Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Denyse Beaulieu. Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thèque de Dinard thème : « en chantant ».

 

Ce roman mérite sa catégorie « roman qui fait du bien » ! Après quelques lectures éprouvantes où l’on imagine que les êtres humains se résument à des algorithmes et à des « datas », voici la description d’une communauté de Bridgford qui s’oppose avec intelligence à des projets qui, de façon insidieuse supprimeraient leur art de vivre. Le centre commercial ne sera donc pas construit et le centre ville restera un lieu convivial. Mais si ce roman fait tant de bien, ce n’est pas que pour cette raison. En décrivant les participants à la chorale de Bridgford, l’auteure anime devant nous un échantillon représentatif de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui, c’est à la fois drôle et tellement vrai humainement.

 

Beaucoup de personnages sont complexes et sympathiques et Gill Hornby sait nous les rendre très attachants. Tous ceux et toutes celles qui ont participé à une chorale se retrouveront dans ce roman, les petites vacheries des sopranes, les blagues des basses …. Mais il y a aussi ce talent si particulier à l’Angleterre où le chant fait davantage partie de leur quotidien qu’en France. Nous allons donc partager la vie d’Annie qui ne se réalise qu’en offrant sa vie aux autres, elle va mettre beaucoup d’énergie pour que la chorale de Brigford ne disparaisse pas malgré le grave accident dont a été victime la chef de chœur. Cela pourrait être une caricature de dame patronnesse, car elle oublie quelque peu sa propre famille aux profits de ses bonnes actions. mais elle reste lucide et son engagement auprès des autres n’est pas qu’une façade, et il est souvent couronné de succès. Il y a aussi Tracey qui visiblement cache un secret et passe son temps à protéger son fils Billy qui ne fait pas grand chose de sa vie, elle deviendra grâce à Annie un pilier de la chorale et investira son énergie au service de la petite communauté. Il y a aussi, Bennett, mon préféré. Il part de loin celui-là ! Cadre dynamique au chômage, il doit faire face à la solitude puisque son épouse Sue a décidé de le quitter, et à une remise en cause de ses habitudes. Il va évoluer vers un Ben inventif et audacieux qui me plaît beaucoup. Evidemment la fin est heureuse et peut être trop idyllique, mais j’avais tellement besoin de croire en la solidarité humaine que j’ai tout accepté. Si vous aimez chanter dans une chorale, si vous aimez les petites villes anglaises, si vous avez besoin de vous faire du bien lisez « All Together Now », et munissez vous d’un appareil pour écouter en même temps que votre lecture tous les chants dont il est question dans ce roman.

et voici la chanson dont est tiré la citation qui commence le roman

https://www.youtube.com/watch?v=lLZ7f_QfhbI

Citations

Les couples divorcés

Tous les couples en plein divorce se ressemblaient : ils ne pouvaient pas vivre ensemble, mais chacun n’arrêtait pas de parler de l’autre. Alors que le nom de James, avec qui Annie vivait un bonheur tranquille depuis trente ans, n’était pratiquement jamais mentionné dans ce café. Sue prétendait qu’elle avait quitté Bennett parce qu’il était trop ennuyeux : maintenant, c’était elle qui devenait ennuyeuse à force de radoter sur Bennett.

Tout change même la religion

 Vingt-cinq ans auparavant, avant que Bennett ne se mure dans sa vie de labeur, Dieu était pour lui une espèce d’ancien militaire, mi-seigneur, mi-père de famille. Il était au ciel, et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. De nos jours, apparemment, il s’était fait voler la vedette par Jésus, qui avait d’ailleurs énormément changé entre-temps, lui aussi. Les choristes avaient passé la moitié de la messe à chanter qu’il était beau, qu’il était gentil, et qu’il était dans leurs cœurs.

L’horrible prof de piano local

Mme Coles était la prof de piano local : on lui attribuait l’anéantissement de toute vocation musicale sur plusieurs générations à Bridgeford.

Les ragots de choral.

 C’était la plus jeune des altos, dans la trentaine avancée – par rapport aux autres, elle était quasiment en maternelle – et pour autant qu’on sache, elle n’était pas particulièrement mélomane. Mais elle ne ratait jamais un mardi de chorale, ni d’ailleurs aucune des classes et réunions locales auxquelles elle assistait tous les soirs et presque tous les week-ends, dès massages indiens au bricolage. Plutôt qu’une touche-à-tout, on accordait à penser qu’elle était esseulée cherchant l’âme sœur. Ce qui était évidemment assez sexiste et passablement médisant, mais ça c’était typique des soprano de Bridgeford, assez sexiste et médisantes.
 – Dommage qu’elle n’ait pas de soirée libre pour les Weight Watchers.

Bennett le père de famille au chômage

 « tu veux repartir de zéro . On comprend très bien , tous les trois » , alors que de toute sa vie il n’avait jamais rêvé de repartir de zéro . L’idée même de repartir de zéro lui faisait horreur . Chaque fois que ça changeait – même si s’agissait d’un changement mineur ou nécessaire-il en avait éprouvé Une profonde douleur psychique . À ce jour , il n’était pas tout à fait certains de cette remis du choc d’avoir quitté l’école primaire .
 
 les toasts brûlaient . Il est fit il glisser sur une assiette , noirs d’un côté , blancs de l’autre lorsqu’on faisait la moyenne ça donnait un brun doré. Parfait.

Billy, il passe ses journées à ne rien faire, il décide de partir faire de l’humanitaire en Afrique.

 Cela dit, bientôt, ça ne serait plus son problème, mais celui de l’Afrique. Pauvre Afrique… La sécheresse, la famille, et maintenant, son fils Billy Leckford. C’était, comme on le répétait si souvent, un continent magnifique mais maudit.

Définition d’un chœur

Un chanteur, c’est un chanteur ; plusieurs chanteurs, ce sont plusieurs chanteurs ; idem pour un groupe de chanteurs. Mais un chœur -un chœur qui vit, qui respire, qui fonctionne, c’est tout à fait autre chose : le résultat singulier d’une réaction physique qui ne peut survenir que dans certaines conditions de laboratoire, conditions qu’aucun scientifique sur terre ne serais capable d’énumérer. En général, pour qu’un chœur soit bon, il faut qu’il ait un bon chef de chœur -comme Tracey Leckford qui, devant eux s’abandonnait à la musique.

Quand une chorale réussit sa prestation

 Cette interprétation eut un effet extraordinaire sur chacun des choristes. Au début, les spectateurs installés dans leurs sièges en velours rouges n’avaient vu en eux que ce qu’ils étaient : un rassemblement hétéroclite de chanteurs amateurs de toutes les générations et de tous les milieux sociaux qui n’avaient rien en commun, à part la musique, leur lieu de résidence et l’envie de passer un bon moment. Mais presque aussitôt, le pouvoir transformateur de la voix humaine accomplit son miracle. À la fois pour eux-mêmes, et pour leur spectateurs émus, il devint quelque chose de toute autre. Pendant dix magnifiques minutes, ils sortirent d’eux mêmes, leurs âmes se joignirent et s’envolèrent. Lorsqu’il revinrent enfin sur terre, les acclamations du public les remuèrent jusqu’au fond du cœur.

Traduit du russe par Sophie Benech.


