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J’ai choisi ce livre sur le blog que vous connaissez si vous lisez le mien régulièrement : « A sauts et à gambades ». Comme Dominique, je vais chercher de toutes mes forces, à vous faire lire « Aux frontières de l’Europe » , ce n’est pas par hasard que j’ai mis 5 coquillages au livre de Paolo Rumiz , il fait parti des livres que je n’oublierai pas et que j’ai traîné partout pendant 15 jours. J’ai retenu mon envie de le dévorer à toute vitesse car je ne voulais pas le finir, je l’ai dégusté tout doucement.

Ce voyage à travers l’Europe d’aujourd’hui me semble le complément indispensable au voyage historique de Geert Mark « Voyage d’un Européen à travers le XX° siècle ». Il s’agit, ici, d’un état actuel d’un lieu bien particulier de l’Europe et qui , sans doute, prévoit un peu notre avenir. Je rappelle le projet de Paolo Rumiz : voyager le long des frontières de la communauté européenne avec la Russie et les pays qui ne font pas partie de cette communauté.

Il voyage le plus possible avec le train ou les bus locaux , il est donc au cœur des populations. Il a la chance d’être accompagnée d’une Monika qui parle le Russe et le Polonais. Au passage, Monika est photographe et j’aurais aimé voir les photos de cette femme qui sait si bien se faire accepter de tout le monde. Si quelqu’un sait où on peut voir ses photos qu’on me le dise.

La langue est absolument merveilleuse, un peu précieuse par moment et j’ai dû plusieurs fois ouvrir mon dictionnaire pour vérifier le sens de mots que je connais plus ou moins sans jamais les utiliser (Aèdes, marmoréen, thaumaturge, hiératisme….). Je pense qu’en italien ce sont des mots plus communément utilisés (heureux peuple !) et j ai constaté encore une fois que cette langue est agréable même traduite en français. Mais la langue ce n’est pas que la qualité de style, c’est aussi la capacité faite naître des images dans l’imaginaire du lecteur. Vous n’oublierez pas la chaleur avec laquelle nos deux voyageurs sont, parfois, reçus dans les endroits les plus reculés et aussi la violence de certaines villes. Il raconte un passage à tabac qui m’a fait peur et a produit chez moi les mêmes effets de terreur que les images les plus violentes du cinéma. La scène de la fouille par les policiers polonais du train venant de Russie est extraordinaire de drôlerie et on peut facilement se la représenter.

On rit souvent et on aime l’humanité , car Paolo Rumiz aime les hommes même quand ils sont écrasés méprisés , dans les pires conditions ils arrivent à vivre grâce à l’humour et la chaleur humaine. Si ce n’est pas un livre sur le passé , on y lit quand même les traces que les deux horreurs du XXe siècle ont laissé dans ces régions : la disparition de la population juive et les déplacements de populations pour en contrôler d’autres. Pauvres Russes qui vivent en Estonie , sont-ils vraiment responsables de la folie impérialiste de Staline ?

J’ai bien aimé aussi qu’il connaisse Ryszard Kapuscinski, autre auteur que j’ai découvert grâce à Dominique , je suis une inconditionnelle d’Ébène. Il y a une communauté de regard entre ces deux auteurs. Avec un côté latin chez Paolo Rumiz qui fait une grande partie de son charme, surtout quand il se confronte à la réserve des gens du grand nord.

À lire et relire, c est un livre qui charme, fait réfléchir et fait aussi,comprendre le plaisir du voyage.

Citations

Une jolie phrase sur sa ville

Filons, filons, une voile et c’est parti ; une ville qui sert uniquement d’embarcadère, de point de départ. Un aperçu, une balustrade vers d’autres horizons.

Triestre sa ville d’origine

Je viens d’une terre de mer, de rocs et de vent. Pour moi, c’est plutôt une base qu’une ville, Trieste, agrippée à l’extrémité septentrionale de la mer Méditerranée, est mon refuge, un lieu que Dieu se complaît de temps en temps à touiller avec sa grande louche , déchaînant une tempête d’air et d’eau que l’on appelle la « Bora » , un vent furieux qui souffle de la terre. 

