Édition Pacifiques Au Vent des Îles. Traduit de l’anglais (Australie) par David Fauquemberg.

Ces gens étaient les survivants vaincus et dépenaillés de longs conflits. Ils avaient été épargnés par les fusils, les trous d’eau empoisonnés, la farine coupée à l’arsenic, la variole et les maladies vénériennes.

 

Il faut lire ce livre, l’offrir, le prêter, lui faire immédiatement une place dans vos bibliothèques ! Je rajoute que cela m’a fait un grand plaisir que ce roman soit traduit par David Fauquemberg dont j’avais tant aimé Bluff. 

Stan Grant est un journaliste très connu en Australie, est-il australien ? C’est toute la question qui est portée par cet essai autobiographique. Car il est avant tout Aborigène. Cela veut dire qu’il porte en lui toutes les souffrances de ces peuples qui étaient là bien avant que l’on plante un drapeau anglais sur ce pays grand comme un continent. La légende australienne a prétendu, pendant deux ou trois siècles, que les colons étaient arrivés dans des terres vierges ou si peu habitées qu’elles n’appartenaient à personne. Être « personne » c’est ce que deviendront les Aborigènes car ils n’ont pas pu se défendre contre des colonisateurs mieux armés qu’eux et surtout tellement convaincus qu’ils avaient en face d’eux « Une espèce d’hommes » mais pas des êtres humains comme eux. Alors, ils les ont massacrés, empoisonnés, violés et enfin, ils leurs ont arraché leurs enfants pour en faire des blancs à peau noire. Si Stan Grant réussi à se sortir de la misère, de la drogue, de l’alcool qui détruisent les 3/4 de la population aborigène, c’est qu’il a été élevé par des parents aimants et courageux. Mais victimes d’un racisme qui a marqué cet homme brillant au fer rouge.

Ce texte est un chef d’œuvre d’intelligence et de sensibilité , je me le suis tellement approprié que j’ai oublié de dire que j’ai trouvé ce titre chez Ingannmic merci beaucoup à elle.

Citations

Début du livre.

 Ma colère est éclate brusquement, à la moindre provocation ; quelques fois, elle me coupe le souffle. Je sais d’où elle vient. Je l’ai vu chez mon père et lui-même l’avait héritée de son père. Elle naît du poids de l’histoire.
 J’ai peur aussi. Et cette peur provient de la même source. J’ai connu cette peur toute ma vie. Quand j’étais petit elle me rendait malade, physiquement malade au creux de l’estomac. C’était la peur de ce qui pouvait nous atteindre -le sentiment d’impuissance, l’impression d’être à la merci de l’intrusion des policiers ou des agents des services sociaux faisant respecter les lois, ces lois qui entérinaient notre exclusion et nous condamnaient à la misère.(…)
 Nous craignons l’État et nous avions toutes les raisons de les craindre. L’État a été conçu pour nous terroriser .

Noirs et Blancs.

 L’Australie était dure avec nous. Nous étions issus d’une longue lignée d’hommes et de femmes qui avaient été maltraités. Les miens étaient les oubliés de ce pays et de la grande vague de progrès qui s’était emparé de lui. Nous étions noirs et l’Australie était blanche.

Difficultés d’être aborigène.

 Je me débattais depuis si longtemps avec l’histoire de mon pays, et le fait de vivre à l’étranger m’avait permis de desserrer un peu se joug qui m’étouffait. Mais quel que soit le pays où j’allais, j’étais constamment en train de chercher à valider l’identité de la personne que j’étais. L’identité implique une forme de réciprocité -nous avons besoin que les gens nous voient comme nous nous voyons. (…)
Je m’accrochais à qui j’étais : je restais un Aborigène mais au fil du temps, je me suis éloigné un peu plus de mon pays et des miens. Je n’ai jamais oublié qui j’étais. Mais, là-bas, dans le vaste monde, cela ne comptait plus autant.

Le racisme.

 Aucun élément génétique de nous sépare ; ce qui nous oppose c’est notre histoire – ce que nous nous sommes fait subir les uns aux autres au nom de la race. C’est ce racisme là qui subsiste encore, si puissamment dans nos imaginaires. Le racisme compare les civilisations et établit un ordre entre elles. Le racisme a servi de justification pour nous prendre tout ce que nous possédions. 

Fondement de L’Australie .

 Le racisme n’est pas en train de tuer le rêve australien. Dès le début, le rêve australien est fondé sur le racisme. Depuis que le premier drapeau britannique a été planté sur le sol de ce continent, les règles ont toujours été différentes pour nous. Un bagnard pouvait débarquer ici enchaîné, puis faire fortune et mourir en homme libre. La peine à laquelle nous condamnaient les lois britanniques était autrement plus longue.

