U9782330051228Traduit du chinois par Angel PINO et Shao BAOQING.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4Très joli roman qui permet un voyage dans la Chine d’aujourd’hui et d’autrefois et dans l’âme d’une femme d’une belle et riche personnalité. Mingli, 40 ans, n’a plus de nouvelles de sa fille Rongrong, et elle sait, elle le ressent au plus profond d’elle même que ce n’est pas normal. C’est une femme consciencieuse chercheuse dans un laboratoire médical, appréciée de tous. Elle n’a pas l’habitude d’imposer sa volonté, mais pourtant rien ne la fera reculer, elle doit savoir ce qui est arrivé à Ronrong. Elle le doit au nom de ses engagements du passé : son amitié avec la mère de Rongrong qui a sombré dans la démence.

Elle va donc être confrontée à la Chine « communo-capitaliste », et refait un parcours sur ce qui a été sa vie. « Les Sentinelles des blés », c’est un hybride de blé , découvert par son père un grand savant dont la mort est tout un symbole : il était parti chercher des livres importants pour lui, à son retour il est tombé dans les égouts dont un voleur avait, entre temps, volé la plaque qui les obturait.. Les souvenirs des Sentinelles des blés reviennent dans le roman, comme des moments de pureté dans un pays où la corruption atteint à peu près toutes les couches de la société. Même son mari qui l’aime bien, et qui ne pensait pas qu’elle puisse avoir une volonté autre que la sienne touche des petits pots de vin en utilisant les qualités de chercheuse de sa femme.

Un beau voyage , d’une rare émotion.

Citations

Une femme qui ne sait pas s’imposer

Or Yu Shijie refuse de m’entendre. Il voudrait que je sois une femme ouverte. Certes, mais ne le suis – je pas déjà ? Petit à petit, entre nous deux, un pli a été pris, qui fait que, depuis des années, chaque fois que je m’exprime ou que j’agis selon mes sentiments, il s’empare du problème et le dissèque en deux temps trois mouvements, comme un boucher qui manipule une carcasse de porc. L’animal est suspendu à un croc, et la moindre partie de son corps s’offre à la vue:la viande, les os, les tripes, tout est clair et net. Mais moi , je ne ressens plus rien, j’en oublie même ce que j’avais voulu dire au départ.

Traduit de l’allemand par Pierre MALHERBET

Une bonne pioche chez Dominique.

4Je pense que c’est l’aspect documentaire qui a forcé ma réticence à lire des romans policiers. J’ai souvent du mal avec le suspens, j’avoue que je commence souvent les romans par la fin, pour ne pas attendre un dénouement et me consacrer uniquement à l’écriture. Ici, ce n’est pas la peine puisque la scène de meurtre commence le roman. Il reste le mobile et les raisons pour lesquelles le meurtrier ou l’assassin ,nuance juridique importante pour le coupable , a tué de façon aussi brutale Hans Meyer , respectable industriel.

C’est l’intérêt du roman et de façon très précise et très bien documenté , le lecteur comprend à la fois le système judiciaire allemand et sa difficulté à juger son passé nazi. Sans aucun pathos , on est saisi d’effroi par les malheurs de Fabrizio Collini. Il était bien évident qu’il ne pouvait s’agir d’un crime gratuit mais on prend conscience qu’un appareil judiciaire injuste peut pousser un homme à la vengeance.

 

J’ai été très sensible également aux deux vies de la victime : le commandant SS Hans Meyer et le gentil grand père qui faisait le bonheur de ses petits enfants. Je me souviens de l’interrogation des membres de ma famille qui avait connu la guerre, face aux touristes allemands du même âge qu’eux : comment faisaient-ils pour revenir en France ?

 

Et jamais, je n’ai reconnu dans la gentillesse allemande des touristes comme des familles de nos correspondants l’image des nazis massacrant des gens sans défense. Un livre écrit au plus près de la vérité, sans se perdre dans des considérations psychologiques et incroyablement efficace.

