Édition La Peuplade Roman

Traduit du roumain par F et JL Courriol

 

Quel roman ! c’est un mélange de passages superbes et de moments très pénibles, c’est très difficile d’en venir à bout et ceci pour plusieurs raisons :

 

  • la mise en page : c’est écrit en petits caractères, il n’y a pratiquement pas de paragraphes et les phrases peuvent être très longues.
  • La chronologie : le récit n’est pas linéaire et c’est très difficile de trouver les repères pour comprendre quand se passe le récit.
  • Le peu d’explications pour comprendre car le narrateur s’efface et nous voyons tout à travers le regard de gens qui parlent très peu.
  • Les exagérations qui parfois m’ont gênée.

Malgré cela il y a de très beaux passages qui m’ont permis d’aller jusqu’au bout de ce gros pavé, mais j’avoue avoir parfois lu en diagonale.

Il s’agit donc de la vie de cet homme Iochka qui est né en Roumanie avant la guerre 39/45 et qui finit sa vie dans une vallée peu accessible comme fabriquant de charbon de bois. Il a tout connu cet homme : la guerre, le goulag, mais aussi le plus beau des amours avec Ilona, la naissance de son petit garçon, et la mort de cette femme tant aimée. Dans cette vallée , Iochka a trois amis, le pope, le contremaître, et le docteur de l’asile, tous ces gens boivent à longueur de temps et se donnent du courage pour surmonter les difficultés de la vie, et, il y en a beaucoup. Une autre femme, celle qui partagera la vie du contremaître, Iléana, va devenir l’amie de Iochka et d’Ilona. Cette vallée est loin des turbulences de la société roumaine, ensemble ils font tout pour que cette vallée reste loin des autres hommes. Parfois les crimes arrivent jusque dans la vallée, comme cet homme qui a été tellement torturé qu’il finit dans l’asile du docteur. Les souvenirs des horreurs de la guerre qui ont traumatisé les différents protagonistes. hantent ce récit.

Il y a une telle pénétration de la nature dans la vie des habitants de la vallée que cela, m’a gênée comme cet amour physique entre Iléana et un loup . L’amour de Iochka et d’Ilona est superbe mais complètement hors de la réalité et évidemment la mort de la femme a plongé Iochka dans une forme de folie mais on sait qu’il va survivre puisque le roman débute par cet homme presque centenaire qui circule dans sa vieille voiture. J’ai noté beaucoup de passages pour ne pas oublier ce qui m’a plu dans ce roman. Mais je redis que cette lecture était parfois un pensum et je n’arrivais pas à retenir mon attention : je lisais mais ne retenais rien. Un roman étrange que je ne peux pas vraiment vous conseiller, à vous de voir.

 

 

 

Citations

La première phrase.

 Avec un vieux moteur de voiture allemande et une carriole à essieu renforcé, un volant de tracteur et une boîte de vitesses de camion, beaucoup de patience et non moins d’ingéniosité, Iochka s’était fabriqué une espèce de camionnette qui lui servait à monter dans les bois au-dessus de Roudaritsa pour en rapporter des chutes de branches de hêtres et de bouleau laissées sur place par les ouvriers de l’exploitation forestière.

La boue si célèbre depuis la guerre en Ukraine.

 Puis lorsque arrivait l’automne et que la steppe se transformait en une mer de boue qui engloutissait tout, chevaux, hommes, camions, canons et tanks, il ne sortait plus, des jours de suite, de sous sa bâche, restait là à contempler le brouillard épais et humide, une terrible nostalgie du pays montait en lui et que rien ne pouvait apaiser ni les doïnes entonnées par les soldats au coucher du soleil ni les maigres rations fumantes qu’on leur servait deux fois par jour, matin et soir.

Le destin d’un soldat Roumain fait prisonnier par les Soviétiques.

C’était dans un lieu tout pareil que la botte l’avait frappé en pleine tête, lui avait brisé le nez, mis les lèvres en compote le jour où, sans force après une semaine d’errance, il s’était assis sur une souche pour reprendre haleine et que le Russe, avec une haine qu’il n’avait jamais pu vraiment comprendre, l’avait violemment battu et l’avait obligé, couvert de sang, boitant le dos en capilotade, à rejoindre la colonne de prisonniers qui se dirigeaient vers un lieu inconnu à l’est où ils ne parviendraient qu’après une semaine de marches forcées, un camp de concentration où il passerait d’années dix année de sa vie, une sorte de village où régnait la famine et où les hommes travaillaient du matin au soir et dormaient entassés comme des bêtes sur des planches qui leur servaient de lit.