 

 

 

 Je vous laisse avec Archie Roach le chanteur qui a su émouvoir l’Australie entière.

 

 

 

 

Édition 10/18 domaine étranger . Traduit de l’anglais par Delphine et Jean-Louis Chevalier

 

Le 23 janvier 2020 je disais à Aifelle que ce livre me tentait beaucoup. Elle me mettait en garde contre l’aspect très noir du roman, elle avait bien raison mais je ne regrette absolument pas cette lecture même si parfois je l’ai trouvée éprouvante.

Ce n’est pas un roman qui se lit facilement parce qu’il décrit une tension que rien ne semble pouvoir apaiser. Mais il permet de découvrir le sort qui était réservé aux émigrés européens qui, après la guerre, ont voulu rejoindre l’Australie pour fuir les horreurs qu’ils venaient de vivre. Comme à toutes les époques d’après conflits, les populations recherchent un ailleurs plus souriant, mais les pays se referment sur eux mêmes et n’accueillent que difficilement de nouveaux arrivants même dans un pays comme l’Australie qui pourtant, est, en principe, une terre d’immigration.

Le roman se construit sur deux époques, l’enfance de Sonja dans les années 1950, et en 1990 son retour alors qu’elle est enceinte vers son père Bojan Buloh, un ouvrier dur à la tâche et qui noie son mal de vivre dans l’alcool. Avant ces dates, il y a aussi le passé dans les montagnes Slovènes où Bojan et sa femme Maria ont connu l’horreur absolue de la guerre contre les nazis menée par des partisans. Ces horreurs ont modelé des êtres qui renferment alors en eux des bulles de fragilités dont ils n’ont eux-mêmes pas idée et qui peuvent éclater à tout moment. Les chasser loin, au delà de leurs souvenirs, ne leur permettra pas de se débarrasser de leur présence dans leur personnalité.

Marie, disparaît dès le premier chapitre. Disparaît c’est vraiment le mot employé et elle laisse derrière elle, une petite fille de 5 ans qui ne comprend pas et un mari complètement effondré qui ne trouvera que dans l’alcool des oublis qui ne durent que le temps de l’ivresse. La vie des émigrés étaient dures, en effet, avant de devenir australien, ils devaient accepter de travailler pendant deux ans là où on avait besoin d’eux. Pour Bojan, ce sera à construire des barrages hydrauliques en Tasmanie. Si la description du climat est réaliste, cela ne donne guère envie d’y faire du tourisme, il y fait froid, le paysage est noyé sous la brume ou la pluie battante. L’enfant est d’abord retiré à son père et fréquentera deux familles d’accueil absolument horribles, puis elle viendra vivre avec lui. Bojan aime son enfant mais est dépassé par son drame personnel, et lorsqu’il a bu frappe sa fille sans raison. Malgré cela Sonja a bien du mal à le quitter, et c’est vers lui qu’elle revient adulte et enceinte.

Ce roman est donc très sombre et parfois trop pour moi, et il est soutenu par une évocation d’une nature sans pitié qui colore le roman d’une tension supplémentaire. Pendant tout le roman on espère comprendre le pourquoi de tant de malheurs, on sent que la vérité va être insupportable et elle l’est effectivement. Je ne m’attendais pas à cette explication que je me garde bien de vous dévoiler. La fin du roman est un petit moment d’espoir autour d’un bébé qui représente un avenir possible. En tout cas, c’est que j’espère, on croise les doigts pour ce bonheur fragile.

 

Citations

 

Réaction de Soja face à la colère de son père complètement ivre

Il n’était pas grand, Sonja Buloh n’était pas grande non plus et ne possédait pas sa faculté de prendre des proportions gigantesques. Elle, c’était précisément l’inverse. Pour échapper à ce courroux, elle avait appris l’art de la petitesse, l’art de rendre son être si menu qu’il devenait invisible sauf à un examen attentif.

La langue et l’immigration

Il s’arrêta, rassembla ses pensées dans sa tête et essaya de les réarranger en un semblant d’anglais correct. « J’aurais dû écrire à toi, euh, des lettres, mais euh, mon anglais, il va au travail, il va au pub, mais il va pas si bien sur le papier. »
« Il y a des choses qui comptent plus que les mots » dit-elle puis elle s’arrêta. Sa remarque avait toutefois frappé son père . Il devint presque volubile, mais sans colère, pour la réfuter. 
« Peut-être tu dis ça parce que tu as plein de mots, dit-il tu as trouvé une langue. Moi j’ai perdu la mienne. J’ai jamais eu assez de mots pour dire aux gens c’que je pense, c’que je ressens. Jamais assez de mots pour un bon boulot. »

Illusions australiennes .

