Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Il a reçu un coup de coeur. 

J’ai rarement eu un plaisir aussi fort en lecture. Je suis bien dans la langue de cet auteur et avec ses personnages. Je pense aussi qu’une partie de mon bien être vient du contrepoint qu’il apporte à la période que nous vivons en ce moment où tant de gens venant de ces mêmes régions reprennent le chemin de l’exil. En lisant la prose de Raphaël Constant, j’ai ressenti un immense espoir. Espoir que les hommes quelles que soient leurs origines, leur couleur de peau, leur langue, leur religion, puissent vivre ensemble et façonnent grâce à leurs énergies venant du monde entier une région de notre planète. Je ne savais pas que dès 1920 les « levantins », c’est à dire les Syriens et les Irakiens chrétiens ou musulmans, avaient fui une région touchée par la misère.

Une rue, de Fort de France, porte le surnom de la rue des Syriens, c’est la plus commerçante et c’est là que le personnage dont nous suivons le destin, Wadi, va s’installer et faire fortune. Il aura auparavant quitté son père et sa mère qui vivent en Syrie à Halabiyah (lieu qui vient de connaître une nouvelle destruction et sans doute un nouvel exode). Dès son arrivée il aura la chance de tomber sous la coupe de Fanotte une femme noire qui va lui apporter l’amour physique mais aussi les langues de ce pays : le créole et le français. Grâce à elle et à son incroyable énergie, il va réussir à s’installer et vivre bien en Martinique, sans jamais oublier sa mère à qui il doit ses yeux verts, il la sait malheureuse au pays car elle est la première épouse de son père à qui elle n’a pu donner qu’un fils qui est si loin d’elle.

Le livre croise plusieurs destins, ceux des Syriens qui ont habité cette rue. J’ai été très sensible à la vie de Bachar le cousin de Wadi, il s’est fait chrétien par amour d’une jolie indienne. Le personnage que j’ai préféré c’est Fanotte, son intelligence et son énergie sont les fils conducteurs de ce roman. Elle saura accepter la légitime épouse de son Wadi sans rien perdre de sa superbe : quelle femme ! J’ai aimé entendre toutes ses langues, même si bien sûr il faut les traductions pour que je comprenne le créole, à l’image de ce peuple bigarré les langues sont des marqueurs sociaux très forts mais cela ne les empêche pas de vivre ensemble et de réussir à faire une communauté. Ce n’est pas non plus une image idyllique qui se dégage de ce livre, non c’est une société dure, raciste et implacable pour les faibles mais on sent que la vie est toujours prête à repartir .

Citations

La Syrie après l’empire Ottoman

Là encore, mon père se distinguait parmi les villageois de Halabiyah, qui considéraient les chrétiens d’Europe comme des sauveurs parce qu’ils avaient jeté bas l’Empire ottoman. il aimait à se proclamer, à la grande irritation de certains, Arabe d’abord, Syrien ensuite et enfin sujet de la sublime porte. A l’entendre, cette dernière avait toujours respecté les peuples qu’elle avait conquis, y compris en Europe même, dans une région qu’il désigna comme étant les Balkans. Chaque région jouissait d’une large autonomie et pour peu qu’elle ne rechignât point à payer l’impôt que levait annuellement Istanbul, elle pouvait se développer en toute tranquillité.

 Femme en Martinique

Naître femelle, dans ce pays-là est une sacrée déveine. Non seulement on doit se débattre avec la misère qui ne vous lâche pas d’un pas, mais on doit aussi supporter la scélératesse des hommes. Qu’ils emmiellent avec du beau français appris par cœur ou vous séduisent avec du créole grosso-modo, le résultat est égal : vous vous retrouvez à pleurer toute l’eau de votre corps sur le pas de votre case désertée. Vous avez beau année après année, tenter de vous faire une raison, rien n’y fait ! à chaque fois, vous retombez dans le même piège, mais avec un gros ventre qui augmentera le nombre de vos marmailles.

