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Traduit de l’anglais (États-Unis) par Clément Baude.

4
Quel beau livre ! Et quelle belle traduction ! À aucun moment on ne se sent gêné par la langue. Ce livre raconte la mémoire douloureuse d’un petit village polonais. Les personnages sont variés et représentent bien les différentes mauvaises consciences de la Pologne après le communisme.

Il y a une intrigue policière qui permet de donner un fil à la narration : qui a assassiné Tomek,le fils de Powierza ? L’enquête du personnage principal, paysan et voisin de Tomek nous conduira à travers les trafics des anciens dirigeants du Parti. Les nouveaux redresseurs de torts ne sont pas forcément des personnages très sympathiques. Et si la mémoire allait un peu plus loin, est-ce qu’on retrouverait le souvenir des juifs qui ont entièrement disparu du village ?

L’ambiance de la Pologne rurale est très bien décrite, l’antisémitisme ambiant dans la Pologne d’aujourd’hui également. On sent que l’auteur connaît bien la région et qu’il a fréquenté de nombreux Polonais. On est saisi par les divers sentiments de culpabilité qui soudent ces gens entre eux et tissent comme un couvercle de plomb qui écrase tout le village.

Fuir cet endroit perdu, c’est la seule solution pour presque tous les jeunes de ce village, comme on les comprend ! Mais Leszek, le personnage principal, aime le travail de la ferme, il sait nous faire partager son attachement à la terre et on espère à la fin du roman qu’il sera heureux. Les temps ont changé en Pologne comme ailleurs et le lourd passé sera peut-être plus facile à regarder en face.

Citations

La douleur aux dates officielles

Nos femmes versent facilement des larmes, presque à la demande, sur les tombes froides de mars ou de novembre, mais le deuil privé demeure caché – c’est le cas de ma mère.

Les membres du parti sous le régime communiste

Par instinct, Jablonski s’habillait dans des couleurs pigeon de ville et arpentait les couloirs sombres du pouvoir avec des chaussures à semelle de crêpe qui ne faisaient aucun bruit….il pouvait se fondre dans n’importe quelle foule sans être remarqué, une qualité qui représentait à ses yeux, la condition de survie. Il y voyait un instrument de sélection naturelle face à la loi de la jungle.

Une belle description du travail d’un paysan traditionnel

La faux coupait et envoyait le foin d’une manière qui lui convenait beaucoup mieux – plus lentement, certes, mais si le travail était bien fait, le foin, projeté par vagues irrégulières, séchait plus uniformément, comme son père et son grand-père le lui avaient appris. Pour lui, les vieilles méthodes étaient en harmonie avec les saisons, le soleil, le climat. Il savait qu’elles étaient moins efficaces ; mais elles avaient un avantage : elles étaient solitaires.

les liens dans la famille

J’appréciais mon grand père, même si ce n’était pas de l’amour. On n’apprécie pas toujours les gens que l’on est censé aimer.

 Un des thèmes de ce roman, la bonne conscience polonaise face à la shoa

Parce qu’ils (les Polonais) survivent et que le reste de la planète ne se montre pas assez compatissant avec eux. Parce qu’ils ne sont pas considérés comme des victimes. Ils ont l’impression qu’on leur a vole ça. Les Polonais sont toujours la. Pas les juifs. Dis-moi un peu, qu’est ce qui rend la Pologne célèbre dans le monde ? »
J’essayais de comprendre où il voulait en venir.
 » Copernic ? Répondit-il ? Lech Walesa ?
– le pape, fis-je
– ach ! dit-il avec une grimace. D’accord le pape. Et quoi d’autre ?
Je n’avais aucune réponse.
« Auschwitz : voilà. Auschwitz, Treblinka, Sobibor.6 millions de juifs sont morts et le monde entier pense qu’ils sont tous morts en Pologne.

 On en parle

Le goût des livres 

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 Traduit de l’anglais(Inde) par Sylvie Shneiter.

3
Quatre voyageurs bengalis retenus dans une gare à proximité d’Agra dans les années 50, vont raconter leur premier émoi amoureux. Ce livre nous est présenté comme un grand classique de la littérature Bengali, son principal intérêt à mes yeux, est de nous plonger dans une réalité indienne, éloignée de la nôtre .

