Éditions Les Presses de la Cité (Terres sombres) , 199 pages, janvier 2022

 

Un roman policier sur Luocine avec trois coquillages, et pourtant ! Je vais d’abord expliquer ce qui m’a plu, cette écrivaine connaît très bien Saint Malo et ma ville en face, Dinard. Elle décrit bien cet endroit, elle a choisi de situer son roman en hiver et a donc évité de traiter du tourisme, voire le sur-tourisme en ce qui concerne Saint-Malo. Les impressions d’hiver sont bien rendues dans cet endroit qui parfois est sublime.

Le Môle des Noires, prolongement de la ville fortifiée de Saint-Malo

 

Marie Rivalain est attachée de presse et doit aider l’écrivain fétiche de la maison d’édition Brodin, Pierre Le Guellec, à se préparer pour rejoindre Stockholm, où il va recevoir le prix Nobel de littérature. Pierre Le Guellec est un écrivain attaché à Saint-Malo car il est descendant des Terre-Neuvas et a su faire aimer la vie de ces marins à la France entière. Il n’arrivera jamais à Stockholm, le lecteur sait assez vite pourquoi, mais il restera à trouver tout ce que cette disparition cache.

C’est un roman d’ambiance, qui permet de découvrir une région à laquelle je suis attachée personnellement ( mon père était malouin, et ma mère de Dinard , où je vis aujourd’hui) . Ce qu’elle dit sur la différence entre les deux villes est très juste : Saint Malo, une ville de granit austère pleine de secrets et Dinard la ville balnéaire aux villas riantes et souvent tarabiscotés parfaite pour les vacances en famille.

La pointe de la Malouine et ses villas

 

Le roman se situe dans le monde de l’édition et le travail d’un écrivain : c’est un intérêt de plus. Enfin, l’écrivaine est professeur de français et ses références littéraires sont un réel plaisir.

Avec tout cela, pourquoi pas plus de coquillages ? Parce que franchement l’histoire ne tient pas la route. Qui pourrait accepter la disparition d’un homme aussi célèbre sans que la police s’en mêle et découvre ce que l’auteure veut nous présenter comme possible à dissimuler alors que personne ne peut y croire ? Les trois coquillages sont donc pour l’écriture, l’ambiance, le monde de l’édition, la création littéraire et surtout la description de Saint-Malo et de sa région.

Extraits.

Début (je connais bien ce train).

 Il pleuvait. Elle regardait les gouttes d’eau s’écraser sur la vitre, puis s’étirer et suivre sur le carreau des chemins incertains – ralentissements suivis de brusques accélérations-, loupes ductiles les fugitives où s’enflaient la campagne, les vaches, l’ardoise des toits. Combourg, trois minutes d’arrêt puis Dol de Bretagne, La Fresnais, La Gouesnière- Cancale. Elle interrogeait son reflet dans la vitre : est-ce qu’elle aurait dû envoyer un message à son père  ? Il vivait à Saint-Coulomb à même distance de Cancale et de Saint-Malo, trop loin des ours à huitres pour attirer les amateurs et des remparts pour attirer les touristes, une bourgade de choux-fleurs et de malouinières secrètes où passaient parfois des retraités avec des bâtons de marche et des sacs à dos bicolores.

Opposition Dinard Saint Malo.

 Elle sourit. Ils étaient arrivés à l’extrémité du môle. De l’autre côté du barrage, Dinard exhibait ses palmiers, ses villas à encorbellements, la séduction de sa ligne Belle Époque. Il lui sembla que tout ce qui lui lestait le cœur aurait fondu sur ces plages-là, si elle avait pu passer le barrage de la Rance et rejoindre la rive riante de la station balnéaire. Atteindre l’insouciance interdite. Mais elle se sentait empêchée, prisonnière de la ville corsaire, de son géant rugueux, de l’âpreté de son histoire. 

On sent que l’auteure connaît bien cette ville.

 Arrivée au phare rouge, elle fit volte-face. La ville se dressait au bout de la jetée, comme à l’extrémité d’une laisse de pierres qui la tirait vers le large. Jamais la citadelle ne lui avait semblé aussi mystérieuse, des secrets qui fermentaient derrière ses remparts. Elle devinait qu’il y avait là, au-delà de l’affaire Le Guellec, des énigmes jamais résolues, des frégates jamais rentrées, des capitaines disparus, des fortunes cachées où évanouies. Ce n’était pas seulement la mérule qui mangeait les charpentes des hôtels d’amateurs, c’était cette culture du secret qui liait les pêcheurs et les explorateurs, les fils de négrier et les vieux marins, les capitaines et les mousses. Elle les devinait tous solidaires, unis par ce que leurs ascendants avaient vécu à bord, sur les mers du globe, des siècles de courses, d’attaques, de naufrages, qu’on taisait une fois rentrés dans la cité corsaire, selon la formule séculaire que rappelait Pierre Le Guellec quand on l’interrogeait sur la vie des terre-neuves :  » Ce qui se passe à bord reste à bord » .

