Attention !
Si vous aimez le suspens, j’en dis visiblement trop dans ce billet (je me demande comment font ces lectrices pour relire les livres qu’elles ont aimés !)

L’auteure cite Erri de Luca, je trouve cette phrase très juste

 Prendre connaissance d’une époque à travers les documents judiciaires, c’est comme étudier les étoiles en regardant leur reflet dans un étang.

 

Un cadeau ! quelle bonne idée de s’offrir des livres car cela permet d’aller vers des lectures que je n’aurais pas remarquées. Le titre résume le roman, pour moi c’est un régal que de lire un roman dont je connais l’issue mais je pense que cela a dû en déranger certains et certaines. Après il faut beaucoup de talent pour faire comprendre pourquoi cette malheureuse Lisa s’est enferrée dans son mensonge. Elle a accusé un homme de viol et tout le monde l’a crue. Tout l’intérêt du roman s’est de raconter que bien qu’elle ait menti cette ado était quand même une victime. Simplement les véritables coupables n’ont jamais été inquiétés. L’auteure à travers l’enquête de l’avocat nous fait revivre les années collège quand on est une fille mal dans sa peau mais dont les seins font beaucoup d’effet aux garçons. Mal dans sa peau , moins aimée que sa sœur à qui tout réussit, enfant d’un couple qui ne s’aime plus, Lisa a voulu trouver un statut et c’est celui de victime qui lui allait le mieux. Car victime elle l’était réellement d’un groupe de garçons en particulier d’un sale môme qui l’avait filmée dans une relation sexuelle avec celui qu’elle prenait pour son petit ami. Et c’est, pour que cette vidéo ne soit jamais publiée, que finalement elle s’est empêtrée dans un mensonge qu’un pauvre homme va payer très cher : 1195 jours de prison pour rien !

C’est un livre facile à lire et très prenant mais qui ressemble plus à un long article de presse qu’à un roman. Malgré ce bémol, je dois dire que j’apprécie beaucoup le courage de l’écrivaine pour nous dire qu’il faut parfois douter de la parole des enfants et des adolescents, recevoir leurs témoignages demande sûrement beaucoup d’intelligence et de délicatesse car il est certain que les jeunes sont le plus souvent victimes, même s’ils sont aussi, parfois, menteurs.

 

Citation

Description des cours de justice .

 Ces juges, plus ça va, plus je les hais. Bornés, biberonnés à la moraline. Et lâche avec ça. Y a plus que des bonnes femmes de toutes manières. Les derniers mec que tu croises dans les couloirs, ils ont un balai et un seau à la main. Et les jeunes, elles sont pires. Non, mais tu les as vus, avec leurs baskets ? elle juge en bas-kets ! Les jurés, c’est pareil. Gavés de séries télé. Ils t’écoutent. Ils te regardent avec l’air de tout savoir mieux que toi, parce qu’ils ont vu l’intégrale des « faites entrer l’accusé ». Plus moyen de les faire douter. Ils ont trop peur de se faire engueuler. Quand je pense à tout ceux que je faisais acquitter avant ! Et, crois moi, il y avait une palanquée de coupable là-dedans… dis, tu crois que je suis vraiment trop vieux ?

Ce livre attendait une occasion pour être « re » lu car j’avais déjà lu et commenté « L’affaire » le 19 juin 2015 !. Un problème de santé m’a obligée à ralentir mes activités et quel plaisir alors d’avoir une liseuse sur laquelle je mets des livres qui n’attendent que mon bon plaisir. J’ai adoré cette lecture et cela m’a fait oublier tous mes tracas. Quand je rédige cet article, j’apprends la mort de Jean-Denis Bredin triste coïncidence !

Ce livre décrit avec minutie toute l’affaire Dreyfus et cette incroyable injustice que cet homme a subi. On n’aurait bien du mal à comprendre le pourquoi de « l’Affaire » si on ne connaît pas le contexte. Et c’est tout le talent de ce grand historien, avocat et écrivain : Jean-Denis Bredin, de nous permettre de comprendre l’état de la société française dans lequel s’est déroulée l’affaire Dreyfus.

