Fabcaro Édition 6 pieds sous terre Thierry Beauchamp ÉditionWombat

Ces deux livres la BD de Fabcaro et les courtes nouvelles de Thierry Beauchamp n’ont en commun que d’avoir fait rire Jérôme et moi aussi. Pour Fabcaro je reconnais que depuis Zaï Zaï Zaï je suis une inconditionnelle. Je suis prête à partir dans le rire immédiatement. Mon préféré est sans doute, Mourir d’aimer, sans oublier Formica. 

Encore une fois, j’ai ri mais peut être un peu moins, je connais un peu tous les ses procédés de Fabcaro qui manie avec dextérité un humour décalé jamais méchant :

 

( Si le texte vous emble flou en cliquant sur la photo il sera plus net)

dans cette BD l’auteur essaie différents procédés, le roman photo, le Western, mais aussi les réactions autour de lui, quand il parle de son projet l’étonnement de son éditeur :

 Tout un livre à partir d’un dessin de bite sur la joue ? …Euh… tu es sûr de ton projet là ?

et bien pour ceux et celles qui aiment l’absurde de Fabcaro ne doutez pas, vous allez partir dans une aventure passionnante pleine de rebondissements. N’écoutez pas les propres enfants du dessinateurs qui ont du mal à comprendre toute la grandeur du projet de leur père :

– Papa t’es connu maintenant , tu peux pas faire n’importe quoi

Les gens ils attendent ton prochain livre, tu vas pas faire une histoire de bite sur la joue ? ! !

Un sourire garanti pour ceux qui, comme moi, aime cet humour.

 

 

Précieux conseils pour entrer dans la légende du sport

 

Quand l’important n’était pas (toujours) de gagner

 

Pour ce deuxième livre, il s’agit d’un recueil de nouvelles autour des histoires pittoresques des débuts des jeux olympiques. Sous forme de 24 courtes nouvelles nous découvrons le côté amateurs des jeux et c’est très amusant. Le livre se prétend une aide pour réussir les jeux olympiques et les conseils me semblent très judicieux :

En fait, il faut savoir raison garder et ne pas se tromper d’étiquettes, car ces règles précises et complexes ne possèdent pas de principe magique intrinsèque. Ce fut là une erreur récurrente chez bon nombre de nos compatriotes. Ainsi, lors des jeux olympiques de 19o0 à Paris, la mystérieuse Mme Froment-Meurice disputa le tournoi de golf en talons hauts, ce qui lui coûta probablement une gloire éternelle puisqu’elle s’enfonça dans le green et ne parvint pas à accéder à la troisième marche du podium. Quant au discobole Jules Noël, le colosse de Norrent- Fontes, sans doute crut-il prêcher l’exemple en sirotant du champagne entre deux lancers aux jeux de Los-Angeles, alors que la prohibition minait encore le moral de la grande nation américaine. Probablement indignés, les juges préférèrent regarder le saut à la perche plutôt que son jet final, qui aurait pourtant dû lui valoir la médaille d’argent.

Vous apprendrez que le premier tir aux pigeons se faisait avec de vrais pigeons, qu’un homme avec une jambe de bois remporta six médailles d’or, qu’une femme ayant gagné le tournoi de golf ne l’a jamais su car elle est partie avant les résultats. Et tant d’autres petites anecdotes savoureuses.
Merci Jérôme pour ces deux sourires.

 

 

 

 

 

Édition Grasset

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Excusez le flou de la photo !

J’ai bien aimé ce roman qui raconte le désespoir d’une enfant qui ne retrouve pas, un soir en revenant de l’école, sa mère, à la maison. « Elle est partie » lui dit son père, et elle n’en saura jamais plus.

Sa mère grande dépressive, était depuis quelques temps devenue mutique et restait allongée sur un lit. Son père et sa fille venaient lui parler sans que jamais elle ne leur réponde. Et puis, trente ans plus tard, un message téléphonique lui apprend où vit sa mère. En abandonnant immédiatement tout, elle part retrouver celle qui lui a tant manqué.

Le roman suit le voyage de cette femme vers sa mère et la lente remontée dans ses propres souvenirs. On comprend sa colère contre son père et ses grands-parents qui l’ont élevée mais qui n’ont jamais voulu lui dire où était sa mère. Le savaient-ils ? Elle a choisi le théâtre pour se reconstruire et cette adolescente blessée a retrouvé dans la personnage d’Antigone un écho à sa propre douleur. Son père va refaire sa vie et la laisse près de ses grand-parents. On a du mal à comprendre pourquoi ce silence qu’elle ne peut interpréter et en conséquence de quoi la prive d’un rapport normal avec eux. Ils n’ont pas su l’aimer mais elle ne s’est pas laissée approcher d’eux. Pourtant, si sa grand-mère est très brusque, son grand-père semble plus tendre. Elle retrouvera sa mère mais n’en saura pas beaucoup plus.
Le lecteur n’aura jamais toutes les clés pour mieux comprendre les personnages de ce roman. La dépression de sa mère, le silence de son père et de ses grands-parents, et pourquoi adulte, elle n’a pas plus cherché où était sa mère. Cela m’a un peu gênée, pour faire de ce roman un vrai coup de cœur.

