà tout. La raison pour laquelle beaucoup d’entre eux l’ont fait, au péril de de leur vie parfois, c’est que dans l’Amérique de cette époque là peu de métiers aussi bien payés s’offraient aux Indiens. En plus, sur un chantier, quand quelqu’un fait bien son travail et est reconnu pour ses qualités, le racisme disparaît pour un temps, surtout si le métier est particulièrement difficile. Le roman débute en septembre 2001, avec la recherche forcenée des rares survivants qui pouvaient être encore sauvés des ruines fumantes des tours jumelles. Peu à peu on comprendra pourquoi il était presque impossible de survivre à cette catastrophe qui coûtera la vie à plus de 2000 personnes. Mais avant cela, pour bien comprendre les relations entre les personnages il faudra remonter dans le temps et comprendre ce qui s’est passé à Quebec en avril 1907. Ce jour là une autre catastrophe , un pont qui s’effondre et tue 76 personnes dont 36 Mohawks, là c’est l’entêtement de l’ingénieur qui n’était pas venu sur place, malgré les craintes des ouvriers qui sera responsable de cette tragédie.
Pont_de_Quebec_1907Les Ironworkers sont fiers de leur savoir faire, ils ont participé à tous les grands chantiers de l’Amérique, là où il fallait des ouvriers n’ayant pas peur d’escalader les constructions métalliques quelle que soit leur hauteur. La destruction de ces tours a été ressentie comme une injure faite au travail de leurs ancêtres.

Ce roman est intéressant par sa partie technique et son côté extrêmement bien documenté, mais il est vrai qu’aujourd’hui tous ces documents sont accessibles sur Internet , encore faut-il avoir le talent de les rassembler et de leur donner vie autour de personnages attachants. Pendant quelques jours, j’étais sur les poutrelles des buildings Manhattan ou dans les décombres des tours. J’ai appris à quel point les sauveteurs ont pris des risques pour leur vie et ont respirer des vapeurs très toxiques comme d’ailleurs tous ceux qui étaient près des tours quand elles se sont effondrées. J’aime bien ce sentiment que me procure parfois la lecture de n’être pas complètement avec les gens qui m’entourent mais dans un monde fait de passions, de peurs, de découvertes techniques et de civilisations différentes.

PS lire le très bon billet de Delphine-Olympe ne serait-ce que pour les photos

Citations

Pour mettre fin à une idée reçue

Il n’a ni peur ni vertige, ou du moins le vertige il l’a comme les autre, mais il parvient à le surmonter, à faire semblant d’être à l’aise pour impressionner les copains. C’est ce que ses oncles disaient : respecter sa peur, dialoguer avec elle, peu à peu l’amadouer, apprendre à la connaître pour l’apprivoiser. Serrer les fesses, faire comme s’il était normal de poser un pied devant l’autre sur trente centimètres de métal au dessus du vide. Tous n’y parvenaient pas, loin de là, mais ceux qui le peuvent semblent avoir un don unique.

Un des plaisirs de ce métier

Tu vois fiston, c’est un autre avantage d’être connecteur : sur un chantier, tu es au- dessus des autres, au-dessus du monde, dans les nuages, avec les dieux et les oiseaux.

L’ honneur d’être mort le 11 septembre

 Si c’est un morceau d’un corps de civil, on évacue ça dans un sac plastique, comme à la poubelle ! trois minutes et ça repart. Je veux parler à l’enfoiré qui a demandé dans la radio si c’était un sac ou un drapeau. Les civils ont droit au même respect que tout le monde ici . Tous ces gens sont morts en héros, uniformes ou pas.

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Je savais que je lirai cette BD , mes tentateurs habituels m’avaient convaincue , en particulier Jérôme. Je me réfugie vers les BD quand, parfois, les romans m’agacent ou se répètent , et que l’actualité me fait peur . La BD est souvent consolatrice et celle-ci, bien que très triste, a parfaitement joué ce rôle. Les personnages sont émouvants, le dessin très beau et l’histoire elliptique est chargée du sens que chaque lecteur et lectrice voudra bien y mettre. On peut sourire, par exemple en apprenant que si le personnage féminin s’appelle Épilie c’est parce que son père était enrhumé le jour où il a déclaré son prénom à la mairie. On part à l’aventure comme dans toute BD parce que « même si on est bien » le bonheur est peut-être ailleurs

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On s’instruit aussi et Gaston explique très bien le phénomène des marées. On est séduit par la tendresse et la naïveté affectueuse du petit Abélard et on compte sur Gaston pour l’aider, l’instruire et le protéger .