Il y a d’abord l’armée française vaincue à Sedan en 1871 qui vit très mal cette défaite et qui, plutôt que de se remettre en cause préfère l’expliquer par la trahison. On cherche, et on trouve des espions partout. Avoir un juif à l’état major des armées voilà bien un coupable facile à accuser, parce qu’il est vrai que des documents sont arrivés à l’ambassade d’Allemagne. En particulier le fameux bordereau dont l’écriture ressemble à celle de Dreyfus. C’est une preuve bien mince surtout quand on ne cherche pas d’autres écritures qui pourraient ressembler à celle-ci. En particulier l’écriture d’Esterhazy qui est un personnage très louche et toujours à court d’argent. Peu importe, fin 1894, Dreyfus est condamné , dégradé en public et envoyé au bagne pour sept ans.

Commence alors une campagne, très discrète au départ, et qui prend peu à peu de l’ampleur pour sa réhabilitation. L’affaire commence vraiment, la passion antisémite soutenue par une église catholique absolument fanatisée accompagne chaque révélation de ce qui pourrait innocenter Dreyfus. C’est absolument incroyable de relire la presse catholique de l’époque, et peu à peu s’impose ce paradoxe incroyable : il y a bien un traitre, plutôt que de trouver qui était ce traitre c’est beaucoup mieux d’accuser un juif que de salir l’honneur de l’armée française.

Et pendant que les passions se déchaînent, Alfred Dreyfus est le seul à croire vraiment à l’honneur de l’armée, il ne veut pas lutter contre l’antisémitisme, il n’est pas du tout le porte parole d’une cause, il veut laver son honneur et que les siens soient de nouveau fiers de lui. Il décevra ses partisans quand il acceptera la grâce présidentielle, après le procès de Rennes en 1899. Il faudra attendre 1906 pour qu’enfin son honneur lui soit complètement rendu, et 1995 pour que l’armée reconnaisse son rôle dans la condamnation d’un innocent. Il doit beaucoup à un autre acteur de cette affaire : le colonel Picquart, qui, bien que n’appréciant pas Dreyfus, veut que la vérité soit établie. Il ira en prison pour cela, mais quand les deux seront réhabilités ses années de détention lui seront comptées pour son ancienneté contrairement à Dreyfus : une dernière injustice. En 2015, j’avais dévoré le livre de Robert Harris « D » qui fait sans doute un trop beau rôle au colonel Picquart

Il ne faut pas oublier (le moment le plus célèbre de cette affaire) Émile Zola et son célèbre « J’accuse » publié dans l’Aurore, le 13 janvier 1998. Mais c’est aussi ce qui cache une partie de la vérité, comme on le sait grâce, entre autre, au travail de Jean-Denis Bredin, Dreyfus ne voulait pas être un militant de la cause juive, il était et est resté un officier de l’armée française en qui il croyait plus que tout. Les valeurs de la France n’auront pas fini de trahir cette famille puisque sa petite fille, Madeleine Levy résistante, mourra à Auschwitz en janvier 1944.

Un livre passionnant qui éclaire cette époque d’un regard nouveau : la violence de l’antisémitisme catholique explique sans doute la violence faite aux juifs par le nazisme et la passivité des réactions de l’église. Il n’y a eu à ma connaissance que l’évêque de Toulouse, Jules Saliège à avoir interrogé officiellement la conscience de ses fidèles en imposant dans tous ses diocèses la lecture de cette lettre dont voici un passage :

Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier..

C’est une autre époque, mais que, le déferlement de la haine antisémite lors de l’affaire Dreyfus, avait bien préparé.

