20160914_104257-1Traduction de l’anglais par Pierre CLINQUART entièrement revue et corrigée

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Je suppose que cette remarque « entièrement revue et corrigée » veut dire qu’il existe une première traduction un peu moins fidèle au texte ? Je suis restée quelques jours en compagnie d’un groupe de lapins dirigés par Hazel, un chef par qui beaucoup de groupes humains aimeraient être eux-mêmes guidés : il est intelligent, éprouve de la compassion et est ouvert à tous les conseils qui peuvent aider sa petite meute de lapin à survivre dans un milieu qui ne veut que leur destruction. Merci Keisha, ton enthousiasme est communicatif et je comprends d’autant mieux ton plaisir qu’enfant, tu avais déjà lu ce roman. Parce qu’il fait partie des rares livres qui peuvent être lus à tout âge. Les enfants adoreront ces histoires de lapins confrontés à des aventures absolument extraordinaires racontées de façon palpitantes. Ils auront peur pour Hazel et son jeune frère qui sait prédire l’avenir, Fyveer. Ils seront séduits par le courage de leurs amis Bigwig et le talent de conteur de Dandelion. Les adultes aimeront cet hymne à la nature , même si comme moi il leur faudra souvent rechercher des jolis noms aussi étranges que : les « mercuriales vénéneuses »

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ou » la jacobée »

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mais le nom que je préfère est : « eupatoire pourpre »

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en plus de son amour de la nature que le lecteur est prêt à partager avec le militant Richard Adams, on est absolument saisi par la prouesse d’écriture qui fait qu’à travers les différentes garennes et organisations des lapins, on retrouve toutes les conduites humaines. Il n’y a pas de message à proprement parler, mais quelque que soit la façon dont ils s’organisent, il s’agit toujours de résoudre le terrible sort des lapins de garenne :

La terre tout entière sera ton ennemie. Chaque fois qu’ils t’attraperont, ils te tueront. Mais d’abord ils devront t’attraper…

Les solutions varient pour échapper à la mort :

  • accepter que des hommes vous protègent en acceptant qu’ils prélèvent au hasard de leurs envie leur pourcentage de lapins afin de les manger.
  • organiser un système très bien caché de tous les prédateurs sous la houlette d’un tyran impitoyable.
  • Devenir lapin domestique dans un clapier
  • et enfin comme dans la garenne d’Hazel trouver un lieu suffisamment reculé et à l’abri du regard des hommes pour mener une vie de lapin sauvage qui doit se protéger de tous les « vilous ».

J’oubliais de dire que peu à peu nous apprenons le langage des lapins, nous « farfalons » nous suivons les exploits des Hourdas, nous craignons que les « shaar-tchoun » les plus faibles des lapins soient abandonnés par les autres. Comme toute société , les lapins ont leur mythe fondateurs et Dandelion raconte ces histoires soit pour donner du courage soit pour distraire la compagnie. On y retrouve Shraavilsa intelligent et rusé et son fidèle lieutenant Primsault, tous les deux se sortent toujours d’affaire mais ils mettent aussi leur vie en grand danger. Ce n’est pas très juste de ne mettre que 4 coquillages à un tel livre, car c’est une oeuvre originale, je n’ai rien lu de tel depuis longtemps, c’est évident que si j’avais gardé totalement mon âme d’enfants je lui mettais 5 coquillages sans hésiter.

Citations

un moment de bonheur

Voir s’achever le temps de l’angoisse et de la crainte ! Voir se lever puis se dissoudre les nuées lugubres suspendues au-dessus de nous – ces sombres nuages qui attristent le cœur et réduisent le bonheur en vague souvenir ! rares sont les êtres qui n’ont jamais éprouvé cette joie-là.
L’enfant qui attend sa punition et que voilà, à sa grande surprise, pardonné, et le monde retrouve aussitôt ses couleurs, ses exquises promesses.