Pour Sonja la ville de Tullah n’était pas nichée dans la haute vallée entourée de tous côtés par les montagnes sauvages, mais avait plutôt un air de catastrophe industrielle disposée en petit tas réguliers qu’on avait laissés s’enfoncer dans le sol marécageux. Tout être, toute chose était provisoire. Sauf la forêt tropicale et le bois bouton qui repousserait une fois terminé cette brève interruption. Ce n’était pas un lieu où les gens naissaient ou souhaitaient mourir, mais un lieu qu’ils aspiraient simplement à quitter. 
La promesse faite aux travailleurs émigrés, l’offre d’une vie meilleure en Australie dans l’Europe dévastée par la guerre, l’insaisissable arc-en-ciel de la prospérité et e de temps plus paisibles, tout cela s’était amenuisé, éloigné, ce n’était plus une chose réelle mais un kaléidoscope, un rêve à moitié fixé dans la mémoire qu’il valait mieux essayer d’oublier.

Les désespérés

À la fin la seule chose qui comptait, c’était qu’il semblait ne pas y avoir d’issue, vraiment rien d’autre que la mort ou l’alcool. Au bout d’un certain temps tout le reste s’évanouissait, et certains étaient assez contents qu’il en soit ainsi et d’autres non, mais dans un cas comme dans l’autre la plupart finissait par décider que mieux valait ne pas songer sans cesse au joug du destin qui pesait si durement sur eux. Au bout d’un certain temps ils perdaient à peu près tout, famille, argent, espoir. Ils conservaient toutefois une certaine camaraderie de chiens perdus qui valait ce qu’elle valait, généralement pas grand-chose, certaines fois énormément.

Le discours que le père n’a pas pu dire à sa fille

Elle partie, il trouva finalement les mots pour exprimer ce qu’il voulait lui dire depuis longtemps. « Toi et moi, dit-il d’une voix basse au débit hésitant, on a vécu, on a vécu pire que des chiens. Je regrette. Je pense pas qu’tu reviendras. Crois-moi, j’ai jamais voulu tout ça, la boisson, les coups, ces gourbis d’émigrés, des fois des choses t’arrivent dans la vie et malgré tout, malgré c’que t’espères, tu peux pas les changer. »
Sa confession terminée, son éloquence l’abandonna aussi rapidement qu’elle était venue. 
Avant d’aller prendre dans le frigo sa première bouteille de la journée, oublieux de l’heure matinale, il dit seulement une chose à la brise qui s’engouffrait du monde extérieur.
 » On est venus en Australie, dis Bojan Buloh, pour être libres ».

 

 

 

Édition « le livre de poche » , Traduit de l’Anglais (Australie) par Béatrice Taupeau

 

L’époque étant ce qu’elle est, je suis souvent à la recherche de lectures pas trop violentes. J’ai trouvé cette suggestion chez Aifelle . Et ce roman a bien rempli son office. Je suis partie en Australie à la sortie d’une école maternelle avec des gens surinvestis dans leur rôle de parents compétents, il y a bien sûr plus de mamans que de papas mais ces derniers ont aussi un rôle important à jouer. Dès le début nous savons que lors d’une soirée à l’école, il y a eu un mort et donc une enquête pour connaître les circonstances de ce drame. Le roman raconte en détail ce qui s’est passé pour en arriver là. Nous plongeons donc dans la vie de quatre familles : la famille la plus importante pour l’intrigue est celle de Céleste et Perry , un couple idéal, des parents jeunes, sportifs beaux et riches mais qui cachent un lourd secret de violence conjugale . Celui de Madeline et Ed avec un problème pour Madeline de se retrouver parent d’élève avec son ex-mari et sa nouvelle femme parfaite, Bonny, ce qu’elle n’est absolument pas. Enfin il y a Jane et son petit garçon Ziggy qui sera accusé d’être harceleur ce qu’il n’était pas. Tous ces personnages gravitent donc autour des activités scolaires dirigées par le « clan des « serre-tête » qui interviennent fort mal à propos dans les histoires des enfants.

L’auteure a un bon sens de l’observation et s’amuse visiblement avec tout ce petit monde, il y a hélas derrière tout cela une femme qui doit échapper à l’emprise d’un homme violent et c’est vraiment bien raconté. Comme souvent, pour les romans style romans américains (et pourtant l’auteure est Australienne) je trouve que le récit se traîne un peu longueur mais c’est une lecture facile qui permet de quitter facilement le monde du Covid !. Je ne suis pas surprise que l’on en ai fait une série.