En remplissant mon abécédaire je me suis aperçue que j’avais déjà lu un livre dette auteure : « Rêves oubliés » (que j’avais bien oublié, il est vrai !)

 

 

Citations

Départ de sa mère

 Elle se souvient du jour où son père, Isidore, lui avait dit : maman est partie.
 Une phrase simple sujet verbe participe passé. Une phrase tout à fait intelligible. Magdalena la comprenait, mais la trouvait trop courte. Il manquait au moins un complément de lieu, ainsi que plusieurs paragraphes d’explications. Une maman ne part pas comme ça.

Le courrier

 Les gens ne s’écrivent plus, disait-il à Appolonia, des courriers électroniques, c’est de l’écrit impalpable, et ce qui ne se touche pas ne compte pas. À la fin, je ne portais plus que des publicités, des factures, des relevés de banque, aucune trace de stylo, d’écriture, une carte postale de temps en temps pour une grande tante parce qu’on sait qu’elle aime ça. Souvenir de Rome, de Budapest.

Métier d’actrice

 Chaque personnage est un manque de plus, un effacement du trait, un détour sur le chemin, un sentier sauvage à défricher, une bifurcation, une excuse, une halte, encore une, pour ne pas s’approcher du cœur, du poumon, et rester en lisière de soi, de son propre désir, se remplir du regard des autres, pour le prendre en embuscade, le séduire, s’en emparer, afin d’éviter toujours d’être soi-même ?

 

Éditions de l’Olivier 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

C’est le troisième billet que je consacre à Agnès Desarthe, je me rends compte que j’aime bien lire cette écrivaine sans jamais faire de ses romans des coups de coeur. Après Le Remplaçant, puis Ce Coeur Changeant, voici donc « Les Bonnes Intentions » qui avait tout à fait sa place dans le thème « les voisins », de notre club de lecture.

Sonia et Julien, un jeune couple, deviennent propriétaire dans un immeuble parisien. L’une est traductrice, l’autre architecte, ce qui veut dire que Sonia travaille chez elle, et aura beaucoup de temps pour connaître ses voisins. Ils auront deux enfants et tout semble leur sourire. Bien sûr la concierge se mêle un peu de tout mais au début tout va assez bien. Ce roman se déroule sur une petite dizaine d’années mais on a l’impression que tout se passe en quelques mois. Un jour un voisin tape à la porte de Sonia, c’est un homme âgé sans défense et qui est sous la coupe de la concierge et de son compagnon. Ils sont absolument odieux avec ce vieux monsieur , l’affame et le séquestre chez lui. Il ne lui reste comme famille qu’une belle fille qui attend avec impatience l’héritage car cet homme est propriétaire de son appartement.

Sonia est tiraillée entre « ses bonnes intentions » et l’envie d’être tranquille et de ne pas se mêler des affaires du voisinage. Le couple de concierges, incultes, cruels, antisémites est une véritable horreur. Les autres personnages ont peu d’importance, on se demande pourquoi Sonia et Julien n’ont pas plus de contacts avec d’autres voisins qui auraient pu les aider dans leurs démarches pour faire cesser les souffrances du pauvre Monsieur.

Une lecture tristoune que j’oublierai assez vite.

 

 

Citations

Julien son conjoint

 Julien est toujours un peu triste. Il prépare la défaite, c’est ce qui fait sa force. Avec lui, je me sens en sécurité, parce que je sais que la vie ne sera jamais aussi moche que dans ses cauchemars.

Ambiance d’un bar quand on a des soucis en tête

 Autour de nous, ça papote, ça sirote. Il y a des vieux qui veulent faire jeune et les jeunes qui veulent faire vieux. Je voudrais me réjouir et goûter l’instant pour ce qu’il contient de délices, mais mon esprit vagabond. Face à mon manque d’enthousiasme, les paroles de Julien se tarissent lentement. Bientôt nous nous taisons et le monde à l’entour nous envahit. La colère monte en moi, comme un picotement au bout des doigts, un agacement dans la nuque. Je pense à M. Dupotier, à sa belle fille qui attend qu’ils crève avec une intensité atroce.

Les dîners où on s’ennuie

 Hier soir, nous sommes rentrés à deux heures du matin d’un dîner très ennuyeux, dont il était pourtant impossible de partir. J’ai espéré jusqu’au dernier instant qu’un des convives allait se mettre à parler normalement, à rire, ou simplement à renifler. Nous étions dix à table et chacun luttait pour exister avec une âpreté décourageante. Il était question que de travail et d’argent. L’enjeu, je ne l’ai pas compris.

Fin de l’histoire

 –Pour vous, séquestrer un vieillard, menacer les gens de mort et les traiter de sales juifs, ce n’est pas une faute grave ? 
– Pas selon le code du travail. 
– Donnez-moi un exemple, alors. Dites-moi ce qui peut motiver un renvoi. 
– Ne pas vider les poubelles. Refuser de distribuer le courrier, des choses de ce genre.