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Édition Gallimard NRF

Quand j’ai lu ce livre, je me suis demandé ce qui se serait passé si ce manuscrit avait été proposé par un illustre inconnu à la célèbre maison NRF Gallimard. Je ne peux pas préjuger de leur réponse mais je gage quand même que le nom Pascal Quignard a beaucoup contribué à l’édition de ce roman. J’ai regardé les commentaires sur Babelio et là mon étonnement a été encore plus fort, car même si certains lecteurs avaient des réserves sur le récit tous reconnaissaient une description attachante de la Bretagne. Alors que pour moi c’est, sans doute, le point le plus faible de ce roman : j’habite à Saint-Énogat dont il est beaucoup question dans ce livre et y trouver un quelconque charme de landes sauvages, il faut être dans le romanesque le plus pur. Dinard et toute la côte jusqu’à saint Cast Guildo sont urbanisés depuis le 19° siècle et ne retrouve un aspect sauvage que vers le cap-Fréhel. Quant à Dinard son charme vient des villas construites par de riches anglais avant la guerre 14/18. Ce n’est pas grave : évidemment le romancier a le droit d’inventer une lande, des fermes là où il n’y a et depuis si longtemps que du secondaire, mais c’est bizarre de lire des critiques où des lecteurs y ont retrouvé l’âme bretonne. Dinard est en plein pays gallo et on y a peu, sinon jamais, parlé breton. Bref, je n’aurais jamais choisi ce cadre pour imaginer cette histoire d’amour si forte que chacun va en mourir. Autre point qui m’a déplu : à aucun moment je n’ai pu croire à ces personnages , pas plus qu’aux différentes péripéties du roman. Je déteste quand tout s’arrange grâce à un héritage miraculeux, ici une adoption qui rend le personnage à l’abri des contingences matérielles. Ce sont justement ces contingences qui m’intéressent. Bref je ne peux que vous recommander de fuir ce roman et surtout de la pas venir à Saint-Énogat sur la foi de ce livre, il n’y a pas de landes, il n’y a rien de sauvage sauf la mer par grand vent ; Mais c’est quand même très joli comme le montre cette photo prise en plein hiver (Cherchez la lande !)

Je dois à la vérité de dire qu’un lecteur du club (et oui il y a un homme parmi nous !) et plusieurs lectrices ont fait de ce livre un chef d’oeuvre et, j’ai même entendu que cet auteur était certainement le plus grand écrivain de sa génération ! Je suis visiblement passée à côté de ce chef d’oeuvre.

Citations

Pour vous donner une idée du style

Fabienne marche dans les mottes de terre, à l’intérieur du champ. Claire marche le long des buissons épineux. Noëlle préfère la chaussée goudronnée de la route, les pieds au sec, elle porte le sac en papier rempli des sandwichs acheter à la boulangerie de la place Jules Verne. 

Évelyne, au-dessus d’elle, sautant de roche en roche, porte dans son sac à dos des boissons.
 On voit les petits goulots des bouteilles surgir au-dessus des épaules d’Evelyne. 
Toutes les quatre traversent la lande située au-dessus de Saint-Énogat. C’est une promenade interminable. 
Il n’y a personne. 
En semaine les sentiers sont vides.

Remarque qui m’a semblé juste

Dans les églises, à chaque Office, avant de commencer, je lève les yeux, je contemple des gens que je ne vois jamais faire leurs courses ni au marché ni sur le port.

C’est toujours un mystère.
 Des gens, qu’on ne voit nulle part, s’assemble dans les églises.

Édition Cohen&Cohen

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

Voici un roman policier bien classique qui n’apporte vraiment rien de nouveau au genre, si ce n’est pour moi, qu’il se passe à Dinard pendant le festival du film britannique. C’était amusant de mettre des images sur tous les lieux où se passent ces meurtres. Amusant aussi, de revivre en forme de clin d’œil, les films d’Alfred Hitchcock. Mais sinon, les amateurs du genre risquent d’être déçus par ce roman qui ne brille pas par son originalité.

 

J’ai bien aimé l’humour de l’épilogue

Dinard a repris son visage habituel.

Mais sur son socle Alfred Hitchcock, complice malgré lui de cette sanglante histoire, semble avoir une moue encore plus boudeuse que de coutume, comme s’il n’approuvait pas le scénario qu’on a eu l’impudence d’écrire sans sa permission