 

 

Citations

J’aime ce sens de l’observation, on se sent tout de suite à une sortie d’école en Australie

Mais elle adorait entendre l’incroyable brouhaha de voix enfantines à intervalles réguliers dans la journée, et comme elle ne se déplaçait plus en voiture, elle n’avait que faire des embouteillages dans la rue, causés par ces énormes véhicules que tout le monde conduisait aujourd’hui, et ses femmes affublés d’immenses lunettes de soleil qui se penchaient sur leur volant pour échanger à tue-tête des informations de la plus haute importance concernant le cours de danse de Harriette et la séance d’orthophonie de Charlie.
Comme elles prenaient le rôle de mère au sérieux. Il fallait les voir, avec leur petit visage affolé, leur démarche dynamique et leur air important lorsqu’elles pénétraient dans l’école, fesses moulées dans leur tenue de gym, queue de cheval au vent, regards rivés sur l’écran de leur téléphone portable au creux de la main telle une boussole.

Les enfants à hauts potentiels

Chaque semaine, Renata et Harper fréquentaient le même groupe d’entraide destiné aux parents d’enfants à « haut potentiel ». Madeline les imaginait sans peine, installés en cercle, se tordant les mains d’angoisse, le cœur secrètement gonflé d’orgueil.

Une femme maltraitée

Sans compter que son indécision reposait sur un fait indéniable : elle aimait son mari. Passionnément. Il la rendait heureuse, la faisait rire. Elle adorait discuter avec lui, regarder la télévision avec lui, à rester au lit avec lui le matin quand le temps était froid et pluvieux. Elle le désirait toujours.
 Mais rester, c’était lui donner la permission implicite de recommencer. Elle en avait bien conscience. C’était une femme instruite, elle avait plusieurs options, des endroits où se réfugier, des amis et des parents pour la soutenir, des avocats pour la défendre. Elle pouvait reprendre le travail, subvenir à ses besoins. Elle pouvait le quitter sans craindre qu’il l’a tue. Sans craindre qu’il lui prenne les enfants.

Attitude des parents de maternelle face à un enterrement du père d’un de leur camarade

Ceux qui avaient choisi de mettre leur cher petit à l’abri d’une telle expérience tablaient sur le fait que les enfants qui n’auraient pas cette chance feraient des cauchemars et seraient traumatisés à vie, suffisamment en tout cas pour que le résultat d’examen au lycée s’en ressentent. Les autres espéraient que cette expérience serait une leçon précieuse pour leurs bambins, leçon sur le cycle de la vie, l’importance d’épauler leurs amis dans la détresse. Elle les rendrait plus « résistants  » plus à même de se tenir à l’écart des conduites à risque à l’adolescence.

 

 

Traduit de l’anglais par Georges Lory.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. 

 

Voici sept nouvelles qui peuvent se lire séparément, mais qui ont des points communs : le vieillissement et la volonté de rester soi-même d’une femme indépendante et intellectuelle malgré les affronts de l’âge, les soucis des enfants face à l’indépendance et la fragilité de leur mère vieillissante, et enfin les animaux que les hommes traitent si mal parfois.

Toutes les nouvelles ont beaucoup de charmes et de délicatesses, rien n’est résolu, les histoires sont comme en suspens . La dernière qui a donné son titre au recueil « l’abattoir de verre », m’a fait penser au livre de Vincent Message « Maîtres et Possesseurs » , d’ailleurs J.M Coetzee rappelle la philosophie de Descartes dans cette nouvelle. Ce n’est pas celle que j’ai préférée, je sais que je vais l’oublier assez vite, sauf sans doute l’image des poussins que l’on broie à peine nés car ils ne sont pas du bon sexe, (aucune féministe ne se réjouira de savoir que ce sont les petits mâles que l’on passe à la broyeuse !). J’ai beaucoup aimé la nouvelle de la femme qui se réfugie dans un village espagnol entourée de chats à moitié sauvages et d’un certain Pablo un peu demeuré et qui l’aide à vivre dans une maison si inconfortable. Que son fils soit inquiet on peut le comprendre, mais rien ne semble pouvoir la faire changer d’avis !

Je me suis demandé pourquoi J.M Coetzee avait choisi de se mettre à la place d’une femme puisque ces sept nouvelles racontent sept moment différents du vieillissement la vie d’Elizabeth Costello mais il a beaucoup de talent pour sonder l’âme humaine qu’elle soit dans un corps féminin ou masculin.

 

 

Citations

 

Se sentir vieillir

Ce que je trouve troublant vieillissant, dit-elle à son fils, c’est que j’entends sortir de ma bouche des mots que jadis j’entendais chez les personnes âgées et que je m’étais promis de ne jamais employer. Du style  » Où-va-le-monde-ma-bonne-dame ». Les gens se promènent dans la rue en mangeant des pizzas tout en parlant dans leur portable -où va le monde ?