Les sourire des finlandais

En Finlande on parle peu et on sourit encore moins. Ce peuple de bûcherons timides vit dans la terreur de voir quelqu’un lui sourire, car alors le savoir-vivre l’obligera à sortir de son cocon pour répondre à ce signal.

Le silence des Norvégiens

Quand je sors dans le couloir, j’aperçois une dizaine de Norvégiens qui dégustent leur café dans un silence claustral ; on se croirait dans le réfectoire d’un monastère, avant la messe du soir. Je suis obligé de prêter l’oreille pour discerner un murmure de confessionnal. Alors, uniquement pour rompre cette glace de l’âme et mettre les gens dans l’embarras, je lance un bonjour retentissant á la cantonade et je me régale de voir tous ces yeux inquiets se lever à contrecoeur de l’assiette de poisson, d’œufs et d’oignons pour répondre par un signe au nouvel arrivant.

 Les blessures de la terre à Montchegorsk

J’ai à mes pieds quelque chose d’inouï : une nature sans défense dans son extrême douceur, impitoyablement violée, vérolée de mines comme autant de pustules d’acné sur la peau d’un adolescent.

Les intolérances religieuses

De ce voyage vertical, ce qui ressort clairement, c’est que le catholicisme et le protestantisme vivent dans le confort a l’arrière, alors que c’est l’orthodoxie qui tient la ligne… J’entends encore le patriarche de Constantinople, dans son bureau, sous le portrait de Mustafa Kemal Ataturk, murmurer des propos de coexistence, pendant que le hurlement du muezzin, du Bosphore à sainte Sophie, annihilait tout autre bruit pour la prière du soir. Une compétition acoustique sans espoir.

En Bachkirie (ça existe ! ! j’ai découvert que je ne connaissais pas la moitié des pays ou région dont il parle, cette région je m’en souviendrai si vous prononcer à haute voix ce nom vous verrez pourquoi !).

Définition de l’ours par un apiculteur

( je rappelle que Dinard a choisi l’Ours comme symbole et que la future médiathèque s’appellera : l’ours)

L’ours, dit-il, c’est un si grand nombre d’animaux en un seul. Comme un lion, il terrasse des mammifères plus grands que lui ; comme n’importe quel ruminant, il saccage les récoltes ; il vole le raisin et les fruits comme un singe ; il picore les baies comme un merle ; il fait des razzias dans les fourmilières et les ruches comme un pivert ; il déterre les tubercules et les larves comme un cochon ; il attrape les poissons avec la dextérité de la loutre. Et il mange le miel comme l’homme.

Le passé de l’Italie

L’Italie s’entête à faire semblant de ne jamais avoir été fasciste et d’avoir gagné la guerre. Et pourtant, elle l’a été fasciste, et pas qu’un peu ; et elle a perdu la guerre, justement dans ma région… Je vous en prie ne me parlez pas, des « braves gens d’Italie », parce que moi j’habite à Trieste que Mussolini a proclamé les lois raciales contre les juifs, et ce choix infâme a eu son prélude une vingtaine d’années auparavant, avec l’écrasement politique, économique et linguistique de la vaste communauté slovène. Je sais que pendant la guerre, il n’y eut pas seulement des camps d’extermination nazis, mais aussi des camps de concentration dirigés par le parti fasciste, avec des milliers de morts de faim et de froid.

Le silence des Estoniens

Autour d’une petite table , une famille consomme un bref repas, sans échanger un seul mot. Je commence à comprendre Adamov. C’est vrai que c’est impossible d’apprendre la langue d’un peuple qui passe son temps à se taire.

La Pologne et la religion catholique

 Nous approchons de la Pologne, terre de Woytila, et le Vatican fait déjà figure de gigantesque agence de voyage, de multinationale du pèlerinage , avec des filiales dans le monde entier

En Pologne, Paoli Rumiz évoque un auteur que j’ai adoré Ryzsard Kapuscinski

Il y a aussi le magasin de cartes géographiques de la rue Jean-Paul II , où le plus beau spectacle , m’a dit Ryzsard Kapuscinski , un jour de neige où nous nous étions réfugiés à l’intérieur était de voir les « gens affamés de monde » se repaître parmi les rayonnages.