Merci Dominique qui a la suite d’un article de Goran, m’a conseillé et prêté ce petit livre. Il est enrichi par des dessins d’Alexeï Rémizov et de beaux poèmes de Marina Tsvétaïeva. Cet essai témoigne d’une expérience vécue par l’auteur qui a d’abord fui la Russie tsariste pour revenir ensuite participer à la révolution. Sous le régime bolchevique, s’installe une censure impitoyable, un régime de terreur et une grande famine. Comment ces gens qui faisaient vivre une librairie indépendante ont-ils réussi à survivre et à ce qu’elle dure quelques années ? Sans doute, parce qu’au début « on » ne les a pas remarqués puis, ensuite, parce que leurs compétences étaient utiles. On voit dans cet ouvrage l’énergie que des êtres humains sont capables de déployer pour faire vivre la culture. Les écrivains créaient de petits livres manuscrits pour faire connaître leurs œuvres. J’avais appris dans mes cours d’histoire que la NEP avait été un moment de répit pour les populations. en réalité c’est la NEP qui aura raison de la librairie car si la propriété privée est bien rétablie tout ce qui peut rapporter un peu d’argent est très lourdement taxé avant même d’avoir rapporté .

L’autre aspect très douloureux qui sous-tend cet essai, c’est l’extrême pauvreté dans laquelle doivent vivre les classes éduquées à Moscou. C’est terrible d’imaginer ces vieux lettrés venir vendre de superbes ouvrages pour un peu de nourriture. Et c’est terrible aussi, d’imaginer tout ce qui a été perdu de la mémoire de ce grand pays parce qu’il n’y avait plus personne pour s’y intéresser.

Citations

Ambiance dans la librairie qui a fonctionné à Moscou jusqu’en 1924

Et le client de hasard qui entrait, attiré par l’enseigne, s’étonnait d’entendre un commis discuter avec un client de grands problèmes philosophiques, de littérature occidentale ou de subtiles questions d’art, tout en continuant à travailler, à empaqueter des livres, à faire les additions, à essuyer la poussière et à charger le poêle . La politique était le seul domaine que nous n’abordions pas -non par peur, mais simplement parce que notre but, notre principal désir était justement d’échapper à la politique et de nous cantonner dans les sphères culturelles.

La pauvreté après la révolution de 17

J’espère avoir un jour – moi ou un autre -, l’occasion de revenir sur les types humains rencontrés parmi nos fournisseurs et nos acheteurs. Nous parlerons alors de ses vieux professeurs qui arrivaient d’abord avec des ouvrages inutiles, puis avec les trésors de leur bibliothèque, ainsi qu’avec ensuite avec des vieilleries sans valeur, et pour finir… Avec des livres des autres qu’ils se chargeaient d’écouler.

Les nationalisations

À Moscou, pendant les dures années 1919-1921, les années de chaos et de famine, il était presque impossible aux écrivains d’imprimer leurs livres. Le problème ne tenait pas à la censure (elle n’existait pas encore vraiment), mais à notre immense misère. Les imprimeries, le papier, l’encre, tout avait été « nationalisé », c’est-à-dire que tout avait disparu, il n’y avait pas de commerce du livre, de même qu’il n’existait pas un seul éditeur qui ne fût au bord de la faillite. Mais la vie créatrice n’avait pas cessé, les manuscrits s’entassaient chez les écrivains, et tous avaient envie d’imprimer, sinon un livre, du moins quelques pages. Ce désir était bien sur une façon de protester contre les nouvelles conditions de travail des écrivains. Et puis il fallait bien vivre. Nous décidâmes donc d’éditer et de vendre des plaquettes manuscrites, chaque auteur devant écrire et illustrer son ouvrage à la main.

Traduit de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Mazek. Roman inscrit au « Coup de cœur des coups de cœur » année 2017/2018 de la médiathèque de Dinard.

Si ce roman participe à notre « fameux » challenge du mois de juin, c’est qu’il a déjà reçu un coup de cœur de notre club de lecture. Il m’avait échappé et je suis ravie de rattraper mon retard. Si, pour ma photo, je l’ai associé à la célèbre série « Downton Abbey », c’est que ce roman se situe exactement dans cette lignée. Nous sommes avec une jeune bonne de 20 ans, Jane, qui bénéficie du seul jour de congé de l’année : dans ces années-là , les riches familles de l’aristocratie donnait un jour à leurs domestiques pour qu’ils aillent voir leur mère. Ce 30 mars 1924, il fait un temps superbe et avant de partir en pique-nique, la famille Niven, s’inquiète de ce que fera Jane de cette journée de liberté puisqu’elle est orpheline. Comme le goût de le lecture est accepté, voire encouragé par ses employeurs, Jane sait déjà à quoi elle va passer son temps. Un coup de téléphone va bouleverser ses projets, son amant le jeune Paul Sheringman, un voisin d’une très bonne famille lui donne rendez-vous, chez lui. Ils pourront pour une fois bénéficier de la maison seuls sans se cacher. Il doit dans une quinzaine de jours se marier à une jeune fille de la même condition que lui. Commence alors la description de « la » journée exceptionnelle pour Jane. Elle profite délicieusement de ce rapport amoureux et elle enfouit, à jamais, en elle le secret de cette relation.

Graham Swift sait, avec un talent tout en délicatesse, nous faire revivre cette journée et comprendre les relations des differentes classes sociales brtanniques. Peut être aidés par la fameuse série télévisée, nous savons à quel point ces deux mondes : celui des serviteurs et celui des aristocrates étaient totalement séparés même si ces gens se côtoyaient tous les jours. Jane n’a aucunement l’intention de posséder le moindre pouvoir sur Paul. Et pourtant, grâce à l’acte amoureux, elle sait qu’un moment dans sa vie, elle a été l’égale de Paul. L’auteur sait rendre ce moment à la fois très érotique et chargé de la différence sociale, sans juger aucun des deux personnages. C’est un très beau moment de littérature. De plus, il projette Jane dans un futur plein de vie puisque, de ce jour si particulier, il en fait le déclencheur de sa vocation d’écrivaine.

Citations

Angleterre 1924 : le dimanche des mères

Étrange coutume que ce dimanche des mères en perspective, un rituel sur son déclin, mais les Niven et les Sheringham y tenaient encore, comme tout le monde d’ailleurs, du moins dans le bucolique Berkshire, et cela pour une même et triste raison : la nostalgie du passé. Ainsi, les Niven et les Sheringham tenaient-il sans doute encore plus les uns aux autres qu’autrefois, comme s’ils s’étaient fondus en une seule et même famille décimée.

Les rapports maître domestique Grande Bretagne 1924

« Mais bien sûr que vous avez ma permission. Jane. » avait dit Mr Niven en insérant sa serviette dans son rond en argent. Lui demanderait-il où elle voulait aller.
« La Deuxième Bicyclette est à votre disposition et vous avez -hum- deux shillings et six pence en poche. Tout le comté s’offre à vous. Tant que vous revenez.
Puis, comme s’il enviait vaguement la grande liberté qu’il venait de lui accorder, il avait ajouté : « C’est votre jour de congé, Jane. À vous -hum- d’en user à votre convenance. »
Il savait, à présent, qu’une phrase comme celle-là ne lui passerait pas au-dessus de la tête -peut-être même fallait-il y voir un discret hommage pour la lecture.

L’Angleterre et les deuils de la guerre 14 18

Elle ne savait pas, fût-ce en ce dimanche des mères, ce que cela devait être pour une mère de perdre deux fils en l’espace de deux mois, semblait-il. Ni ce que cette mère pouvait ressentir en pareil dimanche. Ni l’un ni l’autre ne reviendrait à la maison nous offrir un petit bouquet ou des gâteaux aux raisins et aux amandes, n’est-ce pas ?

