SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Françoise Adelstain

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Un livre d’une grand qualité, car il sait transmettre une forte émotion, tout en respectant les codes de bienséance britanniques. Un homme au sommet de la gloire dans le système juridique anglais, « le vieux Filth »  : Failed in London try in Hong-Kong (acronyme qui veut dire « si tu échoues à Londres essaie à Hong-Kong » mais le mot veut aussi dire sale ou saleté), est respectable et très respecté, connu et admiré pour son savoir juridique. Après une brillante carrière à Hon-Kong, il revient dans le Dorset.

Le roman commence, lorsqu’il se retrouve veuf et très âgé. Ce veuvage auquel il ne s’attendait pas va l’entrainer dans une pérégrination vers son passé. Il est un enfant des colonies britanniques, ce qui veut dire qu’à six ans, il est brutalement séparé de la femme qui l’élevait pour partir au pays de Galle ou de vagues tantes lui ont trouvé une famille d’accueil. Rudyard Kipling parlera, lui aussi de cette incroyable violence faite à des enfants : les colons britanniques avaient si peur que leurs enfants se lient aux indigènes qu’ils préféraient s’en séparer pendant les longues années de 5 ou 6 ans à 18 ans.

Ce vieux Monsieur digne, qui ne peut pas exprimer ses sentiments et qui est, pour tout son entourage, la respectabilité même va peu à peu par toutes petites touches nous livrer ses souffrances, celles de son enfance sont énormes et il est soudain incapable de finir sa vie sans s’y confronter de nouveau. Au passage nous connaitrons ses amitiés, ses amours et son couple beaucoup moins simple qu’il n’y paraît.

Le roman est traversé par des personnalités pour le moins étranges. Les deux tantes qui devaient s’occuper de leur neveu sont complètement dérangées, typiquement anglaises peut être ? Essentiellement intéressées par le golf et pas du tout par le bien être d’un enfant dont elles n’avaient pas demandé à s’occuper. C’est très émouvant de voir le regard des autres vis à vis de ce vieux Filth, regard qui s’arrête à son allure, à sa respectabilité, à son élégance, à sa dignité, et le long et douloureux cheminement de cet homme vers une autre vérité , celle qui a bien failli l’anéantir.

PS : Ce roman a déçu deux lectrices du club et n’a donc pas reçu de coup de cœur, je le regrette . Elles ont trouvé cet homme peu sympathique et le roman bavard, je donne leurs arguments par honnêteté, mais je ne suis pas du tout d’accord. J’aimerais bien lire d’autre avis sur ce roman.

Citations

Un nouveau mot pour moi

Sa somnolence postprandiale

Le veuvage d’un vieil homme

Désormais à près de quatre vingts ans, il vivait seul dans le Dorset. Sa femme , Betty, était morte, mais il papotait souvent avec elle en vaquant dans la maison. 

Une enfance malheureuse

Il n’avait pas bu de lait depuis son départ de chez Ma Didds, au pays de Galles. Elle devait être ici. « Tu ne sors pas de ce placard tant que tu n’as pas bu ce verre de bon lait et tu as intérêt à ne pas remuer les pieds parce qu’il y a un trou en dessous aussi profond qu’un puits, et on n’entendrait plus jamais parlé de toi. » Enfermé toute la journée, jusqu’à l’heure du coucher, il avait six ans.

L’idéal féminin de bien des hommes

Mrs Ingoldby fut le premier amour anglais d’Eddie. Il ignorait qu’une femme si peu compliquée pût exister. Calme et rêveuse, souvent vous apportant une tasse de thé sans raison particulière sauf par affection ; satisfaisant tous les caprices d’un mari colérique dont elle ne se plaignait pas. Ravie sans jamais se lasser des surprises que réservait chaque nouveau jour.

Les mémoires

SONY DSCTraduit de l’anglais par Marie-Hélène SABARD.