En Ukraine, les émigrés qui ont fait fortune ailleurs

Il nous fait traverser une vallée magnifique , parsemée de maisons d’émigrants qui ont réussi , mais ce sont des maisons de cauchemar , des petits châteaux forts médiévaux, avec des tours coiffées de tuile en plastique bleu . Disneyland est l’idéal esthétique de l’Ukraine indépendante.

Retour vers l’Europe occidentale ou comment la salade César devient un signe de reconnaissance

Á l’hôtel , la langue anglaise refait son apparition , la langouste et la Caresar’salad ont repris place dans le menu , et je ne parle pas de l’air conditionné, bien entendu.

On en parle

Chez Dominique bien sûr etdans le « Carnet de Voyage de Myriam« .

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Traduit de l’anglais par Christiane et David ELLIS.

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Je pense que Dominique avait encore raison, quand on a pris le virus Bill Bryson, on va au bout de son plaisir et on lit tout ce qu’il a écrit. J’ai de nouveau été séduite par « Motel Blues », c’est drôle et profond à la fois.

C’est remarquablement traduit, mais j’observe qu’il a fallu qu’un couple s’y mette, sans doute une femme d’origine française et un homme de langue anglaise. Je ne sais pas pourquoi mais j’imagine que, même s’ils ont beaucoup travaillé, ils ont dû aussi beaucoup s’amuser, pour nous offrir toute la saveur de l’humour de ce grand observateur des comportements humains. J’ai aimé la tendresse qui l’attache à son père un peu radin, mais qui a su faire aimer la vie à ses enfants.

Avec Bill Bryson nous partons donc à travers ce vaste , très vaste pays. Je conseille ce livre à toutes celles et tous ceux qui veulent faire du tourisme aux USA, c’est vraiment un pays immense, capable du meilleur comme du pire. Les états peuvent être très différents des uns des autres mais il faut toujours avaler au minimum 300 kilomètres pour aller d’un point à un autre. Certains lieux touristiques sont à fuir absolument, en particulier ceux des réserves indiennes .

Les village reconstitués peuvent avoir du charme mais cachent mal qu’aux États-Unis, peu de choses sont faites pour conserver le patrimoine. On a l’impression parfois d’aller d’une zone semi industrielle à une zone commerciale en passant par des échangeurs d’autoroutes complètement surréalistes. C’est avec une grand tristesse que je constate que l ‘approche de toutes les villes françaises sont devenues aussi impersonnelles que ce qu’il nous décrit aux USA en 1989. Nos centres villes sont restés encore très vivants mais pour combien de temps encore ?

C’est aussi l’intérêt de ce livre, il permet d’observer la civilisation américaine et je l’espère éviter ses excès.

Citations

 Le racisme

Cette remarque m’a fait penser la Bretagne où on se félicite de n’être pas raciste

Les Sudistes détestent cordialement les Noirs et pourtant ils semblent cohabiter avec eux sans problème, tandis qu’au Nord , les gens n’ont rien en générale contre les Noirs, les considèrent même comme des êtres humains dignes de respect et sont même prêts à leur souhaiter bonne chance dans la vie, mais désirent surtout ne pas avoir à les fréquenter de trop près.

 Les abord des villes aux USA en 1989 , les nôtres, aujourd’hui, sont elles différentes ?

 De nos jours , une ville si modeste soit-elle, a deux ou trois kilomètres de restoroutes, de motels,d’entrepôts à prix discount,de centres commerciaux – tous surmontés d’enseignes mobiles d’une dizaine de mètres et accompagnés de parking de la taille des Ardennes.

L’architecture hôtelière américaine (hélas, on pourrait dire la même chose pour la France aujourd’hui)

Au bout de la rue , il y a le nouvel hôtel Hyatt Regency qui vous flanque instantanément la déprime. Ses formes massives en béton appartiennent visiblement à l’école d’architecture tendance « on n’en a rien à foutre » que les chaînes hôtelières américaines ont en prédilection.