La terreur.

 Il se sentait de nouveau comme dans le camp, terrorisé, impuissant, jouet de bois entre les mains d’un destin impénétrable, il n’attendait plus que la petite détonation et de voir l’homme à genoux s’effondrer tête la première dans le lit du ruisseau, dans son esprit naissait l’image d’une flaque de sang s’écoulant du crâne pulvérisé par la balle, il serrait de toutes ses forces le cadre de la fenêtre et comme sur un signe, l’étranger et les deux soldats se sont tournés et ont regardé exactement du côté de Iochka. Il s’est glacé le sang s’est figé dans ses veines, il a retenu son souffle comme un animal pourchassé dont la fin est proche, la main qui tenait le pistolet s’est levé, est resté en l’air quelques secondes avant de descendre à une vitesse terrible pour frapper l’homme à la nuque

L’avenir radieux.

 Parfois dans la vallée arrivaient aussi des gens qui n’y tenaient guère, on les voyait descendre des camions avec l’aie penaud, mesurant de leurs regards perdus l’endroit comme si c’était une prison toute neuve, un beau lieu où on les aurait mis de force et d’où, même si on ne les obligeait pas vraiment à trimer, ils ne pouvait sortir qu’avec une autorisation spéciale et une heure de retour imposée. On leur disait, racontait-il, qu’ils devaient construire un avenir radieux.

Les grands chantiers sous le régime communiste.

 Mais, le plus clair du temps, la vallée ressemblait à une station de villégiature où les gens s’adonnait à la boisson et à ne rien faire, activités élevées avec le temps au rang de l’art. Il y avait une centaine d’ouvriers et normalement cette voie ferrée aurait pu être construites en quelques mois, un an maximum, mais le travail durait déjà depuis une dizaine d’années et il n y avait pas le moindre risque que les rails dépassent réellement un jour l’endroit où se trouvait la maison de Iochka et encore moins qu’il avance dans la montagne de derrière et qu’ils en atteignent le bout.

La liberté.

 Ces hommes étaient libérés de ce que lui n’avait jamais connu, personne ne les menaçait plus, personne ne mettait en danger leur vie et celle de leurs familles, ça il le comprenait, il était clair pour lui que, pendant la guerre, par exemple, il n’avait pas été libre de faire ce qu’il voulait, ni plus tard quand il était prisonnier. Des gens haut placés, pouvaient le condamner à tout moment à être fusillé, lui avait dicté ce qu’il devait faire et comment il devait vivre. C’était cela l’absence de liberté aurait dit le vieux Iochka si on le lui avait demandé. La liberté, selon lui, c’était de vivre sans être menacé de mort par les gens qui disposent de votre vie.

La fin des illusions.

 Ils avaient tous les deux milité dans l’illégalité, ils avaient lutté pour un monde meilleur qu’ils ne voyaient nulle part maintenant, ils avaient voulu que les paysans et les ouvriers ne connaissent plus la pauvreté et ils avaient juste réussi à les rendre plus pauvres, ils le savaient parfaitement, ils essayaient de faire le bien autant qu’ils le pouvaient par une bonne action pour un tel ou pour un autre. Impossible d’en faire davantage. Ils vivaient avec cette frustration comme ils respiraient, ils aidaient les gens autant qu’ils le pouvaient, ils défendaient leurs ouvriers chaque fois qu’il y avait un problème, le rêve pour lequel il avait vécu s’était évanoui pour laisser place à une misère plus terrible que celle d’avant. Les pauvres étaient encore plus pauvres, les riches n’avaient pas disparu. Et pourquoi tout ça ? Était-ce pour cette pauvreté qu’ils avaient lutté ?

Un paradis.

 Un paradis d’avant et d’après le désastre qu’est toujours la civilisation, un lieu oublié et pour cette même raison inoubliable, immortel et vivant dans la mesure seule où le vivant, dans ce qu’il a de plus essentiel, échappera toujours à la compréhension humaine. Un paradis qui attendait sa mort, rien de plus. Et les gens qui étaient en lui, vieillissant sans le sentir, attendaient leur mort, eux aussi.