Les histoires se passent dans les années 30 dans un pays où oser regarder une jeune fille dans les yeux relevait d’une grande impudeur ! Ces quatre hommes ont tous fait des mariages de raison, arrangés par leur famille, mais la première jeune fille qui les a émus, les parents n’y étaient pour rien. Les quatre hommes ont plaisir à raconter leur jeunesse, et l’ambiance de la salle d’attente m’a fait penser à certaines nouvelles de Maupassant où des hommes décident ainsi de raconter leur premier amour. Mais la Normandie du XIX° siècle n’a vraiment rien à voir avec le Bengale du début du 20e !

La campagne normande est autrement plus vivante que ces Indiens qui se caressent du regard. On se demande pourquoi ces hommes sont transis d’amour pour des jeunes filles qu’ils n’osent à peine regarder. Bref, j’ai découvert ce livre sans être passionnée ni même émue mais intéressée par ce pays aux mœurs si éloignées du nôtre. La quatrième histoire, celle de l’écrivain qui se souvient du temps où lui et ses trois amis étaient amoureux de la même jeune fille est celle que j’ai préférée. On imagine bien les trois adolescents rendant tous les services possibles pour être proches de la jeune fille, en tout bien tout honneur, évidemment.

Citations

Certaines phrases qui m’ont agacée mais est ce un effet de la traduction ?

Les répliques monosyllabiques ne facilitent pas la poursuite d’une conversation mais les obèses sont des êtres sociables et grégaires.
(et vlan pour les obèses !)

Ses lèvres, ni trop pleines ni trop minces, au modelé ferme, avaient sans doute l’habitude de donner des ordres en quelques mots.
(ou comment juger quelqu’un un peu rapidement , non ?)

Exemple d’amour bengali, une jeune femme inconsciente et des jeunes garçons amoureux

Mona Lisa, tu ne sauras jamais à quel point nous avons exulté, le bonheur que nous avons éprouvé au fil des jours et des nuits, pendant la mousson de 1927, dans le vieux quartier de Paltan. Notre ferveur ne s’est jamais démentie dans l’obscurité peuplée d’ombres effrayantes…Si elle disait : « Oh », cela nous émouvait autant qu’un air de flûte ; si elle disait « eau », nous avions l’impression d’être submergée par les fleuves du monde entier.

On en parle

Pour l’instant je n’ai pas trouvé de blogs parlant de ce livre.

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4
J’avais tellement apprécié « Cœur cousu » que je redoutais un peu de me lancer dans ce roman dont j’entendais tant de bien autour de moi. C’est un peu paradoxal, mais cette auteur arrive à m’entrainer dans un domaine qui souvent m’est complètement étranger : le mysticisme et les croyances aux forces de l’au-delà.

Et bien, j’avais tort, j’ai adoré « Du domaines des Murmures » et comme toutes les blogueuses avant moi, je ne peux que recommander chaudement la lecture. Cette femme emmurée qui deviendra finalement l’écho des hommes de son siècle, alors qu’elle désirait se donner à Dieu et à Lui seul, est vivante, sensible superbe dans la force de sa jeunesse. Le roman fait revivre le temps des croisades et les errements de la religion et d’une société fondée sur le seul pouvoir de la force masculine. Et surtout il offre une tribune à la parole des femmes de cette époque. Que savons-nous d’elles ?

J’ai eu la chance d’entendre Carole Martinez lors d’un café littéraire à Fontenay sous bois. Elle nous a dit, entre autre, qu’après la lecture de Georges Duby, elle avait pris conscience que les femmes du XIIe Siècle n’avaient pratiquement laissé aucun témoignage. Ce grand spécialiste du Moyen-âge parlait d’elles comme des « ombres ».

Loin de n’être qu’un roman historique, cette auteure nous entraîne à travers le personnage d’Esclarmonde , dans une réflexion sur la place de la femme dans les sociétés patriarcales religieuses. C’est aussi une réflexion sur l’engagement absolu de la jeunesse : il y a du Antigone dans cette recluse. L’intrigue est bien menée et passionnante jusqu’au bout le style est très agréable : C’est celui d’une conteuse qui séduit ses lecteurs car il crée une atmosphère.

Carole Martinez a beaucoup de talent et encore bien des histoires à raconter, le soir du café littéraire on la sentait habitée par ses personnages et prête à les faire revivre devant un auditoire complètement médusé.