 Citations

L’humain

J’ai maintenant soixante quatre ans et, de toute ma vie , je n’ai rencontré que deux honnêtes hommes. L’un est mort depuis dix ans,l’autre est moine dans un monastère français. Croyez-moi, Leinen, les gens ne sont pas noirs ou blancs… ils sont gris.

 Vocation

Il avait toujours voulu être avocat. Il avait été stagiaire dans l’un des plus gros cabinets d’affaires. Dans la semaine qui suivit ses examens, il fut convoqué à quatre entretiens;tous,il les déclina. Leinen ne voulait pas travailler dans ces cabinets de huit cents collaborateurs. Les jeunes diplômés y avaient l’air de banquiers, ils avaient réussi leurs examens haut la main, achetaient des voitures au-dessus de leurs moyens, et on tenait pour le meilleur d’entre eux celui qui avait facturé le plus d’heures à ses clients au cours de la semaine écoulée. Les associés de telles sociétés en étaient tous à leur second mariage, ils portaient des pull-overs en cachemire jaune et des pantalons à carreaux le week-end. Leur univers était constitué de chiffres,de postes à des conseils d’administration, d’un contrat de conseils auprès du gouvernement fédéral et d’une suite infinie de salles de conférence, de lounges d’aéroport, de réceptions d’hôtel. Pour tous ces gens ,la plus grande catastrophe était qu’une affaire atterrît devant un tribunal ; les juges représentaient un risque. Mais c’était précisément ce que voulait Caspar Leinen : passer sa robe et défendre ses mandants. Son heure était enfin venue.

 

 

 

4 J’ai passé une excellente soirée au cinéma grâce à Jean Becker. Les acteurs sont excellents, Gérard Lanvin joue un rôle de grincheux qui lui va comme un gant. Si vous voulez vous détendre n’hésitez pas un instant , cela m’étonnerait que vous soyez déçus. Bien sûr ce n’est pas le chef d’œuvre du siècle, mais c’est un film sympathique qui fait du bien.

Je n’ai qu’une réserve, le personnage du kiné me semble trop caricatural. C’est bien l’esprit, mais pas la manière , du moins à ma connaissance. Je trouve que dans une époque morose, sourire et parfois rire ça fait un bien fou. Peut-être, certains reprocheront-ils les « Happy-end », mais il y a des moments où on souhaite de toutes ses forces que les rapports entre les gens fonctionnent un peu comme ça !

Bande annonce

Si vous êtes comme moi ne la regardez pas : je préfère ne pas regarder les bandes annonces, elles dévoilent trop de choses sur le film :

4
Soutenue par toutes les impressions positives glanées dans les différents blogs , je voulais absolument lire cette bande dessinée. Je savais que cet auteur de BD me plairait depuis la sortie des « Ignorants » qui m’avait également enchantée.


J’explique ce qui me fait aimer une BD, moi qui suis de la religion du texte sous la forme de livres : j’ai besoin d’éprouver que le dessin sert mieux le récit de l’auteur que le texte. Je n’ai pas besoin que l’auteur illustre son propos mais que je ressente que, sans le dessin, il n’exprimerait pas la totalité de ce qu’il veut nous dire. Il y a deux moments dans cette BD qui sont caractéristiques de cela : quand la famille présente le tableau de l’arrière grand père, le fameux « Chien qui louche ».

Citation

L’expression du visage du personnage principal qui pense en même temps

« Mon dieu ! Quelle horreur ! »

« Mais comment le leur dire sans me fâcher définitivement avec la famille de celle que j’aime ! »

« Mais ce n’est pas possible , qu’est ce que je peux dire ? »

Trois phrase pour un dessin beaucoup plus efficace. Finalement il va dire quelque chose qui m’a fait éclater de rire. Je ne l’écris pas car je déflorerai l’effet. L’autre exemple tout simple , c’est la tête que fait le personnage dans le métro bondé quand son nez est à la hauteur d’une aisselle mal lavée appartenant à un personnage jovial qui discute avec son amie sans se douter de rien. Scène si banale et si bien croquée , aucun texte ne peut la rendre aussi bien que ce dessin. Sinon , l’histoire est bien menée , les personnages de fiction crédibles et tout à fait dans notre époque .

