Comme vous le voyez, ce court roman a obtenu un coup de cœur à notre club. Après « Sauver Mozart » c’est le deuxième roman de Raphaël Jérusalmy que je lis avec toujours le même plaisir. J’apprécie, aussi, que l’auteur change complètement d’époque et de sujet. Nous voici avec le grand inquisiteur Torquemada en Espagne en 1485. Il y a, cependant, un point commun entre ces deux romans, nous sommes au cœur de la communauté juive qui va bientôt connaître une terrible destinée : l’expulsion du royaume d’Espagne. Le crime perpétué à Saragosse contre l’inquisiteur local, unanimement détesté : Pedro de Arbuès, va servir de prétexte à une répression menée par Torquemada lui-même et finalement à l’expulsion des juifs hors du royaume et rendra très fragile la présence des juifs « maranes » en Espagne. Ce roman suit le destin deux personnages fictifs que tout ou presque oppose : Léa une jeune fille instruite et très douée en dessin venant d’une famille convertie et cultivée et Angel de la Cruz un noble en haillon et mercenaire qui loue ses services aux plus offrants. L’amour du dessin et de la gravure réunit ces deux personnages. Ce roman, nous permet de comprendre la force du dessin qui peut troubler les puissants jusqu’à les rendre fous . Comment ne pas penser aux caricatures de Mahomet publié par Charlie-Hebdo qui ont valu à 12 personnes dont 8 dessinateurs d’être assassinés au nom d’Allah !

L’enquête pour retrouver les assassins et aussi l’auteur des affiches placardées qui caricature Torquemada et sa verrue est passionnante, elle permet de construire un roman avec un suspens très prenant. On sent que l’auteur connaît bien les ressorts des enquêtes policières des services secrets.

 

J’ai toujours du mal à lire des romans à propos de l’inquisition, tuer ou torturer au nom de Dieu m’est insuportable, mais deux éléments dans ce roman allège ma lecture : les moments où l’auteur décrit l’art du dessin ou de la gravure, ce sont des passages magiques et la fin puisque la destinée des personnages ne se termine pas sur un bûcher avec en plus une note d’humour à propos d’une relique toujours exposée au Musée de Topkapi.

 

Citations

L’inquisiteur Pedro de Arbuès

L’inquisiteur de Saragosse est fatigué. Le fardeau de ses responsabilités lui pèse. Il aimerait tant revenir à l’étude. Dans un monastère isolé. Loin de cette capitale toujours en effervescence, de ce peuple au sang chaud. Il voudrait toucher des livres, caresser des manuscrits, guider les copistes dans leur travail. Plutôt que d’élever des potences, alimenter des bûchers. Mais il accomplit son devoir, jour après jour, sans rechigner. Pour instaurer le royaume de Dieu

Le noble pauvre en Espagne du 15 et 16 siècle

– Angel Maria Ruiz de la Cruz y Alta Messa
 Raquel et Léa répriment un fou rire. Leurs gloussements qu’elles tentent d’étouffer en se cachant derrière leur éventail, tintent gaiement au cœur du silence embarrassé des autres convives.
Habitué aux moqueries qu’attire sur lui un noble en guenilles, Angel de la Cruz s’assied comme si de rien n’était. 

Remarque intéressante

 

Il est bien placé pour savoir qu’un infirme possède toutes sortes de ressources pour pallier son invalidité. Et, qu’armé du courage qu’il lui faut pour la surmonter jour après jour, il est capable de bravoure plus qu’un autre mieux portant.

 

 

Ce livre est dans mes envies de lectures depuis un an. Comme toutes les blogueuses amies, je suis parfois prise aux pièges de toutes mes sollicitations et il me faut du temps pour parvenir à réaliser mes projets. Ce roman historique en demande justement du temps et de la concentration, il ne se lit pas en quelques soirée. Il s’agit d’ailleurs de cela, du temps qui passe et de la lente arrivée de la mort qui rend, enfin, tous les hommes égaux. L’empereur Charles Quint est l’homme le plus puissant du monde quand en 1255, il abdique et renonce à tous ses titres pour se retirer dans le monastère de Yuste ou il mourra en 1258. (la photo rend mal l’ambiance austère, humide, malsaine qui est décrite dans le roman d’Amélie de Bourbon Parme.)