Citations

Tandis que nous avancions, j’attendais que la pluie vînt balayer ma peur, mais l’orage restait sec et seuls les éclairs veinaient mon horizon d’ardoise.

 

 

L’enfantement n’est pas seulement une torture physique, mais une peur attachée comme une pierre à une joie intense. Les mères savaient la mort à l’œuvre dès le premier souffle de leur enfant, comme accrochée à leur chair délicate. 

 

 

Les croisades sont des saignées qui rééquilibrent les humeurs du pays. Qu’elles emportent au loin les jeunes cavaliers, les cadets sans terres et sans femmes, dont les tournois ne parviennent pas à calmer les ardeurs, qu’elles éloignent tous ceux qui sèment le trouble dans le comté et n’y respectent pas la Paix de Dieu ! Qu’elles le vident de ce sang jeune et impétueux qui n’y trouve pas sa place, du pus que sont les fous du Christ incapables de dégorger leur violence de la morve des désœuvrés et non des seigneurs vieillissants qui maintiennent l’ordre en leurs fiefs ou leur alleu et sont garants de quiétude 

 

Marie étant restée vierge après la naissance du Christ, corps intact, sans fissure, « vulve et utérus fermés ». Ces hommes, si éloignés des secrets de l’accouchement, se passionnaient pour les entrailles de la mère de Dieu.

 

Nous étions au début du printemps, en cette période de l’année où une heure de jour valait une heure de nuit. Les heures en mon siècle étaient des divisions aux durées élastiques. Les jours comme les nuits en comptaient toujours douze en décembre comme en juin. La durée d’une heure de jour était donc trois fois plus longue au début de juillet qu’aux alentours de Noël.
Comment pouvait-on-me mutiler ainsi ? J’avais choisi de me clôturer, non de me taire. Cette fois, la recluse volontaire se changeait bel et bien en prisonnière et je n’étais plus seulement la captive de quinze ans qui, n’imaginant son bonheur qu’en Dieu , avait fait ériger cette chapelle , de cette naïve damoiselle des Murmures persuadée de gagner la béatitude et la liberté en s’emmurant vivante , d’une innocente qui ne savait rien encore du monde et ignorait à quel point un être peut changer

 

Pourtant, mon esprit ne pouvait se résoudre à renier Dieu, nous vivions en un temps où Il animait chaque créature ou Il vibrait dans la moindre brindille , nous agissions sous Son œil. Je ne pouvais douter que des hommes, de ma foi et de moi-même, pas de Son existence.

 On en parle

Moi Clara et les mots

Écoutez Carole Martinez

 

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5
L’avantage de quitter le monde des blogs et les visites quotidiennes à son fidele ordinateur, c’est de devoir passer par des librairies pour se rassasier de lectures. La libraire de Fontenay sous Bois m’a recommandé ce court roman, et comme elle, j’espère qu’Olivier Bass va continuer à écrire des romans de cette qualité.

J’ai été très émue par ce récit et le destin tragique de ce musicien russe m’a bouleversée. La Russie a produit un nombre d’horreurs qui semblent ne jamais finir. La guerre de Tchétchénie évoquée ici, en un parfait exemple. J’ai lu le livre en quelques heures et je l’ai relu pour m’en imprégner et pour me laisser bercer par certains passages. Olivier Bass a été officier de marine marchande et il a le talent de nous décrire sans romantisme la vie a bord de ces grands cargos. Sur la mer aussi, les tragédies de notre siècle bouleversent les consciences. Je me suis précipitée sur le premier concerto de violon de Chostakovitch et je l’ai écouté en lisant les dernières pages, c’est extraordinaire.
Lisez vite ce livre et dites moi vite ce que vous en pensez, je ne peux pas dévoiler l’histoire car une partie du charme de ce livre tient au suspens. Je crois que ce livre pourrait faire un superbe film, tout y est : la musique (et quelle musique !), l’amour, la vie en mer les étoiles, la mauvaise conscience des nantis face à ceux qui ont tout perdu avec la Russie en toile de fond.

Citations

On se perdait beaucoup dans ces navigations transocéaniques où l’on oubliait pour quelles raisons nous étions là, en pleine mer, sans voir ni espérer aucune terre des jours durant. Pourtant quand je repense à mes quarts de veille à scruter le vide de la mer, je me souviens que parfois j’étais heureux.

