Elle ferma les paupières, comme si elle voulait tendre un voile entre elle et l’horreur. quand elle rouvrit les yeux, deux condamnés étaient déjà la proie des flammes. Le premier agonisait sans un cri. Le second hurlait, suppliait et se débattait, tant et si bien que ses liens, déjà consumés, se détachèrent. Il jeta du haut du quemadero, torche vivante. Les bourreaux se précipitèrent sur lui. On réussit à lui entraver les pieds, on le replongea dans le feu. Il y demeura l’espace d’un credo et se précipita à nouveau hors du bûcher. Cette fois, un des soldats l’assomma du canon de son arme avant de le rejeter définitivement dans le brasier.
Une odeur âcre avait submergé l’air du couchant. Une odeur de suint, de sueur, fondue dans la pestilence des chairs brûlée.
28 avril 1487 à Tolède. En pleine inquisition espagnole, la Dona Vivero assiste à un autodafé. Parmi les condamnés, le calme apparent d’un homme retient toute son attention. Cet homme, c’est Aben Baruel. Possesseur du Livre de Saphir, écrit de la main de Dieu, il l’a caché avant de mourir. Par l’intermédiaire de courriers post-mortem, il charge trois hommes de le retrouver : Samuel Ezra, le rabbin ; Cheikh Ibn Sarrag, le musulman et Raphaël Vargas, descendant des templiers et moine franciscain. Ces trois hommes, de confessions apparemment opposées, vont devoir taire leurs discordances pour résoudre les énigmes qui jalonnent leur chemin. Car Aben Baruel a distribué à chacun d’eux une partie des indices. Seule leur union leur permettra de venir à bout de cette quête. Au cours de leur investigation, il vont croiser le chemin de la Dona Vivero. Elle assure détenir la clé finale de leur parcours.
C’est un roman qui se lit très facilement. On se laisse rapidement entraîner par l’intrigue et les descriptions de l’Espagne du 15ème siècle sont saisissantes. Pourtant, je n’ai pas pu m’empêcher de noter quelques invraisemblances et anachronismes flagrants. Pour n’en citer qu’un parmi d’autres, Gilbert Sinoué écrit à la page 286 : « C’est tout de même meilleur que vos oeufs frits au lard, vos sempiternels duelos y quebrantos, vos sardines et vos pommes de terre ».
Sachant que nous sommes en 1487, que Christophe Colomb (qui intervient d’ailleurs dans ce récit) n’a pas encore découvert les Amériques, et que les pommes de terre ne seront introduites en Espagne qu’au 16ème siècle (1534 pour être précise), j’ai trouvé ce passage pour le moins risible… Et ce n’est pas la seule erreur indéniable de ce roman dit « historique ». Mettons donc de côté l’aspect « historique », pour conservé la part « mystique ».
J’avoue que j’ai trouvé la conclusion assez drôle. Moi, l’athée convaincue, j’ai toujours été persuadée que Dieu était une idée dangereuse. L’interprétation que j’ai faite de la fin de cette épopée n’a fait que me conforter dans ce sens. Mais je ne peux pas plus vous expliquer ici, au risque de déflorer le ressort de l’intrigue. Un bon roman pour l’été, si on n’est pas trop difficile sur l’exactitude historique.