 

 

Citations

Les forces antidreyfusardes

À l’inverse, les antidreyfusards se sont eux aussi regroupés. L’armée antidreyfusarde compte les monarchistes, les antisémites, la grande majorité des militaires, la plupart des prêtres, la quasi-totalité des congrégations, la masse des catholiques pratiquants, et de manière générale tous ceux qui veulent défendre la France traditionnelle, sa morale, ses vertus, ses institutions, son économie même, contre le pourrissement de la République, de la laïcité, du capitalisme, tout ce que les Juifs leur semblent apporter avec eux. Le nationalisme et l’antisémitisme sont le fonds commun du bloc antidreyfusard. Et il n’est pas contestable que l’Église en est la force principale. 

Juif donc coupable

Dreyfus est deux fois coupable, parce qu’il est juif, et parce que l’honneur de l’Armée le veut. Le débat sur l’innocence de Dreyfus est finalement secondaire. « Son pire crime, dira Barrès, exprimant la conviction
antidreyfusarde, est d’avoir servi pendant cinq ans à ébranler l’Armée et la Nation .

Toujours l’antisémitisme

Mais beaucoup ont sans doute souscrit anonymement. Un prêtre infirme qui envoie huit centimes voudrait manier l’épée aussi bien que le goupillon. Un autre prie « pour avoir une descente de lit en peaux de youpin » afin de la piétiner matin et soir. Un troisième signe : « Un prêtre pauvre écœuré qu’aucun évêque de France n’apporte sa souscription ». Un petit curé poitevin, qui envoie 1 franc, chanterait avec plaisir le requiem du dernier des youpins.

Le rôle de la presse

Sans L’Aurore et Zola, Dreyfus serait peut-être resté au bagne. Mais, sans Drumont et La Libre Parole, y serait- il allé ? La presse naissante révèle déjà qu’elle est, qu’elle sera, dans l’histoire de la démocratie, le meilleur et le pire : rempart contre l’arbitraire, arme de la Vérité, mais aussi véhicule de la calomnie, pédagogie de l’abêtissement, école du fanatisme, en bref, instrument docile à ceux qui la font et à ceux qui la reçoivent.

 

L’importance de la trahison

Et l’opinion générale est que la France a perdu la guerre non parce qu’elle a été la victime d’un rapport de forces, mais parce qu’elle a été trahie. Partout les patriotes suspectent des espions. Républicains et monarchistes
rivalisent dans leur zèle à traquer les traîtres. La trahison est bien le crime total, que nul n’excuse, que rien n’expie. Quand Dreyfus est condamné, Jaurès s’indigne à la tribune de l’Assemblée qu’il ne soit pas fusillé. Clemenceau déplore le sort trop doux que la faiblesse du pouvoir lui réserve. Dreyfus, qui participe à la foi commune, ne cessera d’écrire, de l’île du Diable, que son traitement serait bien trop clément s’il était un traître. En cette année 1894 l’espion est bien la bête à abattre.

 

Culpabilité de Dreyfus

Je suis convaincu de l’innocence de Dreyfus, dit un officier français à Émile Duclaux, mais si on me le donne à juger, je le condamnerai de nouveau pour l’honneur de l’Armée. » Pour l’honneur de l’Armée. Parce que la Patrie l’exige. Parce que ceux qui sont groupés aux côtés de Dreyfus sont les ennemis de l’Armée, qu’ils affaiblissent la France. Dreyfus fut successivement coupable de trois manières. Il fut d’abord coupable parce que désigné pour cet emploi. Coupable, il le fut ensuite parce qu’il l’avait été. L’intérêt de la France, l’honneur de l’Armée commandaient qu’il restât condamné. Puis il fut coupable d’« avoir servi pendant cinq ans à ébranler
l’Armée et la Nation totale[1802] », d’avoir été le symbole et l’instrument des forces du mal.

 

Le dreyfusisme

Mais la ligne qui sépare le dreyfusard de l’antidreyfusard passe le plus souvent en chacun. La part qui sacrifie l’innocence au préjugé, qui condamne sans preuve, qui hait la différence, qui fabrique l’accusation, qui habille l’intérêt personnel d’intérêts supérieurs, qui n’aime de la liberté que la sienne, elle est en chacun de nous ou presque. Il y avait de l’antidreyfusard chez Picquart, mais sa vertu était plus forte que ses préjugés.