 

Édition folio

 

C’est le troisième roman que je lis de Fabrice Humbert, « L’origine de la violence » puis « La fortune de Sila » m’avaient beaucoup plu. Mais celui-ci est une vraie déception, j’ai même failli ne pas le chroniquer. J’ai alors pensé que si j’avais lu un billet de mes blogs préférés, je ne me serais pas lancée dans cette lecture. Je vais donc expliquer pourquoi je n’aime pas ce roman. Et en espérant que ceux ou celles qui ont aimé fassent des commentaires plus positifs. Voici déjà l’avis de Kathel qui a beaucoup aimé.

Le récit commence pourtant très bien, par la description du mal-être d’un jeune Newyorkais qui arrive dans une petite ville du Colorado, Drysden où il a passé son enfance. Ne cherchez pas cette ville, n’oubliez pas le titre du roman : « le monde n’existe pas ». Le personnage principal est adulte maintenant et a rejeté ses années de souffrance loin de lui, quand tout à coup le visage de l’adolescent qui a tant troublé le jeune lycéen qu’il était, envahit les écrans géants de Times Squares : Ethan Shaw est accusé de viol et de meurtre d’une jeune fille de 16 ans.

Adam Vollman qui à l’époque s’appelait Christopher Mantel a tout fait pour ne plus ressembler au jeune homme frêle de ses années lycée. Il est, aujourd’hui, journaliste et retourne donc enquêter sur cette affaire. Le but de l’écrivain c’est de faire exister une énorme « Fake-news » à travers les réseaux sociaux et les médias. Petit à petit le lecteur comprend qu’il est convié à une mise en scène dont le narrateur essaie de tirer les fils sans bien voir les tenants et les aboutissants. Finalement s’il y a bien eu complot et qu’Ethan n’a pas commis de meurtre, on ne saura jamais qui a organisé ce récit et au profit de qui. Le fameux « emballement » médiatique est très bien décrit et la désagréable impression de ne plus pouvoir démêler le vrai du faux aussi. Au passage, Fabrice Humbert décrit assez bien ce que doit être la vie dans une petite ville américaine, cette façon de tout savoir sur tout le monde et de très mal supporter les gens venant d’ailleurs, newyorkais et homosexuels par exemple. Ce que je n’ai vraiment pas aimé est ce qui fait tout l’intérêt du roman, c’est de ne trouver aucune rationalité à ce récit. Il permet seulement de se poser cette question : jusqu’où peut aller la folie des médias. Mais aucun personnage n’a vraiment de consistance, l’histoire n’est pas réelle, puisque finalement ce « monde n’existe pas », peut être que Fabrice Humbert rajouterait « pas encore , mais en êtres vous bien certain » ?

 

 

Citations

 

Une amitié déséquilibrée

 En marchant à ses côtés, après l’entraînement, je lui parlais de sujets longuement préparés, ruminés toute la matinée pour lui plaire, auxquels il ne répondait que par monosyllabes, certes parfois amusées, comme on donne des cacahuètes à un singe. Je me sentais en permanence indigne, je n’arrivais pas à l’intéresser, j’étais trop petit, trop limité devant lui.

La vérité et l’écrivain

 Ce qui me troublait, chez Hemingway, c’était la part de fiction qu’il y avait en lui. Son rapport à la vérité et au meurtre tout cela me semblait obscurément liés. En apparence, Hemingway était cet homme d’action, ce correspondants de guerre qui a développé la théorie de l’iceberg et de l’écriture objective, qui avait poli son style durant les années d’apprentissage à Paris. La construction de ce mythe a été d’autant plus essentiel qu’il était miné par l’alcoolisme et la mort, que son amour de la vérité était travesti par le mensonge et le long travail intérieur de la fiction, de sorte qu’à la fin on ne savait plus si son écriture appartenait à la vérité ou mensonge. Hemingway était un homme qui s’inventent, et il avait su se créer une légende ; de même qu’à vingt ans il racontait avoir arrêté dans les rues de Chicago un cheval emballé, c’est dans ces rêves qu’il sauva Dos Passos des cornes du taureau, provoqua en duel celui qui avait insulté Ava Gardner où libéra le Ritz à la tête d’une armée de mercenaires.

Une remarque amusante observée en surfant sur le Net

En dix minutes la différence des approches entre les trois cultures est évidente. Les Américains proposent de faire, les Français de commenter, les Allemands de philosopher. 

 

Édition Noir sur Blanc .