Mais il fallait une vie complète de mer pour que le temps, qui nous rongeait l’âme comme la pluie érode la montagne, en fasse apparaître le cœur inaltérable : la vraie nature de l’homme. Et si par dessus ca. On revêtait la couverture toute puissante du commandement, le compromis alors n’existait plus, le compromis alors n’existait plus : on avait affaire soit aux bons soit au mauvais.

Depuis l’avènement de la messagerie électronique, cette attente traditionnelle du sac de courrier n’était peut-être plus aussi forte qu’auparavant, mais, l’écriture physique , la trace d’encre laissée par l’être aime, la feuille qu’il a touchée , restait malgré tout un lien fort qu’Internet n’était toujours pas parvenu à détrôner

La guerre c’est un enfant qui meurt de faim en essayant de téter le sein de sa mère morte deux jours auparavant, et qu’on achève d’un coup de crosse bien place parce qu’on ne peut rien faire de mieux. C’est cela la guerre. Ni plus ni moins. On ne devient pas un homme en la faisant : on devient un monstre

Les cartes … J’ai un mal fou à les ranger. Non par manque d’organisation, mais plutôt à cause d’un problème de distraction. J’aimais les parcourir comme on feuillette un livre d’images, et me promener sur le monde, libre de toute contrainte. Il me suffisait de tenir une carte dans les mains pour être irrésistiblement tenté d’en sortir une autre, et une autre encore. Je laissais mon imagination remonter les estuaires et se perdre dans les villes ou des forets isolées , parcourir les mers a la recherche d’un port au nom familier pour avoir rêvé un jour d’y faire escale, traverser les océans a pas de géants ou a sauts de puce, en n’importe quelle saison , a n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Et je me sentais chez moi partout dans le monde. J’adorais déballer les cartes. Je détestais les ranger.

On en parle

Encore un nouveau Blog :  Lecture et impression

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 Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin.

Grande première, je ne peux pas mettre de coquillages à ce roman je n’y arrive pas…. J’explique : j’ai commencé ce roman avec gourmandise et le début m’a ravie : l’humour la façon de camper les personnages, les travers de notre société, tout cela allait bon train dans un décor qui me ravissait. Ce grand restaurant où tout coûte 10 fois plus cher et va 10 fois moins vite que dans un lieu habituel est parfaitement caricaturé.

Je savais, puisque la 4e de couverture l’annonce que cette famille allait être confrontée à la violence de leurs enfants. Pour ce genre de roman je ne peux pas en dire plus car ça enlèverai la force du suspens. C’est totalement horrible, mais le pire n’est pas là, ces deux frères ont deux fils meurtriers, et les adultes ne savent absolument pas se positionner face à l’horreur et soudain le lecteur est pris dans un dégoût absolu en tout cas moi je l’ai été et je n’ai plus du tout aimé ce roman.

L’écrivain avec un talent rare de la destruction a sciemment coupé toutes les issues qui pourraient donner de l’espoir. Et je crois que je lui en veux (je ne sais pas si on a le droit d’en vouloir à un écrivain qui a réussi son livre !) de faire porter aux deux femmes le poids de la vilenie absolue.

Les femmes que je connais aiment leurs enfants avec assez de force pour les obliger à se confronter à la justice de leur pays plutôt que d’en faire de lâches assassins, les pères aussi d’ailleurs.

Vous comprenez pourquoi je n’ai pas mis de coquillage, on est complètement pris par le livre au point de réagir affectivement comme dans la vie, ça se lit d’une traite car c’est écrit dans un style très facile, on commence par être amusé mais la déception est énorme quand on sent les solutions que l’auteur a choisies pour sa fin et du coup le dégoût l’emporte.

Citations

Les boucles d’oreilles sont à peu près aux femmes ce que le rasage est aux hommes : plus les boucles d’oreilles sont grosses, plus la soirée est importante et festive.

 

Dans ces restaurants prétendument haut de gamme, on perd totalement le fil de la conversation à force d’être confronté à ces innombrables interruptions comme les explications bien trop détaillées sur le moindre pignon de pin dans son assiette, le débouchage interminables des bouteilles de vin et le remplissage opportun ou non de nos verres sans que personne n’ait rien demandé.