Une BD, c’est aussi un brin d’érotisme , je vous laisse à la découverte des plus belles fesses du Louvre que je me promets bien d’aller voir.

 On en parle

Les blogs qui en parlent sont nombreux : Hélène et Jérôme mais d’autres aussi

4Un livre très intéressant sur un sujet contemporain : La douleur d’une famille estonienne. L’Estonie a été traversée par l’occupation soviétique, nazie puis à nouveau soviétique. On peut facilement imaginer les différentes strates de souffrances que de telles tragédies peuvent laisser dans une famille.

Le roman nous permet de comprendre le drame de ce pays tout en suivant le destin d’une jeune femme qui cherche à se libérer du poids du passé familial. Ce roman est à deux voix , celle de la jeune femme vivant en France confrontée à la mort d’une grand mère toute puissante et détentrice de la cohésion familiale. Et celle d’une femme du goulag condamnée à 20 ans dans un camps de Sibérie qui demande sans cesse des nouvelles de son petit garçon laissée à la garde de cette grand-mère.

Tout de suite on soupçonne , cet enfant d’être le père de la jeune fille , mais est ce la vérité ? Où est-elle d’ailleurs la vérité et à qui fait-elle du bien ? Le roman ne donne pas la clé , on aimerait que cette jeune femme se lance dans la vie, mais le passé estonien lui colle à la peau et envahit ses rêves en les transformant en cauchemars. C’est un beau et triste roman, écrit d’un façon très lyrique , j ai beaucoup aimé la langue de cette jeune écrivaine . Je lui trouve une forme d’exotisme très agréable à lire.

 Citations

J’ai aimé, pour des raisons toutes personnelles, ce passage

Une maison en désordre est une maison qui vit. Peu après avoir signé le registre des mariages, Kersti découvrit que prendre un époux équivalait à s’enterrer vivante. L’ordre de papa la rendait folle. Elle ouvrait le placard, jetait les gilets et les robes au sol en faisant cliqueter l’aluminium des cintres ; saisissait à pleine main des tas de partitions qu’elle laissait tomber en pluie et mélangeait ensuite du pied pour qu’elles soient de nouveau dans un désordre parfait.

Et ce passage me fait penser à quelqu’un

En rentrant de l’école, je déplaçais toutes nos affaires, dépliais et repliais les vêtements en commençant par ceux de maman que j étalais d’abord soigneusement sur le lit, avant de les redisposer en une pile dont l’ordre variait selon les jours , le lundi le rouge en bas, le noir en haut, le jeudi le noir en bas, le bleu en haut. …. Je découvris que le rangement n’a pas pour but d’organiser l’espace, ni de lutter contre le trop-plein d’objets, mais de mettre de l’ordre dans le vide, de tendre des filets au dessus du précipice abyssal de la vie.

Explication du titre

Comme si, dans les comptes du Tout-Puissant , dans l’arithmétique des Dieux, le nombre des morts et des vivants avait été fixé d’avance et que la sauvegarde d’un être humain y avait pour corollaire le sacrifice d’un autre.

Les souffrances des hommes face aux régimes politiques

Après la guerre, en URSS, on nous a appris que le passé n’avait pas existé, que le présent non plus n’existait pas, du moins pas comme nous le croyions, et que nous mêmes n’avions pas le droit d’exister. Certains ont bien retenu la leçon, d’autres ont fait semblant, et quelques uns s’en fichaient éperdument. Je crois qu’Ilmar a si bien retenu la leçon qu’il n’osait plus savoir ce qu’il ressentait, ce qu’il était, ni ce qu’il avait fait, il savait seulement ce qu’il devait ressentir, c’est-a-dire, la culpabilité. C’était le propre de l’époque : ceux qui avaient souffert avaient honte d’être des victimes, et ceux qui n’avaient pas souffert avaient honte , par ce fait même, d’appartenir au clan des bourreaux. Seuls ceux qui commettaient les véritables crimes n’éprouvaient pas de culpabilité car, à la place de la conscience, ils avaient le pouvoir et ils dictaient ce qu’on devait penser. Notre époque elle-même était coupable, mais c’étaient les hommes qui vivaient dedans qui portaient le poids de la culpabilité.