Changer ses habitudes pour mieux s’adapter

Tu dis que les mâles ne creusent pas. C’est vrai. Mais ils le pourraient s’ils le voulaient. ça ne te plairait pas de dormir au fond de terriers bien douillets ? D’être sous terre par mauvais temps ou lorsque la nuit tombe ? Nous serions en sécurité. Et rien ne nous en empêche, à part le fait que les mâles ne sont pas censés creuser. Pas parce qu’ils n’en sont pas capables, mais parce qu’il en a toujours été ainsi.

Les lapins et la peur

Les lapins étaient mal à l’aise, désorientés. Ils s’aplatirent, respirant les parfums émanant de l’eau dans l’air frais du crépuscule. Puis ils se regroupèrent, chacun espérant ne pas déceler chez son voisin l’angoisse qu’il éprouvait lui même.

20160417_121555(1)Je dois cette lecture à Gambadou « le blog des fanas de livres« .

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Je lui mets ces cinq coquillages sans aucune hésitation, cela fait longtemps qu’un roman pour la jeunesse ne m’a pas autant tenu en haleine. La première partie est absolument remarquable. Un ado, « Mo », diminutif de Morgan, passe sa vie à jouer aux jeux d’ordinateur. Dans la vie virtuelle, il est très fort et ne s’intéresse vraiment qu’à ça. Et puis, cet ado mal parti pour être heureux va vivre une expérience absolument extraordinaire, et peu à peu, il se transformera et se prendra d’amour pour la nature. Une créature qui aurait pu avoir sa place dans un jeu de rôle lui apprendra à survivre dans des conditions extrêmes.

J’ai bien conscience du flou de mes propos mais ce serait vraiment dommage de dévoiler ce qui fait un des charmes de ce récit : la nature même des personnages principaux. C’est très beau et en dehors de bien des sentiers battus. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est la lente conversion de l’adolescent vers un autre monde, réel celui-là mais qui lui demande de savoir utiliser toutes ses compétences acquises dans le monde de l’imaginaire. Le suspens est intense et la fin est peu prévisible. Les personnages secondaires sont loin d’être des caricatures et enrichissent le récit . L’oncle chasseur de blaireaux que l’on aimerait bien détester n’est pas qu’une sombre brute. La mère un peu dépassée par l’éducation de cet adolescent si peu scolaire saura lui montrer qu’elle l’aime et lui fera confiance finalement. Même le policier qui détruit le rêve de Mo est un être beaucoup plus sensible qu’il n’y paraît.

Aucun des adultes n’est tout à fait capable de comprendre les difficultés auxquelles doit faire face Mo, mais aucun ne voudrait vraiment lui faire du mal. Il doit cependant réussir à trouver ses solutions en lui-même pour grandir définitivement.

Citations

La nature la nuit

C’est une nuit très vibrante, tous les bruits voyagent à des kilomètres à la ronde, on dirait qu’on est sur une corde tendue, que chaque brindille qui craque de l’autre côté du monde trouve son écho près de nous.

C’est une nuit blanche et bleue. blanche parce que la pleine lune nous éclabousse de sa lumière. Et bleue comme l’obscurité profonde qui nous enveloppe, si douce qu’on dirait du velours.

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Le second titre de ce recueil, est : « Portraits cévenols », il s’agit bien d’une galerie de portraits, tous plus inoubliables les uns que les autres. Mais surtout, il s’agit de la langue de Gilbert Léautier entre poésie et l’oralité d’un conteur. Un conteur poète et fin observateur des gens qui l’entourent.Ces textes ont été écrits pour être lus à haute voix. C’est un plaisir ressenti à la moindre phrase. Merci à cet ami qui, sachant que je recherche des textes à lire pour des personnes très âgées, m’a conseillé ce recueil. J’espère savoir leur lire et aimer ces portraits. Le monde qui est mis en scène, est celui des campagnes désertées par les habitants qui ne pouvaient que difficilement vivre sur une terre aussi ingrate. Le climat rude de l’hiver, la solitude, la difficulté de vivre, ont forgé des personnalités sans tendresse souvent, mais avec un sens de le vie qui se ressent même dans la façon de détester son voisin.