 

Entendre qualifier un film, même quand on l’a beaucoup apprécié de chef-d’œuvre par son propre frère aîné, c’est comme porter ses vieux vêtements : les vieux vêtements qui sont devenus trop petits pour lui, mais qui sont de votre point de vue surtout usés.

 

C’était le genre de jet très imbue de lui-même, un jet qui cherche avant tout à témoigner d’une santé de fer et qui, autrefois déjà, à l’école primaire, appartenait sans doute à un garçon capable de pisser plus loin que tout l monde , jusque de l’autre côté du fossé.

On en parle

Quelqu’un encore plus sévère que moi : Libros y palabritas. Quelqu’un qui a aimé : Lilatrouva

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4
J’ai été complètement séduite par ce livre étonnant et je sais que je ne serai pas toute seule à l’apprécier. Je l’ai absolument dévoré sans jamais me lasser. Le roman est particulièrement bien construit, et permet de revisiter la société du 3° empire. Il est vrai que, comme nous sommes dans la société rurale normande, on pense souvent, ainsi que le dit la 4° de couverture, à Maupassant.

Dans la première partie nous suivons les troupes impériales en Italie avec toutes les horreurs de la guerre et l’injustice de la conscription. Se mettre dans la peau d’un médecin, cela permet un tour d’horizon assez complet sur la société du temps : la médecine militaire plonge le lecteur dans la réalité historique, puis on voit le début du modernisme avec la science médicale qui commence à s’installer, on rentre dans toutes les maisons et on voit de près la misère et la mesquinerie des uns et des autres.

Comme ce qui se passe dans la vie, les histoires sont touchantes, révoltantes, émouvantes. Il y a une foule de personnages, mais le roman est bien fait et on s’y retrouve assez vite. Ce qui m’a le plus intéressé ce sont les réflexions sur le sens de la vie. Une profonde humanité se dégage de ce livre qui correspond certainement plus à nos valeurs d’aujourd’hui qu’à celle d’un médecin de 1859 mais peu importe ou au contraire c’est la raison pour laquelle ce llivre m’a tant plu..

Les conversations entre le guérisseur sorcier, les deux prêtres, et le médecin athées permettent de faire revivre l’ensemble des opinions du temps. Victor Cohen Hadria raconte bien l’amour : les sentiments et la réalité physique. Le docteur Le Cœur veuf qui a aimé sa femme a encore besoin de présence féminine à ses côté, il y a de beaux passages à ce propos, jamais choquants mais très humains : du Maupassant !

Citations

Cette fantaisie de carabin qu’ont les chirurgiens de porter la blouse le plus sanglant possible est une pose inutile, mais de là à faire de cette manie la principale responsable d’un fléau qui ravage les hôpitaux depuis qu’il en existe, c’est pousser le bouchon un peu loin.

On a bien raison de dire que la guerre est une affaire où s’entre-tuent des hommes pauvres qui ne se connaissent pas du tout pour que vivent des hommes riches qui se connaissent fort bien et ne s’entre-tuent pas.

Malheureusement, une trop grande hâte dans l’introduction de nouvelles habitudes entraîne souvent un retrait de l’instruction.
En un instant, par pure maladresse, ce qui avait demandé des années d’efforts et de persuasion se trouve rejeté à un état pire que le précédent. Et l’on voit les sorciers, les thaumaturges et les prêtres rattraper en un seul moment tout le terrain que nous leur avions arraché

Je ne crois pas aux fadaises des curés sur la vertu et la fornication, je suis assez imperméable á leur conception du monde et de la divinité à ce terrible démiurge qui instaure la jouissance pour la proscrire, plante des arbres défendus au fond des jardins et condamne le plus fidele de ses serviteurs a pourrir sur le fumier.

 

Dans nos campagnes, le labeur prime sur l’enfance. Il n’est pas rare d’apercevoir des bambins suivant leurs parents aux champs. Personne ne désire leur mort, mais leur vie n’a aucune importance. Seuls les plus forts peuvent espérer dans l’avenir.

 

Voilà le résultat de siècles d’un intense travail religieux, qui sanctifie la souffrance et dénie toute probité a la jouissance. Dans l’esprit de quel fou peut bien naître un tel mépris pour les œuvres humaines, qui seraient aussi celles de Dieu, s’il existait ? Je serai en mesure de concevoir qu’un athée stupide bannisse une activité qui appartient si pleinement a la nature de l’homme, qu’un philosophe haineux des êtres vivants leur reproche ce qui est leur substance, mais qu’un croyant, qui regarde l’univers comme l’expression divine ,rejette ce qu’elle a dispensé de plus évidemment commun a toutes ses créatures est une sorte d’antinomie que je ne puis admettre. On devrait révérer le sexe dans les églises.