Le nom des exilés

Il y eut donc les Habib, les Jaar, les Manssour, les Bachar, les Abdullah, les Yacoub, les Ben Amartya, souvent des prénoms que l’administration française, par ignorance, inscrivait comme patronymes. Trop heureux d’avoir atteint les rives de cette terre promise qu’était l’Amérique, les venus du Levant se gardaient bien de protester. Ils comptaient bien mener une nouvelle vie et si le prix à payer n’était que cela, ce n’était pas si grave.

Le style, trois exemples

– Entre le Levant et la Martinique, le courrier prenait ses aises.
– Que son patron se fût laissé aller à lui mignonner l’arrière train, encore moins à exiger qu’elle lui ouvrit son devant.
– Depuis qu’elle suivait l’école du soir, son parler était devenu trop intimidant pour qu’on puisse lui tenir tête, mais d’autres attendaient leur heure. L’aller lui appartient, maugréaient-elles, mais le retour sera nôtre. Patience !

Dicton arabe

Tu es maître des paroles que tu n’as pas prononcées ; tu es l’esclave de celles que tu as laissées échapper

Que j’aime ce passage…

Découvrir que derrière l’étalage de nos rites, l’affirmation têtue de nos croyances, l’entre choc de nos langues et de nos rêves, il n’y avait, dans le fond, qu’une seule et même soif, ne fut pas un mince étonnement.
Soif de tenir tête aux chienneries de l’existence.
Soif de comprendre le pourquoi de celle-ci puisque Dieu semble avoir déserté le monde et que de faux prophètes parlent à Sa place.

L’adaptation en Martinique

Wadi n’avait pas fini d’apprendre dans cette Amérique Martinique où en quatre-vingt ans il avait vécu cent fois plus de choses extraordinaires qu’en dix-sept ans de vie en Syrie. Là-bas , la vie était réglementée depuis us de mille ans, chaque acte était codifiée , chaque parole pesée et soupesée grâce au livre sacré et au hadith, ces faits et gestes du Prophète que des générations et des générations avaient pieusement consignés. Ici à l’inverse, régnaient le précipité, l’improvise, le sauve-qui-peut, l’indifférence au Lendemain, la soif de profiter de chaque instant, le tout enveloppé dans une criaillerie permanente. Comme si les Créoles avaient peur du silence.

Le créole si on le dit à voie haute on peut presque le comprendre

Mandé’y non !  : eh ben pose lui la question

et avec l’intonation

La ! La ! La peut bien vouloir dire : Non ! Non ! Non…

Lu grâce au club de lecture de la média­thèque de Dinard.


François Garde ne m’en voudra certainement pas que l’alto prenne plus de place que son roman sur ma photo. Lui qui a donné vie dans « L’effroi » à un Sébastien Armant, altiste à l’opéra de Paris qui « aurait tant aimé ne nous parler que de musique ». Malheureusement, le geste horrible, criminel, d’un chef d’orchestre très en vue fait basculer sa vie. Voici le début d’une d’une vraie tragédie :

L’archet levé, j’attendais le signal ;

Soudain le chef se redressa. Il prit une longue inspiration, se figea dans un impeccable garde-à-vous. Le public ne se rendit compte de rien, et pour nous ce changement de posture ne produisit qu’un vague sentiment d’alerte.

Lentement, il leva le bras droit, main tendue vers le rideau de la scène, et, de sa belle voix de baryton, s’exclama avec force et solennité :

« Heil Hitler ! »

Sébastien Armant, saisi d’effroi, va se lever et sortir, entraînant derrière lui tout l’orchestre, la réprobation du geste du chef est telle que cela devient « le » scandale médiatique qu’il faut à tout prix exploiter pour des raisons politiques et de pouvoir. Notre altiste va devenir un objet aux mains des spécialistes de la communication et peu à peu perdre pied et ne plus très bien savoir comment diriger sa vie. Le récit est bien mené et nous retrouvons les travers de notre société dans la description de la chute programmée d’un homme simplement courageux. Le lecteur sait, bien avant lui, que Sébastien Armant n’aurait jamais dû fréquenter les fameux « plateaux » télé, que c’est un monde prêt à dévorer de l’émotion sur le dos de ceux qui peuvent encore en exprimer.