 

La beauté

La question que je me pose à présent, c’est : toute cette beauté quel bien m’a-t-elle fait ? La beauté n’est-elle qu’un bien de consommation, comme le vin ? On le déguste,on l’avale, il nous donne une sensation agréable, grisante, mais qu’en reste-t-il au final ? Le résidu du vin, excusez-moi, c’est l’urine ; quel est le résidu de la beauté ? Quel aspect positif nous laisse-t-elle ? La beauté fait-elle de nous des gens meilleurs ?

 

L’automne

Tout comme le printemps est la saison qui regarde l’avenir, l’automne est la saison qui regarde vers l’arrière 

 Les désirs conçus par un cerveau automnal sont des désirs d’automne, nostalgiques, entassés dans la mémoire. Ils n’ont plus la chaleur de l’été ; même lorsqu’ils sont intenses, leur intensité est complexe, plurivalente, tournée vers le passé plus que l’avenir. 

 

Traduit de l’anglais (Australie) par Françoise Rose.

Ce roman a le grand mérite de tenir la distance Saint-Malo/Paris. Il a, de plus, beaucoup plu à la petite souris jaune. Moins à moi, mais je suis toujours réticente aux histoires d’animaux et celle-là même si elle est très belle est particulièrement invraisemblable. On peut aimer pour le dépaysement africain , pour l’amour des lions, et la beauté de notre planète qui est de moins en moins sauvage et de plus en plus tristement humaine. J’apprécie tous ces thèmes mais qu’une lionne veuille et sache sauver la vie d’une petite fille de 7 ans cela me semble totalement invraisemblable. Autant que l’attachement subit et fort de la chercheuse quadragénaire pour cette enfant. Le happy end n’est pas de trop, il est à l’image du livre « à l’eau de rose » de la savane. Et pourtant, malgré tous ces défauts, l’auteure a su m’emporter dans l’Afrique dure et superbe des grands espaces. Dans le genre « le lion » de Kessel est plus réaliste, peut être démodé, je ne sais pas, je ne l’ai relu depuis si longtemps. La souris jaune vous promettait une lecture d’été et je rajouterai si vous aimez les lectures d’adolescents défenseurs de la planète.

Citations

Genre d’images qui créent un ailleurs

Quand le soleil atteignit l’horizon, il se répandit sur la plaine. Angel retint son souffle. Majestueusement et immobile, la lionne se découpait sur le ciel nimbée d’une lumière dorée, telle une créature de feu.

La psychologie de magazine féminin

Et si cela n’avait rien à voir avec son apparence ou son caractère ? Si c’était plutôt elle qui avait toujours choisi de vivre avec des gens qui l’abandonnaient constamment ? Si elle avait inconsciemment cherché à reproduire la relation qu’elle avait eue avec sa mère, traînant ce schéma derrière elle depuis des années, comme une malédiction ?

20161024_141947Je signale que la photo est prise sur ma veste en goretex, solidarité oblige ! Traduit de l’anglais (Australie) par Odile DEMANGE. Lu grâce au club de lecture de la média­thè­que de Dinard.

5
Je mets toujours 5 coquillages quand un livre me fait rire, c’est très rare et ça fait tellement de bien. Le thème du club ce mois-ci, était : « des livres légers qui font sourire ». Ce livre correspond exactement à cette définition, et comme beaucoup de livres qui nous font sourire et parfois (pour moi en tout cas) pouffer de rire, il est plus profond qu’il n’y paraît. La quatrième de couverture cite le questionnaire que Don Tillmann met au point pour réaliser « son Projet épouse », en bon scientifique, il a très bien balisé le terrain pour trouver la femme idéale.

Celle ci ne doit pas :

  1. fumer et boire
  2. être végétarienne et aimer la glace à l’abricot
  3. se lever après 6 heures.

Mais elle doit :

  1. faire du sport
  2. être ponctuelle
  3. accepter le système de Repas Normalisé qui prévoit du homard au dîner le mardi.