J’ai tellement envie de vous faire apprécier ce recueil que je passais mon temps à vouloir noter des passages, les phrases sonnent juste et les personnalité s’éloignent du romantisme habituel du sage rural, face à la superficialité du citadin pour aller à l’essentiel de l’être humain. L’auteur connaît bien cette région, il s’est pris de passion pour un château au cœur des Cévennes : le Château d’Aujac, il a rencontré et vécu auprès de Cévenols dont il parle. On peut imaginer « l’attirance-répulsion » de ces ruraux pour cet homme de théâtre, citadin lyonnais qui a entrepris de remonter les ruines du château de leur village mais à la vue des photos, on comprend son choix, tout en regrettant qu’il ait cessé d’écrire.

Au carrefour de trois départements: Gard, Lozère, Ardèche. Surplombant la Vallée de la Cèze. Dominant les Hautes Cévennes. Le site castral du Cheylard d'Aujac. Copyright chateau-aujac.org

Citations

L’Émile

C’était son penchant pour le vin qui pestiférait ce parent pauvre !
On trouvait plus facilement l’Émile à l’ombre de la cave qu’à l’ombre du pommier.
Il avait le tonneau tendre et le verre agile

L’Éloi

C’était le fils qui avait le langage.
C’est le fils qui a su dire :
– Il faut être de son temps. 
C’est lui qui avait expliqué :
– Une bête, ça mange tous les jours, alors qu’un tracteur ne consomme que ce qu’il travaille. 
Ça, c’était un argument !
Cette science du petit rendait fier le père. 
Mais l’ennui des arguments de poids, c’est toujours la fragilité de leur réalité.

L’Yvonne

Tu veux que je te dise ?
Une femme comme ça, ça ne se laisse pas marier.
Ça te donne la permission de l’épouser. 
Tu veux que je te dise ?
L’Yvonne, elle ne se met devant rien mais elle est derrière tout.

Les gens d’ici

Assurément, ils ne sont pas causants, les gens d’ici. 
Bailler, pour eux, c’est déjà un long discours.
Au maximum de la joie, ils crachent par terre.
Au comble du chagrin, ils hochent la tête. 

Pas de romantisme sur le monde rural

À côté de chez moi, il y a un bloc de granit pelé qu’on appelle « Rocher des quatre sous ».
C’est parce qu’il a fallu quatre procès pour savoir à qui appartenait cette misère de pierre !
L’harmonie campagnarde est une mythologie des villes.

SONY DSCTraduit (de façon étrange parfois) de l’anglais par Béatrice Vierne.

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J’ai suivi les plaisirs de Dominique et j’ai mis mes pas dans ceux de Kathleen Jamie. Avec un peu d’appréhension car je me méfie des passionnées de nature. Mais je devais me rendre à la boutique Orange pour échanger ma « Live box » foudroyée par un orage du début de l’été. Allez chez Orange, c’est apprendre la patience, et pour ne pas être envahie par la laideur ordinaire du centre commercial, quoi de mieux qu’un livre qui vous entraîne dans les îles du nord de l ‘Écosse. Le livre comporte 11 ballades, 8 m’ont absolument ravie. Une m’a vraiment déçue, celle à travers les bocaux des pathologistes et anatomistes de l’hôpital de Surgeons’ Hall et je n’ai trouvé aucun intérêt à la description d’Edimbourg.

J’ai parfois été étonnée par la traduction, heureux ceux qui peuvent lire cette auteure en anglais ! Les cinq premières ballades sont absolument magiques, on peut les lire avec Internet pour savourer toutes les images que Kathleen Jamie nous évoque avec beaucoup de grâce, de précision et d’humour.