4Lu grâce aux conseils d’Electra tombée du ciel, j’aurais pu recopier son article car elle en parle très bien. Je l’ai lu rapidement en deux soirées et une matinée de farniente. Je me demande bien pourquoi ce roman est dans la catégorie « Ados », sinon parce que c’est un adolescent qui s’exprime, mais même les gens âgés peuvent être sensibles à la voix d’un jeune. Pour le cinéma, il n’y a pas ces différences, et les adultes vont souvent voir des films dont les héros sont des enfants ou des jeunes. Je rajoute que l’ado que je connais le mieux et qui est un très bon lecteur, préfère les romans de science-fiction à ce genre de livres trop réalistes pour lui. J’ai aimé la voix de Luke encore enfant mais si responsable qui essaie de survivre au deuil de sa mère. Tout pourrait être horrible pour lui, s’il n’avait pas le dessin pour le consoler de beaucoup de choses. De tout ? Non, pas de la bêtise et de la cruauté des enfants de son âge.

Luke et Jon doivent affronter les violences de la vie. Jon n’a que son amitié pour Luke, Luke lui a un père mais qui, au début du roman, est tellement ravagé par la mort de sa femme qu’il est incapable d’aider son fils. Ensemble, ces trois blessés de la vie arriveront, sans doute, à repousser les limites de la douleur et à se faire une vie avec des moments heureux. Aucun personnage n’est d’une pièce et même Luke s’en veut de certaines de ses conduites , mais c’est très agréable de lire un roman où des êtres faibles s’unissent pour trouver des forces. Tout est en mi teinte, et même les employés des services sociaux ne sont pas caricaturés. La maladie mentale de la maman (elle est bipolaire), l’alcoolisme désespéré du père : deux énormes fardeaux qui ne terrassent pas complètement Luke, il reprend confiance quand il voit son père se remettre à la sculpture, sans doute la création artistique réunit le père et le fils. Le style est agréable, simple bien sûr, car c’est un ado qui se confie, la construction du roman est habile car l’auteur distille peu à peu les dures réalité auxquelles Luke est confronté.

Citations

La peinture

Ça aidait de peindre. Si je regardais en arrière je vois que, même du vivant de maman, je peignais plus quand ça allait mal. quand les nuages s’amoncelaient sur elle et qu’elle commençait à partir en vrille, je peignais. Pendant l’orage – les longues et sombres journées de silence où elle s’enfermait dans sa chambre-, je peignais. Je dessinais et je peignais aussi quand elle allait mieux, quand tout était stable et calme, mais j’étais moins concentré. Ça ne drainait pas toute mon énergie, ça n’absorbait pas toutes mes pensées comme d’autres fois. Et, pour tout dire, eh bien, le tableau n’était pas si bon. il manquait de tension, j’imagine.

La violence des ados

C’étaient des frappes chirurgicales. Elles se produisaient dans les coins sombres, les couloirs tranquilles. Toujours quand il n’y avait personne aux alentours. Et toujours elles se concluaient par un crachat dans la figure. Jon disait qu’ils n’employaient jamais le couteau, mais à deux ou trois reprises on le lui avait montré. Juste pour qu’il sache : voilà ce qui t’arrive ; et voilà ce qui pourrait t’arriver.

La complicité des adultes

Des gosses criaient : « Bâtard ! » quand ils le croisaient dans le couloir. Et je voyais des profs sourire, ils étaient au courant de la blague, une petite rigolade, pas de bobo ; mais si ça arrivait quand ils étaient là, à leur avis ils se passait quoi quand ils n’étaient pas là ?

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3L’avantage de prendre une année de plus ce n’est pas d’en avoir une de moins à vivre, évidemment, mais c’est de recevoir des livres qui ont plu à vos proches. Je ne connaissais pas cet auteur, je suis ravie de l’avoir découvert. Je l’ai lu dans le train Saint Malo-Paris, et le plus gros reproche que je puisse faire, c’est qu’il ne m’a permis d’aller que jusqu’à Vitré.

