Citation
Jusqu’au poissonnier qui, agacé, dans un furieux pied de nez, inscrit sur son ardoise : « A la recherche du thon perdu : 17 francs le kilo »
Jusqu’au poissonnier qui, agacé, dans un furieux pied de nez, inscrit sur son ardoise : « A la recherche du thon perdu : 17 francs le kilo »
J’ai plus d’une fois été agacée par la lecture de ce gros (trop gros ?) roman parce que l’auteur ne nous épargne vraiment rien : on apprendra tout sur sa sexualité, ses impuissances à vivre, les petits côtés de ses amis célèbres ou pas. Mais je ne l’ai pas lâché et à chaque fois que je reprenais ma lecture, j’y trouvais de l’intérêt. Dans le quartier latin des années de l’après guerre, on suit le narrateur, il y arrive à 16 ans « quand il est né » nous dit-il, il raconte son adolescence. (Aujourd’hui l’adolescence commence à 13 ans, à 18 ans on est « jeune-adulte » !)
Il a connu ou croisé tous ceux qu’il fallait connaître et le titre de son livre de souvenirs est un hommage au roman de Boris Vian L’écume des jours. On suit, pas à pas, son initiation à la sexualité, à la littérature, son passage au monde adulte, le rejet de la province, surtout de la banlieue et de sa famille.
L’auteur sait recréer l’ambiance des années de l’existentialisme et on est pris dans un véritable tourbillon. Il a souvent un humour très corrosif qui est à l’image de cette époque. IL y a dans ce roman beaucoup de petits textes merveilleux. La description de la gare Montparnasse et ses différences avec la gare de Lyon est un bon moment de lecture.
Je pense que, pour tous ceux qui se souviennent de ces années-là, ce livre doit faire du bien. Vu de la province, ces gens célèbres : Gréco, Sartre, Vian devaient faire rêver, de près ils sont beaucoup moins séduisants et pourtant ils ont apporté un souffle de liberté parmi les intellectuels. Il y a un personnage que je trouve intrigant et intéressant : Honoré, le narrateur et lui se rencontrent dans le train du retour vers la banlieue et sa famille, il lui donne de bons conseils de lecture, j’aurais aimé en savoir plus sur celui qui lui dit : « La provocation n’est pas forcément créatrice, murmure Honoré. Je crains que nous n’entrions dans l’ère de l’imposture ».
Je ne retrouve rien de mon violon, ni de son âme de bois, ni de son corps pas si verni que ça.
Se tenir comme Ilfo ?
Qui était donc ce type mystérieux qui s’appelait Ilfo et qu’il fallait prendre en exemple ? C’était comment se tenir, se tenir comme Ilfo ? Qui se tenait comme Ilfo ? Les adultes forcément. Quand je comprends enfin qu’il faut se tenir comme il faut, la question reste pendante. C’est quoi comme il faut, c’était pour ma mère se tenir à l’épicentre de tout ce qu’il ne fallait pas faire. À l’épicentre de toutes ses peurs.
Parmi les lectures édifiantes auxquelles j’avais accès, on trouvait des histoires comme celle du pauvre garçon contraint pas son père, un horrible communiste, de rapporter une hostie à la maison où ledit père la poignarde avec un couteau de cuisine. Et l’hostie de se mettre à saigner !
Être ami avec Vian, ce n’est pas être l’ami de Vian.
la nuance est d’importance.
Qui est le vrai Vian ? Je n’ai toujours pas la réponse.Avec des parrains aussi prestigieux qu’Aragon et Eluard, les idées communistes sont plutôt en vogue à Saint-Germain mais qui pourraient dire qu’elles sont celles de Vian qui affiche une méfiance notoire à l’encode tous les dogmes, qu’ils soient religieux ou politique ? Ça me plait, ça rejoint ce rejet de cette religion et de ce Dieu qu’on a vainement tenté de me refiler.
Comme si on avait le choix ! C’était le dernier magasin encore ouvert à des milles à la;ronde. Les autres avaient fermé en même temps que les usines, et leur carcasses achevaient de se déglinguer, hiver après hiver.
