Éditions Gallmeister. Traduit de l’américain par Françoise Happe

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Le club de lectures me conduit à lire des livres que je ne choisirai jamais, et souvent ce sont de bonnes surprises. Ici il s’agit d’un roman policier, on ne peut plus classique, et, ce fut un vrai pensum pour moi. Le seul intérêt réside dans le suspens ce qui entrave toujours ma lecture. J’ai essayé de jouer le jeu et de ne pas commencer le roman par la fin mais pas de chance les ficelles sont si grosses que j’ai immédiatement compris de quoi il s’agissait. Comme l’enquêteur est un personnage récurent on sait qu’il ne va pas mourir puisqu’il doit être disponible pour les autres enquêtes.

Calhoun est un homme amnésique qui a été un agent très performant d’une agence secrété américaine. Même s’il ne se souvient de rien ses réflexes d’enquêteurs sont parfaits et donc la même agence l’utilise pour résoudre une affaire étrange dans laquelle un de leurs hommes a trouvé la mort. Ce qui est bizarre c’est qu’on l’a retrouvé avec une balle en plein coeur alors qu’il était déjà mort de botulisme à côté d’une jeune femme morte dans les mêmes conditions.

J’espérais qu’en dehors de cette enquête sans le moindre intérêt, j’allais me plaire dans des paysages somptueux du nord américain. Mais à part une partie de pêche rien n’est venu égayer cette lecture. Je vais sans aucun doute choquer touts les amateurs du genre et de cette prestigieuse maison d’édition, mais je le redis les polars dont l’intérêt ne réside que dans le suspens, ce n’est vraiment pas pour moi.

 

 

Citations

Humour, choix des mouches et psychologie des poissons

 Il y a des jours, dit Calhoun en hochant la tête, ils restent là sans bouger et ils se disent, je mordrais à rien, sauf si c’est une Matuka jaune avec trois bandes de Flashabou de chaque côté, fixée à un hameçon Limerick 4XL avec du fil blanc. D’autrefois, ils vont attendre une Black Ghost Carrie Steven toute la journée, et s’ils s’aperçoivent que ce n’est pas une authentique, ils disent : Bn, je laisse tomber, ils préfèrent rester sur leur faim. 
Fallows fronça les sourcils comme s’il se disait qu’on était peut-être en train de se payer sa tête, mais il n’en était pas sûr.
– Stoner a raison, dit Kate. On emporte jamais trop de mouches parce que, comme vous l’avez dit, on ne sait jamais ce que les poissons pourraient penser.

Édition Gallimard. Traductrice Fanchetta Gonzalles-Battles

Je lis très peu de romans policiers , mais j’avais déjà noté le nom de cet auteur chez Keisha et j’ai vu dans ma médiathèque préférée qu’il avait reçu un coup de cœur de « mon » cher club de lecture. Je me suis donc plongée avec grand intérêt dans ce récit qui se passe à Calcutta au Bengal dominé par l’orgueilleuse puissance britannique. C’est le principal intérêt de ce roman, car la trame policière est assez faible, selon moi, mais j’accepte volontiers ne pas être un bon juge en la matière. La description de la vie en Indes en 1919 est riche en considérations socio-politiques. Le principe de base est : ce qui est bon pour les Anglais ne l’est pas pour les Indiens, en corollaire toutes les façons de faire comprendre aux Bengalis si peu développés que leur seul intérêt est d’accepter la domination des êtres supérieurs que sont les Anglais sont utilisées, de l’humiliation individuelle à la répression de manifestants pacifiques. Et bien sûr toutes les richesses du pays sont entre bonnes mains c’est à dire des mains anglaises ou écossaises. Tout cela, sous un climat très difficile à supporter qui ronge les esprits et les corps de ceux qui sont habitués à la saine fraîcheur de Londres et de sa campagne environnante. Comme dans tout polar, l’enquête est menée par un couple de policiers que l’on retrouvera sans doute dans les autres romans de cet auteur (car il y en a d’autres) : le capitaine Whyndham qui a laissé toutes ses illusions sur l’humanité et sur la couronne britannique dans les champs de bataille de la guerre 14/18 et le sergent Barnejee un Indien partagé par son amour de l’ordre et son amour pour son peuple que l’armée anglais ne pense qu’à mettre au pas. C’est un couple intéressant et je pense que les prochaines enquêtes vont voir les failles de ces enquêteurs créer de nouvelles tensions. Le roman est écrit par un auteur anglais, de parents indiens immigrés en Écosse. Et cela fait tout l’intérêt du livre car, héritier de deux cultures, Abir Mukherjee est loin d’avoir une vue simpliste de ce qui s’est passé dans le pays dont ses parents sont originaires.

Un roman policier comme je les aime, c’est à dire qui permet de comprendre une société avec un regard original.

 

 

Citations

 

Toujours cette façon de se débarrasser des enfants en Angleterre

Hardeley n’était pas différent de la myriade d’autres établissements mineurs qui parsèment les comtés du centre du pays. Provincial par son emplacement et paroissial par son comportement, il apportait une éducation passable, un vernis de respectabilité et, plus important un lieu commode où parquer les enfants de la classe moyenne qu’il fallait caser dans un endroit discret pour une raison ou une autre .

Le style colonial

 C’est une caractéristique de Calcutta. Tout ce que nous avons construit ici est dans le style classique. et tout est plus grand qu’il n’est nécessaire. Nos bureaux, nos résidences et nos monuments crient tous : »Regardez notre œuvre ! nous sommes vraiment les héritiers de Rome. »
C’est l’architecture de la domination et tout cela paraît un tantinet absurde. Les bâtiments palladiens avec leurs colonnes et leurs frontons, les statues, vêtues de toges, d’Anglais depuis longtemps décédés et les inscriptions latines partout des palais aux toilettes publiques. En regardant tout cela, un étranger serait en droit de penser que Calcutta a plutôt été colonisée par les italiens.

Et c’est hélas vrai !

 L’opium n’est vraiment illégal que pour les travailleurs birmans. même les Indiens peuvent s’en procurer. Quant aux Chinois, eh bien nous pourrions difficilement le leur interdire, attendu que nous avons mené deux guerres contre leurs empereurs pour avoir le droit de répandre ce maudit truc dans leur pays. et nous l’avons bel et bien fait. Au point que nous avons réussi à faire des drogués d’un quarts de la population mâle. Si on réfléchit, cela fait probablement de la reine Victoria le plus grand trafiquant de drogue de l’histoire.

