Traduit du néerlandais par Bertrand Abraham (quel travail !)

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Livre passionnant que je lis, relis, prête, offre avec le même succès depuis 2 ans. Le principe du livre est simple, l’écrivain journaliste part en 1999 retrouver les traces du siècle. Chaque mois de son voyage, il traite un moment de l’Europe, par exemple : janvier 1999 il va chercher les traces de 1900 à 1914 à Paris l’affaire Dreyfus, puis en Grande-Bretagne l’enterrement de la reine Victoria…

C’est passionnant car il s’oblige ainsi, à décaler son point de vue suivant le pays où il est pour des évènements qui concerneront l’ensemble de l’Europe. Comme j’ai une formation de Française et que lui est Hollandais son regard m’a semblé très novateur, j’ai eu l’impression de revisiter toute l’histoire et de mieux la comprendre. Le livre est long mais comme il s’arrête de mois en mois on peut le laisser et le reprendre sans être perdu.

Citations

Freud obtint l’autorisation de quitter la ville dans laquelle il avait vécu depuis sa prime jeunesse. Il partit à Londres, où il allait mourir un peu plus d’un an après. Avant son départ, les nazis exigèrent du patricien mondialement connu une déclaration écrite certifiant qu’il avait été parfaitement bien traité. Freud signa sans sourciller et n’ajouta qu’une phrase : »Je peux cordialement recommander la Gestapo à tous ».

 

Nulle part ailleurs (qu’à la télévision suédoise) je n’ai eu l’occasion de voir cinq acteurs rester si longtemps muets et immobiles à l’écran. Ils devaient être en train de se bouffer le nez je pense.

 

Sabino de Arena fondateur du mouvement indépendantiste basque (avait évoqué dans sa dernière pièce « libe » le destin d’une femme préférant mourir plutôt que d’épouser un espagnol) prit pour épouse une jeune paysanne, uniquement à cause de la « pureté » de son sang. Après sa mort, elle eut tôt fait de se trouver un mari … un agent de police espagnol.

 

En 1954, les Français ont torpillé le plan de Communauté européenne qu’ils avaient eux-mêmes conçus.

 

Jusqu’en 1968, la majorité des garçons étaient encore en vestes et portaient les cheveux courts, la prédominance des pulls, des barbes ou des moustaches, et des longues chevelures ne cessa ensuite de se renforcer. Le caftan de berger afghan, doublé de fourrure, était très apprécié, été comme hiver.

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Travail d’historien remarquable à propos de l’hôpital, c’est à dire le lieu où l’on enfermait les enfants abandonnés et les indigents sous Louis XIV et Louis XV. Les parisiens se sont révoltés parce qu’ils pensaient qu’on enlevait leurs enfants pour leur faire subir toute sorte de sévices , le travail minutieux de Marion Sigaut prouve que leurs craintes étaient fondées, et elle nous fait découvrir le traitement réservé aux enfants et aux femmes dans cet hôpital. La lecture des mauvais traitements imposés aux enfants est vraiment insoutenable, j’ai dû souvent arrêter la lecture.

Citations

Si on était « gâtée », c’est à dire syphilitique, le traitement à Bicêtre était obligatoire, et il était le seul moyen de n’en pas mourir rapidement… Le traitement durait six semaines et consistait en saignées, purges, bains prolongés (à quatre dans des baignoires trop petites), frictions à la pommade mercurielle pour faire perdre des litres de salive. Ce traitement de choc provoquait la perte des dents et soudait ls gencives qu’il fallait séparer au bistouri. La diète était sévère, les malades crevaient de faim…

Voici la conclusion

Pour lutter contre ces crimes, il aurait fallu des moyens que personne n’avait. Personne sauf le roi. Louis XIV y avait renoncé pour n’avoir pas à faire porter à ses enfants l’opprobre qui serait retombé sur leur mère. Quant à Louis XV, bâillonné, ligoté par son vice, il était le plus mal placé pour tenter quoi que ce soit contre les trafiquants d’enfants. Après sa mort, la chape de plomb s’abattit sur l’affaire et son successeur dut affronter d’autres problèmes. Et le silence retomba sur les sombres trafics de l’Hôpital général.