Pour une fois, je peux raconter la fin sans crainte de froisser mes anti-divulgâcheuses préférées. Charles Quint meurt et son empire s’écroule. Il est réduit à sa condition humaine et attend la mort sans peur mais dévoré par une passion, celle des horloges qui sont à l’époque un concentré de progrès technologiques.

Elles ne servent pas seulement à dire l’heure (contrairement à celle où j’ai posé ce roman pour ma photo !) mais à décrire le monde avec, évidemment, la terre création divine au centre d’un univers fermé. Pourtant un certain Copernic avait depuis plus de 50 ans écorné cette belle théorie qui convenait si bien aux esprits rétrogrades tenant de l’obscurantisme catholique soutenus par l’horrible inquisition. Dans un rythme très lent qui accompagne chaque dégradation d’un homme qui va mourir, cette auteure nous permet de partager les pensées de Charles Quint. Et puisqu’il fallait bien un suspens, c’est la passion pour les horloges astronomiques qui va pour ce roman, introduire une possibilité de fissure dans la recherche du calme olympien avant la mort : Charles Quint percera-t-il le secret de cette dernière horloge astronomique ? et que veut dire cette phrase « Sol numquam decidentis » inscrite dans le fond du boitier de l’horloge noire qui l’inquiète tant ? Est ce que le soleil ne se couche jamais sur l’empire de Charles Quint ? ou ne se couche-t-il jamais ?

Je ne suis pas surprise que Dominique soit tombée sous le charme de ce roman que j’ai bien aimé également sans pour autant adhérer totalement, j’ai parfois été gênée par la lenteur du récit. Je salue bien volontiers les talents d’écrivain d’Amélie de Bourbon Parme qui sait faire revivre celui qui pour tant de monde est seulement un portrait (du Titien excusez du peu !) et qui, pour elle, est un ancêtre.

 

Citations

Philippe successeur de Charles Quint

Ce garçon avait une allure étrange, comme s’il manquait quelque chose ou quelqu’un dans cette silhouette de demi-souverain à qui l’empereur avait pourtant transmis la moitié de ses possessions.

Même lorsqu’elles étaient courtes, les visites de son fils étaient longues en silence.

Rapports du Pape et de Charles Quint

L’empereur sentit son visage se crisper à la vue du sceau pontifical. Boursouflé de cire et d’arrogance, l’emblème papal faisait luire toutes les prétentions de l’Église en même temps. Le nouveau pape y avait glissé ses initiales en secret : Gian Pietro Carafa. En se détachant, le cachet de cire fit le même petit bruit sec qu’une coquille vide que l’on casse dans sa main. Un bruit qui convenait tout à fait à l’émetteur de ce pli.

Un portait d’ Hildago « au mutisme farouche »

Le colonel Quijada ne répondit pas. Personne ne savait se taire comme lui. Son silence n’était pas de ceux que l’on ignore, il creusait des gouffres . Il avait le mutisme farouche et profond des hidalgo, le silence des hommes dévoués qui savent ce qu’on leur doit.

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L’avantage d’élargir sa blogosphère, c’est de trouver de nouvelles tentations : la lecture de ce livre je le dois à « Et si on bouquinait un Peu » qui signe ses commentaires « Patrice » sur mon Blog mais c’est Eva qui a écrit l’article qui m’a tentée. Son billet doit être bien fait car j’ai peu de goût pour les romans historiques et pourtant je n’ai pas hésité une seconde. J’espère donc, vous donner envie à mon tour. Cet auteur nous fait revivre un fait historique qui appartient à la face sombre du grand règne de Louis XIV. À la fin de son règne, ce grand roi devient bigot et révoque l’édit de Nantes. Pour le plus grand malheur des protestants installés en France qui avait gagné une certaine tranquillité et prospérité. La France s’est ainsi privée d’artisans industrieux qui ont fait la richesse des pays qui les ont accueillis.