Problème pour vous présenter ce roman sans le « divulgacher » car tout est dans le suspens, j’imagine vos cris d’horreur si je vous raconte un tant soit peu cette histoire. Le début : un certain William, promet à son meilleur ami qui va mourir de retrouver sa fille Mathilde, celle-ci a été en hôpital psychiatrique et a eu un enfant qu’elle n’a plus le droit de voir. J’ai donc pensé à un roman sur la misère sociale et sur le dévouement d’un homme fidèle à ses promesses. J’ai eu tout faux et je suis partie dans l’imaginaire de cet écrivain grinçant et irrespectueux en espérant que l’histoire se termine bien.

Voilà, je n’ai rien dévoilé, je vais utiliser les procédés de Krol : lisez-le, puisque je n’ai pas pu l’abandonner, si vous avez deux heures à passer dans les transports, vous oublierez tout.

Citations

Un indice donné au début du roman

Le nom du syndicat m’est revenu à l’esprit. J’avais aperçu une affiche dans le bureau du personnel lors de mon renvoi, pour faute grave et escroquerie, des établissements Vernerey

Une mère qui a du mal avec le principe de réalité

 C’est complètement idiot de voler une paire de lunettes de soleil. Imagine ! Mathilde ! Tu veux te retrouver au poste de police ? En train d’expliquer ton intention de revoir ton fils contre la décision du juge ! ? Mais Mathilde ne voyait pas le rapport entre ces lunettes et son fils.

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Traduit de l’anglais (américain) par Isabelle MAILLET.

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J’avais noté ce titre car « Wisconsin » est un mot qui résonne en moi : j’ai pendant toute ma carrière enseigné le français aux étudiants de Beloit College, petite université de cet état lors de leur semestre en immersion en France. De plus, Clara Brize et bien d’autres m’avaient fait noter ce titre, que j’ai ensuite oublié.

C’est un roman à plusieurs voix, chaque protagoniste du roman a, un moment, la parole. L’axe principal, c’est la violence perverse d’un père de famille John Lucas. Mais pour nous amener à supporter l’horreur dévoilée à petite dose, Mary Relindes Ellis remonte dans le passé des personnages et peu à peu le lecteur a l’impression de comprendre et d’évoluer dans une société dont il connaît les règles et les soubassements.

Tout commence par un père allemand, violent et alcoolique qui n’a su transmettre que des messages de construction d’une personnalité masculine méprisant la femme et cherchant à tout prix à s’affirmer par la force. Son fils commence sa vie d’homme par un énorme mensonge qui brise à jamais son estime de lui-même, tous ceux qu’il pourra faire souffrir paieront très cher d’avoir croisé sa route. Les deux fils de John préfèrent fuir chez leur voisin, chez qui l’amour et le respect de la vie sont de vraies valeurs. La femme et la mère de ces enfants, Claire Lucas a eu pour son malheur une éducation catholique rigoureuse qui en gros lui disait « supporte ma fille, ton bonheur est dans l’au delà », elle ne saura pas protéger ses enfants qu’elle aimait d’un amour sincère. Jimmy l’ainé, partira faire la guerre au Vietnam et Bill restera dans cette famille, lieu de souffrance absolue. Heureusement pour lui, il y a la nature et sa passion pour les animaux blessés qu’il veut sauver et y parvient souvent. Sans « divulgacher » la fin, il est bon de savoir que la famille des voisins, celle d’Ellis et de Rosemary apporteront l’espoir dans l’humanité.

La force du livre vient de la façon d’écrire de cette auteure, chaque morceau de son récit est comme une petite nouvelle dans un univers qui va mal, elle ne donne pas toutes les clés immédiatement mais nous laisse ressentir l’atmosphère qui emprisonne ou qui, au contraire, fait du bien à ses personnages. Ceux qui savent apprécier la nature si importante dans cette région du Nord du Wisconsin, sont un jour ou l’autre sauvés du désespoir causé par la cruauté du mâle humain dominateur sans limite quand s’y mêle la perversion, y échapper demande une force que peu d’entre eux sauront trouver.