On en parle

Lolalit

 Traduit de l’italien par Danièle Valin

4
Est-ce-que tout a été écrit sur l’extermination des juifs par les nazis ? Non évidemment et ne le sera sans doute jamais. Je remarque qu’annoncer qu’un roman traite de ce sujet attire souvent la remarque : « encore ! ». Oui, encore et encore une fois, j’ai été émue et touchée. Pas seulement parce que l’écrivain a trouvé un angle original pour nous transmettre ces horreurs du passé, mais parce qu’il m’a bouleversée à l évocation d’Auschwitz et de la liquidation du ghetto de Varsovie. C’est important qu’un écrivain trouve, aujourd’hui encore, les mots et les phrases pour réveiller ma conscience qui préfère s’endormir. D’autres violences humaines sont venues après la Shoah, mais celle là fut si terrible qu’elle a une place à part dans ma mémoire.

L’originalité du roman ? C’est de se mettre dans la conscience d’une fille de criminel de guerre qui, tout le reste de sa vie, a fuit la justice.

Le seul tort que cet homme se reconnaisse c’est d’avoir perdu la guerre (d’où le titre du livre). Le point de vue de cette jeune femme est très intéressant et je comprends très bien ce qu’elle veut dire en parlant de trace de « rouille » dans son sang. Sa réaction a été de plus jamais transmettre la vie pour que cette lignée de criminels s’arrête avec elle : dur mais compréhensible ?

 Un récit poignant qui me trotte, depuis, dans la tête

Citation

Propos sur l’histoire

 L’histoire m’ennuie. Ce qui s’est passé avant ma naissance ne me concerne pas et ne m’intéresse nullement. L’histoire a été un casier judiciaire, une suite de crimes. Je l’ai étudiée à contre-cœur à l’école. Qu’y avait -il à apprendre de ce fatras de choses arrivées au hasard et qui, lorsqu’elles se produisaient, montraient bien qu’elles étaient stupides et violentes ? L’histoire est un cadastre d’échecs. Chacun en retire sa propre version inutilisable.

On en parle

Chez « enlivrez-vous » : Céline et Jérôme et Babelio

Traduit de l’anglais (Canada)par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso

PS. : Je suis un peu étonnée par certaines formulations un peu relâchées, sont elles voulues par l’auteur ou un effet de traduction ?

4Je ne suis visiblement pas la seule à n’avoir pas entendu parler d’Alice Munro avant l’attribution de son prix Nobel. Mais quelle écrivaine, comment puis-je lire très régulièrement et passer à côté d’une telle auteure. Je ne suis pas une adepte des nouvelles mais je ne peux que vous recommander : « Fugitives » , ces huit femmes ne sont pas prêtes de vous quitter. Je suis mal à l’aise avec les nouvelles car je n’aime pas passer de l’une à l’autre. Je reste imprégnée par l’atmosphère de la précédente quand je lis la suivante et dans ce recueil ,il ne le faut pas. Chaque destin est différent, ils n’ont en commun que d’être celui de femmes qui fuient, ou, parfois, n’ont qu’envie de fuir un destin qui n’est pas tout à fait le leur.

Tout est dit avec beaucoup de pudeur, sans drames inutiles, à la manière de la vie ordinaire. Ça fait mal, parfois, mais ça passe , tout passe n’est ce pas ? Même la séparation brutale avec un enfant adulte ; comme cette Pénélope qui a rompu complètement avec une mère folle de douleur et d’incompréhension et qui en vieillissant « continue à espérer un mot de Pénélope, mais sans aucun acharnement. Elle espère comme les gens espèrent sans se faire d’illusion des aubaines imméritées, des rémissions spontanées , des choses comme ça. ».

J’ai lu et relu « Passion » le personnage de Grace m’a complètement bouleversée. Cette jeune femme aurait pu devenir une réplique de la jeune américaine classique , un homme passe, dangereux et alcoolique , mais elle franchit grâce à lui le pas nécessaire pour sortir de la voie toute tracée du destin , on peut penser qu’ensuite elle vivra pour elle et non pas pour l’image qu’elle veut donner d’elle.