La famille que Guillaume Vallade (fils cadet d’une bonne famille catholique) va aider à fuir la France travaille dans des tapisseries et sont « Lissiers » ou liciers . Il tombera éperdument amoureux d’Esther mais qui est mariée, elle lui confie sa sœur Jéhanne restée en France pour protéger leurs biens. Jéhanne a connu les dragonnades et toutes les horreurs que la soldatesque à qui l’on permet tout est capable de commettre sur une femme sans défense et d’origine huguenote . Guillaume, fis du plus grand bâtisseur de Versailles aurait dû connaître une vie facile, malheureusement, il sera la victime de la jalousie de sa belle sœur. Et c’est là que se situe le fait historique du « Congrès ». L’église dans sa version la plus stupide a organisé un procès pour prouver l’impuissance du jeune garçon, et annuler son mariage. La belle sœur compte ainsi faire de son fils le seul héritier des Vallade. Et donc, on oblige le jeune couple après moult examens de leur appareil génital de passer à l’acte devant une foule de médecins de gens d’église et de la partie adverse. On ordonne au présumé coupable de « Dresser, pénétrer, mouiller ».

Le roman évite tout passage voyeur, on est dans le drame de ce jeune homme chez qui ces investigations bloquent tout espèce de désir. Je ne veux pas divulgâcher ce roman, la fin est triste autant que le début. Le passage le plus tragi-comique, ce sont les discussions des médecins entre eux, Molière n’est vraiment pas loin, sauf qu’ici ces ânes savants ont entre leurs mains la vie et l’honneur d’un jeune homme et d’une jeune femme. L’absurdité des lois religieuses qui se mêlent de justice humaine sont révoltantes. J’ai beaucoup apprécié la façon dont cette fin de règne et les difficultés des uns et des autres sont décrites. Mais j’ai toujours les mêmes réserves pour ce genre de roman, j’aurais largement préféré lire le travail d’un historien que ce sujet . Qu’est ce que c’est que cette histoire de « congrès » ? Est-ce qu’il y a eu beaucoup de cas de couples obligés à s’exécuter devant témoins ? et le cas de ce Guillaume Vallade était-il lié aux Huguenots ?

Bref, je ne suis pas totalement en accord avec la partie romancée de ce texte mais très intéressée par la partie historique, tout en ne faisant pas complètement confiance au romancier pour la véracité des faits. Compliqué ! mais c’est ce que j’éprouve à chaque fois que je ne suis pas totalement bien dans un roman historique. Que ceux qui aiment le genre se précipitent et me disent ce qu’ils en pensent car c’est vraiment dans le style un bon roman même pour moi, la difficile.

Citation

La note est de moi, et malgré le moment tragique du récit, j’ai éclaté de rire en trouvant la définition

L’impuissant commet le plus affreux crime de mensonge ! j’accuse de stellionataires* et d’imposteurs ceux qui font supposer de fausses marchandises pour véritables. En commettant cette mystification ils deviennent faux-monnayeurs.

*Stellionataire qui commet un stellionat : fait de vendre un bien dont on sait ne pas être propriétaire (la note est de moi car j’avoue que je ne connaissais pas ce mot)

Opposition de deux conceptions de la religion

– Une femme doit comprendre ce que des confesseurs attendent qu’on leur réponde, murmura-t-il en surveillant qu’on ne l’entendait pas.

– De la religion d’où je viens, ce genre d’homme n’existe justement pas, dit-elle d’une voix qui sonnait.

– Hélas, madame ! Il est peut-être là, le fond de notre problème.

Une remarque tellement vraie

Je l’avais deviné dès qu’il est entré. Les porteurs de mauvaises nouvelles ne peuvent pas dissimuler longtemps le malheur dont ils sont embarrassés.