Ambiance du matin

 Mieux vaut parfois ne pas se réveiller. 
Mais à Callcutta c’est impossible. Le soleil se lève à cinq heures en déclenchant une cacophonie de chiens, de corbeaux et de coqs, et au moment où les animaux se fatiguent, les muezzins démarrent de chaque minaret de la ville. Avec tout ce bruit, les seuls Européens à ne pas être déjà réveillés sont ce qu’ils sont ensevelis cimetière de Park Street.

Le passage que j’avais noté chez Keisha et qui m’a fait retenir le nom de cet auteur de ce roman policier

 Sur une plaque de cuivre vissée sur une des colonnes on peut lire  » Bengal club, fondé en 1827″. À côté d’elle un panneau de bois annonce en lettres blanches :
ENTRÉE INTERDITE AUX CHIENS ET AUX INDIENS
Barnerjee remarque ma désapprobation.
« Ne vous inquiétez pas, monsieur, dit il. Nous savons où est notre place. En outres, les Britanniques ont réalisé en un siècle et demi des choses que notre civilisation n’a pas atteinte en plus de quatre mille ans.
– Absolument, » renchérit Didby.
Je demande des exemples.
 Banerjee a un mince sourire. « Eh bien, nous n’avons jamais réussi à apprendre à lire aux chiens. »

Les oiseaux

Je suis réveillé par ce que l’on appelle par euphémisme le chant des oiseaux. En réalité c’est plutôt un affreux raffut, neuf dixième de cris stridents pour un dixième de chant. En Angleterre le chœur de l’aube est aimable et mélodieux et ils rend les poètes lyriques pour parler des moineaux et des alouettes qui montent dans le ciel. Il est aussi divinement court. Les pauvres créatures, démoralisées par l’humidité et le froid, chantent quelques mesures pour prouver qu’elles sont encore vivantes puis elles plient boutique et vaquent à leurs occupations. À Calcutta c’est différents. Il n’y a pas d’alouette ici, rien que de gros corbeau graisseux qui commencent à brailler aux premières lueurs de l’aube et continuent pendant des heures sans une pause. Personne n’écrira jamais de poème sur eux.

 

 

 

Édition Hervé Chopin (H.C) . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Je dis souvent (par exemple dans mes commentaires sur vos blogs) que je lis peu de romans policiers, et bien en voilà un que je vous recommande. L’enquête policière est moins passionnante que la toile de fond de ce roman, qui analyse en détails ce qu’on connaît bien maintenant « le choc post-traumatique ». Est-ce que le nom de Vukovar vous dit quelque chose ?

Ce roman décrit avec un réalisme à peine soutenable le terrible siège de cette ville par les Serbes, il est décrit par le petit Duso un enfant de huit ans qui a vu l’innommable. On comprend que Duso est, vingt plus tard, Nikola Stankovik accusé du meurtre de la jeune et jolie Ivanka, croate elle aussi réfugiée en Belgique à Bruxelles. Le lecteur en sait donc plus que les enquêteurs, l’avocat, et la psychiatre chargée de faire un diagnostique sur l’état mental de Nikola. Celui-ci est un dessinateur de talent et graffeur de génie. À travers ses dessins, il en dit plus que par les mots qui sont définitivement bloqués dans son inconscient. Le long processus pour remonter au traumatisme d’une violence absolue est bien décrit et sans doute très proche des efforts que doivent faire les thérapeutes pour libérer la parole de leurs patients. Ensuite ceux-ci doivent se reconstruire mais est-ce toujours possible ? Au moment où je rédige ce billet, l’actualité raconte le procès des assassins du Bataclan, et certains rescapés racontent des traumatismes qui les ont marqués à tout jamais, mais on mesure aussi l’importance de dire en public ce qu’ils ont vécu, ce que ne peuvent pas faire des enfants trop jeunes qui enfouissent leurs souvenirs traumatisants au plus profond de leur mémoire.

Je n’ai mis que quatre coquillages à ce roman car j’ai trouvé que le genre « policier » exigeait des simplifications dans les personnages qui m’ont un peu gênée. La psychiatre qui lutte contre un collègue arriviste qui ne soigne qu’à coups de calmants, est un grand classique du genre et c’est trop manichéen pour moi. Mais ce n’est qu’un détail et je retiendrai surtout la description du siège de Vukovar que j’avais déjà bien oublié, et les dégâts dans une personnalité d’un enfant qui a vu sans pouvoir en reparler des horreurs de la guerre civile : oui, quand la violence des hommes se déchaîne, les enfants sont des proies trop faciles, trop fragiles et même s’ils survivent on ne sait pas grand chose des répercussions sur leur personnalité.

Citation

L’image des Français en Belgique

 L’homme était d’origine française.
 Les français savent tout sur tout et tiennent à ce que ça se sache. Il avait d’emblée revendiquer sa nationalité, en précisant la région et la ville de naissance, comme ils le font généralement entre eux pour évaluer les forces en présence.
 Les chiens se reniflent le derrière, au moins, c’est silencieux.

 

Édition Christian Bourgeois. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aurélie Tronchet

 

Un livre passionnant dont pourtant je n’ai pas eu envie de noter beaucoup de passages, mais cela n’est pas du tout un signe d’une moindre qualité. L’intérêt du roman vient de la confrontation des différents personnages à propos d’ un fait divers. À travers chaque chapitre de longueur variée la romancière cerne la réaction d’un des personnages autour d’un tragique accident. Il n’y a pas de grandes pensées au delà des faits, et pourtant la réalité se construit peu à peu, avec une précision étonnante et qui m’a captivée. L’effet roman choral provoque chez moi un besoin de pause entre les personnages, mais ce n’est pas du tout gênant. Je vous présente rapidement les personnages :
– Driss Guerraoui, propriétaire d’un restaurant a été renversé et tué par un chauffard qui a pris la fuite alors qu’il traversait devant son établissement pour reprendre sa voiture .
– Sa fille Nora, une musicienne de talent, pense que l’acte était volontaire et avec elle on ressent que les musulmans Marocains ne sont pas si bien vus que ça aux USA.
– Efrain est originaire du Mexique et a été témoin de l’accident mais il n’ose pas témoigner car il est en situation irrégulière et a très peur d’être reconduit à la frontière. – Maryam la femme de Driss a laissé plus de la moitié de sa vie au Maroc qu’elle a dû fuir à cause de la répression qui s’est abattue sur les opposants marocains dans les années 80. – Son autre fille Selma qui semble avoir si bien réussi cache mal des fêlures qui l’empêche d’être heureuse. – Coleman est la femme policière chargée de l’enquête. Ce sont tous « les autres » Américains, je mets aussi la policière parce qu’elle est noire et subit le racisme ordinaire des blancs.