S’habiller chez les riches

De toute façon, dans leur milieu, s’habiller n’avait jamais été réduit à une simple pratique consistant à se nipper vite fait, on y voyait, au contraire, un assemblage solennel 

Le charme est rompu son amant doit rejoindre sa fiancée

 Il retira la cigarette de sa bouche et la tint, tout droite , sur son propre à ventre.
 « Je dois la retrouver à une heure et demie. Au Swann Hôtel à Bollingford. »
Bien qu’il n’eût pas bougé, ce fut comme s’il avait rompu le charme. Et quoi qu’il en fût, elle n’avait pas pu manquer de le prévoir. Même si elle s’imaginait que par quelque magique exemption elle échapperait à « ce passage obligé » . Et le reste de la journée ? Une partie de celle-ci ne pouvait -nest-ce pas ?- durer éternellement. Un fragment de vie ne saurait constituer sa totalité.
 Elle ne bougea pas mais, en son for intérieur, peut-être s’était-elle adaptée à la situation. Comme si elle portait à nouveau des vêtements invisibles et redevenait même une bonne. 

 Les dernières phrases du roman

 Mais assez de baratin, de ces questions pièges des interviews. Et en quoi cela consistait-il, de dire la vérité ? Il fallait toujours leur expliquer jusqu’à l’explication ! Et toute femme écrivain digne de ce nom les duperait, les taquinerait , les mènerait en bateau. N’était-ce pas évident, non d’une pipe ? Cela revenait à être fidèle à l’essence même de la vie. Cela revenait à capter, c’est impossible que ce fût, la sensation d’être en vie. Cela reprenait à trouver un langage. Il en découle est-ce que dans la vie beaucoup de choses dirai oh ! Bien davantage que nous ne l’imagine non ! Ne saurait, en aucune façon, s’expliquer point.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie-Claude Peugeot.

J’ai lu ce roman grâce à la blogosphère, je mettrai les liens si, sur un commentaire, je reconnais celui où celle qui aime cet auteur. ( J’ai perdu la référence du blog où j’ai noté ce nom, c’était au début de l’été 2017.)

Le titre américain est « I know this much is true ». Ces deux titres révèlent une vérité du roman mais pas exactement la même, le titre américain insiste sur la tension qui sous tend tout le roman. On sent que Dominick, le narrateur qui essaie de sauver son frère Thomas, schizophrène, des griffes d’une institution psychiatrique répressive après qu’il s’est tranché la main dans les locaux de la bibliothèque, va dévoiler peu à peu une enfance terrible qui cache des drames qui l’empêchent aujourd’hui de reprendre pied dans sa vie. Le titre français représente le point final du roman, on ne peut construire sa vie qu’en acceptant les différents aspects de sa propre personnalité. Thomas le fragile, le malade, le protégé de la mère des deux jumeaux est finalement plus fort que le bouillant et toujours en colère Dominick, enfin c’est une façon de parler car Thomas est du côté du malheur et la répression s’abat sans pitié sur lui, la soit-disant force des vaincus est de savoir reconnaître en chacun de nous cette part de faiblesse, c’est alors que « les vaincus sont puissants » .

Wally Lamb nous plonge dans l’histoire d’une famille « dysfonctionnelle » (j’emprunte ce mot à Pat Conroy élevé à la dure lui aussi par un ancien Marine). La différence est que Ray n’est pas le géniteur des enfants, il a épousé la mère et reconnu les jumeaux. Durant toute leur enfance, il n’aura pour but que d’en faire de braves petits soldats et les endurcir pour affronter un monde qu’il sait ne faire aucune place aux faibles. Dominick s’en sort à sa façon, il affronte avec bravache cette éducation, mais Thomas réagit par les pleurs. Plus sa mère le protège, plus Ray s’énerve jusqu’à une scène terrible qui arrive après 900 pages. C’est le reproche que je fais à ce roman pourquoi faut-il à cet auteur 976 pages pour accoucher de cette souffrance qui dévore toute une vie ? Bien sûr ce roman nous permet de visiter les bas-fonds des hôpitaux psychiatriques américains, de partager les tensions de l’arrivée des immigrants italiens, de revivre le racisme ordinaire contre les indiens et les noirs, et de comprendre que la peur d’avoir du sang noir dans les veines a provoqué bien des secrets, que rien n’est pire que statut de fille mère … Bref nous sommes avec les vaincus souvent et il est vrai que nous mesurons qu’eux aussi on fait la force de ce grand pays. Mais j’aurais aimé un peu plus de concision, même si je comprends que le rythme de cette écriture vient du dévoilement progressif que Dominick réalise grâce à une thérapie très douloureuse. Au bout de tant d’horreurs, la fin heureuse a mis un peu de baume sur mon cœur tellement meurtri surtout quand je lis pendant des pages et des pages les souffrances que l’on peut faire subir à des gens sans défense dans les hôpitaux psychiatriques.

Citations

La dernière phrase

L’amour grandit dans le riche terreau du pardon ; les bâtards font de bons chiens ; La preuve de l’existence de Dieu réside dans la plénitude des choses.

Le sens du roman avec le titre français

Je suis professeur d’histoire américaine(…..)mes élèves tirent, je l’espère, la leçon que j’ai moi même tirée : l’abus de pouvoir nuit à l’oppresseur autant qu’à l’opprimé.

L’amitié entre garçons

« Comment peux-tu fréquenter le trou du c… le plus notoires de tout le lycée ? » me demandait constamment Thomas l’été ou Léo et moi étions ensemble au rattrapage d’algèbre. Certes, Léo était un vrai trou du cul, je le savais. Mais, je le répète, il était aussi tout ce que mon frère et moi n’étions pas : sans complexe, insouciant, et hyper drôle. Son toupet phénoménal nous avait fait accéder à toutes sortes de plaisirs interdits que mon béni-oui-oui de frangin aurait désapprouvé, et qui m’aurait valu des rossées de mon beau-père : les films classés X du drive-in de la route 165, le champ de courses de Narragansett, un magasin de vins, spiritueux sur la route de Pachaug Pond qui accordait aux mineurs le bénéfice du doute. Ma première cuite magistrale, je l’ai prise dans la voiture de la mère de Léo, à la Cascade en fumant des cigarettes et en faisant circuler une bouteille de Bali Hai. J’avais 15 ans.

Les expérimentations sur les malades mentaux

 Les années 70 et 78 avaient été fastes. À cette époque-là, considérant qu’en fin de compte Thomas n’était pas maniaco-depressif, on avait arrêté le lithium pour le remplacer par de la stelazine. Puis le Dr Bradbury avait pris sa retraite, et ce connais de Dr Shooner, ce nabot qui suivait désormais mon frère, avait décrété que, si ça marchait avec six milligrammes de stelazine par jour, ça marcherait d’autant mieux avec dix-huit. Il me semble encore tenir ce petit charlatan par les revers de son veston de tweed comme le jour où j’ai trouvé Thomas assis, paralysé, l’oeil vitreux, la langue pendante, bavant sur sa chemise.

Les bibliothèques

 Autrefois, le métier de bibliothécaire était un métier agréable -après tout elle aimait bien les gens. Mais à présent, les bibliothèques étaient à la merci des laissés-pour-compte et des sans-abris du quartier. Des gens qui se fichaient éperdument des livres et de l’information. Qui venaient s’asseoir là comme des légumes ou se précipitaient aux WC toutes les cinq minutes. 