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

 

Je ne connaissais pas du tout cet auteur qui se plaît à creuser les rapports familiaux qui détruisent les personnalités (d’après ce que j’ai lu sur lui). Ce roman se situe au stade ultime de la destruction, nous sommes avec un homme qui est interné, il parle à un psychiatre et à une infirmière de ce qui l’a sans doute conduit dans cette chambre d’hôpital dont il n’a pas le droit de sortir. Le roman ne donne que les paroles de ce malade, à nous d’imaginer les questions de son thérapeute qui impliquent ses réponses. On ne peut jamais savoir si ce qu’il dit est vrai, sans doute est-ce là le quotidien des soignants des hôpitaux psychiatriques. A-t-il été lui même un psychologue ? A-t-il conseillé à des patients des passages à l’acte dévastateur ? A-t-il écrit un livre qui révolutionne les thérapie ? On sent que le psychiatre s’intéresse assez peu à ses théories sur les soins mais l’amène souvent à parler de sa famille en particulier de son frère disparu en mer.

La plongée dans le cerveau tortueux de Robert, le patient, et l’absence d’une parole ancrée dans la réalité ne m’ont pas beaucoup intéressées. Et j’ai été très agacée par la quatrième de couverture qui dit ceci :

Un livre corrosif, plus jamais d’actualité, sur la menace constante du populisme, la tentation et le danger d’une simplification de la pensée.

 

Je ne sais pas si c’était dans les intentions de l’auteur, mais alors c’est vraiment raté. Bien sûr que l’on ne peut donner le moindre crédit à un thérapeute qui proposerait de supprimer toute forme d’oppression psychologique par le crime. Extrapoler vers la dénonciation du populisme cela me semble un simple argument pour vendre ce roman.

Pour moi l’intérêt de ce roman (auquel j’aurais mis 3 étoiles sans cette quatrième de couverture) , c’est de voir combien il est difficile de se frayer un chemin vers la vérité quand on est face à une personne dont le cerveau est malade. Robert fuit la seule question à laquelle le psychiatre doit répondre – réponse qu’il doit peut-être donner à un juge- que s’est-il il passé sur le catamaran avec lequel lui et son frère Honoré, moniteur de voile, sont partis en mer et que Robert a ramené en étant seul à son bord ? Honoré a-t-il été victime d’une solution thérapeutique radicale mise en œuvre par son frère ?
À travers les propos de Robert nous découvrons la façon dont les malades vivent l’internement, la cuisine, le compagnon de chambre, la volonté de sortir, mais surtout nous essayons comme le psychiatre de nous frayer un chemin vers la vérité qui est profondément enfouie dans ce cerveau bien malade.

 

Citations

La nourriture de l’hôpital

 Depuis que je fais moins d’exercice physique, mes fesses se ramollissent un peu chaque jour, j’aurai bientôt du pudding à la place du derrière, comme celui qu’on nous sert presque quotidiennement dans cette affreuse cantine. Si vous pouviez user de votre entregent pour faire varier un peu les desserts, nous vous en saurions gré… Car entre le pudding, les entremets et les yaourts, nous allons tous finir par croire qu’il nous manque des dents, or ma dentition est parfaite.

Est-ce vrai ?

 Il est rare que des gens beaux viennent consulter. Pour cause : il existe objectivement aucune raison valable. La beauté est un véritable aimant qui attire à la fois le désir, le respect, la fascination, la richesse, la puissance, et si vous vous y prenez correctement. : la célébrité.

 

 

Édition Denoël. Lu dans le cadre du club de lecture médiathèque de Dinard 

 

Ce roman avait bien sa place dans le thème du mois de novembre du club de lecture : « les voisins » , mais c’est bien là son seul intérêt. Claire, le personnage principal, est une jeune femme étrange, complètement névrosée qui passe son temps à observer ses voisins. Dans cet immeuble parisien, vivent des personnes dont elle imagine la vie à travers les bruits et quelques disputes. Elle est l’amie d’un Japonais avec qui elle partage le silence et le thé. Elle aime sa petite voisine Lucie qui n’est pas aimée par sa mère. Elle est correctrice dans une petite maison d’édition et fait parfois l’amour avec son ostéopathe. Est ce que j’ai tout dit ? non il y a pour pimenter le tout une histoire vaguement policière sans grand intérêt Le Japonais est poursuivi par un nouveau voisin car il aurait par erreur assassiné la femme de ce voisin. À aucun moment , je n’ai été prise par cette histoire, bien que parfois il y ait de bonnes observations sur les comportements des uns et des autres. L’intrigue, les personnages, le style tout m’a semblé d’une platitude désolante.

C’est un premier roman, et je sais que depuis , depuis, Sophie Bassignac a écrit des livres beaucoup plus intéressants, j’avais beaucoup aimé sa description du monde des marionnettistes « Le plus fou des deux« .

 

Citations

L’ami japonais

 Claire tournait les pages de la revue, concentrée. Ishida lui était reconnaissant d’accepter enfin d’être là et de ne rien dire. Avait-elle compris que le silence était ce qu’il y avait de plus japonais entre eux ?

Le pouvoir des livres

Avec les livres, un jour vous êtes à Prague en 1912 avec de jeunes intellectuels juifs, et le lendemain à Tokyo en 1823 et vous devisez dans une maison de thé avec des geishas, à Paris en 1930 dans les beaux quartiers où à New York en milles 1896 dans la tête d’un jeunes roturier ambitieux… Quel être humain pourrait me proposer de tels voyages, quelle vie me permettrait de faire autant de rencontres ?