Il y a aussi le voisin du restaurant qui tient un bowling, et de son fils, d’eux je ne peux rien dire sans divulgâcher l’enquête policière qui sous-tend ce roman.

Et puis, on entend aussi la voix de Jérémy qui est revenu d’Irak tellement meurtri qu’il a failli sombrer dans l’alcoolisme comme son copain de guerre qu’il cherchera à aider au détriment de sa relation avec Nora.

Chaque personnage est une partie du puzzle qui constitue ce roman et qui donne une image des USA qui est certainement plus divisé que l’on ne peut l’imaginer. Bien sûr, depuis Trump on connaît la fameuse fracture qui divise ce pays mais ce roman témoigne qu’il y en a bien d’autres et que ce n’est pas du tout certain que le modèle américain permette une meilleure adaptation des populations d’origine étrangère que le système français. Ce roman permet de sentir que ce n’est pas si simple de passer d’une culture à une autre et de faire un seul pays avec des arrivants du monde entier, mais grâce à la démocratie il y a quand même un espoir et une place pour la vérité et la justice. Un livre prenant facile à lire et qu’on n’oublie pas.

Citations

Dans les année 80 : guerre Sahara Maroc en 1975

On y est, je me rappelle avoir pensé, c’est la fin du régime. Comment pouvait-il survivre au fait de tuer ses propres enfants en plein jour ? Mais alors que cette pensée se cristallisait dans mon esprit, un des policiers m’a repéré sur le toit, il a levé son arme et m’aviser. Même quatre étages plus haut, j’ai vu le canon noir sur moi. Je me suis laissé tomber à genoux, ne comprenant qu’au sifflement proche que la balle m’avais manqué. Adossé contre le mur, j’ai guetté le bruit sourd des bottes des policiers dans l’escalier. J’ai attendu pendant tout l’après-midi. Même une fois la nuit tombée, j’attendais encore. J’entendais encore les sirènes des voitures de police. Des crissements de pneus. Les bris de verre. Les cris des gens. Le vent dans les palmiers.

L’exil

Pour ma mère, les choses se déroulaient toujours comme elles n’étaient pas censées se passer. Elle avait quitté son pays avec sa famille, mais tout ce qu’elle n’avait pu emporter avec elle lui manquait encore. Son ancienne maison lui manquait, ses amis d’enfance, l’appel à la prière à l’aube. Quel que soit le plat somptueux qu’elle cuisinait, il lui manquait toujours quelque chose -un ingrédient, ou bien le goût n’allait pas. Le mariage de ma sœur l’a propulsée dans les paroxysmes de nostalgie qui ont transformé notre maison en un bazar empli de motifs au henné, de ceintures brodées, de plateaux en cuivre et même d’un palanquin pour les mariés. Ma mère a dû laisser beaucoup de traditions derrière elle et, plus le temps a passé, plus elles sont devenues importantes à ses yeux.

Analyse d’un mariage

Mais comme Maryam n’aimait aucun des tissus que j’ai choisis, j’ai fini par céder. On a acheté les rideaux qu’elle aimait et on est rentré à la maison. J’ai sorti l’échelle et mes outils mais, chaque fois que je faisais un trou, la tringle, selon elle, devait être un peu plus haute ou plus basse. Dans les rideaux ont enfin été installés, il y avait cinq trous dans le mur et la tringle penchait à gauche. Je ne sais pas pourquoi je me rappelle ça, autant d’années plus tard, ce n’est vraiment qu’un détail. C’est peut-être parce que j’essaie de comprendre ce qui m’est arrivé. Tout ce que je sais, c’est que la vie est courte. Sans en avoir conscience, j’avais cheminé sur la route qui va de la naissance à la mort avec la mauvaise compagne.

Remarque sur les américains vus par une marocaine d’origine .

J’avais déjà remarqué ça chez les Américains, ils veulent toujours passer à l’action, ils ont du mal à rester en place ou à se laisser ressentir des émotions désagréables.

 

 

Édition Le livre de poche. Traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon

 

Je dois ce roman à Violette , et, vingt pages plus tard, j’ai bien failli le laisser tomber. J’ai relu son billet et je me suis accrochée, je dois l’avouer ce roman a fini par me plaire, il est, pour moi, un excellent roman policier. C’est la preuve que la blogosphère fonctionne bien, elle peut me faire sortir de ma zone de confort. Qu’est ce que j’appelle un « excellent » policier ? Un roman où tous les fils finissent par se réunir et donner une logique au récit. Pour moi, peu importe que l’on devine ou pas la chute finale, ce que j’aime c’est de voir que tout rendre dans l’ordre à la fin. Et ici ce n’était pas gagné ! Car nous sommes dans le cerveau d’un homme malade qui souffre de ne pas se souvenir de ce qu’il a fait exactement. Si j’ai failli laisser tomber c’est que j’étais partie sur une autre intrigue, en effet, je pensais partir avec quelqu’un qui n’avait plus rien à perdre. C’est une question que je me pose parfois : qu’est ce que je changerai à ma vie si je connaissais l’heure de ma mort ? Est ce que comme Ted j’accepterai de commettre un meurtre d’une crapule finie qui a échappé à la justice ? Mais ce n’est pas du tout le sujet du roman. Il raconte la reconstitution de la mémoire de quelqu’un qui a commis un fait très grave. L’auteur très habilement nous fait passer par des moments très différents : on croit Ted, le personnage principal, parfois victime d’un complot où tout le monde se ligue contre lui et parfois très logiquement, on a peur qu’il ne soit une véritable crapule responsable de meurtres en série.

La quatrième de couverture parle d’analogie avec Shutter Island. Je suis d’accord, on retrouve cette même angoisse latente. Sauf qu’ici on sait très vite que le personnage principal est dans un hôpital psychiatrique.