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Mais dans aucune autre BD , on ne trouve des messages de sagesse qu’on a tant envie de garder pour soi en les partageant avec tout le monde !

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Depuis La Fractale des Raviolis, je sais que je lirai ce roman soutenue dans cette volonté par Jérôme, Noukette et Keisha. Il était dans mes bagages depuis longtemps, et je suis ravie de l’avoir lu et relu puisque j’avais du temps. Je fais partie du club des lecteurs qui adorent les histoires, Pierre Raufast me permet de retrouver mes plaisirs d’enfance , du temps où des adultes me racontaient « Le Livre de la Jungle » ou « Les lettres de mon Moulin » . Je peux comprendre que l’on n’adhère pas à cet auteur car il semble si peu sérieux aujourd’hui de lire des histoires inventées qui s’enchaînent avec une logique implacable. L’imaginaire n’est pas à la mode sauf pour les enfants, ou en bandes dessinées. Je pense qu’un jour un dessinateur s’emparera de cet univers si particulier. En attendant, pour toutes celles et tous ceux qui veulent rêver, sourire et se laisser emporter par des fictions si bien construites qu’on est prêt à croire sur parole cet auteur qui expliquent avec le plus grand sérieux des histoires nous emportent loin, bien loin de tous nos soucis du quotidien , lisez cette « Variante Chilienne ».

J’ai adoré le moment où les deux compères quelque peu éméchés ont essayé divers techniques pour éteindre les vers luisants, je vous dirais bien comment c’est possible mais vous perdriez tout le sel de cette histoire. Je vous mets quand même sur la piste : claquer des mains ne suffit pas ! On ne peut pas raconter ce livre, car l’art d’un conteur est subtile et vient autant de l’histoire elle-même que de la façon de la raconter. Mais quand même, sachez pour les esprits sérieux, que vous apprendrez comment cueillir des noix grâce aux hélicoptères, le pourquoi du ratage du prix Nobel de littérature pour Jorge luis Borges, vous vivrez dans un village où il a plu pendant 10 ans sans discontinuer : entre réalité et fiction, mensonge et vérité, Pierre Raufast signe un second roman qui m’a sans doute encore plus ravi que le premier parce que finalement je trouve qu’il aide à vivre quand on a l’âme en peine (la preuve : je lui mettrai bien 6 coquillages !).

Citations

Humour (irrésistible pour moi !)

Difficile à croire, mais cet endroit avait été le bordel de campagne des paysans du coin avant la guerre. Il fut maquillé sous l’Occupation afin d’éviter que les soldats allemands ne souillent le patrimoine national.

Je connais des gens comme-ça, mais ils le disent moins bien

L’été je mets ma peau en jachère, je la laisse se reposer. Au bout d’une semaine, ma barbe a poussé. Alors, je suis content. Au bout d’un mois, de grosses boucles blanches se forment. Là je suis tout à fait heureux. Mes talents de philosophe décuplent. Je suis le Samson de la barbe blanche. À la rentrée des classes, je me rase. Je redeviens le professeur fatigué qui tourne la meule du savoir.

Les énumérations que j’adore

Avec passion, il découvrit la science du mélange des terres, argile, marne et silice : le malaxage, le pourrissage, l’estampage, le modelage, le calibrage, le montage, le tournage, le tournassage, le moulage, le coulage, l’ansage, le séchage et la cuisson, qu’il appelait par déformation « le cuissage ».

J’adore cette phrase

Les « si » sont des carrefours invisibles dont l’importance se manifeste trop tard.

La perte des histoires non-racontées

Quel gâchis ! Un cimetière, c’est comme une bibliothèque remplie de vieux livres dont on aurait perdu la clef.