Le destin et l’amour d’un fils pour sa mère

 J’étais celui qui en voulait le plus au destin de l’avoir gratifiée d’abord d’un mari inconstant, puis d’un fils schizophrène, avant de revenir lui taper sur l’épaule pour lui filer le cancer. Or je prouvais seulement que j’étais celui qui refusait le plus obstinément de se rendre à l’évidence. Si je me donnais tant de mal et si je faisais les frais de lui offrir une cuisine neuve, elle avait intérêt à vivre assez longtemps pour en profiter.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.


J’ai beaucoup aimé de cette auteure deux de ses romans historique « L’adieu à la reine » que j’ai lu avant Luocine et « Le testament d’Olympe« . Son livre de souvenirs était proposé à notre club de la rentrée, je l’ai donc commencé avec un a priori favorable. De plus les jeux d’enfant sur les plages me sont familiers ainsi que les ambiances de ville balnéaires en saison comme hors saison. Mais malgré ma bonne volonté, je n’ai rien reçu en lisant ce livre, qui n’est ni déplaisant ni plaisant. Je me disais sans cesse que si cette auteure n’était pas connue, peu de gens liraient ce livre qui est, je le reconnais, élégant et délicat. Chantal Thomas,( pour moi c’est une qualité), n’est pas de la veine des femmes qui aiment avec courage mais souvent trop d’impudeur étaler la moindre de leurs souffrances, elle reste mesurée et par touches très fines nous fait vivre une enfance bercée par les embruns et les odeurs d’estran et une mère fantasque. Elle raconte ses châteaux sur le sable, ses pêches miraculeuses dans les rochers, des grands parents qui pallient l’absence d’une mère plus intéressée par son propre bonheur que celui de ses proches. Je sais que j’oublierai ce livre aussi vite que la marée défait les œuvres éphémères des enfants sur la plage.

Citations

Parce que je connais des amoureux du tandem

Si aimer ce n’est pas se regarder l’un l’autre c’est regarder ensemble dans la même direction, alors le tandem et le véhicule par excellence de l’amour. L’un derrière l’autre, pédalant de concert dans la même direction, ils avaleront des kilomètres.

Les châteaux de sable

Le château continue de crouler. Vous auriez dû le construire dans le sable sec, là où la marée ne monte pas, pontifie un père qui ignore l’attrait des causes perdues et l’empire des ruines. C’est parce que le château s’écroule, c’est dans l’intervalle où, quoique délabré, il garde des traces de sa gloire passée, que soudain il s’anime et devient habité. Il est traversé de voix, on entend des appels au secours, des histoires se nouent, et une grande tristesse nous abat.

La maladie d’Alzheimer

Ma mère a tellement travaillé dans le sens de l’oubli, tellement voulu oublier, que maintenant que l’oubli lui arrive de l’extérieur, en forme de pathologie, elle a une supériorité sur ceux qui ne s’étaient pas entraînés, ceux que l’oubli frappent de plein fouet. Elle est étrangement à l’aise avec le processus mystérieux et actif en train d’effacer certaines de ses données existentielles. Elle est à l’aise, elle n’est pas complice. Elle sent que quelque chose la dépasse, qui ne s’agit plus d’une amnésie sous contrôle des noms de personnes et de lieu rayés de son monde comme porteur de mauvaises ondes, d’images désagréables et douloureuses. Un enfouissement réussi. Chez-elle les gens, les lieux, les noms, bétonnés sous une couche de silence, n’émergent plus jamais dans un espace vivant de conversation, de rires, de larmes, ni même par une allusion, une soudaine tristesse où se fige l’expression. Le nom de mon père n’a aucune chance de franchir la barrière de ses lèvres, pas plus que celui d’Arcachon.

 

Cet auteur fait partie de ceux que je lis avec grand plaisir. Brize était enthousiaste, mais Aifelle avait un peu refroidi mon envie, pas assez tout de même pour que je ne le réserve pas à ma médiathèque. Tous les lecteurs de ce roman constatent que le récit de la catastrophe de Liévin en 1974 rend parfaitement compte de l’horreur de cette accident qui aurait pu être évité, et raconte très bien la vie des mineurs et les terribles conséquences de la silicose. J’ai relu quelques archives de l’époque, qui permettent de se rendre compte que Sorj Chalandon n’a pas exagéré. Oui, cette catastrophe était évitable et oui, ces hommes sont morts au nom du rendement du charbon, alors que les mines avaient déjà perdu leur rentabilité, elles allaient bientôt fermer les unes après les autres. Sorj Chalendon, en ancien journaliste, a sûrement vérifié la véracité des détails révoltants comme le fait que les houillères retiennent sur le salaire du mineur mort au fond de la mine, les deux jours qu’il n’a pas pu faire pour finir son mois, et encore plus sordide le prix de la tenue qu’il n’a pas pu rendre….

L’autre centre d’intérêt c’est le destin personnel de Michel, le petit frère survivant et totalement hanté par cette catastrophe. On ne peut sans divulgâcher l’intrigue, en dire trop sur ce personnage. Pour Aifelle il n’est pas crédible et cela enlève du poids au roman. Je dois être une véritable inconditionnelle de cet auteur, car si comme elle j’ai des doutes sur la vraisemblance du personnage, j’ai trouvé que grâce à lui, Sorj Chalendon avait réussi à nous rendre présent l’horreur des accidents dans les mines. Et puis cela permet de tenir en haleine le lecteur jusqu’à la dernière page. Lors du procès final, j’ai beaucoup apprécié le réquisitoire et la plaidoirie de la défense. Tout est dit dans ces quelques pages. À la fois un pays qui, en 2014, ne comprend plus la vie des mineurs, l’absurdité des destins qui finissent dans des râles de respirations étouffées par les poussières de charbon, ou dans des accidents d’une violence inimaginable, et les gens qui eux sont restés à Lens ou à Liévin et qui se sentent marqués à jamais par les tragédies du charbon.

C’est donc une quatrième fois que Luocine accueille un roman de cet auteur et même si j’ai un peu plus de réserves que pour « Retour à Killyberg » , « le quatrième mur » prix Goncourt lycéen 2013,et « Profession du père » il m’a quand même beaucoup plu.

 

Citations

Tous les bricoleurs de mobylettes se reconnaîtront

À vingt sept ans, mon frère avait aussi abandonné son vieux vélo pour le cyclomoteur.

– La Rolls des gens honnête, disait-il aussi.

Une tragédie évitable

La presse l’avais compris, le juge Pascal l’avait découvert. Rien n’avait été dégazé. Le système pour mesurer le grisou n’était pas achevé. La machine qui servait à dissiper les poches de méthane fonctionnait dans un autre quartier. Les gaziers n’avaient pas mal travaillé. Pas leur faute, les pauvres gars. Ils n’étaient que deux mineurs à effectuer des mesures manuelles .Un seul, pour inspecter des kilomètres de galeries. Par mesure d’économie, les Houillères avaient pris le risque de l’accident.

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Prix Renaudot 2017 . Félicitations !