Un moment de lecture très prenant et à mon tour, je recommande la lecture à tous les amateurs du genre (entre polar et thriller).

 

Citations

La folie et le terrain de basket

Regarde ce terrain de basket. Il y a deux côtés clairement différenciés et séparés par une ligne. C’est la même chose entre le monde réel et le monde de la folie. Soit tu as toute ta tête, soit tu es fou, c’est l’un ou l’autre fois tu joues dans une équipe ou dans l’autre, et si tu es enfermé ici, si tu as de la chance, si les médicaments fonctionnent et si les docteurs identifient ton problème et appliquent le bon traitement, tu pourras peut-être changer d’équipe, au moins un moment. Mais tu ne peux pas jouer dans les deux équipes à la fois, tu comprends 
Tu vois le rond au milieu du terrain ? C’est une zone intermédiaire. J’aime cette analogie, je n’y avais encore jamais pensé. Souvent je m’assois ici et je réfléchis à tout ça. Ce rond est la porte qui relie les deux mondes, l’endroit on n’est pas censé être, parce que, précisément, on ne peut pas jouer dans les deux équipes. Pourtant il y a des gens comme toi, moi ou Esposito, qui y restent pendant une période plus ou moins longue. Ils sont devant la porte. Bien entendu ce n’est pas ce qu’il y a de mieux. Le rond est dangereux, ajouta-t-il après avoir marqué une pause. Les deux mondes y coexistent.

Le cerveau malade raconté par un autre malade

Ted ce que je viens de te dire est vrai, ton cerveau guérira et ouvrira cette porte le moment venu. Tu te souviendras de ton ami et des raisons pour lesquelles tu l’as frappé. Tous ces …. « cycles » dont tu m’as parlé sont une tentative de ton esprit pour fabriquer une illusion qui te protège, comme les toiles de fond des décors au théâtre. Quand l’illusion disparaîtra, tu verras ce qui se cache derrière. L’opossum t’y conduira quand tu seras prêt, mais attention, ça peut se révéler dangereux.

 

 

 

Édition 10/18 traduit du japonais par Jean-Baptiste Flamin

Je dois cette lecture à Dasola et mes cinq coquillages seront, je l’espère, une incitation pour que ce livre extraordinaire trouve un large public parmi mes amies blogueuses et amis blogueurs. Ce roman remplit trois fonctions, décrire avec minutie les ressorts de la justice japonaise (depuis l’affaire Carlos Gohn, on a tous l’idée que ce n’est pas facile de sortir de ses griffes), une réflexion très fournie sur la peine de mort, et enfin un thriller bien construit. Pour moi, c’est ce dernier aspect que j’ai trouvé le moins intéressant, mais sans doute parce que je suis peu adepte du genre. En revanche la description de la justice japonaise m’a absolument passionnée. Le roman débute dans le couloir de la mort, à neuf heures du matin, c’est l’heure où, lorsque l’on entend des pas se rapprocher de la cellule où on est enfermé, cela peut être ceux des gardiens qui viennent chercher le condamné qui doit alors être exécuté. Ryô Kihara écoute et on imagine sa souffrance puisqu’il est condamné à la pendaison, puis les pas passent et ce n’est pas pour lui pas cette fois… Après cette scène, il est impossible que vous ne vouliez pas en savoir plus ; alors vous suivrez la levée d’écrou de Jun’ichi qui part en conditionnelle après avoir fait deux ans de prison pour avoir tué accidentellement un homme dans un bar. Ce départ se fait selon un rituel où le condamné ne doit son départ vers la liberté qu’à une attitude où il montre à quel point il se repent pour tout le mal qu’il a fait. Toute la justice japonaise est là, il ne sert à rien de clamer son innocence, il faut montrer qu’on a changé, que la prison vous a changé et que vous ne recommencerez jamais. C’est pour cela que l’on voit à la télévision, s’humilier devant le pays des grands patrons ou des dirigeants politiques. Ils peuvent repartir libres car ils reconnaissent à la fois leur culpabilité et les bienfaits de la justice japonaise qui a œuvré pour leur bien et celui de la société. (Tout ce que Carlos Gohn n’a jamais voulu faire.). Enfin grâce à Shôgi Nangô, le gardien de prison qui va recruter Jun’ichi pour essayer d’innocenter Ryô Kihara avant qu’il ne soit trop tard, le lecteur est plongé dans une réflexion approfondie sur ce que représente la peine de mort pour celui qui l’administre. Depuis « L’Étranger » je n’ai rien lu d’aussi marquant. Je ne dirai rien du thriller car je sais bien qu’il ne faut surtout pas divulgâcher ce genre d’intrigue. Un des aspects qui joue un grand rôle dans le roman, ce sont les sommes d’argent qui sont en jeu. Les parents du jeune Jun’ichi ont versé aux parents de la victime une somme si colossale qu’ils sont réduits à la misère. C’est d’ailleurs pour cela que ce jeune acceptera de partir dans l’enquête de Shôgi Nangô car il espère, grâce à l’argent gagné, aider ses parents à sortir de la pauvreté où il les avait plongés.

Je ne voudrais pas que vous pensiez que ce roman est uniquement une charge sévère contre la justice japonaise, il s’agit plus exactement d’un questionnement sur son fonctionnement et cela amène le lecteur à réfléchir sur ce que la société recherche en emprisonnant des délinquants. Si c’est les écarter de la société, ils ressortiront et recommenceront, si c’est les réadapter alors on s’intéressera au système japonais qui veut être certain que l’individu a changé et ne recommencera pas parce qu’il a compris les conséquences de ses actes.

Enfin pourquoi treize marches : d’abord il semblerait que dans les premiers temps il y ait eu treize marches pour monter à l’échafaud , ensuite Ryô Kihara qui souffre d’une amnésie et ne se souvient de rien se rappelle soudain avoir gravi treize marches, et enfin il faut treize signatures successives pour valider la condamnation à mort avant de l’exécuter. Et évidemment, avant cette treizième signature, nos deux enquêteurs doivent boucler leur enquête. Voilà pour le suspens qui est très prenant. C’est peu de dire que j’ai aimé ce livre, j’ai été passionnée de bout en bout.

