41XUjOrrnzL._SX345_BO1,204,203,200_

Traduit de l’anglais (Canada) par Michel Lederer.

4
Sans être la suite de Le chemin des âmes, Les saisons de la solitude explore, de nouveau, le monde des indiens Cree. Will, un des héros, est le fils de Xavier Bird (le personnage central du premier livre). Et Marius, le dealer… à vous de le découvrir. Ce livre est moins prenant que le premier, mais c’est un excellent roman. Deux mondes s’y affrontent :

  • Celui des Indiens traditionnels. Un monde finissant, qui doit sa survie à une lutte sans pitié contre une nature hostile. Ce roman doit ses plus belles pagesau grand froid qui règne sur les bois et les fleuves du Canada. Lorsque les indiens quittent la nature pour le confort des blancs, ils deviennent obèses, ils sont ravagés par l’alcool, la drogue et les haines entre familles qui ne se règlent que par la violence.
  • Celui de la mode et des Top-modèles que les deux nièces de Will ont le malheur de connaître. Le point commun : la drogue et l’alcool.

C’est un roman désespéré, on est encore une fois envouté par l’écriture de Joseph Boyden .

Citations

Le monde de la mode

Au début, c’est comme la dernière fois, puis ça devient plus fort. Une demi-heure plus tard, j’ai l’impression d’avoir du mal à respirer, comme s’il n’y avait pas assez d’air dans tout l’espace du loft. Les filles se lèvent et quittent la pièce. Je reste seule dans mon fauteuil dont j’agrippe les accoudoirs. Je ne veux pas être seule ici. Je veux flotter avec elle. Je veux parler. Je regarde dehors, et je crois être capable de compter les lumières qui s’allument à travers la ville.

 Je circule parmi les invités, buvant une gorgée par-ci, par-là, et tenant l’autre flûte comme si elle était destinée à quelqu’un de sorte que je n’ai pas à m’arrêter pour parler aux gens. Il y en a partout, qui boivent et qui rient, qui m’observent au passage et qui certains, avancent la main pour me toucher.

 Souriante, je déambule au milieu d’une forêt de visages, et les corps deviennent un tunnel dans lequel je m’enfonce. Les odeurs de ces corps se mélangent, et leurs dents étincellent.

 Le monde des Indiens

La vie dans la forêt est simple. Répétitive. Mon père savait qu’il n’y a que trois choses indispensables dans les bois. Du feu, un abri, de la nourriture. On consacre chaque instant à y penser.

 La kookum (la femme) se tenait à côté de son râtelier à poisson, le regard fixé vers le large. En ce bel après-midi, le changement de direction du vent annonçait du mauvais temps. Elle savait que j’étais là, et elle me montrait par son attitude détendue… Sans prononcer un mot, je me suis avancé et j’ai déposé le sac à côté de leur râtelier à fumage, puis je me suis assis dans le sable, comme eux le regard rivé sur le large, frottant ma mauvaise jambe et humant le changement de vent… Je voulais qu’il prenne la parole en premier mais ils se taisaient…
J’étais plus jeune qu’eux. C’est moi qui ai fini par briser le silence. «  Sale temps » …… et voilà nous étions amis. Le vent d’ouest a forci, froid et dangereux.

2
L’auteur nous fait découvrir la famille de Rothschild à travers le portrait de la baronne Betty peint par Ingres en 1848. C’est l’occasion pour l’auteur-historien de faire revivre une époque et aussi de témoigner de l’antisémitisme français. Il s’amuse aussi à faire des bons mots et à répéter ceux qui ont fait sourire le tout-Paris de cette époque. Je n’ai pas trop aimé le livre mais il faut avouer que je n’ai que peu d’intérêt pour la famille de Rothschild.

Citations

On croit toujours qu’on dispose de beaucoup de temps devant soi quand on se souvient qu’on en a beaucoup derrière

Funèbre, la pompe n’en est pas moins mondaine

Elle paraît en forme, preuve que la méchanceté conserve. On hésiterait à lui arracher son masque de crainte qu’il ne cache rien.

Au fond, si nous avions dû bannir les antisémites de nos maisons, dîners et bals auraient eu lieu en petit comité.

… ne pas oublier que les gens ne vous pardonneront jamais le bien que vous leur avez fait. C’est là une constante de la loi d’ingratitude… Un bienfait ne reste jamais impuni

… elle lui lança « Monsieur vous êtes ivre » qui se voulait cinglant, à quoi il répliqua aussitôt d’un ton placide : « et vous madame, vous êtes laide, mais moi au moins demain je serai sobre »

Mais en vérité les Anglais ne sont pas froids ils sont lents. Il leur faut plus de temps qu’aux autres pour ressentir la même chose qu’eux. L’Anglais est ému à retardement.