Édition Le cherche Midi

Lu dans le cadre de Masse Critique Babelio

 

Ce livre raconte un enterrement où rien ne se passe comme prévu et nous offre une galerie de personnages attachants. Pourtant, il s’agissait d’une cérémonie qui aurait dû être très simple parce qu’elle se passe parmi des gens ordinaires, ceux que l’on ne remarque pas : Serge, le défunt, conducteur de bus pour les résidents de l’EHPAD, Arlette sa compagne, femme de ménage, son ami en fauteuil roulant, sa mère qui a enfin, à 84 ans, trouvé le bonheur avec une compagne et sa sœur qui au début du récit semble odieuse et uniquement préoccupée par la réussite financière et qui est maman d’une ado Garance plus généreuse que ses parents.

Et puis il y a les deux assistants funéraires dont la vie est assez compliquée, l’un car il ne se remet pas d’une grave dépression, l’autre car il attend désespérément une réponse à un texto envoyé à une jeune actrice qui lui chavire le coeur.

Tout commence dans la tristesse sous la pluie avec à peine douze personnes dans l’église pour se terminer en apothéosé le lendemain avec une centaine de personne au cimetière. C’est sans doute mes réserves sur ce roman, tout se termine tellement bien que je n’ai guère pu y croire. Je ne divulgâche rien pourtant j’en aurais bien envie ….

 

 

Citations

À quoi pense une mère d’ado pendant l’enterrement de son frère

 Ses parents s’apprêtent à lui payer une école de dessin en plein cœur de Paris à neuf mille balles de frais de scolarité mais c’est Arlette qui est « trop cool » avec son clafoutis. franchement, y a des baffes qui se perdent.

Le copain du défunt

Je falsifiais . Des fiches de paie, des diplômes, des reçus. C’est mon côté artiste. j’avais fait les beaux-arts à bordeaux. Sauf qu’au lieu de copier Vélasquez ou Rembrandt, je faisais des faux bulletins de salaire. Des bouteilles de vin, aussi. J’en ai fait un paquet. Des fausses étiquettes de grands crus, des faux cachets de cire. Les types mettaient de la piquette dedans, personne faisait la différence, les caisses partaient à des prix que vous n’imaginez pas.

L’humour et une chanson triste

 « La tendresse » est probablement la chanson la plus triste du répertoire français. L’écouter dans un corbillard garé devant un cimetière, un lundi après-midi, sous un ciel menaçant, relève de l’exploit. Ça pourrait faire l’objet d’une épreuve olympique.

Édition Sabine.Wespieser. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Un livre choc, qui se lit très facilement et qui oblige à se poser des questions : comment aurions nous réagi à une telle annonce ?

Thierry et Élisabeth habitent une maison isolée tout près d’une belle et grande forêt. En face de chez eux un couple, Guy et Chantal, est venu habiter une maison en ruine qu’ils ont retapée. Depuis quatre ans des liens très forts se sont tissés entre eux. Coup de tonnerre : Guy est arrêté pour les viols et les meurtre de six jeunes filles. L’écrivaine va suivre le travail que doit faire Thierry pour échapper à l’emprise mentale de celui qu’il considérait comme étant son seul ami. Et peu à peu se dessine le portrait d’un homme taiseux qui ne sait pas tisser des liens avec les autres et cela dès son enfance. Pour une fois, il faisait confiance et était bien avec un homme, ils buvaient parfois des bières ensemble, ils s’aidaient pour des petits bricolages, ils étaient tout simplement amis. Et voilà qu’il doit revivre tous les instants qu’ils ont partagés en se rendant compte à quel meurtre correspondait tel ou tel service rendu. L’horreur le rend fou de douleur. Son boulot le lâche et sa femme s’écarte de lui car elle veut absolument déménager de cette maison qu’elle n’a jamais aimé (trop isolée). Lui s’obstine à vouloir rester là où il a fait son trou dans cette maison où il se sentait protégé.

La fin est très belle aussi, il trouvera à qui demander pardon pour son enfance brisée, et le fait qu’il ne sache jamais dire son amour aux gens qui comptent tant pour lui : sa femme et son fils. Le livre se termine par l’espoir qu’il saura peut-être mieux s’ouvrir aux autres en tout cas, il a enfin compris sa femme qui exige de déménager de cet endroit de malheur.

Je trouve que le style très rapide va bien avec ce récit qui ferait un très bon film. J’ai apprécié aussi que Tiffany Tavernier ne cherche pas à comprendre l’assassin comme tant de journalistes s’y essayent lors des terribles révélations de meurtres en série, mais se penche sur la personnalité de celui qui était son ami et qui n’a rien vu. Cela nous interroge sur ce que nous savons de gens que nous croyons connaître.