 

 

PS

Vous pouvez vous informer sur l’horreur de la peine de mort au Japon, en tapant le nom de Sakae Menda ou Iwao Hakamada

 

Citations

 

Le procureur tout puissant

Pour avoir été lui-même jugé, Jun’ichi n’avait pas beaucoup de sympathie pour les procureurs. Leur réussite au concours national de la magistrature faisait d’eux l’élite de la nation. Ils agissaient au nom de la justice, avec la loi pour seule arme, sans aucune place pour les sentiments.

 

La sortie de prison en conditionnelle

Une lumière diffuse , filtrée par le verre dépoli des fenêtres , conférait au surveillant un air plus humain , que Jun’ichi découvrait pour la première fois . Mais la sérénité que ce tableau inspirait au jeune homme fut balayée par la phrase suivante.
– Je m’engage à prier pour le repos de l’âme de ma victime, et m’efforcer en toute bonne foi de l’apaiser.
Il blêmit.
« Prier pour l’âme de sa victime et s’efforcer de l’apaiser… »
Jun’ichi se demanda si l’homme qu’il avait tué se trouvait à présent au ciel ou en enfer.

La prison japonaise

Après une altercation avec un maton qui l’avait dans le collimateur, il avait été envoyé dans cette cellule individuelle, minuscule et puante, où on l’avait laissé croupir une semaine, les bras immobilisés par des sangles de cuir. Sa nourriture, déposée dans une assiette à même le sol, il avait dû la laper comme un chien, et quant à ses besoins il n’avait eu d’autre choix que de se faire dessus -une expérience atroce.

La peine de mort

Si jamais son propre enfant avait été tué, et que son meurtrier se trouvât devant ses yeux, il lui réserverait à coup sûr le même sort. Cependant, autoriser à rendre justice soi-même plongerait la société dans le chaos. C’est pourquoi l’État se posait en tiers entre les parties et s’arrogeait le droit de punir, d’infliger des peines à leur place. Le cœur humain était en proie au sentiment de vengeance, un sentiment né de l’amour porté à la personne décédée. Ainsi, la loi étant faite par les Hommes et pour les Hommes, la justice rétributive et l’idée de peine de mort qu’elle implique n’étaient-elles pas naturelles ?

 

Édition Belfond Traduit de l’américain par Oristelle Bonis

 

Désolée Yv nous ne serons pas d’accord pour cette lecture. Certes les précisions techniques sur les incendies sont intéressantes, certes à la fin on sait tout sur les fraudes divers et variées aux assurances. Mais ! il y a pour moi un gros « mais », la cascade des malversations et des crimes auxquels nous assistons rendent ce récit totalement indigeste. Je suis certaine que cet auteur a un public et des lecteurs qui se laissent emporter par sa fougue narrative . Ils n’ont pas peur de lire des récits sur les procédés du KGB et de la mafia russe, ils savent que tout le monde peut être corrompu : il suffit d’y mettre le prix. J’avais vraiment l’impression d’être dans une série américaine où on ballade le spectateur d’épisode en épisode avec un gradation dans l’horreur et l’abject. Je ne sais pas quel ressort le romancier a oublié de mettre en action dans cette intrigue. La corruption, de la police et des assureurs, les avocats véreux qui s’engraissent sur le dos des malfrats, un médecin totalement incompétent qui ne vit que pour les mallettes d’argent que la mafia dépose à son cabinet. Et puis, l’enquête de cet ancien flic passé aux enquêtes pour son assurance, qui est le seul à vouloir punir le méchant .
Bref un roman qui m’est tombé des mains mais pourquoi me suis-je laissé aller à lire un tel livre Yv l’annonçait bien comme un thriller ? Seulement voila, souvent la Californie flambe – comme l’été dernier – et je pensais, donc, en savoir davantage sur ces feux qui ravagent une si belle région.

Citations

 

Portrait du flic ripoux

Une des raisons, parmi une tripotée d’autres, pour lesquelles Jack le déteste à ce point est que Bentley, ce cossard de première, n’aime pas faire son boulot. Pour Bentley, n’importe quel incendie est a priori d’origine accidentelle. S’il s’était trouvé à Dresde après les bombardements, il aurait découvert à coup sûr une couverture chauffante défectueuses sous les décombres. Histoire de limiter au minimum la corvée de paperasse et les témoignages sous serment devant le tribunal. En tant qu’expert en incendie, Bentley et un pêcheur à la ligne hors pair.

Genre de sentences qui m’agacent

Il y a deux types d’amour : celui qui passe et celui qui dure. D’un côté, l’amour qui satisfait le corps et le cœur, l’amour qui passe, de l’autre l’amour qui nourrit l’âme, l’amour qui dure.
 Le mobilier ancien est le seul objet d’amour capable de nourrir l’âme de Nicky.

 

 

Édition Le cercle.Belfont. Traduit de l’anglais par Muriel Levet.

Dans mon club de lecture, il y a quelques lectrices de romans policiers, elles sont très exigeantes si bien que, lorsqu’elles décernent un coup de cœur, je suis volontiers leurs recommandations. Souvent, c’est qu’au delà de l’intrigue policière, il y a un intérêt historique, sociologique ou la découverte d’une autre civilisation. Rien de tout cela ici, c’est un polar dans la plus plus pure des traditions. Et pourtant, je l’ai lu sans pouvoir m’arrêter pendant deux jours. L’intrigue est bien ficelée et le suspens très bien dosé. Evidemment, j’ai lu d’abord (ou presque) le dernier chapitre parce que je ne pouvais pas supporter que mes personnages préférés meurent. Je ne vous dirai rien, puisque vous êtes capables de supporter la mort des gentils en attendant la dernière page pour savoir s’ils seront sauvés des griffes des méchants. Non seulement vous en êtes capables mais en plus vous aimez ça ! Je ne sais pas si j’aimerai vous rencontrer dans les tunnels sombres et mal famés de Manchester … Oui, parce que dans la banlieue de cette grande ville industrielle traîne une faune qui se livre à des trafics en tout genre. Ce qui est assez invraisemblable c’est que de nombreux enfants sans liens avec des adultes sont livrés à des mafieux qui les utilisent comme mule pour la drogue et les prostituent, je me demande ce que font les services sociaux britanniques, cela ressemble plus à la vision de Dickens qu’à la Grande Bretagne d’aujourd’hui. Comme je ne peux pas vous raconter l’histoire, je peux au moins dire comment elle commence. Un soir d’hiver une maman et sa fille Natasha âgée de six ans sont victime d’un accident de la route, la maman est tuée sur le coup, mais la petite fille a disparu (d’où le titre en français). Six ans plus tard, le mari de cette femme, David a refait sa vie avec Emma et ensemble ils ont un bébé Ollie. Un jour Natasha revient chez son père et le roman peut commencer, car, si elle est revenue, cela semble surtout pour détruire la nouvelle vie de son père. On ne saura que peu à peu ce qu’elle a vécu pendant ces six années qui sont des années d’horreur absolue. Et nous ne saurons qu’au moment du dénouement pourquoi elle en veut tant à son père au point de mettre en danger la vie d’Ollie, ce bébé rieur.