Mais voilà qu’une certaine Rosie qui fume qui est végétarienne qui n’a qu’un sens relatif des conventions et des règles vient troubler le quotidien de cet homme brillant mais totalement inapte à vivre en société. Tous les personnages sont intéressants et les situations extrêmement drôles. Graeme Simsion, n’écrit que du point de vue de Don, et donc à nous d’imaginer les réactions de ceux qu’une trop grande franchise peuvent perturber. Don est un scientifique à la mémoire prodigieuse mais incapable instinctivement de relations sociales avec les autres humains et surtout d’improvisation. Sa vie est donc entièrement prévisible et tout le temps qu’il gagne à faire très vite ce qui l’ennuie, il le garde pour parfaire ses connaissances scientifiques. Bien sûr cela ressemble à un comportement autiste et ses amis le poussent d’ailleurs à faire une conférence sur le syndrome Asperger, persuadés sans doute qu’il se reconnaîtra. Mais là n’est pas son problème, il est occupé à trouver une épouse et à aider Rosie à trouver son père biologique. Il fait une conférence aussi sérieuse que peu conventionnelle évidemment, devant un parterre de parents d’enfants autistes et cela a peut-être été pour eux un formidable moment d’espoir. En tout cas « les aspis » ont adoré !

J’ai beaucoup apprécié que les personnages secondaires ne soient pas des caricatures plusieurs histoires s’entremêlent et elles ont toutes de l’intérêt. J’ai vu souvent passer ce roman sur les blogs et je rejoins le chœur des avis positifs. Si vous avez un petit coup de blues lisez ce théorème et vous retrouverez le sourire.

Citations

Un métier passionnant

Mon travail personnel porte sur la prédisposition génétique à la cirrhose du foie. Je consacre une grande partie du temps que je passe à la fac à saouler des souris.

Une honnêteté dure à supporter pour son entourage

Une femme au fond de la salle a levé la main. Concentré sur mon argumentation, j’ai commis une erreur sociale mineure que j’ai promptement corrigée :

– Oui la grosse…. La dame en « surpoids » du fond ?
– Elle est restée silencieuse un moment et a regardé autour d’elle avant de poser sa question

L’avantage d’une veste en Goretex par rapport à une veste de laine imposée dans un restaurant chic

Ma veste en goretex « ce vêtement de haute technologie » qui m’avait protégé de la pluie et de tempêtes de neige, se voyait désormais, de façon totalement irrationnelle, injuste et contre-productive, désavantageusement comparée à l’équivalent en laine essentiellement décoratif de l’employé. J’avais payé la mienne mille quinze dollars, dont cent vingt dollars de supplément pour la couleur jaune fluo disponible sur option.

Don Tillman fait souvent des remarques très justes

Le cerveau humain est programmé pour se concentrer sur les différences au sein de son environnement. Il faut qu’il puisse rapidement repérer la présence d’un prédateur. Si j’avais des reproductions ou autres objets décoratifs, je les remarquerai pendant quelques jours et ensuite mon cerveau les ignorerait.

Réflexions sur les vierges qui attendent les fous qui tuent au nom d’Allah

Je trouve ça irrationnel, ai-je remarqué, de vouloir des vierges. Une femme ayant une certaine expérience sexuelle est certainement préférable à une novice

Un de mes éclats de rire : Don s’entraîne à la danse de salon dans son bureau à l’université

Je travaillais mes pas de danse quand Gene est entré dans mon bureau
– Il me semble que les statistiques de longévité reposent sur des mariages avec des femmes vivantes, Don.
Il faisait allusion au squelette que j’utilisais pour m’entraîner.

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Traduit de l’anglais (Australie) par Valérie Malfoy. Livre reçu grâce à Babelio et les éditions Albin Michel dans le cadre de Masse Critique.Livres contre critiques

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Babelio précise que l’on reste libre de ses critiques même si ce livre est un cadeau, je n’ai, hélas, rien trouvé d’intéressant dans ce roman. L’histoire d’abord, ce jeune garçon, Tom, rencontre une bande de marginaux qu’il fréquente plutôt que de s’inscrire à l’université. Il semble uniquement préoccupé par l’effort qu’il doit faire pour se faire accepter par la bande d’artistes ratés. Aucun personnage n’a le moindre intérêt, entre drogue, alcool et larcins divers, ils vont voler dans un musée un tableau de Picasso « la femme qui pleure ». Pour ma photo, je n’avais que le portrait de Gertrude Stein chez moi. Il y a, d’ailleurs, une Gertrude dans l’histoire qui ne vit que pour la drogue. Pour s’enrichir la petite bande a prévu de revendre des copies du tableau. C’est là sans doute que devrait naître le suspens ?

Le style de l’auteur est si plat ! On passe d’un dialogue à l’autre sans jamais se sentir concerné par l’histoire ; qu’il s’agisse de meurtre, ou de revente d’un tableau célèbre, ou ce qui semble agacé le plus Tom, la présence d’une petite fille parfaitement mal élevée, tout est dit de la même façon. Les personnages sont vides et on ne comprend vraiment pas pourquoi Tom leur trouve le moindre intérêt. Son histoire d’amour est totalement convenue et la fin sans surprise. Bref que dire : méfiez-vous surtout des quatrième de couverture où l’on peut lire :

Dans ce roman d’apprentissage au suspense psychologique captivant, l’auteur de « la Mauvaise Pente » et des « Affligés » réussit un saisissant portrait d’une jeunesse excentrique au seuil de l’âge adulte, face aux illusions et aux déceptions qui l’accompagnent. 