Sa peinture du monde politique avec sa cohorte de conseillers en image, en communication, en revue de presse est criant de vérité. Oui, c’est bien dommage que cela se fasse sur le dos de la musique mais, au moins, il peut se rassurer, la musique restera toujours cet art exigeant qui demande à ses serviteurs de travailler tous les jours (ou presque) six heures, pour arriver à un résultat qui leur donne du plaisir et nous en donne tant. C’est l’amie propriétaire de l’alto de cette photo qui m’a fait découvrir cette réalité, et aucun conseiller ne pourra jamais faire l’économie de ce travail exigeant pour aboutir au feu d’artifice que représente un concert réussi. Il peut se comparer au travail de l’écrivain qui polit sa langue pour permettre au lecteur de rentrer au plus profond du récit et de partager les doutes et les espoirs de l’écrivain comme le fait si bien François Garde.

Citations

le directeur de l’Opéra

Jean-Pierre Chomérac, le président du conseil d’administration de l’Opér, me surprit. Chomérac avait pris ses fonctions six mois plus tôt. Il devait ce poste à une ancienne et indéfectible amitié avec le président de la République. (…) Sous sa protection, il avait été nommé successivement inspecteur général de l’agriculture, préfet de l’Yonne, ambassadeur au Portugal. Il ne dissimulait pas la minceur de ses compétence, et y suppléait par un sens politique avisé et sa propension à se saisir des sujets à la mode et à faire parler de lui. (…)Nos délégués syndicaux murmuraient qu’il n’avait pas encore découvert que dans un opéra on faisait de la musique.

Vous savez président de l’Opéra n’est qu’un lot de consolation en attendant mieux.

Ceux qui nous gouvernent

Je le remerciai en prenant la carte qu’il me tendait. Des assistants vinrent à nouveau papillonner autour de nous. Le conseiller du ministre en profita pour se glisser à côté de moi et murmurer :

– Il distribue ses cartes de visite comme s’il était encore député-maire. Bien évidemment, c’est nous qui vous contacterons le moment venu.

Les médias

Les médias sont comme un monstre insatiable, il faut lui donner à manger de temps en temps, sinon il peut vous dévorer tout cru.

Vie et mort des scandales dans les médias

Les chaînes d’information en continu se régalent. Avant-hier les révélations d’un obscur attaché parlementaire ; hier les explications contournés du ministre du Budget ; ce matin les bons mots assassins d’un jeune loup de l’opposition. Dans notre affaire, il ne se passe rien de nouveau, il ne peut rien se passer d’inédit. Les journalistes me sollicitent moins pour vous rencontrer. Mon cher Sébastien, il faut s’y résoudre : le bouquet que nous proposons à la vente depuis deux semaines commence à se faner, et les amateurs veulent des fleurs fraîches.

Le musicien d’orchestre

Rien ne peut égaler l’honnêteté du musicien, L’honnêteté sans fard et sans tache du travail du musicien, seul responsable d’avoir bien apprivoisé son instrument, bien lu la partition, bien écouté ses collègues, bien suivi les consignes. Lui seul – et chacun dans l’ensemble- doit se glorifier modestement de donner vie aux constructions invisibles élaborées par les maîtres du passé. 

Phrase que j’aime

Comme des rochers fendant une mer calme, ou des sommets émergeant des nuages. Mais les écueils ne disent rien du métier de pêcheur, ni les montagnes ne se réduisent à leurs extrémités.