Je crois que, pour ne rien divulgâcher, j’en ai assez dit, il me reste à évoquer les policiers En particulier d’un certain Tom qui mène l’enquête et qui est très malheureux de la mort de son frère Jack un hacker victime d’un accident quelques temps auparavant. Mais ce roman est plutôt centré sur les victimes et les malfrats, les policiers font leur travail mais à part Tom n’ont pas une personnalité très marquée .

PS

Je crois que si j’ai lu cette auteure c’est aussi que j’ai vu qu’elle habitait soit en Italie soit à Aurigny qui est mon île anglo-normande préférée. Comme quoi, on peut être très irrationnelle dans ses choix. Et voici deux images pour comprendre pourquoi Rachel Abbot a quitté Manchester !

 

Citation

Travers masculin

David lui faisait parfois penser à une autruche enfonçant sa tête dans le sable pour se forcer à croire que tout finirait par s’arranger. C’était l’une des rares choses qu’elle trouvait agaçante celui. Non pas son optimisme, mais son incapacité pas à regarder la réalité en face et sa tendance à privilégier les solutions de facilité

 

Comme je le constate à travers mes blogs amis, nos habitudes de lecture, en temps de confinement, changent beaucoup. Je pense que certains d’entre nous sont plus occupés qu’avant et ont moins le temps de lire , d’autres ont perdu l’envie de la fiction, jugeant sans doute la réalité trop difficile à vivre, et enfin comme moi, il arrive que certains changent leurs centres d’intérêt. Si vous suivez Luocine, vous savez que je lis peu, sinon pas, de romans policiers. Et en voilà trois d’un coup que j’ai absolument dévorés, je les achetés sur ma liseuse : confinement oblige ! Et si je leur attribue cinq coquillages, c’est que dans le genre, ils sont tous les trois absolument parfaits. Vous avez parfaitement le droit de vous demander comment puis-je juger d’un genre que je lis si peu ? Réponse : c’est le privilège de Luocine, de ne prétendre à aucune objectivité. C’est un billet de Géraldine qui m’avait tentée, mais peut-être que cet auteur connaît déjà un large succès sur la blogosphère, il le mérite largement. Ces trois romans peuvent se lire séparément mais il y a « un petit plus » à les lire à la suite. En les découvrant, j’ai beaucoup pensé à la série « the Wire » qui reste pour moi la meilleure série de tous les temps, en 2010, je concluais ainsi mon billet :

En regardant cette série, on l’impression de mieux comprendre les Etats-Unis. On voit aussi les différences et les ressemblances avec notre société en espérant qu’on ne laisse jamais s’installer, en France, une économie parallèle autour de la drogue aussi puissante !

 

Comme j’étais naïve ! bien sûr que la France a suivi le chemin des États Unis . Déjà dans le roman « La Daronne », Hannelore Cayre nous avait donné une bonne description de l’importance du trafic de Haschisch entre le Maroc et la France, la corruption à tous les niveaux de notre société, la justice aux yeux bien bandés qui a complètement oublié la balance de l’impartialité devant la loi, et la violence dans les quartiers à la périphérie de Paris. Ici, dans cette trilogie , Olivier Norek scrute trois aspects du problème, le trafic de drogue dans « code 93 », la corruption de la municipalité dans « Territoires » et enfin, l’enfer carcérale dans « Surtension » . Bien sûr ces trois faits de société sont liés mais avoir su mettre l’éclairage sur un des aspects rend la trilogie passionnante. Comme dans tout bon roman polar les personnages ont leur importance : Victor Coste dont nous suivons les enquêtes est un policier intelligent et tenace. Son regard triste exprime tous ses dégoûts pas seulement de la violence des truands mais aussi de la veulerie et de la corruption du personnel politique. Sa hiérarchie ne l’aime pas beaucoup, en revanche son équipe lui est très dévouée. Ronan le policier trop fonceur, Sam le fou d’informatique et Johanna la nouvelle de l’équipe une Superwoman mais aussi la seule qui ait une vie de famille réussie. J’oubliais Léa, la médecin légiste avec qui Coste essaie d’établir une relation amoureuse. Olivier Norek a été policier et il rend bien compte de l’atmosphère d’un commissariat, il connaît le 93, je ne sais pas comment mais ses descriptions rejoignent tout ce qu’on peut entendre dans les média. Au moment où j’écris, les banlieues sont le théâtre de violences qui auraient complètement leur place dans un roman d’Olivier Norek, voici un extrait du journal Marianne :

A Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), des tirs de mortiers d’artifice ont été constatés peu avant minuit. Un peu plus tôt, les incidents avaient commencé dans la commune voisine d’Asnières, avec des tirs similaires. En Seine-Saint-Denis, des poubelles ont été incendiées à Aulnay-sous-Bois et Saint-Denis vers 22h30. « Il n’y a pas eu d’affrontements avec les forces de l’ordre », a précisé la préfecture. Sept personnes ont été arrêtées à Clichy-la-Garenne et deux autres à Rueil-Malmaison, deux communes des Hauts-de-Seine. 