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Traduit de l’anglais (Australie) par Anne Wicke.
Coup de cœur au club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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S’il a reçu son « coup de cœur » à notre club, c’est grâce au plaisir évident qu’une des lectrices a su exprimer lors de notre rencontre. Elle a aimé les descriptions de la mer, la solitude de la vie du gardien de phare, et l’analyse du sentiment maternel. Tout cela est dans ce livre et plus encore : on y trouve aussi, les conséquences de la guerre 14/18 en Australie, ne serait-ce que pour cela , le roman mérite d’être lu.

J’ai quelques réserves sur l’aspect romanesque, d’ailleurs notre lectrice du club a souligné les quelques invraisemblances sans lesquelles, comme elle nous l’a dit, il n’y aurait pas de roman. Alors peu importe que lors d’une dérive en mer de plusieurs jours, sans eau et sans vivre, ce soit l’homme qui soit mort et pas le tout petit bébé de quelques mois, il faut l’accepter pour que l’histoire s’installe.

L’Australie a été peuplée (certains diraient envahie, mais ce n’est pas le propos du livre) par des Européens, et ce romans montre bien, que les raisons pour lesquelles ces migrants sont arrivés sur ce nouveau continent, pèsent sur leur destinée en Australie. Je n’avais jamais imaginé qu’en 1918 les Australiens d’origine allemande puissent être à ce point détesté. Le héros Tom, lui est d’origine anglaise et a été élevé dans la pure tradition britannique et n’a jamais appris à exprimer ses sentiments. A son retour de guerre, il est traumatisé et s’enferme dans un silence que seul la lueur du phare éclaire quelque peu. Puis, il retrouve goût à la vie grâce à Isabel qu’il aimera toute sa vie, bien plus que la sienne (de vie !). Un bébé leur arrive par la mer et le bonheur total s’installe dans cette île coupée du monde. Hélas ! ce bébé a une mère qui pleure tous les jours la disparition de son tendre époux et de son bébé, sa petite Grâce.

Ainsi, le drame commence et connaîtra bien des rebondissements. Pourquoi, malgré l’enthousiasme de beaucoup de lecteurs, suis-je restée sur la réserve, la construction romanesque est vraiment trop classique, j’ai cru me retrouver dans mes lectures d’adolescente, aujourd’hui, je me laisse moins facilement embarquer dans ce genre de lecture. Le roman n’est pas manichéen et l’analyse des personnages est tout à fait plausible, mais il ne m’a pas entièrement convaincue. Je laisse le dernier mot à la bibliothécaire qui a lui a décerné un coup de coeur, avec cette formule « conviendra à un large public » , et les avis sur Babelio lui donnent entièrement raison

Citations

La guerre 14/18 en Australie

Puis, en 1914, les choses changèrent. Partageuse découvrit qu’elle aussi possédait quelque chose dont le monde avait besoin. Des hommes. Des hommes jeunes. Des Hommes en forme. Des hommes qui avaient passé leur vie à manier la hache, à pousser une charrue, des hommes durs à la peine. Des hommes de premier choix à sacrifier sur des autels stratégiques à un hémisphère de là.

Philosophie de vie qui sous-tend tout le roman

J’en ai vu de toutes les couleurs ; le bien et le mal, ça peut être comme deux foutus serpents : si emmêlés qu’on ne peut les différencier que lorsqu’on les a tués tous les deux et alors il est trop tard.

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C’est le deuxième recueil que je lis de Kenneth Cook, il ressemble beaucoup à La vengeance du Wombat. L’effet de surprise est donc moins fort.
Je me suis, de nouveau, bien amusée, je conseille cet auteur à tous les gens moroses. Au-delà de son humour caustique, qui est tourné autant vers lui que vers les habitants de l’Australie, on devine une profonde connaissance de son pays loin des clichés habituels. Non, la nature n’est pas toujours hospitalière. Et le bush peut s’avérer mortel. (Hélas, Kenneth Cook a été victime d’une crise cardiaque trop loin de tout point de secours.)

Non, les animaux, même mignons ne sont pas tous gentils. Et les koalas sont visiblement plus agréables en photos et en peluche que de près, en vrai ils sont très désagréables et très dangereux quand on doit les tenir dans les bras, même si on ne cherchait qu’à leur offrir un lieu de vie plus agréable. Non, les espèces protégées ne sont pas reconnaissantes aux hommes de ne plus les tuer. Et un crocodile reste un terrible prédateur. Les Aborigènes, ne sont pas de bons sauvages, pleins de bonnes intentions. Ils vivent dans un pays hostile, avec peu de confort, ils sont sales et cherchent si possible à rouler le touriste de passage.