Quel livre ! La bibliothécaire nous avait prévenu, ce roman est intéressant à plus d’un titre, ce n’est pas seulement un livre de plus sur l’horreur d’Auschwitz. Olivier Guez commence son récit lorsque Josef Mengele débarque en Argentine sous le nom d’Helmut Gregor, après avoir passé trois ans à se cacher dans une ferme en Bavière non loin de Günzburg sa ville natale où son père occupe des fonctions très importantes à la fois, industriel prospère, et maire de sa ville. Toute sa vie de fuyard, Mengele sera soutenu financièrement par sa famille. Deux périodes très distinctes partagent sa vie d’après Auschwitz, d’abord une vie d’exilé très confortable en Argentine. Sous le régime des Peron, les anciens dignitaires Nazis sont les bienvenus et il devient un industriel reconnu et vend aussi les machines agricoles « Mengele » que sa famille produit à Günzburg.

Tout le monde tire profit de la situation, l’industrie allemande prend pied en Amérique latine et Josef s’enrichit. Son père lui fait épouser la veuve de son frère pour que l’argent ne sorte pas de la famille. Et la petite famille vit une période très heureuse dans un domaine agréable, ils participent à la vie des Argentins et se sentent à l’abri de quelconques représailles.

Tout s’effondre en 1960, quand le Mossad s’empare d’Eichmann et le juge à Jérusalem. Mengele ne connaîtra plus alors de repos, toujours en fuite, de plus en plus seul et traqué par les justices du monde entier. Mais jusqu’en février 1979, date de sa mort, sa famille allemande lui a envoyé de l’argent. On aurait donc pu le retrouver, pour information l’entreprise familiale Mengele n’a disparu qu’en 1991 et le nom de la marque en 2011.

La personnalité de ce médecin tortionnaire tel que Olivier Guez l’imagine, est assez crédible, jusqu’à la fin de sa vie, il se considérera comme un grand savant incompris et il deviendra au fil des années d’exil un homme insupportable rejeté de tous ceux qui se faisaient grassement payer pour le cacher. La plongée dans cette personnalité est supportable car Mengele n’a plus aucun pouvoir et même si on aurait aimé qu’il soit jugé on peut se réjouir qu’il ait fini seul et sans aucun réconfort. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’industriels allemands qui ont établi leur fortune sous le régime Nazi. L’aspect le plus étonnant de ce roman, c’est la complaisance de l’Argentine de l’Uruguay vis à vis des Nazis. Cette communauté de fuyards Nazis a d’abord eu pignon sur rue et a contribué au développement économique de ces pays, puis ces hommes ont peu peu à peu perdu de leur superbe et se sont avérés de bien piètres entrepreneurs.

Citations

L’Allemagne nazie

Tout le monde a profité du système, jusqu’aux destructions des dernières années de guerre. Personne ne protestait quand les Juifs agenouillés nettoyaient m les trottoirs et personne n’a rien dit quand ils ont disparu du jour au lendemain. Si la planète ne s’était pas liguée contre l’Allemagne, le nazisme serait toujours au pouvoir.

L’Allemagne d’après guerre

À la nostalgie nazi les Allemands préfèrent les vacances en Italie. Le même opportunisme qui les a incités à servir le Reich les pousse à embrasser la démocratie, les Allemands ont l’échine souple et aux élections de 1953, le Parti impérial est balayé.

Les industriels allemands

À Auschwitz, les cartels allemand s’en sont mis plein les poches en exploitant la main d’oeuvre servile à leur disposition jusqu’à l’épuisement. Auschwitz, une entreprise fructueuse : avant son arrivée au camp, les déportés produisait déjà du caoutchouc synthétique pour IG Farben et les armes pour Krupp. L’usine de feutre Alex Zink achetait des cheveux de femmes par sacs entiers à la Kommandantur et en faisait des chaussettes pour les équipages de sous-marins ou des tuyaux pour les chemins de fer. Les laboratoire Scherring rémunéraient un de ses confrères pour qu’il procède à des expérimentations sur la fécondation in vitro et Bayer testait de nouveaux médicaments contre le typhus sur les détenus du camp. Vingt ans plus tard, bougonne Mengele, les dirigeants de ces entreprises ont retourné leur veste. Ils fument le cigare entourés de leur famille en sirotant de bon vin dans leur villa de Munich ou de Francfort pendant que lui patauge dans la bouse de vache ! Traites ! Planqués ! Pourritures ! En travaillant main dans la main à Auschwitz, industries, banques et organismes gouvernementaux en ont tiré des profits exorbitant, lui qui ne s’est pas enrichis d’un pfennig doit payer seul l’addition.

Description de Mengele à Auschwit par son adjoint

Mengele est infatigable dans l’exercice de ses fonctions. Il passe des heures entières plongé dans le travail, debout une demi-journée devant la rampe juive ou arrive déjà quatre ou cinq trains par jour chargés de déportés de Hongrie. Son bras s’élance invariablement dans la même direction, à gauche. Des trains entiers sont envoyés au chambre à gaz et au bûcher. Il considère l’expédition de centaines de milliers de Juifs à la chambre à gaz comme un devoir patriotique. Dans la baraque d’expérimentation du camp tsigane on effectue sur les nains et les jumeaux tous les examens médicaux que le corps humain est capable de supporter. Des prises de sang, des ponctions lombaires, des échanges de sang entre jumeaux d’innombrables examens fatigants déprimants, in-vivo. Pour l’étude comparative des organes, les jumeaux doivent mourir en même temps. Aussi meurent-ils dans des baraques du camp d’Auschwitz dans le quartier B, par la main du docteur Mengele.


Apres Homo Sapiens, je savais que je lirai ce livre qui fait tant parler de lui et de son auteur. On retrouve l’esprit vif et peu conventionnel de Yuval Noah Harari mais c’est moins agréable à lire. Car, si de nouveau, il remet en cause la façon dont Homo Sapiens, (c’est à dire nous) a conquis la planète, au détriment des animaux et au risque de détruire l’équilibre de la nature, il projette dans le futur les conséquences de nos récentes découvertes. Nous sommes donc, selon lui, au bord de créer l’Homo-Deus qui aura sans doute aussi peu de considération pour Homo Sapiens que celui-ci en a eu pour les animaux. L’auteur consacre de longues pages sur le sort que nous avons réservé à l’espèce animale, c’est terriblement angoissant. Les démonstrations sont brillantes et souvent implacables. Mais c’est aussi très triste, car cet avenir n’est guère réjouissant. Yuval Noah Harari ne veut être ni gourou, ni prophète, il peut se tromper mais il nous demande de réfléchir. Il termine son livre en nous laissant trois thèmes de réflexions que je vous livre :