Citations

Leur vie avec le tueur

Reine et Virginie, c’était avant leur arrivée, mais toutes les autres, à commencer par Zoé ? À cette époque, Marc était déjà parti étudier à Grenoble et Guy venait d’acquérir la maison. Sans doute n’avions-nous pas encore fait connaissance. La petite Margarira, en revanche, c’était l’année des vingt ans de Marc. Pour fêter « ça  » et nous consoler de l’absence du « petit », Guy et Chantal s’étaient pointés avec un somptueux pauillac. Un an après, au moment de la disparition de Selima, Marc venait de nous parler de son désir de vivre au Vietnam. À la maison, nous étions comme deux chiots abandonnés et Guy et Chantal, nous invitaient souvent pour nous changer les idées….

Le début d’une très belle scène finale

 Tout ce malheur sur son visage. Marcher vers elle. Franchir le mur qui me sépare de son sourire. Traverser la forêt. Écarter les épines, les ronces. Ramasser les bruyères. Marcher encore. Atteindre cette larme qui coule le long de ses joues. Cette larme que j’essuie le plus délicatement possible et que j’embrasse avec douceur. Tout ce mal qu’on lui a infligé, nous tous, les hommes, les filles aussi, qui détournaient la tête à son passage.

Ce livre attendait une occasion pour être « re » lu car j’avais déjà lu et commenté « L’affaire » le 19 juin 2015 !. Un problème de santé m’a obligée à ralentir mes activités et quel plaisir alors d’avoir une liseuse sur laquelle je mets des livres qui n’attendent que mon bon plaisir. J’ai adoré cette lecture et cela m’a fait oublier tous mes tracas. Quand je rédige cet article, j’apprends la mort de Jean-Denis Bredin triste coïncidence !

Ce livre décrit avec minutie toute l’affaire Dreyfus et cette incroyable injustice que cet homme a subi. On n’aurait bien du mal à comprendre le pourquoi de « l’Affaire » si on ne connaît pas le contexte. Et c’est tout le talent de ce grand historien, avocat et écrivain : Jean-Denis Bredin, de nous permettre de comprendre l’état de la société française dans lequel s’est déroulée l’affaire Dreyfus.

Il y a d’abord l’armée française vaincue à Sedan en 1871 qui vit très mal cette défaite et qui, plutôt que de se remettre en cause préfère l’expliquer par la trahison. On cherche, et on trouve des espions partout. Avoir un juif à l’état major des armées voilà bien un coupable facile à accuser, parce qu’il est vrai que des documents sont arrivés à l’ambassade d’Allemagne. En particulier le fameux bordereau dont l’écriture ressemble à celle de Dreyfus. C’est une preuve bien mince surtout quand on ne cherche pas d’autres écritures qui pourraient ressembler à celle-ci. En particulier l’écriture d’Esterhazy qui est un personnage très louche et toujours à court d’argent. Peu importe, fin 1894, Dreyfus est condamné , dégradé en public et envoyé au bagne pour sept ans.

Commence alors une campagne, très discrète au départ, et qui prend peu à peu de l’ampleur pour sa réhabilitation. L’affaire commence vraiment, la passion antisémite soutenue par une église catholique absolument fanatisée accompagne chaque révélation de ce qui pourrait innocenter Dreyfus. C’est absolument incroyable de relire la presse catholique de l’époque, et peu à peu s’impose ce paradoxe incroyable : il y a bien un traitre, plutôt que de trouver qui était ce traitre c’est beaucoup mieux d’accuser un juif que de salir l’honneur de l’armée française.

Et pendant que les passions se déchaînent, Alfred Dreyfus est le seul à croire vraiment à l’honneur de l’armée, il ne veut pas lutter contre l’antisémitisme, il n’est pas du tout le porte parole d’une cause, il veut laver son honneur et que les siens soient de nouveau fiers de lui. Il décevra ses partisans quand il acceptera la grâce présidentielle, après le procès de Rennes en 1899. Il faudra attendre 1906 pour qu’enfin son honneur lui soit complètement rendu, et 1995 pour que l’armée reconnaisse son rôle dans la condamnation d’un innocent. Il doit beaucoup à un autre acteur de cette affaire : le colonel Picquart, qui, bien que n’appréciant pas Dreyfus, veut que la vérité soit établie. Il ira en prison pour cela, mais quand les deux seront réhabilités ses années de détention lui seront comptées pour son ancienneté contrairement à Dreyfus : une dernière injustice. En 2015, j’avais dévoré le livre de Robert Harris « D » qui fait sans doute un trop beau rôle au colonel Picquart

Il ne faut pas oublier (le moment le plus célèbre de cette affaire) Émile Zola et son célèbre « J’accuse » publié dans l’Aurore, le 13 janvier 1998. Mais c’est aussi ce qui cache une partie de la vérité, comme on le sait grâce, entre autre, au travail de Jean-Denis Bredin, Dreyfus ne voulait pas être un militant de la cause juive, il était et est resté un officier de l’armée française en qui il croyait plus que tout. Les valeurs de la France n’auront pas fini de trahir cette famille puisque sa petite fille, Madeleine Levy résistante, mourra à Auschwitz en janvier 1944.