J’ai évidemment été très émue par le destin de Robin qui a raté de si peu sa véritable histoire d’amour.
Tout cela est important mais dit si peu du talent de cette auteure qui sait mettre en scène des ambiances, des personnalités , aucun personnage n’est bâclé, tous retiennent notre attention et nous rappellent des gens que nous rencontrons dans la vie.

La dernière nouvelle « Pouvoir » m’a légèrement déçue. Mais justement ,c’est cela qui m’agace si fort dans les nouvelles : on a du mal à ne pas les comparer les unes aux autres .

 Citations

Vision de la femme, vision de l’homme :

Mme Travers avait fait un premier mariage avec un homme qui était mort. Elle avait gagné sa vie et entretenu son enfant , en enseignant l’anglais commercial dans une école de secrétariat . M Travers quand il évoquait cette période de la vie de sa femme avant leur rencontre en parlait comme d’une épreuve presque comparable au bagne, que pourrait à peine compenser une vie entière d’un confort qu’il était heureux de procurer. Mme Travers elle-même n’en parlait pas du tout de cette façon.

Réaction de Grace après avoir vu Elizabeth Taylor dans « Le père de la mariée » :

Grace ne pouvait expliquer ni tout à fait comprendre que ce n’était pas de la jalousie qu’elle éprouvait , en définitive, c’était de la rage. Et pas parce qu’il lui était impossible de courir les magasins ou de s’habiller comme ça. C’était parce que les filles étaient censées ressembler à ça. C’était ainsi que les hommes -les gens , tout le monde- pensaient qu’elles devaient être. Belles, adorables, gâtées, égoïstes , avec un pois chiche à la place du cerveau. C’était ainsi qu’une fille devait être pour qu’on en tombe amoureux . Ensuite elle deviendrait une mère et se consacrerait tout entière à ses enfants avec une affection baveuse. Elle cesserait d’être égoïste mais garderait son pois chiche à la place du cerveau. À tout jamais.

Fragilité masculine :

Les femmes ont toujours quelque chose à quoi se raccrocher pour continuer. Quelque chose que les hommes n’ont pas.

Toujours vrai :

« Petite » Ginny est au moins aussi grande que lui et l’envie m’a démangée de le lui dire. Mais c’est extrêmement rosse de parler de taille avec un homme tant soit peu déficient dans ce domaine et je suis donc restée coite.

 On en parle

« Les fanas de livres  » blog que je lis régulièrement.

97079299Traduit du Suédois par Jeanne Gauffin 

4J’ai trouvé ce roman chez Hélène, et son enthousiasme m’a convaincue. Je sortais d’un roman très dense et j ai faili passer à côté du charme de ce tendre récit. Après une première page prometteuse, où la grand-mère et la petite fille recherchent un dentier dans un massif de pivoines , j’ai commencé à m’ennuyer. Dans ce cas là, je vous l’avoue, je peste après les blogueuses amies : « Mais qu’est ce qu’elle a bien pu lui trouver à ce bouquin ! » « Je ne suivrais plus jamais ses conseils ! ». Et puis , petit à petit le charme à commencer à opérer, j’ ai résisté …. et puis….j’ai succombé !
Avec une pudeur très suédoise, Tove Janson nous fait comprendre les joies et les peines d’une petite qui vient de perdre sa mère. L’affection de sa grand-mère se manifeste par des gestes et des actes plus que par les mots. (On est chez les gens du nord). Sophie a la chance d’avoir une grand-mère qui entre dans son imaginaire, ensemble, elles reconstruisent une île où le bonheur est possible. La construction romanesque est originale, car on passe du point de vue de l’enfant à celui de la grand-mère , il n y a pas un narrateur mais deux. Le père est là , très important pour l’enfant mais ne rentre pas dans la narration.
J’ai parfois du mal à comprendre la nature qui les entoure, car elle est vue à travers l’imaginaire de l’enfant. C’est peut être pour cela qu’une premiere lecture trop rapide m’a ennuyée. Et puis, vous n’avez jamais d’explications psychologiques , c’est à vous de les construire. Par exemple, quand elles reçoivent une petite Bérénice amie de Sophie, le récit permet de comprendre qu’elle en devient jalouse parce que cette dernière capte l’attention de sa grand-mère.
Les faits sont racontés mais aucune explication n’est donnée. J ai souri aux discussions théologiques et j’ai bien retrouvé les remarques de mes petits enfants. Un petit air de mer et d’été qui fait du bien. Un grand merci Hélène et pour ceux ou celles qui veulent se laisser tenter , sachez que la forme n est pas évidente et peut , comme moi, vous dérouter , mais que c’est un petit bijou de tendresse et de pudeur.