Link.
link.
Au programme du club de lecture, ce livre se lit facilement. Un père a voulu se donner une stature de héros aux yeux de sa fille. L’écrivain chargé de raconter sa vie, n’a pas su faire parler son propre père qui était lui, un véritable héros de la résistance. L’intérêt du roman, vient de cette rencontre et du tête à tête entre ce vieil homme digne mais qui a construit sa vie sur un énorme mensonge et le journaliste écrivain qui sent ce mensonge.
Je n’ai vraiment pas été passionnée.
L’auteur présente son livre comme une fable. Fable, autour du destin de trois femmes, violées ou soumises à des hommes pervers ou violents. Cette fable se passe dans une Amérique latine imaginaire, avec des dictateurs imaginaires.
Ce livre est un coup de cœur dans de nombreux blogs de lectrices et le sera sans doute à mon club de lecture jeudi prochain. Je suis plus réservée, le côté fable a fait que je ne suis rentrée qu’à moitié dans le roman, j’ai bien aimé mais je suis loin de partager l’enthousiasme que je lis sur d’autres blogs. Je n’ai pas trouvé dans l’écriture la force poétique de Le Cœur Cousu de Carole Martinez, qui raconte aussi le destin tragique des femmes bafouées par la vie trop dure et la violence des hommes.
link.
L’économie mondiale n’a tenu qu’au fil de soie de la politique économique.
L’innovation financière s’est déployée au croisement de la titrisation …
Loin d’être rationnels et guidés par la juste évaluation de la valeur des actifs, les marchés cotent au premier chef les opinions et les pulsions collectives, encourageant les comportements moutonniers des épargnants et des investisseurs à la hausse comme à la baisse. Surtout, les banques, largement recapitalisées et restructurées, bénéficiant d’une courbe des taux favorables, fortes de la garantie d’être sauvées par le contribuable, ont renoué avec leur stratégie à risque.
La banque demeure la seule activité où il faut passer par la le casino et jouer pour avoir le droit d’accéder à la boulangerie
Et finalement j’ai appris que « calamiteux » est l’adjectif qui décrit tout ce qui est mauvais pour l’économie
Comme le titre l’indique l’historienne spécialiste de la révolution française, Mona Ozouf raconte son enfance bretonne, sa double appartenance :
Ces deux premières parties sont très intéressantes et agréables à lire. Ensuite elle explique son engagement intellectuel, ses lectures et sa compréhension des idées politiques qui ont construit la France. La lecture devient alors beaucoup plus difficile, les idées sont intéressantes mais ce n’est plus du tout le même livre, on quitte le récit pour un débat d’idées un peu long et froid.
Les hommesselon lui (Jules Ferry) , doivent être laissés libres d’errer, car la liberté, fût-elle payée par l’erreur, est plus désirable que le bien.
Jamais sans sa coiffe. L’attacher est son premier geste du matin, bien avant l’éveil de la maisonnée.
Son souci constant est la dignité .. sa règle morale essentielle est de ne jamais se mettre dans une situation telle qu’on puisse en avoir honte. « Gand var vez » , « avec la honte » est l’expression qui, pour elle englobe tout ce qu’il est inconvenant de faire et même de penser.
Trois pélerinages, donc, qui résumaient assez bien les trois lots de croyances avec lesquelles il me fallait vivre : la foi chrétienne de nos ancêtres, la foi bretonne de la maison, la foi de l’école dans la raison républicaine.
Emmanuel Carrère est un auteur étrange qui se plaît à décrire le malheur absolu des autres. J’avais été très dérangée par son livre sur Roman, ce faux médecin qui a assassiné toute sa famille pour cacher qu’il n’avait jamais réussi ses examens de troisième année de médecine. D’autant plus dérangée, que cet écrivain est d’un sérieux et d’une objectivité redoutables, dans ce roman là aussi, mais c’est beaucoup plus agréable car il met son talent au service d’ émotions qui me touchent. « D’autres vie que la mienne » commence par le récit du Tsunami de 2003. Malgré moi, je me suis dit : encore ! Je n’étais pas convaincue par son récit.