Un livre passionnant qui éclaire cette époque d’un regard nouveau : la violence de l’antisémitisme catholique explique sans doute la violence faite aux juifs par le nazisme et la passivité des réactions de l’église. Il n’y a eu à ma connaissance que l’évêque de Toulouse, Jules Saliège à avoir interrogé officiellement la conscience de ses fidèles en imposant dans tous ses diocèses la lecture de cette lettre dont voici un passage :

Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier..

C’est une autre époque, mais que, le déferlement de la haine antisémite lors de l’affaire Dreyfus, avait bien préparé.

 

 

Citations

Les forces antidreyfusardes

À l’inverse, les antidreyfusards se sont eux aussi regroupés. L’armée antidreyfusarde compte les monarchistes, les antisémites, la grande majorité des militaires, la plupart des prêtres, la quasi-totalité des congrégations, la masse des catholiques pratiquants, et de manière générale tous ceux qui veulent défendre la France traditionnelle, sa morale, ses vertus, ses institutions, son économie même, contre le pourrissement de la République, de la laïcité, du capitalisme, tout ce que les Juifs leur semblent apporter avec eux. Le nationalisme et l’antisémitisme sont le fonds commun du bloc antidreyfusard. Et il n’est pas contestable que l’Église en est la force principale. 

Juif donc coupable

Dreyfus est deux fois coupable, parce qu’il est juif, et parce que l’honneur de l’Armée le veut. Le débat sur l’innocence de Dreyfus est finalement secondaire. « Son pire crime, dira Barrès, exprimant la conviction
antidreyfusarde, est d’avoir servi pendant cinq ans à ébranler l’Armée et la Nation .

Toujours l’antisémitisme

Mais beaucoup ont sans doute souscrit anonymement. Un prêtre infirme qui envoie huit centimes voudrait manier l’épée aussi bien que le goupillon. Un autre prie « pour avoir une descente de lit en peaux de youpin » afin de la piétiner matin et soir. Un troisième signe : « Un prêtre pauvre écœuré qu’aucun évêque de France n’apporte sa souscription ». Un petit curé poitevin, qui envoie 1 franc, chanterait avec plaisir le requiem du dernier des youpins.

Le rôle de la presse

Sans L’Aurore et Zola, Dreyfus serait peut-être resté au bagne. Mais, sans Drumont et La Libre Parole, y serait- il allé ? La presse naissante révèle déjà qu’elle est, qu’elle sera, dans l’histoire de la démocratie, le meilleur et le pire : rempart contre l’arbitraire, arme de la Vérité, mais aussi véhicule de la calomnie, pédagogie de l’abêtissement, école du fanatisme, en bref, instrument docile à ceux qui la font et à ceux qui la reçoivent.

 

L’importance de la trahison

Et l’opinion générale est que la France a perdu la guerre non parce qu’elle a été la victime d’un rapport de forces, mais parce qu’elle a été trahie. Partout les patriotes suspectent des espions. Républicains et monarchistes
rivalisent dans leur zèle à traquer les traîtres. La trahison est bien le crime total, que nul n’excuse, que rien n’expie. Quand Dreyfus est condamné, Jaurès s’indigne à la tribune de l’Assemblée qu’il ne soit pas fusillé. Clemenceau déplore le sort trop doux que la faiblesse du pouvoir lui réserve. Dreyfus, qui participe à la foi commune, ne cessera d’écrire, de l’île du Diable, que son traitement serait bien trop clément s’il était un traître. En cette année 1894 l’espion est bien la bête à abattre.

 

Culpabilité de Dreyfus

Je suis convaincu de l’innocence de Dreyfus, dit un officier français à Émile Duclaux, mais si on me le donne à juger, je le condamnerai de nouveau pour l’honneur de l’Armée. » Pour l’honneur de l’Armée. Parce que la Patrie l’exige. Parce que ceux qui sont groupés aux côtés de Dreyfus sont les ennemis de l’Armée, qu’ils affaiblissent la France. Dreyfus fut successivement coupable de trois manières. Il fut d’abord coupable parce que désigné pour cet emploi. Coupable, il le fut ensuite parce qu’il l’avait été. L’intérêt de la France, l’honneur de l’Armée commandaient qu’il restât condamné. Puis il fut coupable d’« avoir servi pendant cinq ans à ébranler
l’Armée et la Nation totale[1802] », d’avoir été le symbole et l’instrument des forces du mal.

 

Le dreyfusisme

Mais la ligne qui sépare le dreyfusard de l’antidreyfusard passe le plus souvent en chacun. La part qui sacrifie l’innocence au préjugé, qui condamne sans preuve, qui hait la différence, qui fabrique l’accusation, qui habille l’intérêt personnel d’intérêts supérieurs, qui n’aime de la liberté que la sienne, elle est en chacun de nous ou presque. Il y avait de l’antidreyfusard chez Picquart, mais sa vertu était plus forte que ses préjugés.