Tous les ingrédients des romans de Norek sont présent dans cet incidents, un jeune délinquant arrêté de multiple fois par la police est mis à terre de son scooter brutalement par un policier qui a ouvert sa portière au moment où il cherchait à fuir. Le quartier dont il est issu vit essentiellement du trafic de la drogue, or le confinement sanitaire trouble ce trafic. La police patrouille un peu plus que d’habitude dans ces quartiers tenus par des dealers. Le jeune circulait sans autorisation et sans casque sur un scooter. ET …. son arrestation ouvre la voie à des violences nocturnes et sans doute à une reprise du trafic. C’est tout à fait dans la veine de que raconte « Territoires » Dans ce deuxième roman, on voit à quel point pour avoir la paix politique les élus locaux font la part belle aux truands repentis qui seuls savent tenir les quartiers. Encore une fois l’actualité raconte parfois de tels faits, on peut penser que ce n’est que la partie visible d’une pratique beaucoup plus généralement répandue. Enfin dans le troisième roman, on quitte la banlieue pour arriver dans une prison et là, l’horreur atteint son comble. On quitte aussi les trafiquants des banlieues pour croiser la mafia corse et les avocats peu scrupuleux sur la façon de s’enrichir c’est une autre forme de violence tout aussi radicale mais qui ne s’appuie pas sur la destruction de la ville d’où ils viennent.

Il me reste à vous parler du style d’Olivier Norek. D’abord le suspens, il est très doué : tout s’emboîte de façon incroyable, il n’y a aucune invraisemblance et hélas, il n’y a pas non plus de super-héros qui permettrait au lecteur de reprendre son souffle et de croire que cela peut se finir sinon bien un peu mieux ! Non, les gentils ne gagnent pas à tous les coups et oui, les méchants perdent des batailles mais jamais la guerre. La langue d’Olivier Norek est précise et très agréable à lire et en plus, ce qui ne gâte rien, cet auteur a le sens de la formule qui fait mouche .

Les chiffres ne sont que des paillettes pour faire beau à la fin des rapports vides.

ou

Sérieux, dans la phrase « non », c’est quoi le mot que tu comprends pas ?

 

 

Je pourrais presque dire merci au confinement pour m’avoir permis de rencontrer un tel écrivain.

En 2016, déjà, Dasola parlait très positivement de cet auteur

Citations

Code 93

La médecin légiste

 

Dans les siennes elle avait pris ses mains salies, frôlé ses cheveux puis passé le bout des doigts sur les blessures de son visage. Elle avait regardé alentour, car ces choses-là ne se font pas. Elle avait ôté ses gants en latex et recommencé les mêmes gestes. Elle s’était laissée aller au pire des maux de son métier, l’empathie.

 

Description de la banlieue

 

Quatre voies grises et sans fin s’enfonçant comme une lance dans le cœur de la banlieue. Au fur et à mesure,voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu’on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant la déchetterie intermunicipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C’est de cette manière que l’on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles. Une idée que l’on devrait proposer à la capitale, en intra muros. Juste pour voir la réaction des Parisiens. À moins que les pauvres et les immigrés n’aient un sens de l’odorat moins développé…

 

Si vrai

Elle ne pleurerait pas tant qu’il serait là. La tristesse c’est personnel, ça ne se partage pas.

 

Une mère peu aimante

 

Mais si j’étais à Bercy tu ne t’en satisferais pas plus et tu m’enverrais l’Élysée au visage… Je te connais, maman, ton ambition pour les autres est débordante. Seul le corps fatigué de Margaux Soultier avait soixante-dix-huit ans. Le reste aurait pu durer encore quelques générations. Elle avait joué son rôle de mère comme une actrice désastreuse, se considérant plutôt comme une femme d’homme de pouvoir, de celles qui poussent à se surpasser et qui admettent aisément le concept de dommages collatéraux qu’une carrière politique ne manque pas de produire. – Cela t’amuse toujours autant de m’appeler maman ? – C’est ce que tu es, non ? – Ne sois pas ridicule, évidemment, mais tu n’as plus besoin d’une maman à ton âge.

Le monde des affaires et le monde politique

Jacques Soultier était aisément passé d’homme d’affaires à homme de pouvoir sans avoir à changer les règles du jeu, puisqu’elles lui avaient paru être identiques. Il avait construit sa deuxième carrière comme il mettait en place le rachat d’une société ou la liquidation d’une autre : en connaissant les secrets de ses adversaires autant qu’ils tentaient de les cacher.

 

Immigration

 

Au lendemain des révolutions arabes, le flux migratoire tunisien et algérien s’était vu multiplié par trois sans que soit mis en place le moindre programme d’accueil et de logement. Attirés par les lumières de Paris puis rapidement expulsés comme un corps étranger, les nouveaux migrants avaient été, comme d’habitude, accueillis par le cousin pauvre du 93. 

 

Les chiffres et la vérité

Les chiffres ne sont qu’une indication. Ils ne veulent rien dire. Demander un chiffre c’est faire l’évaluation d’un travail. La réponse changera en fonction de la personne à qui vous posez la question. Si vous le demandez à celui qui a effectué le travail, il sera poussé vers le haut. Si vous le demandez à ses détracteurs, il sera tiré vers le
bas. Demander de chiffrer une activité c’est être assuré d’avoir une information déjà faussée. Les chiffres ne sont que des paillettes pour faire beau à la fin des rapports vides.

Le monde politique

En politique, partez du principe qu’il n’existe aucune saloperie à laquelle vous puissiez penser qui n’ait déjà été commise. Aucune. Planquer des cadavres pour permettre la création du Grand-Paris, votre Code 93 n’a pas plus d’ambition qu’une vulgaire opération immobilière.

 

Territoires

 

Des dialogues comme je les aime

– Foret quatre millimètres. C’est gravé dessus. On m’a assuré que vous étiez bon enquêteur, je suis plutôt déçu. –
– On m’a assuré que vous étiez carrément désagréable. Personnellement, je suis comblé.

Les votes en banlieue

– Moins on n’a de votants et plus il est simple d’influer sur le cours d’une élection, c’est mathématique.
– Mathématique, pas politique !

Mort d’un délinquant de banlieue sa mère et la maire …

Sauf madame Doucouré, dissimulée derrière son voile, imperturbable, ou déjà rendormie. Vesperini s’approcha d’elle et elles restèrent ainsi en silence, comme en prière. S’il n’y avait eu aucune bonne fée au-dessus du berceau de Bibz, il y avait bien eu deux sorcières penchées sur son cercueil.

le langage jeune

Sérieux, dans la phrase « non », c’est quoi le mot que tu comprends pas ?

La banlieue

Toi-même tu sais. Douze ans du 93 c’est pas douze ans de Paris. C’est pas les mêmes formats.