SONY DSCTraduit de l’anglais (SriLanka) par Esther Ménévis.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

2
J’aurais tant voulu apprécier ce roman qui raconte tout ce qui rend notre actualité si difficile à supporter : Ben, jeune médecin tamoul, tout juste diplômé est obligé de fuir son pays, il rencontre en Grande Bretagne une femme qui va l’aimer mais leur histoire sera tragique . Le roman donne d’abord le point de vue de Ria, poétesse anglaise vivant isolée dans une maison au bord de la mer. Puis celui d’Anula, la mère de Ben, puis de Lydia l’enfant de Ria et de Ben. Tout est très sombre, car Ria est encombrée par une histoire familiale très lourde, la disparition de son père l’a enfermée dans un silence hostile et a complètement perturbé son frère.

Je n’ai pas vraiment accroché au roman, car je trouve que l’auteur mélange trop les histoires d’amour impossibles avec la réalité tragiques des réfugiés sans statut. Je ne comprends pas non plus pourquoi Ria ne coupe pas plus les ponts avec son frère destructeur qui appartient à des mouvements d’extrême droite. C’est vraiment confus au début et c’est pénible de voir un personnage entouré de personnages uniquement négatifs. Il y a quand même son voisin, Eric, mais qui lui aussi est marqué par la mort , j’ai eu beaucoup de mal à croire à sa relation avec Anula la mère de Ben. Tout en rédigeant ce billet, je me rends compte qu’en réalité les personnages m’ont prodigieusement agacée. Faire de l’amour un remède au deuil, me semble bizarre . Mais ce roman a au moins un mérite : remettre en mémoire le sort tragique des populations tamoules prises entre deux feux , celui des indépendantistes et celui de la terrible répression de l’armée sri-lankaise . Et au-delà du cas du Sri-Lanka nous faire comprendre ce que ça veut dire, de tout quitter pour sauver sa peau.

Citation

l’horreur de l’exil

L’obscurité qui régnait dans le camion avait aboli toute possibilité de penser à autre chose que respirer. Elle avait effacé jusqu’au souvenir de la peine qu’il avait éprouvée en apercevant le visage de sa mère pour la dernière fois ; et c’est ainsi qu’il avait voyagé, à travers des terres sans fin, avec le sentiment toujours plus fort de son insignifiance et de sa propre mortalité. Comme le nageur qu’il était, il s’était éloigné de la rive, encore et encore, jusqu’à ce qu’arrive le moment où il avait compris ce que l’on entendait par « point de non retour ».

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J’ai beaucoup apprécié « le cas Einstein » le précédent roman de cet auteur. J’ai reçu celui-ci en cadeau et je l’ai lu avec grand plaisir. J’ai aimé sa construction, la vie de Léna Kotev, serait incompréhensible sans l’évocation de tous les morts de médecins juifs qui peuplent son histoire. L’alternance des chapitres assez courts, permet de supporter la lecture des violences antisémites. Le fait de retrouver Léna, dans sa vie de femme chef de service en cancérologie dans un grand hôpital parisien en 2015, me permettait de reprendre ma respiration. Car du souffle, il en faut pour supporter la description des pogroms de Ludichev en 1904, puis la folie des Nazis à Berlin en 1934, puis a Nice en 1943, et enfin à Moscou en 1953, la folie antisémite des communistes staliniens.

J’ai aimé également que le roman soit elliptique et fasse l’impasse sur les détails des connexions de tous les personnages. On a l’impression de n’avoir que les temps forts de cette histoire dont on peut imaginer les passages non écrits. Quand on referme ce roman après la page 296, comme l’histoire se déroule de 1904 à 2015, on a l’impression d’avoir lu des milliers de pages.

Si j’ai mis ce livre dans une bibliothèque, c’est que le père de Léna, Tobias, est un fou amoureux des livres, qui ont une grande importance tout le long du roman. Laurent Seksik, médecin, écrivain et historien, parle d’une façon très riche de l’être humain. Celui qui souffre dans son corps, comme celui qui souffre dans son âme. Ses personnages traversent différentes périodes de l’histoire, et on vit intensément chaque moment car il a su rendre réels les événements dont il parle. Les pogroms de Ludichev sont une pure horreur dont je n’avais pas vraiment pris conscience. La nuit de Cristal, la persécution Nazie en France, le procès des médecins juifs sous Staline tout cela est plus présent dans la littérature comme dans notre mémoire collective. Mais on doit au talent de Laurent Seksik de savoir nous en parler avec un nouvel éclairage et sans aucune lourdeur. Chaque personnage est habité par une foi indestructible d’abord dans la foi juive dans la vieille russie, puis dans le progrès scientifique à Berlin et enfin dans l’humanité en 2015. C’est vraiment un roman superbe : quelle leçon de vie !