 

Un homme un vrai, se doit de rester sale, ne raconte-t-on pas que l’odeur du bouc attire les femelles ? La crasse, l’huile comme ils disent, favorise la pousse des cheveux, soutient l’intégrité du corps et des organes, les puces assainissent le sang…

On en parle

Chez Ysun blog que je regarde souvent.

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 3
J’ai beaucoup hésité à mettre ce livre sur mon blog car je trouve qu’en ce moment on n’a pas besoin de livre « baisse-de-moral » assuré. Tout est en mi-teinte, gris ou carrément moche, dans cette histoire. Un couple qui ne va pas vraiment bien, Le Mans une ville de province triste à en crever d’ennui, des voisins redresseurs de torts de la pire espèce, une vie de travail sans grand intérêt. Voilà c’est le sujet du roman du gris et du sordide ordinaire, une peinture assez exacte de notre époque et comme en plus c’est, parfois, bien raconté vous êtes certain d’attraper le mourron.

Heureusement il y a la chambre à remonter le temps ! Pourquoi heureusement parce que je déteste la science fiction, donc au moins je vais pouvoir carrément partir dans une critique… Même pas ! C’est aussi en grisaille, cela ne donne au narrateur que la possibilité d’éviter les disputes avec sa compagne. Un seul conseil, lisez ce livre avant de vous installer au Mans même si c’est beaucoup moins cher qu’à Paris !

Citations

Le mobilier était discret, contemporain dans le style bobikéa qui plaisait aux gens de notre génération.

 

La Sarthe était le département le plus inhospitalier que j’avais connu jusqu’à lors. L’air était en permanence humide, comme chargé de brouillard. Il faisait assez froid l’hiver, étouffant l’été. Le ciel était bas et nous trouvions le climat malsain.

 

Je trouvais ça plutôt a musant au début de vivre avec quelqu’un et puis ça m’est passé. Je ne me rendais pas compte mais maintenant que c’est terminé, j’ai l’impression qu’elle m’a presque rendu service. Je remets des slips et n’en change que tous les trois jours.

 

J’étais un type du Mans, la ville la plus déprimante et sinistre de la planète.

On en parle

Gwordia qui n’a pas plus aimé que moi.

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 Traduit de l’américain par Astrid Vabret et Catharine Masson.

C’est la première fois que je mets sur mon blog un livre que je n’ai pas fini. Je vais mettre beaucoup de temps à le finir et je vais dépasser les délais de « masse-critique ». C’est pourtant un livre très intéressant et relativement facile à lire. C’est un livre qui fait le point sur nos connaissances à propos des virus et de leur façon de cohabiter avec l’homme.

Si j’ai bien compris les deux sont liés ils vivent en « symbiose » et les virus participent à l’évolution des espèces. Comme je ne suis pas scientifique je ne peux pas vous en dire plus. J’espère que le travail de ce scientifique est sérieux car je suis incapable d’avoir le moindre esprit critique.(Vous comprenez pourquoi je n’ai pas mis de coquillages , je ne peux pas juger ce livre qui est cependant pasionnant)

De temps en temps, il donne des exemples dans le monde animal qui rendent son analyse amusante et concrète comme l’histoire de la «  limace de mer », qui se nourrit d’une algue qui lui donne un virus qui semble inoffensif mais qui la fait mourir dès qu’elle a pondu ses œufs.

Je vais maintenant avoir le temps de lire plus lentement et je le conseille à tous ceux que ces questions intéressent. C’est un livre de vulgarisation accessible mais difficile car le sujet est nouveau et tellement complexe. Et il a passionné un ami qui adore les découvertes autour du vivant et des médicaments.

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3
Si jamais l’envie vous prend d’acheter une maison bien tranquille, au fond des bois, dans la campagne profonde, lisez auparavant ce très court roman et vous serez à tout jamais dégoûté de la tranquillité, et des réveils au chant du coq ! !