Tous les autres problèmes et évolution sont éclipsés par trois processus liés les uns aux autres :
1/ la science converge dans un dogme universel, suivant lequel les organismes sont des algorithmes et la vie se réduit au traitement des données.
2/ l’intelligence se découple de la conscience.
 3/ Des algorithmes non conscients mais fort intelligents, pourraient bientôt nous connaître mieux que nous-mêmes.
Ces trois processus soulèvent trois questions cruciales, dont j’espère qu’elle resteront présentes à votre esprit longtemps après que vous aurez refermé ce livre :
1/ Les organismes ne sont-ils réellement que des algorithmes, et la vie se réduit-elle au traitement des données ? 
2/ De l’intelligence ou de la conscience, laquelle est la plus précieuse ?
3/ Qu’adviendra-t-il de la société, de la politique et de la vie quotidienne quand les algorithmes non conscients mais hautement intelligents nous connaîtrons mieux que nous ne nous connaissons ?
Ne croyez pas pouvoir sortir de ces questions par une simple boutade, ou par un geste rapide de dénégation. Même si ces questions ne vous intéressent pas sachez que ces problèmes vont venir vers vous que vous le vouliez ou non. Il a fallu 500 pages à l’auteur pour en arriver là. Il vous entraînera auparavant dans l’histoire humaine avec beaucoup d’humour et de sagesse. Vous verrez Homo Sapiens conquérir, domestiquer et dominer complètement la planète et après avoir vaincu les trois fléaux qui l’ont occupé des millénaires durant, à savoir : la famine, la maladie et les guerres, s’il suit les tendances actuelles, il se prendra pour Dieu et voudra vivre une vie augmentée de tous les services rendus par les nouvelles technologies. Vous croyez qu’il délire, et pourtant entre le Bitcoin, les blokschains et les big-data , dites moi un peu où se trouvent l’individu, le pouvoir politique ou les nations. Que deviennent nos conceptions de l’humanisme ?
J’ai annoté ce livre au fur et à mesure de ma lecture et si je mets toutes mes notes dans mon article c’est que parfois elles me font sourire mais surtout elles me permettent de mieux me souvenir des raisonnements de cet auteur, Yuval Noah Harari : juif, athée, végétarien, homosexuel et surtout incroyablement intelligent. Il a déclaré que le fait de n’être pas dans le moule de l’Israélien classique lui avait permis d’être libre dans son mode de pensée.
Un livre implacable donc, vous le lirez sans doute mais avec moins de jubilation que son précédent ouvrage.

Citation

la fin des famines

En 2012, autour de 56 million de personnes sont mortes à travers le monde. ; 620000 ont été victimes de la violence humaine, (la guerre en a tué 120000, le crime 500 000). En revanche, on a dénombré 800 000 suicides, tandis que 1,5 million de gens mouraient du diabète. Le sucre est devenu plus dangereux que la poudre à canon.

Une formule et un exemple frappant : l’art de convaincre de cet auteur

Le mot « paix » a pris un sens nouveau. Les générations antérieures envisageaient la paix comme l’absence temporaire de guerre. Aujourd’hui, la Paix, c’est l’invraisemblance de la guerre. En 1913, quand les gens parlaient de la paix entre la France et l’Allemagne, ils voulaient dire : » pour l’instant, il n’y a pas de guerre entre les deux pays, et qui sait ce que l’année prochaine nous réserve ? » Quand nous disons aujourd’hui que la paix règne entre la France et l’Allemagne, nous voulons dire que, pour autant que l’on puisse prévoir, il est inconcevable qu’une guerre puisse éclater entre elles.

La fin des masses

De surcroît, malgré toutes les percées médicales, nous ne saurions être absolument certain qu’en 2070 les plus pauvres jouiront de meilleurs soins qu’aujourd’hui. L’État et L’élite pourraient se désintéresser de la question. Au 20e siècle, la médecine a profité aux masses parce que ce siècle était l’ère des masses. Les armées avaient besoin de millions de soldats en bonne santé, et les économies de millions de travailleurs sains. Aussi les États ont-ils mis en place des services publics pour veiller à la santé et à la vigueur de tous. Nos plus grandes réalisations médicales ont été la création d’installation d’hygiène de masse, de campagne massive de vaccination et l’éradication des épidémies de masse. En 1914, l’élite japonaise avait tout intérêt à vacciner les plus pauvres, et à construire des hôpitaux et le tout-à-l’égout dans les taudis : pour que le pays deviennent une nation forte à l’armée puissante et à l’économie robuste, il lui fallait des millions de soldats et d’ouvriers en bonne santé. 

L’ère des masses pourrait bien être terminée et, avec elle, l’âge de la médecine de masse. Tandis que soldats et travailleurs humains laissent place aux algorithmes, certaines élites au moins en concluent peut-être qu’il ne rime à rien d’assurer des niveaux de santé améliorés ou même standards aux masses pauvres, et qu’il est bien plus raisonnable de chercher à augmenter une poignée de surhommes hors norme.

Victoire du libéralisme économique sur le totalitarisme communiste

Si le capitalisme a vaincu le communisme, ce n’est pas parce qu’il était plus éthique, que les libertés individuelles sont sacrées où que Dieu était en colère contre les communistes païens. Le capitalisme a gagné la guerre froide parce que le traitement distribué des données marche mieux que le traitement centralisé, du moins dans les périodes d’accélération du changement technique. Le comité central du Parti communiste ne pouvait tout simplement pas faire face au changement rapide du monde à la fin du 20e siècle. Quand la totalité des Data s’accumule dans un seul bunker secret, et qu’un groupe de vieux apparatchiks prend toutes les décisions importantes, ils peuvent certes produire des bombes nucléaires à la pelle, mais ni Apple ni Wikipédia. 
On raconte une anecdote probablement apocryphe, comme toutes les bonnes anecdotes, lorsque Michael Gorbatchev tenta de ressusciter l’économie soviétique moribonde, il envoya à Londres un de ses principaux collaborateurs pour voir ce qu’il en était du thatchérisme et comment fonctionnait réellement un système capitaliste. Ses hôtes guiderent le visiteur soviétique, à travers la City, la bourse de Londres et la London School of Economics, où il discuta avec des directeurs de banque, dès entrepreneurs et des professeurs. Après de longues heures, l’expert soviétique ne plus se retenir : » Un instant, je vous prie. Oubliee toutes ces théories économiques compliquées. Cela fait maintenant une journée que nous parcourons Londres en long et en large, il y a une chose que je n’arrive pas à comprendre. À Moscou nos meilleurs esprits travaillent sur le système de fourniture du pain, et pourtant il y a des queues interminables devant les boulangeries et les épiceries. Ici, à Londres, vivent des millions de gens, et nous sommes passés aujourd’hui devant quantité de magasin et de supermarché, je n’ai pas vu une seule queue pour le pain. Je vous en prie, conduisez-moi auprès de la personne chargée de ravitailler Londres en pain. Il faut que je connaisse son secret. » Ses hôtes se gratterent la tête, réfléchirent un instant, et dirent : » Personne n’est chargé de ravitailler Londres en pain. »
Tel est le secret de la réussite capitaliste. Aucune unité centrale de traitement ne monopolise toutes les données concernant la fourniture en pain de la capitale.

L’avenir de l’internet

les gouvernement et les ONG poursuivent en conséquence des débats intenses sur la restructuration d’internet , mais il est beaucoup plus difficile de changer un système existant que d’intervenir à ses débuts. De plus, le temps que la pesante bureaucratie officielle ait arrêté sa décision en matière de Cyber-régulation, Internet ce sera métamorphosé dix fois. La tortue gouvernementale ne saurait rattraper le lièvre technologique. Les data la submergent. La NSA (National Security Agency) peut bien espionner chacun de nos mots, à en juger d’après les échecs répétés de la politique étrangère américaine, personne, à Washington, ne sait que faire de toutes les données. Jamais dans l’histoire on en a su autant sur ce qui se passe dans le monde, mais peu d’Empires ont gâché les choses aussi maladroitement que les États-Unis contemporains. Un peu comme un joueur de poker qui c’est quelles cartes détiennent ses adversaires mais se débrouille pour perdre à chaque coup.

Connais-toi toi même….