4
J’ai beaucoup apprécié ce livre en particulier, toutes les remarques sur le vocabulaire et les contresens que nous faisons parfois en donnant au mot le sens d’aujourd’hui. Molière,  » valet du roi » est très éclairant à ce propos. Chaque rituel permet de comprendre la fonction royale mais permet aussi de réfléchir à propos de notre société

Citation

Je me sentis comme élever l’esprit et le courage, je me trouvai tout autre, je découvris en moi ce que je ne connaissais pas, et me reprochai avec joie de l’avoir trop longtemps ignoré. Cette première timidité qu’un peu de jugement donne toujours, et qui d’abord me faisait peine, surtout quand il fallait parler quelque temps en public, se dissipa en moins de rien. Il me sembla seulement alors que j’étais roi et né pour l’être.

Traduit de l’anglais par Fanny Ladd et Patricia Duez (je remarque que les traducteurs se mettent souvent à deux pour un même livre, intéressant ! )

5
Un livre que j’offrirai autour de moi, il avait été sélectionné par notre club de lecture mais je n’avais pas eu le temps de le lire. Récit détaillé du retour à la vie d’une condamnée à mort : on suit minute par minute le retour à la vie d’une servante chez des Lords, qui réchappe à la pendaison (fait réel !) Elle avait été condamnée pour un infanticide qu’elle n’a pas commis. Elle avait été, pour son malheur, séduite par le fils de la maison.

L’auteur fait revivre avec un grand talent l’Angleterre des années puritaines de Cromwell, c’est passionnant un peu éprouvant à lire car c’est tellement dur autant d’injustices et le talent de l’écrivain crée un suspens proche de l’insupportable, c’est vraiment très bien écrit.

3
On se laisse prendre à ce roman historique,c’est un bon roman, sans plus. Je l’ai lu cependant jusqu’au bout, sans trop d’ennui. Cette période de l’inquisition en Espagne du 15e et 16e siècle est vraiment une horreur à vous dégoûter de la religion catholique.

Citation

Elle ferma les paupières, comme si elle voulait tendre un voile entre elle et l’horreur. quand elle rouvrit les yeux, deux condamnés étaient déjà la proie des flammes. Le premier agonisait sans un cri. Le second hurlait, suppliait et se débattait, tant et si bien que ses liens, déjà consumés, se détachèrent. Il jeta du haut du quemadero, torche vivante. Les bourreaux se précipitèrent sur lui. On réussit à lui entraver les pieds, on le replongea dans le feu. Il y demeura l’espace d’un credo et se précipita à nouveau hors du bûcher. Cette fois, un des soldats l’assomma du canon de son arme avant de le rejeter définitivement dans le brasier.
Une odeur âcre avait submergé l’air du couchant. Une odeur de suint, de sueur, fondue dans la pestilence des chairs brûlée.

Je suis assez d’accord avec cet avis trouvé sur le net

28 avril 1487 à Tolède. En pleine inquisition espagnole, la Dona Vivero assiste à un autodafé. Parmi les condamnés, le calme apparent d’un homme retient toute son attention. Cet homme, c’est Aben Baruel. Possesseur du Livre de Saphir, écrit de la main de Dieu, il l’a caché avant de mourir. Par l’intermédiaire de courriers post-mortem, il charge trois hommes de le retrouver : Samuel Ezra, le rabbin ; Cheikh Ibn Sarrag, le musulman et Raphaël Vargas, descendant des templiers et moine franciscain. Ces trois hommes, de confessions apparemment opposées, vont devoir taire leurs discordances pour résoudre les énigmes qui jalonnent leur chemin. Car Aben Baruel a distribué à chacun d’eux une partie des indices. Seule leur union leur permettra de venir à bout de cette quête. Au cours de leur investigation, il vont croiser le chemin de la Dona Vivero. Elle assure détenir la clé finale de leur parcours.

C’est un roman qui se lit très facilement. On se laisse rapidement entraîner par l’intrigue et les descriptions de l’Espagne du 15ème siècle sont saisissantes. Pourtant, je n’ai pas pu m’empêcher de noter quelques invraisemblances et anachronismes flagrants. Pour n’en citer qu’un parmi d’autres, Gilbert Sinoué écrit à la page 286 : « C’est tout de même meilleur que vos oeufs frits au lard, vos sempiternels duelos y quebrantos, vos sardines et vos pommes de terre ».
Sachant que nous sommes en 1487, que Christophe Colomb (qui intervient d’ailleurs dans ce récit) n’a pas encore découvert les Amériques, et que les pommes de terre ne seront introduites en Espagne qu’au 16ème siècle (1534 pour être précise), j’ai trouvé ce passage pour le moins risible… Et ce n’est pas la seule erreur indéniable de ce roman dit « historique ». Mettons donc de côté l’aspect « historique », pour conservé la part « mystique ».

J’avoue que j’ai trouvé la conclusion assez drôle. Moi, l’athée convaincue, j’ai toujours été persuadée que Dieu était une idée dangereuse. L’interprétation que j’ai faite de la fin de cette épopée n’a fait que me conforter dans ce sens. Mais je ne peux pas plus vous expliquer ici, au risque de déflorer le ressort de l’intrigue. Un bon roman pour l’été, si on n’est pas trop difficile sur l’exactitude historique.