Citations

Réflexion du médecin le soir chez lui, jolie phrase

Son cerveau était un dispensaire à l’heure où les douleurs languissent.

Description de la vérole

Pavel n’avait pas été alerté par la petite écorchure sur le pénis que présentait son patient. Le chancre avait rapidement disparu, la maladie s’était éclipsée. La vérole était revenue de longs mois plus tard, sous d’autres masques, plaques rosées sur la peau, gorge enrouée puis, lentement, le mal avait ravagé chaque partie du corps, de la plante des pieds au cuir chevelu, jusqu’à pourrir les chairs, briser les os, boucher les artères, broyer le visage, rendre taré, débile, estropié, tordu ; les tourments de la peste et du choléra réunis dans une lenteur programmée. À la fin, le mal avait mordu le cœur, liquéfié l’encéphale. La mort seule mettrait un terme au supplice.

Condition juive du temps des pogroms, débats à l’infini sur la théologie

Dans le doute, chacun faisait à sa manière. Trois ou quatre heures ? Cette seule question résumait aux yeux de Pavel toute la condition juive, une interrogation permanente, un questionnement de tous les instants, un interminable, dérisoire et splendide voyage dans un infini et vain champ de réflexion.

La vérité est dans les romans

Moi, je me moque de la stricte vérité. Si je veux le vrai, je lis le journal. Si je veux de l’intelligence, je lis la philosophie. Mais la vérité de l’homme – qui n’a rien à voir, j’en conviens, avec la vérité des faits- est dans l’émotion. Je la trouve dans les romans. 

La plainte d’un hypocondriaque

Tu ne prends pas ma souffrance au sérieux. Personne n’a jamais pris ma souffrance au sérieux de toute façon. C’est à désespérer de souffrir.

Le communisme

Camarade Kotev, n’attends rien non plus de notre humanité. La compassion est au pouvoir communiste ce que l’autoritarisme est à la démocratie.

Citation du journal L’humanité de 1953

Un groupe de médecins terroristes vient d’être découvert en Union soviétique : ils ont été démasqués commis des agents des services de renseignement américains, certains d’entre eux avaient été recrutés par l’intermédiaire du Joint, organisation sioniste internationale.
Les médecins français estiment qu’un très grand service a été rendu à la causé de la paix par la mise hors d’état de nuire de ce groupe de criminels…

SONY DSCTraduit de l’anglais par Sidonie van den DRIES.

3
C’est l’article de Cuné qui m’a donné envie de lire ce roman graphique. Je fais de sérieux efforts pour ne pas rester ignare au sujet des BD et autres formes dessinées de littérature. Je ne cache pas ma déception, je n’ai ressenti aucune émotion à la lecture d’Elmer. Mais si vous lisez ce billet sachez que je suis une grande néophyte en matière de BD, si j’ose écrire un billet c’est que, justement, quand cela me plaît, cela veut dire que le public peut être plus large que d’habitude.

Ici, l’histoire est étonnante (mais pas tant que ça !) les poulets ont acquis depuis peu le statut d’humain. C’est un artifice maintes fois utilisé : et si on renversait un peu la domination habituelle sur terre ? et si les animaux avaient le droit d’exprimer ce qu’ils ressentent à notre égard ?

On voit alors deux comportements se mettre en place :

  • L’intolérance absolue pour tout ce qui est différence.
  • La façon abjecte dont les hommes traitent les animaux dont ils se nourrissent.