Vous voulez savoir quoi ? Payez à « 23andMe » la modique somme de 99 dollars, et on vous enverra un petit paquet dans lequel vous trouverez une éprouvette. Vous crachez dedans, vous la fermez hermétiquement et vous la renvoyer à Mountain View, en Californie. Là, l’ADN de votre salive est lu, et vous recevez les résultats en ligne. Vous obtenez une liste des problèmes de santé qui vous guettent et le bilan de vos prédispositions génétiques a plus de quatre-vingt-dix traits et conditions, de la calvitie à la cécité. « Connais-toi toi-même ? » Cela n’a jamais été plus facile ni meilleur marché. Puisque tout repose sur des statistiques, la taille de la base de données de la société est la clé pour des prédictions exactes Aussi la première société à construire une base de données génétiques géante fournira-t-elle à la clientèle les meilleures prédiction et accapara-t-elle potentiellement le marché. Les sociétés américaines de bio-technologie redoutent de plus en plus que la rigueur des lois sur la vie privée aux États-Unis, alliée au mépris chinois pour l’intimité, n’apporte à la Chine sur un plateau le marché génétique.

Fin de l’humanisme

Les hommes sont menacés de perdre leur valeur économique parce que l’intelligence est découplée de la conscience. 
Jusqu’à aujourd’hui, la grande intelligence est toujours allée de pair avec une conscience développée. Seuls des êtres conscients pouvaient accomplir des tâches qui nécessitaient beaucoup d’intelligence, comme jouer aux échecs, conduire une voiture, diagnostiquer une maladie ou identifier des terroristes. Toutefois, nous mettons au point de nouveaux types d’intelligences non conscientes susceptibles d’accomplir ses tâches bien mieux que les êtres humains. Toutes ces tâches sont en effet fondées sur la reconnaissance de forme, il est possible que, bientôt, des algorithmes non conscients surpassent la conscience humaine en la matière.

Justification de la guerre

L’humanisme évolutionniste soutient que l’expérience de la guerre est précieuse, et même essentielle. Le film « le troisième homme » a pour cadre la ville de Vienne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Réfléchissant au conflit récent, le personnage Harry Lime observe : « Après tout, ce n’est pas si terrible… En Italie, sous les Borgia, ils ont eu trente années de guerre, de terreur, de meurtre et de bain de sang, mais ils ont produit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, ils ont eu l’amour fraternel, cinq siècles de démocratie et de paix, et qu’ont-ils produit ? Le coucou. » Il a tort sur presque tous les points, au début des temps modernes, la Suisse a probablement été la région d’Europe la plus assoiffée de sang et exportait surtout des mercenaires, et le coucou est en fait une invention allemande.

Humour en Israël

De nos jours, il est assez intéressant de le constater, même les fanatiques religieux adoptent ce discours humaniste quand ils veulent influencer l’opinion publique. Chaque année depuis une décennie, par exemple, la communauté israélienne LGBT
 (lesbiennes,gays, et transgenres) organise une Gay Pride dans les rues de Jérusalem : un jour d’harmonie unique dans cette ville déchirée par les conflits, parce que c’est la seule occasion où les juifs religieux, les musulmans et les chrétiens trouvent soudain une cause commune ; tous se déchaînent contre la parade. Ce qui est vraiment intéressant, cependant, c’est l’argument qu’ils invoquent. Ils ne disent pas :  » Ces pêcheurs doivent être privés de parade parce que Dieu interdit l’homosexualité. » Mais, devant tous les micros et caméras de télévision, ils expliquent que « voir une parade gay dans les rues de la ville sainte de Jérusalem blesse notre sensibilité. Les gays nous demandent de respecter leurs sentiments, qu’ils respectent les nôtres. ».

Humour

Alors que les prêtres du Moyen-Âge disposaient d’une hotline avec Dieu et pouvaient distinguer le bien du mal à notre intention, les thérapeutes modernes, nous aident simplement à entrer en contact avec nos sentiments intimes.

Importance du crédit

Les Temps Modernes finir par casser ce cycle du fait de la confiance croissante des gens en l’avenir et au miracle du crédit qui en est résulté. Le crédit est la manifestation économique de la confiance. De nos jours, si je souhaite mettre au point un nouveau médicament, et que je manque d’argent, je peux obtenir un prêt à la banque, ou me
tourner vers des investisseurs privés et des fonds de capitaux à risque. Quand Ébola est apparu en Afrique de l’Ouest à l’été 2014, que croyez-vous qu’il advint des actions des sociétés pharmaceutiques qui travaillait à des médicaments et des vaccins contre ce virus ? Elle s’envolèrent. Les actions de Tekmira augmentèrent de 50 %, salle de BioCryst, de 90 %. Au Moyen-Âge, quand une épidémie se déclarait, les gens tournaient les yeux vers le ciel et priaient Dieu de leur pardonner leurs péchés. Aujourd’hui, quand les gens entendent parler d’une nouvelle épidémie mortel, ils prennent leur téléphone mobile et appellent leur courtier. Sur le marché boursier, même une épidémie est une occasion de faire des affaires.

L’humour

En vérité, aujourd’hui encore, quand ils prêtent serment, les présidents américains posent la main sur une Bible. De même dans bien des pays à travers le monde, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, les témoins, à la cour, posent la main sur une Bible en jurant de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Il est paradoxal qu’ils jurent de dire la vérité sur un livre débordant de fictions, de mythes et d’erreurs. 

Une partie des problèmes de l’Afrique

 Sur une table bien astiquée de Berlin, ils déroulèrent une carte à moitié vide de l’Afrique, esquissèrent quelques traits ici ou là, et se partagèrent le continent.
Quand, le moment venu, les Européens s’y aventurent munis de leur carte, ils découvrirent que nombre des frontières tracées à Berlin rendaient mal justice à la réalité géographique, économique et ethnique de l’Afrique. Toutefois, pour éviter de réveiller des tensions, les envahisseurs s’en tinrent à leurs accords, et ces lignes imaginaires devinrent les frontières effectives des colonies européennes. Dans la seconde moitié du XXe siècle, avec la désintégration des empires européens, les colonies accédèrent à l’indépendance. Les nouveaux pays acceptèrent alors des frontières coloniales, redoutant de provoquer sinon une chaîne sans fin de guerres et de conflits. Beaucoup de difficultés que traversent les pays africains actuels viennent de ce que leurs frontières ont peu de sens. Quand les écrits fantaisistes des bureaucratie européenne se heurtèrent à la réalité africaine, ce fut la réalité qui dut céder.

Pourquoi les religieux détestent la théorie de l’évolution

La théorie de la relativité ne met personne en colère parce qu’elle ne contredit aucune de nos croyances chérie. La plupart des gens se fichent pas mal que l’espace et le temps soit absolu ou relatif. Si vous croyez possible de courber l’espace et le temps, eh bien, faites donc ! Allez-y, pliez-les. Je n’en ai cure. En revanche, Darwin nous a privé de notre âme. Si vous comprenez pleinement la théorie de l’évolution, vous comprenez qu’il n’y a pas d’âme. C’est une pensée terrifiante pour les chrétiens et musulmans fervents, mais aussi pour bien des esprits séculiers qui n’adhèrent clairement a aucun dogme religieux, mais n’en veulent pas moins croire que chaque humain possède une essence individuelle éternelle qui reste inchangée tout le long de la vie et peut même survivre intacte à la mort.