Le touriste de base américaine en camping car

Voilà, hélas, comment de nos jours beaucoup de gens passent leurs vacances. Cela consiste avant tout à ne pas s’exposer au moindre moment d’inconfort ou de désagrément , voire même, dans la mesure du possible , à éviter de respirer l’air pur. Quand l’envie de voyager vous prend, vous vous enfermez dans un luxueuse boite de 13 tonnes , vous parcourez 700 kilomètres hermétiquement protégés contre les éléments naturels, et vous vous arrêtez dans un camping où vous vous vous précipitez pour brancher l’eau et l’électricité afin de ne pas être privé un seul instant , d’air conditionné, de machine à laver la vaisselle ou de four à micro-ondes.

 Et au Yosemite

Mais Yosemite fut une déconvenue monumentale . Ce que vous apercevez en premier c’est la vallée d' »El Capitan » avec ses montagnes imposantes et ses cascades blanches qui se déversent à des centaines de mètres sur les prairies du bas. Vous vous dites alors que vous êtes sans doute passé dans l’au delà et que vous vous trouvez au Paradis. Puis vous continuez et vous descendez à Yosemite Village et vous vous rendez compte que si effectivement vous êtes au paradis, vous allez passer le reste de l’éternité au milie d’une horrible bande de touristes obèse en bermuda.

 Bravo pour la traduction. Humour sur l’accent du sud des États-Unis

Mais à ce moment-là , la serveuse arriva et me dit :
« Tu veux voir mon minou sans t’géner, chéri ? »
Et je compris que c’était hors de question. Je ne comprenais pas un traître mot de ce que les gens me disaient. Ils auraient tout aussi bien pu me parler chinois. Il nous fallut de longues minutes et force gesticulations du couteau et de la fourchette pour rétablir ce que la serveuse avait vraiment dit :
« Tu veux voir le menu du p’tit déjeuner, chéri ? ».

Les villages reconstitués

On se trouve partout confronté de manière exaspérante à des détails qui font pastiche. Autour de l’église paroissiale de Burton, les pierres tombales sont visiblement des imitations ou, en tout cas , les inscriptions sont toutes récentes. Rockefeller ou un autre gros bonnet, a sans doute été déçu de constater qu’après deux siècles de plein air les pierres tombales deviennent invisibles . Si bien que maintenant les inscriptions sont neuves et bien taillées, comme si on les avait gravées la semaine passée , ce qui est peut-être le cas.

 Humour

Ce mémorial est tout à fait ce qu’on imagine : Lincoln y est assis dans son grand fauteuil , l’air noble mais affable. Il avait un pigeon sur la tête. Il en a toujours un. Sans doute le pigeon pense-t-il qu’on vient tous les jours pour le regarder.

 Les routes

À Boston , le système routier est absolument fou. Il visiblement été conçu par quelqu’un qui a passé son enfance à mettre en scène des accidents avec son train électrique . Tous les cent mètres , la voie que je suivais disparaissait et d’autre voies venaient s’y ajouter de la droite ou de la gauche , parfois même des deux côtés à la fois . Ce n’était pas un réseau routier, c’était de l’hystérie á quatre roues.

Une citation pour mon frère forestier

Le séquoia est un arbre laid. Il n’en finit pas de s’élever mais ses branches sont rares et courtaudes, ce qui lui donne un air idiot : c’est le genre d’arbre que dessine un gosse de trois ans

Éclat de rire. Et encore un petit plaisir de la vie que l’appareil numérique nous a enlevé…

Les Allemands sont arrivés , aussi déplaisant et antipathiques que savent l’être des adolescents, et ils m’ont privé de mon arbre. Ils ont grimpé sur la clôture et commencé à prendre des photos. J’ai pris un plaisir mesquin à me mettre devant le type qui tenait l’appareil à chaque fois qu’il appuyait sur l’obturateur, mais c’est une activité qui ne vous distrait pas éternellement, même quand il s’agit d’Allemand.

 On en parle

Chez Keisha, par exemple.