Dans ce texte de 100 pages, le lecteur se perdra dans une forêt en Malaisie, évitera de peu un accident en téléphérique, mais surtout sera pris à la gorge par l’ennui hostile qui se dégage de la maison d’enfance en peine campagne, où aucun des 6 enfants n’a été heureux. Quel soulagement à la dernière ligne quand le personnage y mettra finalement le feu.

J’avais tellement aimé « Mon couronnement  » que j’ai choisi sans l’ombre d’une hésitation celui-ci dans la liste du club de lecture. Je dois avouer ma déception. Je ne vois pas trop l’intérêt de ce livre à part la difficulté de vivre à la campagne, mais bon, ça ne fait pas un roman même si je suis bien d’accord, rappelez vous la citation de Céline :

Moi d’abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j’ai jamais pu la sentir, je l’ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n’en finissent pas, ses maisons où les gens n’y sont jamais et ses chemins qui mènent nulle part..

La famille à la destinée tragique ne m’a guère passionnée. Bref c’est un livre sur l’ennui, avec un personnage central peu accroché à la vie. Du coup je n’y suis ennuyée et je n’ai pas accroché !

Citations

Quoiqu’il présentât outre ses costumes bien coupés, certaines des caractéristiques qu’on se figure représentatives du diplomate, mains fines, impeccable chevelure argentée et pondération courtoise pouvant, ou non, dissimuler quelque vive intelligence.

 

André Girard semblait penser que les jeunes médecins d’un seul regard, menaient votre vieille carcasse droit à la tombe de la même façon que les jeunes garagistes, d’un seul regard, expédiaient votre vieille guimbarde à la casse.

 

Neuf mois de gestation, rendez-vous compte. Après quoi l’enfant tue l’actrice, ou bien c’est l’actrice qui tue l’enfant. Rien ne pousse à l’ombre des acteurs.

On en parle

Les chroniques d’histoires d’en lire

 

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5
C’est un livre sur l’amitié et ce sont mes amis qui m’ont prêté ce roman. La meilleure façon de les remercier serait que je vous donne envie, à mon tour, de lire ce livre qui m’a fait rire et qui m’ a émue. Ce livre est paru en 1989 , je n’en connaissais pas l’existence. Pourtant, l’auteur ne m’est pas inconnu, j’avais bien aimé à l’époque « La puce à l’oreille » et « Je suis comme une truie qui doute ». Mais c’est un peu pour ça que je n’avais pas fait attention à sa production romanesque, j’avais catalogué Claude Duneton « spécialiste des faits de langue », en particulier des expressions, et je ne connaissais pas son talent de romancier.

« Rires d’homme entre deux pluies » raconte avec un talent humoristique certain, l’errance de paumés dans les années 70 . Ils vivent au cœur de Paris, à côté de Notre dame de Lorette, dans un logement vétuste sous les combles d’un immeuble, gardé par une concierge qui perd quelque peu la tête. Tous les personnages sont importants et Alphonsine, la concierge jouera son rôle dans l’intrigue.

Le charme du roman vient essentiellement du côté déjanté mais plein d’humanité de tous les personnages et également du style de Duneton. Comme la relecture la plus importante que j’ai faite cette année, c’est « le voyage au bout de la nuit » j’ai souvent pensé à Céline, mais un Céline heureux qui aurait confiance dans l’humanité.

Alors que reste-t-il de Céline ? Ce goût pour les gens de tous les jours, pour les antis héros, les situations banales, la maladie, la mort et l’évolution lente d’un personnage vers son accomplissement. Et puis, une certaine jouissance à écrire avec la langue de tous les jours truffée de toutes les expressions et citations que nous avons tous plus ou moins dans la tête. Ferdinand (comme par hasard) qui finira par s’appeler Jean est traducteur, nous suivrons toutes ses difficultés de traduction comment par exemple traduire correctement une expression d’une langue à l’autre. Faut-il traduire « Piss-weak » par « pisse-froid » ou par « couille molle » ? Nous le verrons avec son ami Clément ruser pour se nourrir les mois où la dèche et la faim sont trop fortes. Nous suivrons son amour pour Carolina qui s’appelle en réalité Viviane.

Nous connaîtrons les milieux de l’édition, du cinéma avec tous leurs aspects négatifs mais aussi amusants et vivants. Cela pourrait parfois être une charge contre notre société mais ce n’est pas ça, l’auteur pose un regard lucide et amusé sur les comportements des gens dans les années 70, un peu à la Brassens à qui il m’a fait penser également. J’ai trouvé parfois que le roman s’égarait un peu, en particulier dans les brumes finlandaises et la fin me laisse dubitative.