Le charme de l’éducation britannique

John Watson, qui faisait autorité en la matière dans les années 1920, conseillait sévèrement aux parents :  » Ne serrez jamais vos enfant dans vos bras, ne les embrassez pas, ne les laissez jamais s’asseoir sur vos genoux. S’il le faut, donnez-leur un baiser sur le front quand ils vous disent bonne nuit. Le matin, serrez leur la main. »

Genre d’anecdote qu’on aime répéter

 Une anecdotes célèbres, probablement apocryphe, rapporte la rencontre en 1923 du prix Nobel de littérature Anatole France et d’Isadora Duncan, la belle et talentueuse danseuse. Discutant du mouvement eugéniste alors en vogue, Duncan observa : « .Imaginez un peu un enfant qui aurait ma beauté et votre intelligence ! ». Et France de répondre : « Oui, mais imaginez un enfant qui ait ma beauté et votre intelligence ! »

La vie, le sacré et la mort

 La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations unies au lendemain de la dernières guerre – qui est ce qui ressemble sans doute le plus à une constitution mondiale- déclare catégoriquement que le « droit à la vie » est la valeur la plus fondamentale de l’humanité. Puisque la mort viole clairement ce droit, la mort est un crime contre l’humanité. Nous devons mener contre elle une guerre totale.
Tout au long de l’histoire, les religions et les idéologies n’ont pas sanctifié la vie elle-même, mais autre chose au-delà de l’existence terrestre. Elles ont donc parfaitement toléré la mort. Certaines ont même montré beaucoup d’affection pour la Grande Faucheuse. Pour le christianisme, l’islam et l’hindouisme, le sens de notre existence dépendait de notre destin dans l’au-delà ; pour ces religions, la mort était donc un élément vital et positif du monde.

Traduit de l’anglais (Irlande) par Isabelle D. Philippe. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard thème : « en chantant ».

Pour une fois, je crois qu’il vaut mieux voir le film que lire le livre qui l’a inspiré.

Film d’Alan Parker.


Le film est très drôle, visiblement, j’admire le talent des cinéastes qui savent à partir d’un tel livre faire un excellent film. On sent bien cependant toute la vie qui jaillit des dialogues mais c’est très très pénible à lire. Pour vous faire une idée je vous recopie un passage, tout le roman est écrit sous cette forme là. J’ai fini par survoler plus que vraiment le lire.

Citation

Création du groupe

-Tous ces trucs à la noix sur l’amour, la campagne et les rendez-vous avec les meufs dans les supermarchés ou au McDonald, c’est fini, à la masse. C’est malhonnête, déclara Jimmy.C’est bourgeois…
-Merde !
-C’est des trucs ringards, Dieu merci !
-Qu’est ce qui marche alors ? lui demanda Outspan
-Je vais te le dire. Le sexe et la politique.
-Quoi ?
-Le vrai sexe. Pas le genre sentimental « Je te tiendrai la main jusqu’à la fin des temps » Baiser, foutre… tu vois ce que je veux dire ?
-Je crois.
-Mais on ne peut pas dire « foutre » dans une chanson objecta Derek…

Je suis mort. C’est pas le pire qui pouvait m’arriver.


J’ai besoin de cet auteur, j’ai besoin de son humour, il me fait tellement de bien depuis sa « Grammaire impertinente » jusqu’à « Mon autopsie ». Il me fait éclater de rire même si je suis seule, et dans mon blog, peu de livres ont eu ce pouvoir. Evidemment, après, je partage les extraits de son livre avec tous ceux et toutes celles qui ont ri avec Pierre Desproges, un exemple des grands amis de cet auteur.

Dans « Mon autopsie », Jean-Louis Fournier répond à la critique qu’on lui a sans doute faite de s’être moqué de toute sa famille sauf de lui. Dans ce livre, il se passe donc lui-même sur le grill de son esprit caustique, il ne s’épargne guère, après son père alcoolique, sa mère du Nord , ses deux enfants handicapés, sa fille religieuse, sa femme qu’il a tant aimé, le voilà, lui l’écrivain. Lisez ce roman vous saurez tout sur Jean-Louis Fournier, disséqué par une jeune étudiante en médecine. Évidemment, l’auteur a besoin que cette jeune femme soit belle et émouvante. Au fur et à mesure qu’elle s’arrête sur telle ou telle partie de son corps, des souvenirs lui reviennent. Il cherche aussi à comprendre cette jeune femme et sa vie amoureuse. Les dialogues sont savoureux. Le livre ne se raconte pas vraiment, j’ai recopié quelques passages pour vous donner envie de l’ouvrir. Il réussit même à nous faire accepter que lui aussi va mourir et que ce n’est peut-être pas si triste (personnellement son humour me manquera).

Citations

Un chapitre entier pour vous

Laissez moi rire
 
Égoïne a découvert sur mon torse un tatouage au niveau du cœur,  » S’il vous plaît ne me ranimer pas do not disturb ».
 Il était destiné à mon dernier médecin, il a compris le message. Elle a ri. Toute ma vie j’ai voulu faire rire. Le faire encore, après ma mort, m’est délicieux.
 Petit, je me déguisais, j’improvisais des sketchs. À l’école, mon goût de faire rire m’a coûté cher. En retenue tous les dimanches, j’étais le mauvais exemple de la classe. Pour me faire remarquer je n’étais jamais à cours d’idées, jusqu’à mettre une statue de la Sainte Vierge plus grande que moi dans les chiottes. Là, je fus mis à la porte. Mais j’avais fait rire ma mère.
Pour un bon mot, j’étais prêt à tout. Pour éviter des poursuites judiciaires, j’ai même utiliser l’humour. Poursuivi pour avoir stationné dans la cour des départs de la gare du Nord, j’ai reçu un courrier m’enjoignant de payer pour arrêter les poursuites. J’ai écrit à Madame la SNCF que je refusais l’arrêt des poursuites, je tenais à être châtier pour expier. Je lui demandais une dernière faveur, être déchiqueté par le Paris Lille en gare d’Arras.
Les poursuites se sont arrêtées.
 Pour moi l’humour était un dérapage contrôlé, un antalgique, une parade à l’insupportable, une écriture au second degré, une arme à double tranchant, un détergent. Il nettoie, comme la pyrolyse, brûle les saletés, efface les tâches, les préjugés, les rancœurs et les rancunes.
Plus tard, dans mes livres, j’ai essayé de rire de tout.
De la grammaire, de l’alcoolisme de mon père, de l’hypocondrie de ma mère, de mes enfants handicapés, de ma vieillesse et j’ai voulu rire de ma mort…

J’en connais d’autres, tous élevés chez les curés

 Quand j’étais petit, un curé, à la confession, avant de me donner l’absolution, m’avait dit que la nuit il fallait prier avec ses mains, ça évitait de tripoter ses « parties honteuses ».
 Ça ne m’a pas empêché de continuer.
Je me sortirais. Les pensées impures étaient-elles des péchés mortels ? Évidemment, je n’osais le demander à personne.
Ma jeunesse a été empoisonnée par le péché mortel, et la peur d’aller en enfer.

Si drôle

Plus de mille fois j’ai récité  » Ne nous laissez pas succomber à la tentation ».

 Heureusement, Dieu ne m’a jamais exaucé

On pleure quand on arrive sur terre, pourquoi on râle quand on doit partir ?

Jamais content.

J’appelais pour donner des nouvelles, rarement pour en demander, et il ne fallait pas que ça dure longtemps.

 » Ce qui m’intéresse le plus chez les autres c’est moi » a écrit Francis Picabia.
Cette phrase me va comme un gant.

Et pour vous faire « mourir » de rire son ami si drôle