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Traduit du polonais par Véronique Patte

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Quel choc ! Je dois cette lecture à Dominique qui a chroniqué Mes voyages avec Hérodotes que je vais me dépêcher de lire au plus vite. Ma dernière réflexion en refermant le livre de Ryszard Kapusinski a été :« c’est tellement bien, je pense que tout le monde le connaît sauf moi » ! Si vous faites partie de ceux qui ont, encore, la chance de ne pas l’avoir lu , réjouissez-vous, un grand plaisir vous attend, caché dans les pages d’Ébène. Le reporter raconte son aventure africaine, il va à la rencontre des habitants , ne fuit aucun conflit ni aucune histoire douloureuse et comme les actualités télévisées vous le raconte à longueur d’années ce continent n ‘en manquent pas. A la lecture de ce livre on se rend compte qu’on ne connaît qu’une faible partie de massacres africains que beaucoup se passent dans le silence loin des caméras du monde.

On se promène donc au Ghana, au Liberia, en Éthiopie , en Érythrée , en Somalie, au Rwanda… Partout la misère, la guerre, la destruction, et la nature implacable. J’ai déjà lu beaucoup de livres sur l’Afrique, l’originalité de cet auteur , c’est de partir d’expériences concrètes qu’il sait merveilleusement raconter. Les description de la nature et de la chaleur sont inoubliables, je crois qu’aucun film ne permet de mieux comprendre à quel point la chaleur peut accabler l’homme et rendre toute activité superflue. Par moment, j’ai cru relire les romans d’aventure qui ont charmé mon enfance. Le combat à mort contre le cobra est un de ces instants où la lecture devient magique, on part ailleurs bien loin du monde facile et policé de mon petit coin de France. Cela n’empêche pas l’auteur de cerner au plus près les problèmes politiques actuels et passés de cet incroyable continent, bien au contraire, toutes les images « folkloriques » de l’Afrique nous permettent de mieux comprendre le quotidien des habitants. Et lorsqu’il raconte toujours avec la même précision son attaque par la malaria, on se dit que les gens atteints de cette maladie et mal soignés ne peuvent guère faire autre chose que survivre.

On est loin des clichés d’une population bon enfant qui ne veut rien faire, dans la fournaise implacable , touché par la maladie, les hommes ne peuvent que survivre et surtout meurent très vite. Quand en plus la folie guerrière des armes s’en mêlent c’est l’hécatombe assurée. Je n’ai jamais eu envie de visiter l’Afrique et ce livre dit mieux que tout ce que j’ai toujours pensé que le touriste passe forcément à côté des réalités de ce continent.

Citations

La notion du temps

L’européen se sent au service du temps, il dépend de lui, il en est le sujet. Pour exister et fonctionner, il doit observer ses lois immuables et inaltérables, ses principes et ses règles rigides. Entre l’homme et le temps existe un conflit insoluble qui se termine toujours par la défaite de l’homme : le temps détruit l’homme.
Pour les Africains les temps est une catégorie beaucoup plus lâche, ouverte, élastique, subjective… Le temps est le résultat de notre action, et il disparaît quand nous n’entreprenons pas ou abandonnons une action. Le temps est un être passif, et surtout dépendant de l’homme.
… Si nous allons à la campagne où doit se tenir une réunion, et qu’il n’y a personne sur les lieux de la réunion, la question « quand aura lieu la réunion ? » est insensée. Car la réponse est connue d’avance : « Quand les gens se seront réunis. »

 Un des malheurs de la décolonisation

L’adoption du système insensé des salaires des Européens engendre dans les nouveaux États africains une lutte pour le pouvoir d’une violence et d’une cruauté inouïes. Instantanément une nouvelle classe gouvernante apparaît , une bourgeoisie bureaucratique qui ne crée rien ,ne produit rien , se contentant de gérer une société et de profiter de ses privilèges.

 Génie africain de la construction

Faites de bric et de broc, ces architectures monstrueuses en papier mâché sont infiniment plus créatives, imaginatives, inventives et fantaisistes que les quartiers de Manhattan ou de la Défense à Paris. La ville entière tient sans une brique , sans une poutre métallique, sans un mètre carré de verre !

 Le progrès

Les conflits ethniques ancestraux existent toujours, mais ils entraînent aujourd’hui un nombre de victimes bien plus important. La civilisation moderne n’a rien apporté ici, ni l’électricité, ni le téléphone, ni la télévision. La seule chose qu’elle ait introduite, ce sont les armes automatiques.

Les rites culinaires qui font envie

Les Tutsis se nourrissent du lait des vaches et de leur sang (le sang recueilli des carotides incisées avec une pique, et versé dans des récipients lavés avec de l’urine de vache).