Citations

Le deuil d’une maman

– Regarde, maman , cria-t-elle, j’ai trouvé un nouveau palais !
– Ma chère enfant , dit la grand-mère, je suis la maman de ton papa seulement .
Elle était ennuyée.
– Vraiment , cria Sophie, Et pourquoi serait-il le seul à pouvoir dire maman ?
Elle jeta le palais dans le canal et s’éloigna.

Discussion théologique

Elle demanda comment Dieu pouvait faire attention à tous les gens qui le priaient en même temps.
– Il est très sage, murmura la grand-mère en somnolant sous son chapeau .
– Réponds correctement, dit Sophie . Comment a-t-il le temps ?
– Il a des secrétaires …
– Mais comment arrive -t-il à exaucer votre prière s’il n’a pas le temps de parler avec ses secrétaires avant que ça ne tourne mal ?
Grand-mère fit semblant de dormir, mais elle savait bien qu’elle ne trompait personne et, finalement elle déclara qu’il s’était arrangé pour que rien ne puisse arriver entre le moment où on priait et celui où il recevait votre prière. Mais sa petite fille demanda alors ce qui arrivait quand on tombait d’un sapin et qu’on priait pendant qu’on était en l’air.

Les odeurs

Les odeurs sont importantes, elles évoquent tout ce qu’on a vécu,elles sont comme une enveloppe de souvenirs et de sécurité.

On en parle

Chez Hélène, bien sûr et Babelio où vous lirez deux critiques négatives de lectrices qui sont passées à côté de ce roman comme j’ai failli le faire.

 Livre lu dans le cadre de mon club de lecture.

 4
Un titre plus précis serait : « les secrets et les peurs du coffre fort ».

 

  • Peurs que les Qatariens ont du monde qui les entoure, les grandes puissances régionales : l’Iran, l’Arabie Saoudite, Israël..
  • Peurs qu’un énorme bateau chargé de pétrole pollue leurs côtes et les prive d’eau potable , j’ai appris qu’ils n’ont que 48 heures de réserve d’eau potable déssalinisée qu’il gaspille sans aucune vergogne, piscine , jet d’eau..
  • Peur du terrorisme..
  • Peur que les étrangers beaucoup plus nombreux que les Qatariens prennent le pouvoir où se mettent à réclamer des droits décents pour travailler au Qatar.
  • Peurs que le monde éprouve vis à vis du Qatar et de ses dirigeants qui prouvent au monde que TOUT peut s’acheter.

Ce livre a eu un coup de cœur à mon club de lecture, parce ce que j’imagine qu’on est toujours un peu baba devant autant d’argent et que, comme moi, mes amies du club ignorait tout ou presque du Qatar. Je ne mets pas souvent de livres d’actualité sur mon blog, mais le Qatar aujourd’hui c’est un monde complètement original et ces deux journalistes ont bien fait leur travail , un an d’enquête pour nous informer.

Les deux passages que je cite montrent le paradoxe de ce pays , un enfer pour les travailleurs manuels étrangers , un purgatoire pour les expatriés aux portes du paradis peuplé uniquement de musulmans Qataris. Doha change toutes les règles du droit international, puisque tout, absolument tout, s’achète, à commencer par le sport et les sportifs. Le passage concernant Rachida Dati n’est pas agréable pour l’honneur de la France , trop de flots d’or troublent l’esprit de nos politiques. Tout Paris sait qu’elle s’est rendue de multiples fois, accompagnée des membres de sa famille , au Qatar aux frais de la république , pour y recevoir moult cadeaux et trouver un emploi pour sa sœur.