C’est une fable bien racontée et on se laisse embarquer dans l’histoire, je n’ai pas été sensible aux dessins trop fouillis et répétitifs à mon goût. Mais, comme Cuné, j’ai bien aimé la façon dont Gerry Alanguilan présente son livre dans l’introduction.

Citation

Voici comment il présente sa BD

Merci d’avoir pris cette bande dessinée. Que vous l’ayez achetée ou empruntée à quelqu’un, merci de me donner l’opportunité de partager mes histoires . C’est ce que j’ai toujours voulu faire depuis que je suis enfant. Quand j’ai tenu un crayon pour la première fois, cela signifiait plus que simplement dessiner. J’allais pouvoir raconter des histoires au monde entier…

J’imagine que je serai très heureux en novembre quand ce livre paraîtra. ce moment représente en quelque sorte le point culminant de mes rêves d’enfant, quand je voulais partager mes histoires avec le monde entier. A l’époque, c’était un rêve, mais maintenant il est sur le point de devenir réalité. Mon moi de 42 ans ne peut pas y croire, mais celui de 7 ans aurait simplement dit : « Mais bien sûr ! ».

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard.

5 Attention, chef d’œuvre ! Ne soyez pas rebuté par les 760 pages, ni par les références aux techniques musicales, ni par les explications sur la relativité. Vous serez emporté par ce roman, vous comprendrez ce que le racisme représente de violence,de souffrance et d’humiliation pour toute une nation. Vous relirez l’histoire des Etats-Unis à la lumière des crimes raciaux et des émeutes qui finirent par en découler.

L’histoire de cette famille est bouleversante, j’ai passé de longues heures avec Délia, David, Jonah, Joseph et Ruth Strom, en espérant que les idéaux des parents, et la musique puissent triompher de la haine ! Seul reproche : j’aurais aimé avoir des notes en bas de page mon inculture américaine m’a obligée à consulter très souvent Wikipédia : je ne connaissais pas o’fay,Ashan, Movietone, Sol Hurok , FRA etc.

Merci Françoise de m’avoir offert ce cadeau qui a enchanté le début du mois de septembre 2009.

Citations

Les trois-quarts de tous les Noirs américains ont du sang blanc – et la plupart d’entre eux ne l’ont pas choisi.

 

« Votre temps est plus lent que le mien. Le mien est plus lent que le vôtre. La raison en perd la raison.
– Oui ! » L’homme s’esclaffe. « Ça aussi c’est vrai ! Mais seulement parce que notre raison a été créée à des vitesses plus lentes. »

 

Lors de ces pénibles après-midi où Jonah et moi sommes bannis de la maison ……Nous restons allongés jusqu’au jour où nos camarades recréent la chute de Berlin en nous incendiant. Après cela, pendant longtemps, nous avons eu le droit de rester à la maison.

 

Était-il possible qu’il existât des Blancs qui, finalement, ne la détestent pas d’emblée pour l’impossible pardon qu’ils attendaient d’elle ?

 

L’oiseau peut aimer le poisson uniquement pour l’étonnement qu’ils éprouvent en filant de concert vers l’inconnu.

 

La plupart des auditeurs ignorent combien il est plus difficile d’effleurer un son plutôt que de le marteler. Un démarrage sur les chapeaux de roue fera toujours plus d’effet, sur scène, qu’un légato, plus difficile à tenir.

 

Elle aimerait marcher dans la rue avec son mari sans avoir à jouer la domestique. Elle aimerait pouvoir lui prendre le bras en public. Elle aimerait qu’ils puissent aller au cinéma ensemble, ou aller dîner quelque part, sans se faire expulser comme des malotrus. Elle aimerait pouvoir asseoir son bébé sur ses épaules, l’emmener faire les courses sans que pour autant tout le magasin en soit pétrifié. Elle aimerait pouvoir rentrer à la maison sans être couverte de venin. Cela n’arrivera pas de son vivant. Mais il faudra bien que cela se produise du vivant de son fils. La rage l’agrippe chaque fois qu’elle quitte la maison. Il n’y a que l’instinct maternel pour contenir cette rage.