Elle se sert de ses talents d’écrivaine pour nous embarquer dans des lieux magiques et nous faire réfléchir sur la complexité de l’âme humaine. Pourquoi en effet les hommes d’aujourd’hui se précipitent-ils à Maes Howe sur l’île principale des Orcades, pour voir un simple rayon de soleil éclairer le fond du tombeau au solstice d’été, alors que notre monde met de la lumière partout et semble détester par dessus tout l’obscurité ? En revenant de cette visite, elle se demande et nous avec elle, quels vestiges de notre civilisation d’autres hommes dans 2000 ans visiteront avec autant d’émotion ? Un simple rayon de soleil capté par une construction de pierre a donc plus de chance de passer à la postérité que la fusée qui a conduit des hommes sur la lune ?

À la recherche des oiseaux , elle nous fait aimer le « crex-crex » ou « râle des genets » oiseau qui était commun et abondant et que la mécanisation de l’agriculture a fait disparaître. N’est-elle pas cette agriculture, responsable de la disparition d’une certaine poésie. Les horribles rollers de foin entourés de plastique vert ont définitivement chassé les « petits dieux des champs ». Si être passionné par les oiseaux, c’est avoir la chance d’assouvir son passe temps dans des endroits aussi beaux que les Orcades ou les iles Hébrides alors je crois bien que je ne vais pas tarder à faire partie de leur confrérie.

Citations

L’obscurité

Un peu de pitié pour l’obscurité ! Que nous sommes donc soucieux de la terrasser et de la bannir, qu’elle est donc pleine à éclater de tout ce qui est diabolique, tel un sinistre réduit sous l’escalier… Tenez , j’ai cherché le mot « obscurité » sur Internet – et aussitôt on m’a servi des ministères chrétiens se proposant de me guider vers le salut.

Météo que je connais (petit problème de traduction que vient faire le « cependant » ici ?)

Après la pluie, cependant, deux jours complets, nous avons vu poindre une journée éclatante et reluisante de propreté : tout avait été rincé à fond, le ciel et les arbres, les gouttières et les fenêtres, et même les éclaboussures de fiente, sous la corniche des deux faucons avaient disparu. 

Vrai problème de traduction que veut dire ici le mot « un cours » ?

Je n’avais jamais encore mis les pieds sur un yacht, jamais navigué sur un bateau plus petit qu’un ferry de la compagnie CalMac, je n’étais jamais arrivée à terre ailleurs que dans un port, une ville, avec toute la panoplie des activités humaines – les casiers empilés, les émanations de diesel, une église en haut d’une butte avec une girouette en forme de poisson. Je n’avais jamais compris qu’on pouvait tracer une ligne droite à travers l’océan et appeler ça un cours

La poésie et les oiseaux

Me voyant émerveillée, il m’a assuré qu’identifier un oiseau était assez comparable au fait d’élaborer un poème ou tout autre écrit , à partir de notes comme celles que je m’arrêtais pour prendre dans mon cahier à l’abri du vent

C’est bien vrai

Jusque là, cependant, si l’ancre chassait ou si la chaîne se rompait, nous serions drossé à la côte. « Pour un marin, la terre n’est pas synonyme de sécurité. Ce qu’on veut, c’est être entraîné vers la haute mer. »

Le râle des genets ou crex crex

Le temps n’est pas idéal pour observer les râles des genets. Le ciel est très couvert , les coups de chien menaçant, la brise est très froide.Or, si le vent dépasse les trois nœuds , les râles n’ont pas envie de sortir. Ils n’aiment pas voler, le vent et la pluie leur déplaisent, et ils n’ont aucune envie de se donner en spectacle- c’est le genre d’oiseau qui demande à être dispensé d’activités sportives.
Sarah me parle d’une vieille dame qui est restée assise , tranquille et bien élevée, pendant une heure , deux heures…. et puis soudain, il y a eu des cris de sioux et Sarah s’est retournée pour voir la visiteuse bondir comme une folle, en donnant des coups de poing dans le vide, comme un footballeur, tout ça parce qu’elle avait entrevu un insaisissable oiseau brun.