Certains aspects des avoirs des Qatariens, en France m’ont gênée, (le Qatar n’est pas le seul pays en cause), tous les dirigeants étrangers qui achètent en France, ne payent pas l’ISF sur leurs biens, et comme la famille royale du Qatar est par définition membre du gouvernement et qu’ils sont très nombreux , un des frères de l’Émir a 50 enfants, tous ces gens peuvent acheter des hôtels particuliers à Paris ou sur la côte d’Azur sans payer les taxes dont les Français devraient s’acquitter !

La dernière question du livre est de savoir s’il faut avoir peur du Qatar , non certainement non si on est musulman et non pour les autres , leur argent vaut bien celui d’autres puissances . Aux états de défendre leur propres valeurs.

Citations

les Qatariens

Au Qatar , il n’y a pas de pauvres, le chômage n’existe pas et l’emploi est garanti à vie pour les nationaux. Ici c’est le paradis pour les contribuables …puisque les impôts n’existent pas ! La fiscalité est réduite à sa plus simple expression . Au Qatar , il n’y a pas de TVA , de charges salariales et patronales sur les salaires, d’impôt sur le revenu et d’impôts fonciers. Les société doivent acquitter un impôt à taux fixe de 10 % .
Si un Qatarien ne souhaite pas travailler, il reçoit une allocation de 2000 euros par mois. Quand il travaille dans l’administration publique – 95 % des nationaux occupent des postes dans le secteur gouvernemental- ou dans de grands compagnies , on lui assure un salaire mensuel de plusieurs milliers d’euros. Un instituteur qatarien peut gagner entre 6000 et 8000 euros par mois. Quand une compagnie international prend un stagiaire qatarien pour quelques mois dans un service , il est payé 7000 euros par mois (35 000 rials)

Lorsqu’un stagiaire , militaire ou magistrat , est envoyé en formation en France, il perçoit l’équivalent de 1800 euros par jour . Ce qui lui permet de se loger dans un palace.

Quand un jeune couple se marie, il reçoit une parcelle de terre gratuite . Le standard , c’est 1200 mètres carrés. Pour bien démarrer dans la vie, on lui donne environ 40 000 euros ( 200 000 rials) pour construire uns maison. Le reliquat des travaux est assuré par un prêt sans intérêt. Et puis il faut équiper le logement . Pour acheter ses meubles , le couple reçoit une indemnité d’à peu près 10 000 euros ‘(50 000 rials) .
Si le couple donne naissance à un fils , il aura droit à une prime , un peu moins élevée si c’est une fille. On lui proposera un prêt avantageux pour acheter une voiture , de préférence une grosse cylindrée ou un 4×4. La consommation d’essence importe peu : ici le litre de super -20 centimes d’euro- est moins cher que le litre d’eau minérale ! Et qu’importe si ces bolides polluent à tout va …

 Les travailleurs manuels émigrés

Dans l’émirat ,la majorité des 40 000 femmes de ménage philippines reçoivent un salaire en moyenne un salaire de 250 dollars par mois . 5900 rials)

la plupart du temps , ces « fourmis » asiatiques du miracle qatarien vivent dans des conditions sordides. Ils sont parqués dans des blocs d’habitations (« labor camps ») , sortes de bidonvilles situé à la périphérie de Doha, quand d’autres logent sur leur lieu de travail dans des baraquements. Officiellement , la loi fixe le seuil maximum à quatre travailleurs par chambre, chaque résident devant disposer d’un espace de vie d’au moins quatre mètres carrés. Mais dans la réalité , les migrants s’entassent parfois jusqu’à dix huit dans une même pièce. Même le prix de leur pauvre matelas, souvent une mince paillasse de mousse, est prélevé sur leur salaire.

Appareils d’air conditionné défectueux , alimentation en eau potable aléatoire,salle de bains collective minuscule, cuisine à la saleté repoussante, c’est le résumé sinistre et insalubre du quotidien de ces migrants asiatiques.

 Lu dans le cadre du club de lecture de ma médiathèque.