Le titre le dit bien, si vous voulez rire et pleurer avec des êtres ô combien humain précipitez- vous sur ce livre (si vous le trouvez), vous passerez un très bon moment au milieu d’une foule de personnages aux destinées variées. Vous n’oublierez pas le Tiaf déguisé en femme , Alphonsine vociférant contre les juifs, Berbis qui se prend un râteau malgré son énorme érudition , Riton qui ne veut plus vivre accroché à son fauteuil roulant, et tant d’autres figures contemporaines croquées avec humour et sensibilité.

Citations 

(j’en ai mis beaucoup j’avais parfois envie de recopier des passages entiers)

 À Paris ce matin-là, l’air était gris, les chats dans les gorges.

 

Dans les amours les plus blafardes, les coups du cœur très mal branchés, il y a toujours un moment comme ça, un laps parfait où tout bascule, où la vie est belle à crier !

 

Devant le radiateur à gaz à l’entrée, il y avait des caleçons qui séchaient, des boîtes de conserve bâillaient sur ce qui aurait dû être ma table de travail. Et partout des chaussettes, des bouquins, des godasses, un manche de pioche – je ne sais pour quelle raison- et des journaux en pagaille !

 

La vie aussi était comme ça, provisoire, avec ses folies, ses hontes, ses orgueils. Ses regrets. Un enchaînement d’évidences qui se poussent.

 

Il avait les yeux très bleus. J’ai dit que tous les mythes avaient des yeux bleus – même Jésus Christ dans ses photos antérieures au XIXe siècle.

(Une phrase qui me fait penser à du Céline )

Le mois de janvier avait été pluvieux, pas très froid mais pourri. Nous regardions tomber la flotte, jour après jour, à la semaine, dégouliner les toits de paris. A se demander !… A chercher, dans le ciel mouillé, où est le trou d’où vient la pluie.

 

Pour les soucis d’argent Clément était d’un réconfort médiocre. Ses discours sur la société capitaliste, intéressant en eux-mêmes, ne valaient pas le diable dans les moments de pénurie. Je trouvais que ce garçon populaire s’acheminait lentement, mais sans remède , vers le Secours du même nom.

 

Nous volions une boîte de thon au naturel, de maquereau au vin blanc – jamais d’alcool ! une bouteille d’huile un jour à cause des vinaigrettes… On ne craignait pas trop l’escalade, car, dans le quartier, je ne vois pas trop où nous aurions pu voler un bœuf !

 

Je me suis dit que les femmes, réellement, étaient les vraies merveilles du monde.

 

Je me disais que cet intérieur blanc des cuisses des femmes est sans doute le plus bel endroit du monde. Que lorsque je mourrais, si j’avais le sentiment des choses laissées, mon regret ce serait l’intérieur blanc des cuisses des femmes !

 

Sa tactique à lui consistait à jouer de la culture comme d’une arme secrète … Il m’avait confié qu’il lui arrivait d’établir des fiches, des catalogues de citations choisies, par matières pour les balancer dans une discussion au moment stratégique, de l’air de celui qui s’en fout totalement… Ah oui : très important ça ! Ne citer que par dessous la jambe, toujours ! Négligemment, faire croire que c’est tellement connu, ce qu’on dit là ! … Un rappel, tout au plus ! En s’excusant de la banalité…

 

 Carolina disait qu’il ne faut rien savoir des gens ; quand on sait tout, il ne reste plus rien. Ils sont mangés …. Souvent il n’y a palus qu’à les vomir ! Ce qui est une rude entreprise ? Parfois ça peut durer toute la vie.

 

Je me suis dit que c’était rigolo, mais les gens d’un certain standing, lorsqu’ils étaient absents de Paris, ils résidaient rarement dans le Nord.

 

J’ai dit qu’en effet, après avoir glandé tout l’été, je me sentais fort dépourvu. J’aimerais ça trouver de quoi subsister jusqu’à la saison prochaine !

 

Les rires commerçants en général, l’aspect « jovialo-servile » !

On en parle

Appel à la blogosphère qui a déjà écrit sur ce roman exceptionnel ?