 

La grandeur de Dreyfus

Nulle haine, nul signe de la moindre amertume chez Alfred Dreyfus. Il semble n’en vouloir à quiconque. Son martyre fut encore pour lui l’expression tragique d’un devoir. Les épreuves physiques et morales qu’il a endurées, l’humiliation de la parade, les cris de haine, les crachats, les années de bagne, la double palissade, les fers aux pieds, son destin détruit, sa santé ruinée, tout cela il le voit comme « une étape grandiose vers une ère de progrès ». Il ne met pas en doute que la liberté universelle soit au bout du chemin. Simplement ce Français, qui a tant souffert de la France, regarde maintenant au-delà des frontières. Il voudrait que son « Affaire » ait servi l’humanité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Édition

Édition de minuit

 

Quel talent cet écrivain et quel pensum de lire un tel roman avec si peu de moyens de supporter la violence. Vers les trois quart du roman je me suis rendu compte que j’en voulais à l’écrivain de décrire avec autant de minutie des faits qui me dégoûtent au plus haut point. Je pense que dans le genre glauque et violent, je préfère les récits rapides qui me permettent de ne pas passer quinze jours avec la peur d’ouvrir encore le roman et savoir que l’on s’enfoncera encore un peu plus dans l’ignominie.

Je ne peux pas avoir un avis objectif sur ce livre, je suis certaine que Laurent Mauvignier écrit de façon remarquable mais pourquoi a-t-il pris ce plaisir à détruire tous les personnages dont il avait patiemment construit la vie pendant la moitié du roman. Il prendra encore autant de temps pour les détruire à petit feu pendant l’autre moitié. Le roman se centre sur une nuit qui au lieu d’être l’anniversaire d’une jeune femme, Marion , maman d’Ida, épouse d’un paysan Patrice et voisine de Christine artiste peintre, sera une nuit de massacre organisé par ceux qui avaient tellement abîmé sa vie d’adolescente : trois frères violents et prêts à tout pour détruire le début d’un bonheur si fragile.

Six cent trente quatre pages pour essayer de comprendre pourquoi quand la vie a mal commencé il est vraiment impossible d’avoir droit au bonheur et pourtant ça a failli réussir. Mais la fatalité , le destin, la malchance, la poisse ce sont vraiment des tentacules d’une pieuvre dont on ne peut se débarrasser qu’en visant la tête, encore faut-il pouvoir l’atteindre !

Un roman qui tient pour son écriture si particulière qui m’a enchantée pendant les trois cents premières pages, et qui n’a pas suffit à me faire supporter la description du drame final.

Citations

Village déserté

Voilà aucun ne resterait, il n’y avait de toute façon rien à foutre à la Bassée, c’est vrai, mais entre d’avoir rien à y foutre et n’en avoir rien à foutre il y avait une nuance que personne ne semblait voir, car personne ne voulait la voir. 

Les lettres anonymes

(Et longueur des phrases j’ai coupé au 2/3 .)

Les lettres anonymes, ils ont beau ironiser, oui, ou jouer la connivence en se disant que c’est malheureusement peut-être une spécialité française, il faudrait voir, toutes les histoires pendant la seconde guerre mondiale, une spécialité campagnarde au même titre que les rillettes et le foie gras dans certaines régions, une détestable tradition, assez pitoyable et heureusement souvent sans conséquence, mais qu’on ne peut pour autant pas prendre à la légère, explique le gendarme comme il l’avait expliqué la dernière fois, avec fatalisme et un peu de lassitude ou de consternation, car, répétait-il, derrière les lettres anonymes il y a presque toujours des aigris et des jaloux, des envieux, qui n’ont rien d’autre à faire que de ressasser leur bile et croit s’en décharger en insultant un ennemi plus ou moins fictif, en l’invectivant, en le menaçant, en crachant sur lui une haine recuite par l’intermédiaire d’une feuille de papier ;

Façon de distiller le suspens procédé un peu répétitif .

Pour l’instant, elle ignore les bruits, n’en n’est pas encore à les surprendre un peu partout autour d’elle, comme elle va le faire dans quelques minutes.
Pour l’instant, elle ne prête aucune attention à ces froissements, ces souffles ou ces pas qu’elle commencera à percevoir seulement quand elle aura fini d’installer sur sa table de cuisine les ingrédients et les ustensiles dont elle va avoir besoin.
Pour l’instant, donc, elle ne fait pas attention aux bruits de l’extérieur, ni au fait que son chien n’est toujours pas revenu auprès d’elle. 

Usine fermée.

Car oui, il arrive qu’on soit soulagé de la fermeture d’une usine, comme celle-ci où on a fabriqué pendant plus de quarante ans des plaques ondulées en fibro-ciment pour les bâtiments agricoles et des raccords de tuyauterie, mais surtout des cancers et, pour ceux qui n’en sont pas morts, des dépressions liées à la peur de l’amiante, de vivre avec cette saloperie en soi.