Une idée.

 Est-ce que ce qui n’est pas pensé peut exister ? Y a-t-il au monde une chose vraiment historique si un seul homme ignore son existence ?

L’oppression.

 Car l’oppression ne vient pas que des grands de ce monde, on la trouve aussi à d’autres niveaux, si un satrape est maître absolu de ses ministres, de même ses ministres règnent sur leurs subordonnés et ainsi de suite jusqu’au dernier paysan.

L’alcool accompagne tous les moments du récit.

 Il était harassé, il s’est laissé tomber comme une grosse pierre, puis a attrapé la bouteille devant lui et a bu, avec une grande soif à même le goulot, oubliant l’usage des verres.
 Il a attrapé une autre bouteille dans le placard et deux petits verres propres ….
Le contremaître, le docteur et le pope vidaient verre après verre…

 

 

 

 


Édition JCLattès

Sur Luocine, vous trouverez , Veuf, Ma mère du Nord, Mon autopsie, et ceux qui n’y sont pas sont très bien aussi, bref, un petit moment de cafard et Jean-Louis Fournier est là pour vous rendre encore plus triste mais avec la classe et le sourire.

J’ai commencé ce livre en me disant que je le lisais juste pour moi, et que je ne le mettrai pas sur Luocine, et puis il m’a fait tellement de bien que je viens le partager avec vous. C’est une réflexions sur la solitude qui est à la fois drôle et émouvante par un auteur dont j’adore la mauvaise foi.

Des réflexions qui font parfois une demi page jamais plus de deux et qui sont la preuve que même le plus grincheux des hommes n’est pas fait pour vivre seul et pourtant c’est le lot de tant de gens qui vieillissent. En le lisant, on se dit « mais c’est tellement vrai' » ou « il exagère » peu importe on sourit souvent et on admire son art de jouer avec les mots et son incroyable talent de décrire de façon impertinente (comme sa grammaire !) la société dans laquelle il ne sent plus à sa place. J’espère que les passages que j’ai choisis vous feront sourire et donneront envie de lire ce livre ou n’importe quel livre de Jean-Louis Fournier.

 

Citations

 

Le ton du livre.

 J’en ai marre d’être seul, de plus en plus seul, de plus en plus vieux, de plus en plus moche..
 Si j’avais su, je ne serais pas vieux. 
C’est la canicule et je crève de chaud et malgré les injonctions du gouvernement, mes proches devenus lointains, ne m’appelle pas pour savoir si je bois consciencieusement de l’eau.

 

Bien vu !

Je suis dans le métro, debout au milieu d’une bande de jeunes, on est très serrés les uns contre les autres, j’étouffe. Il y en a qui lit un livre, « Les rêveries du promeneur solitaire », les autres qui ne savent plus lire, ont des germe de pommes de terre que leur sortent des oreilles, ils ont le regard perdu, certains accompagnent une musique avec leur tête.

J’adore et lisez jusqu’à la fin et dites moi si vous riez !

 C’était superbe un concert dans la cathédrale d’Arras, ils étaient au moins cent, des hommes, des femmes, des enfants. Ils ont chanté ensemble, en chœur, l’hymne à la joie de Beethoven 
Ils n’avaient pas tous des voix extraordinaires, c’était des amateurs, mais ensemble c’était bouleversant. 
Ce qu’on fait à plusieurs est quelque fois mieux.
 Regarder les cathédrales, ils s’y sont mis à plusieurs pour les construire.
 C’est quelque fois pire aussi …
Penser à la tour de Babel et au concours de l’Eurovision.

Les apartés concernant ses voisins.

 Les volets de mes voisins d’en face sont fermés. Ils ont dû partir.
Ils ne m’ont même pas prévenu…
 Les volets en fer de mes voisins sont encore fermés.
 Mes voisins ne sont pas rentrés, pourtant on est dimanche soir, ils ne sont pas très sympas…

Humour grinçant. Et plaisir des mots.

 J’en ai marre de moi, je m’invente des histoires pour me faire peur, j’imagine le pire, je fais des cauchemars.
J’ai autant peur de la mort de peur de la vie. Que choisir ?
 Je bois pour oublier, de l’eau de vie par peur de l’eau delà.