L’autre vie qui n’est pas la sienne mais qui le touche de près, est celle de Juliette la sœur de sa compagne, jeune femme qui meurt d’un cancer. L’évocation de cette femme à travers les regards de ceux qui ont accompagné sa vie est d’une rare sensibilité et délicatesse. Comme elle est juge, l’auteur se transforme en journaliste d’investigation pour expliquer le surendettement et son travail pour enlever des griffes des nouveaux usuriers (les compagnies de crédit à la consommation) le justiciable trop naïf. Il est aidé par le témoignage du collègue de Juliette : Etienne qui est amputé d’une jambe à la suite d’un cancer des os. C’est un personnage intéressant et émouvant qui dira de Juliette « c’est un grand juge ».
Il n’empêche qu’il est prisonnier de ce que les psychiatres appellent un double bind, une double contrainte qui le fait perdre sur les deux tableaux. Pile tu gagnes, face je perds. Être rejeté parce qu’on a une jambe c’est dur, être désiré pour la même raison c’est pire.
Ça fait toujours plaisir une visite si ce n’est pas à l’arrivée, c’est au départ. (Paroles de Béatrix Becq)
link.
Lors de la lecture de ce roman, on ne cesse de penser que l’auteur a vécu très souvent cette situation. Il s’agit d’ un dîner parmi les puissants du si petit monde des parisiens friqués et branchés, avec une surprise l’invitation à table de la bonne, une beurette qui ne correspond pas aux clichés de la bonne société de gauche parisienne. Les scènes sont souvent drôles, le roman se lit vite. Le ton est parfois très caustique surtout à propos de la bonne société qui se croit ouverte. Le démarrage est un peu long. (normal : il faut camper les personnages). « Madamedu » Sophie du Vivier et monsieur Thibaut du Vivier reçoivent George Banon qui doit signer un gros contrat avec Monsieur. Ils reçoivent :
Le repas va être mouvementé !
Pierre Assouline ne cesse de tourner autour de la table, pour nous offrir une savoureuse et cruelle galerie de portraits. Voici Sybil Corbières, personnage insignifiant, abonnée à la chirurgie esthétique : « Elle était ainsi faite et refaite que même ses cordes vocales sonnaient comme un piano accordé de la veille. » Voici Dandieu, l’écrivain, membre de l’Académie française, qui se gargarise de phrases creuses : « Il se voulait si républicain qu’il se disait laïque et obligatoire tout en regrettant de ne pouvoir être également gratuit. » Et Marie-Do, l’épouse de l’ambassadeur au placard, « celle qui dit tout haut ce que tout le monde n’osait même pas penser plus bas, encore que la bassesse soit également partagée ». Quant à maître Le Chatelard, spécialiste des divorces (« Il avait le génie de la séparation »), c’est un bavard impénitent. À écouter les silences de son épouse, « on comprenait vite qu’elle avait plusieurs fois divorcé de lui sans même qu’il s’en aperçoive ».
Le cruel Assouline n’y va pas avec le dos de la cuillère. Par moments, il donne l’impression de forcer inutilement le trait. Les convives, à deux ou trois exceptions près, mériteraient d’être jetés par la fenêtre, alors que la charmante – trop charmante ? – Sonia, alias Oumelkheir Ben Saïd, nous éblouit par sa finesse. Elle n’est pas spécialiste du couscous, mais termine une thèse de doctorat à la Sorbonne sur un mouvement architectural assez complexe qui s’était épanoui en Europe au début du XVIIIe siècle…
Ce monde n’est pas le sien, mais, à force de l’observer, elle en connaît les codes et les usages. Ayant « le goût des autres », elle n’arrive pas à détester cette faune. Quoique née à Marseille, elle restera toujours en France « une invitée ». Comme les juifs, finalement, remarque Pierre Assouline : ils ont derrière eux un tel passé d’exclusion, de persécution et de nomadisme « que ce sont eux, les invités permanents, en dépit des apparences »… Le titre du roman, qui paraissait bien banal, prend soudain une autre dimension.