4
Livre très sympathique qui remonte le moral. Cela n’empêche pas l’auteur de décrire notre société de façon assez triste. Il se sert pour cela de la personnalité d’un vieil homme de plus de soixante dix ans qui refuse l’ensemble du modernisme. Son intérêt pour la société dans laquelle il vit s’est arrêté aux années 60. Depuis plus rien ne trouve grâce à ses yeux, ni les noms des voitures qui, d’appellations qui font rêver comme Caravelle, Dauphine, Ariane, sont passée à des mots qui ne veulent rien dire comme Scénic, ni les beauté féminines, son idéal féminin restera à jamais Grace Kelly, ni bien sûr les façons modernes de communiquer.

Lui restera pour toujours relié au monde avec un téléphone en bakélite noir avec un cadran que l’on tourne avec un doigt… Son fils va devenir père, et le roman raconte très bien les peurs du futur père et sa joie absolue devant le bébé fragile mais dont le regard est si présent. L’année des 6 ans du petit, le grand père le gardera un mois dans sa maison au coeur des landes. Le bonheur de ces deux être, aux deux bouts du temps de l’espace humain est touchant : ce petit fils saura séduire ce vieux grincheux , et le petit garçon aimera de toutes ses forces ce grand-père hors norme. Toutes les peurs dans lesquelles sont élevées les enfants d’aujourd’hui sont évoquées et si on comprend les parents, on est également du côté du « grand-paria » (nom qu’il s’est choisi et qui lui va bien), l’hyper protection dans laquelle sont élevées les enfants d’aujourd’hui, leur permettra-t-elle de grandir ?

Les personnages ne sont pas idéalisés, ils sont dans leur vérité. J’ai bien aimé que la maman de l’enfant, Leila, ne succombe pas au charme du grand-père : la conversation téléphonique où le grand-père explique que l’enfant a dormi dans le même lit que lui pour ne pas avoir de cauchemars est bouleversante. Elle a peur de l’inceste, et le grand-père est totalement choqué qu’elle ait pu penser à cela.

Le premier chapitre démarre par une scène dans le métro absolument inoubliable, elle fera sourire les parisiens et les provinciaux qui sont si heureux de ne jamais utiliser les transports en « commun » parce qu’ils sont communs justement ! (Ce n’est pas de moi, c’est une réflexion du grand père).

Citations

La télévision aujourd’hui

Encore ignore-t-il l’existence du rap et des émissions de téléréalité. Ne m’a-t-il pas déclaré tout récemment : « un jour, tu vas voir, ils vont foutre des caméras dans une maison et filmer des crétins à ne rien faire » ? S’il savait. Je n’ose rien dire. Je n’ai jamais osé.

La jeunesse d’aujourd’hui vue par le grincheux

– On montre son cul, on a des anneaux dans le nez, on mange avec les doigts, on s’exprime par borborygmes, on se tape dessus au moindre désaccord, on se trémousse sur des rythmes binaires…ça ne t’évoque rien ?

– Euh…

– Moi si : l’âge des cavernes. des siècles de civilisation pour en arriver là ! Ce n’est pas triste c’est effroyable.

 L’opinion du grincheux sur les médecins

– Tu as vu un ophtalmo ?

– Un type qui te regarde dans les yeux pour te prendre ton fric ? Même les femmes n’osent plus faire ça.

 Le masculin

Que tu dises non, non et non ! A force de ne plus être machos, vous êtes devenus manchots, ma parole, toi et les hommes de ta génération !

Petite leçon d’économie

Pourquoi acheter, toujours acheter, quand on peut faire durer les choses ? Pourquoi jeter, toujours jeter, grossir les décharges, quand on peut réparer ? Tu as remarqué que les verbes « jeter » et « acheter » étaient très proches ? Cette machine, je la jette, cette machine, je l’achète, ça sonne pareil … Et voilà comment la fuite en avant continue, et vas-y que j’achète , et vas-y que je jette , et tant pis pour la planète ! En plus ça rime ! Tu vois je suis un grand poète. Un grand poète paria.

On en parle

Livre-esse, Cathulu