Si Kenneth Cook peut dire tout cela et bien d’autres choses encore, c’est qu’il utilise le ton du conteur d’histoires. Je me demande si quelqu’un a mis ses histoires en scène, il y a vraiment tous les ingrédients d’un excellent spectacle de conteurs. J’ai aimé les quinze nouvelles, mais ma préférée c’est La vie sexuelle des crocodiles, non pas pour ce que j’ai appris de la sexualité de ces animaux ( tout se passe sous l’eau !) mais j’ai trouvé irrésistible le rapport entre le scientifique qui s’émerveille devant les beaux spécimens de crocodiles et l’auteur mort de peur qui ne pense qu’à sauver sa vie.(Comme je le comprends !)

Citations

 Roger, passionné de crocodiles, déploraient qu’ils aient été longtemps chassés sans répit pour leur cuir…..leur nombre était en augmentation, tout comme la fréquence des attaques sur le bétail et sur les aborigènes.

 

– Et même deux Blancs, des chauffeurs de camion, près de Broome, se réjouit Roger ? Ils dormaient près de leur véhicule et tout ce qu’on a retrouvé, c’est la marque de leurs ongles dans la terre où la bête les a traînés. Naturellement, ajouta-t-il avec pondération, ce n’est pas de chance pour ces pauvres gens, mais il ne reste pas moins encourageant de penser que le nombre de crocodiles est en hausse dans cette région.

 

Je lâchai le bateau et saisis mon fusil
Roger lâcha le bateau et saisit son appareil photo

 

On me qualifie parfois d’obèse, mais je me considère simplement comme corpulent, une centaine de kilos, disons.

 

J’étais alors moins corpulent qu’aujourd’hui, mais je n’en restais pas moins un homme bien en chair. Comprenez par là que tout en parvenant aisément à lacer mes souliers , j’étais loin d’être un athlète.

On en parle

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5Cinq coquillages ? Oui, parce que ce livre met tout le monde de bonne humeur, cela se vérifie pour tous les nouveaux lecteurs de La vengeance du Wombat. Comme notre bibliothécaire, je n’apprécie pas trop les livres sur les animaux mais Kenneth Cook a un talent de conteur extraordinaire. C’est le deuxième conteur que j’ai découvert cette année : après le grand nord de Jorn Riel, voici le bush australien. En 14 nouvelles, l’écrivain nous plonge au cœur de cette région d’Australie où les animaux sont plus agréables à regarde dans les reportages animaliers que de très près. Je ne suis pas une très grande fan de nouvelles car je trouve difficile de changer d’histoires tous les trois ou quatre pages. Généralement, il y en a toujours que j’aime moins.

Dans ce recueil, les quatorze sont passionnantes. On finit par bien connaître les réactions de l’écrivain, il a vraiment l’art de se retrouver dans des situations impossibles. Par exemple : accroché au ventre d’un kangourou qui a décidé de le tuer alors qu’il venait de le sauver ! On sait aussi qu’il ne résistera jamais à un verre ou une goulée d’alcool offert par des gens qui ne lui voudront pas toujours que du bien. On sait enfin que lorsqu’il nous décrit sa phobie absolue des requins, il va se trouver quelqu’un qui réussira à l’entraîner à la pêche du plus dangereux des prédateurs d’humains.

Les scènes dans les cafés sont inoubliables et quelque peu terrifiantes. Entre autre, lorsque tous les consommateurs sans se paniquer le moindre du monde, se mettent à parier pour savoir si la grenade dégoupillée qu’un des buveur tient dans sa main peut exploser ou non… Si vous aimez découvrir des contrées lointaines, des animaux et des humains différents de vous, et surtout si vous aimez rire précipitez vous dans votre bibliothèque préféré découvrir Kenneth Cook … si vous ne le connaissez pas déjà.

Citations

De nos jours, le quokka est toutefois considéré par tous comme étant inoffensif, en raison de sa petite taille ; ce qui s’inscrit dans une longue série de grandes illusions qu’entretiennent les gens sur les marsupiaux d’Australie. Comme la plupart sont petits, les gens ne les croient pas dangereux. Quelle bévue !

 

Il n’y a rien d’étonnant à croiser un anthropologue dans les coins reculés et arides du désert australien. Ils sont partout. On estime que, dans l’outback, il y a plus d’anthropologues étudiant les Aborigènes que d’Aborigènes.

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