La corruption municipale

Certes, Sébastien était le fils de son ex beau-frère, mais surtout elle appréciait sa créativité. Marchés surfacturés, associations fictives, financement occulte de campagne, achat de votes, de gros bras, de colleurs d’affiches, de concierges et de journalistes rapporteurs d’infos, emplois fictifs et placement d’amis aux bons postes. Delsart avait commis tant de malversations qu’il n’en voyait même plus l’illégalité. Dans la mesure où il ne s’agissait pas d’enrichissement personnel, il prenait presque plaisir à ce jeu du chat et de la souris avec la préfecture, les administrations publiques et la Cour régionale des comptes. Pour lui, tout cela ressemblait à de simples mouvements bancaires. Avec juste un peu plus de malice et d’attention.

Une maire efficace

Vesperini venait de décrocher cinq millions d’euros. En provoquant elle-même une émeute dans sa propre ville, elle avait réussi un casse historique. Pire, elle venait de braquer l’État.

Le fonctionnement des municipalités en banlieue

Vous ne savez pas comment gérer ces milliers de gamins sans diplômes ni emplois, mais moi je m’en occupe. Je leur donne un travail et ils font vivre leurs familles. Résultat, le trafic tempère vos quartiers défavorisés et hypocritement, vous nous avez laissés faire, comme si vous ne connaissiez pas les raisons de ce calme. Mieux que ça, vous nous utilisez. Vous nous payez pour garantir votre sécurité pendant vos campagnes, vous nous payez pour vous récupérer des votes et des procurations. Vous vous servez de nous pour asseoir votre pouvoir et, pour être sûre de notre loyauté, parfois, vous engagez certains d’entre nous dans votre propre équipe. Vous
collaborez avec le mal qui ronge votre ville pour en garder le contrôle. Vous êtes même prête à la mettre à feu et à sang. Le serpent se mord la queue. Cercle vicieux, donc.

Surtension

Le cannabis en prison

Le cannabis. Encore un moyen de se garantir un peu de calme. Une partie non négligeable des prisonniers se retrouvent à Marveil pour des délits relatifs à la drogue. Qu’elle soit tolérée à l’intérieur de la prison relève de l’ironie.

La sexualité en prison

Une partie non négligeable des prisonniers se retrouvent à Marveil pour des agressions sexuelles. Qu’elles soient tues, voire tolérées à l’intérieur de la prison, voilà encore qui relève de l’ironie.

La prison école du crime

Malheureusement, il n’existe pas d’endroit plus dangereux, inégal et injuste que la prison. Et au lieu de ressortir équilibré ou cadré, les détenus en sortent plus violents, désabusés, perdus et agressifs, sans aucun projet de réinsertion. Plus venimeux en sorte. La prison comme une école du crime. »

Un moment d’humour

C’est l’affaire du Norvégien. Un type de soixante ans qu’on a retrouvé poignets et chevilles accrochés à un lit après une overdose à l’ecstasy et au poppers. C’est son jeune amant qui nous a appelés. Quand on a essayé de contacter sa famille, on a découvert qu’il était ici en voyage d’affaires sur un projet de jumelage de deux églises, entre la France et la Norvège. Le type était prêtre. Je sais que là-bas ils sont ouverts d’esprit et qu’ils aiment bien se baigner à poil dans l’eau glacée, mais ils ont quand même dû être un peu secoués par la nouvelle.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition Nouvelle Édition Ouest & Compagnie

Encore un roman policier, et sans pouvoir dire que j’aime beaucoup ce genre de lecture, j’ai trouvé celui-ci assez intéressant. En le lisant, je pensais sans cesse que cela ferait un bon film. Et pour une fois, l’écrivain présente assez bien la ville où j’habite. La réalité sociale de notre époque est bien décrite, le roman débute dans un quartier populaire de Rennes, Cleunay, où s’entraînent deux jeunes espoirs du basket local. Fatou, une jeune noire et Rim une jeune arabe. Le sport de haut niveau les a aidées à se forger un mental d’acier et un corps superbe. Leur quartier connaît l’islamisation et elles espèrent grâce au sport pouvoir échapper aux carcans de leur classe sociale. En attendant, elles se retrouvent à Dinard pour un défilé de haute couture car Rim a été recrutée pour une première expérience de mannequin. Dinard où se croisent des gens très fortunés, ce jour là des gens de la mode et des employés très sympathiques des travaux publics et des jeunes qui veulent s’en sortir. C’est dans ce creuset qu’un meurtre va éclabousser tout le monde. J’ai bien aimé le croisement des classes sociales et aussi l’écriture de cet écrivain. Mais j’espère que notre club va ralentir le rythme des romans policiers parce que, pour moi, c’est un peu un pensum à chaque fois que je dois en lire un.
Je n’ai trouvé que peu d’erreurs dans celui-ci une quand même  : Rim et Fatou s’entraînent à Rennes rue Papu et non « Paput » ; je rappelle que François Papu est honoré à Rennes car originaire de cette ville, il est mort pendant les journées révolutionnaire de 1830 ainsi que Louis Vanneau , (ayant été scolarisée à l’école Papu et mes frères à l’école Vanneau, je sais de quoi je parle !)

 

Citations

Les quartiers qui changent

Dans la cité où, depuis deux ans, les barbus et les voiles fleurissent à vue d’œil. À croire que la beauté glabre d’un visage frise l’anathème ou qu’il fallait à tout prix se voiler la face. Masque obligatoire au quotidien, poils pour les hommes, voiles pour les filles, le peuple des tours subit la férule d’un imam réactionnaire.

Description sympa et exacte

Je me retourne pour lancer un dernier regard vers Saint-Malo. Plus nous nous éloignons, plus la ville m’apparaît dans sa compacité. Construite sur la mer, elle se blottit derrière ces fortifications, monolithique, inexpugnable, élégante. La beauté austère de Saint-Malo éclate davantage depuis le large, contrairement aux rivages de Dinard dont les mystères se révèlent à mesure qu’on les approche.Vallonnés, boisés, fleuris, découpés, truffés de luxueuses maisons au parfum d’Années folles, ils offrent mille surprise à l’ombre d’une végétation exotique. Tout en festons et coquetteries, la station balnéaire s’oppose à la rectitude minérale de la cité corsaire. De part et d’autre de l’estuaire , chacun revendique sa place. Les guerriers d’un côté, leur repos de l’autre.