 La religion

C’est un terrain très difficile, m’avoue le missionnaire Johan. Ces hommes nous demandent combien nous avons de dieux dans notre religion et si nous en avons un spécial pour les vaches. Nous expliquons que Dieu est un. Cette réponse les déçoit. « Notre religion est meilleure , disent-ils , nous avons un dieu spécial qui protègent les vaches. ». Les vaches sont ce qu’il y a de plus important ! 

Les famines au Soudan

Les hommes ne sont pas affamés parce qu’il y a pénuries de vivres. En fait , le monde croule sous la nourriture. Mais entre ceux qui veulent manger et les magasins remplis se dresse un obstacle majeur : le jeu politique. Karthoum limite l’aide internationale destinée aux affamés. De nombreux avions arrivant à destination sont raflés par des chefs de bandes locales. Celui qui a une arme a des vivres. Celui qui a des vivres a le pouvoir. Nous sommes en présence d’hommes peu préoccupés de la transcendance ou de l’essence de l’âme, du sens de la vie et de la nature de l’existence. Nous sommes dans un monde où l’homme rampe pour tenter de racler dans la boue quelques grains de blés pour survivre jusqu’au lendemain. 

Le temps et les trajets

Si on tombe sur un bitume de bonne qualité, le trajet peut être parcouru en une heure. Si on a affaire à une route abandonnée et impraticable, il faudra un jour de voyage, voire deux ou même trois pendant la saison des pluies . C’est pourquoi en Afrique , on ne dit pas :  » c’est à combien de kilomètres ? » Mais plutôt :  » il faut combien de temps ? » En regardant machinalement le ciel.

On en parle

Chez Nymphette

Traduit du néerlandais par Bertrand Abraham (quel travail !)

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Livre passionnant que je lis, relis, prête, offre avec le même succès depuis 2 ans. Le principe du livre est simple, l’écrivain journaliste part en 1999 retrouver les traces du siècle. Chaque mois de son voyage, il traite un moment de l’Europe, par exemple : janvier 1999 il va chercher les traces de 1900 à 1914 à Paris l’affaire Dreyfus, puis en Grande-Bretagne l’enterrement de la reine Victoria…

C’est passionnant car il s’oblige ainsi, à décaler son point de vue suivant le pays où il est pour des évènements qui concerneront l’ensemble de l’Europe. Comme j’ai une formation de Française et que lui est Hollandais son regard m’a semblé très novateur, j’ai eu l’impression de revisiter toute l’histoire et de mieux la comprendre. Le livre est long mais comme il s’arrête de mois en mois on peut le laisser et le reprendre sans être perdu.

Citations

Freud obtint l’autorisation de quitter la ville dans laquelle il avait vécu depuis sa prime jeunesse. Il partit à Londres, où il allait mourir un peu plus d’un an après. Avant son départ, les nazis exigèrent du patricien mondialement connu une déclaration écrite certifiant qu’il avait été parfaitement bien traité. Freud signa sans sourciller et n’ajouta qu’une phrase : »Je peux cordialement recommander la Gestapo à tous ».

 

Nulle part ailleurs (qu’à la télévision suédoise) je n’ai eu l’occasion de voir cinq acteurs rester si longtemps muets et immobiles à l’écran. Ils devaient être en train de se bouffer le nez je pense.

 

Sabino de Arena fondateur du mouvement indépendantiste basque (avait évoqué dans sa dernière pièce « libe » le destin d’une femme préférant mourir plutôt que d’épouser un espagnol) prit pour épouse une jeune paysanne, uniquement à cause de la « pureté » de son sang. Après sa mort, elle eut tôt fait de se trouver un mari … un agent de police espagnol.

 

En 1954, les Français ont torpillé le plan de Communauté européenne qu’ils avaient eux-mêmes conçus.

 

Jusqu’en 1968, la majorité des garçons étaient encore en vestes et portaient les cheveux courts, la prédominance des pulls, des barbes ou des moustaches, et des longues chevelures ne cessa ensuite de se renforcer. Le caftan de berger afghan, doublé de fourrure, était très apprécié, été comme hiver.