 

La grandeur de Dreyfus

Nulle haine, nul signe de la moindre amertume chez Alfred Dreyfus. Il semble n’en vouloir à quiconque. Son martyre fut encore pour lui l’expression tragique d’un devoir. Les épreuves physiques et morales qu’il a endurées, l’humiliation de la parade, les cris de haine, les crachats, les années de bagne, la double palissade, les fers aux pieds, son destin détruit, sa santé ruinée, tout cela il le voit comme « une étape grandiose vers une ère de progrès ». Il ne met pas en doute que la liberté universelle soit au bout du chemin. Simplement ce Français, qui a tant souffert de la France, regarde maintenant au-delà des frontières. Il voudrait que son « Affaire » ait servi l’humanité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Édition Feux croisés Plon . Traduit de l’anglais (États-Unis) par Karine Lalechère

Un roman peu banal sur un sujet qui démarre pourtant de façon si classique dans la littérature et hélas dans les faits divers américains  : Un jeune homme, Roy, marié depuis peu à la belle Celestial est accusé d’avoir violé une jeune femme blanche dans le motel où il passait la nuit . Sa femme a eu beau dire qu’il était auprès d’elle cela n’a pas empêcher un jury de le déclarer coupable et de lui infliger douze ans de prison. Il n’a rien fait mais il est noir et c’est donc suffisant. Cela pourrait être le sujet du roman mais pas vraiment. Les traitements qu’il a dû subir en prison et sa lutte pour prouver son innocence ne sont évoqués qu’à travers les courriers que s’échangent Roy et Célestial. Courrier qui est plus allusif sur ces sujets car tous les deux parlent surtout de leurs liens amoureux . Roy et Celestial se sont aimés mais leur couple ne résistera pas à la prison , les parents de Roy se sont aimés toute leur vie . C’est un bel exemple de couple américain uni pour la réussite de leur fils, enfin le fils de sa mère car son père, Big Roy, l’a adopté quand il a épousé Olive . Le père biologique jouera pourtant un rôle dans l’histoire de Roy. Les parents de Celestial parents fortunés feront tout ce qu’ils peuvent pour aider Roy à sortir de prison. Il est effectivement acquitté au bout de cinq ans mais sa femme l’a quitté pour son ami d’enfance André. Un roman passionnant car complètement en dehors des évidences sur la condition des noirs aux États-Unis, tout en nuances mais qui par la même m’a beaucoup touchée.

 

Citations

L’amour

Mais en te perdant j’ai appris une chose au sujet de l’amour. Notre maison n’est pas simplement vide. Elle a été vidée. L’amour se crée une place dans ta vie, il se crée une place dans ton lit. À ton insu, il se crée une place dans ton corps, détourne tes vaisseaux sanguins, bat juste à côté de ton cœur. Et quand il part, il laisse un trou.
Avant de te rencontrer je ne me sentais pas seule. À présent je me sens si seule que je parle aux murs et chante pour le plafond.

 

Être noir aux USA face à la justice

Ce calvaire n’aurait alors été qu’une histoire que nous lui aurions racontée plus tard, pour qu’il comprenne qu’il fallait être prudent quand on était un homme noir aux États-Unis. Lorsque nous avons décidé qu’il valait mieux avorter, d’une certaine manière, nous nous sommes résignés. Nous avons cessé de croire que je serais acquitté.

Humour de prison

C’est le destin de l’homme noir. Porté par six ou jugé par douze. 

 

Les femmes

L’immense générosité des femmes est un tunnel mystérieux et nul ne sait où il mène. Partout, il y a des indices qui sont autant de pièges et, quand on est un homme, il faut être conscient que la logique ne nous conduira pas nécessairement à la sortie.