Citations

Une citation qui hantera Ellis toute sa vie

Le printemps est la saison des femmes et de la naissance. L’automne est la saison des hommes et de la chasse.

Le poids du silence dans les familles

Mieux vaut vivre avec ses blessures que mourir étouffé dans sa coquille.

L’image du bonheur dans la famille d’origine allemande qui a forgé le caractère du père violent et sadique

Quand tu seras propriétaire de ta terre, ce sera toi le patron. Le secret , c’est de la (ta femme ) faire travailler pour toi. Comme ça, t’auras plus de liberté. Après, tu pourras partir pêcher et chasser tout ton saoul ! Tu seras heureux. Tu connaîtras la Gemütlichkeit ! avait-il lancé en lui donnant une bonne bourrade dans le dos.

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John savait que son père ne l’aurait jamais laissé entrer chez eux s’il n’avait pas été médecin, car il était juif.

La perversité

Il a guetté ma réaction en se fendant de ce sourire qui ponctuait toujours ses tentatives pour me faire du mal. Sur un enfant, un tel sourire – manifestant la joie d’avoir accompli un exploit au prix de gros efforts, comme par exemple placer des blocs ronds dans des trous ronds – aurait été touchant ; sur un adulte, il paraissait sinistre et menaçant.

La douleur

Moi, j’ai beaucoup pleuré, comme bien des femmes ici. Mais même au plus fort de la douleur, nous gardons toujours espoir. Nous les femmes, nous manifestons notre chagrin à la manière des loups et des coyotes, hurlant à l’adresse de nos partenaires et de toute la meute. Quand les hommes pleurent, ils expriment une telle vulnérabilité, une telle angoisse, qu’ils semblent presque à l’agonie.

La nature

Les feuillages déclinant toutes les nuances du feu, que les premières tempêtes d’octobre emporterait comme de la fumée. L’étonnante beauté des branches nues dressées vers le ciel, comme si il les avait déshabillé pour les mettre au lit.

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Il aurait fallu si peu de chose pour que ce livre ne soit jamais écrit : que le placement de Lyes par l’ASE, qui avait si bien commencé dans une famille aimante prête à l’adopter ne quitte la région parisienne. Comme il le dit lui même, ces cinq ans de bonheur normal lui ont sans doute forgé des forces pour être debout aujourd’hui. Ensuite ce sera l’enfer pour lui d’abord, et lorsque les adultes qui auront à s’occuper de lui l’auront bien écrabouillé et détruit en lui, toute trace de naïveté de son enfance, ce sera l’enfer pour tous ceux ou celles qui devront l’approcher.

Il veut témoigner de ce que sont les foyers où on mélange les enfants de 8 ans avec des jeunes de 17 ans, du peu de surveillance de certaines famille d’accueil, de l’absurdité des placements successifs, l’abus de l’utilisation des médicaments lorsqu’un enfant est agité et du mal que peut créer le lien avec la mère biologique au détriment de l’enfant. Un argument donné par son référent de L’ASE pour ne pas le laisser dans la famille d’accueil qui voulait absolument le garder (et qui a su conserver un lien avec lui), c’est que sa mère internée en HP ne gardait que ce fil si fragile pour ne pas sombrer dans une démence encore plus grave.

Encore un témoignage important pour ne pas oublier que dans notre société on est loin de faire tout ce qu’il faut pour des enfants privés de parents responsables, c’est dans ce foyer qu’il prendra conscience qu’il est « arabe » et j’ai lu son témoignage en pensant aux frères Kouachi, ils ont connu eux-aussi aussi l’enfer des foyers, et les éducateurs les trouvaient… « gentils » !

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Je dois la lecture de ce livre à Aifelle, qui en parle comme d’une « pépite ». J’ai été touchée, moi aussi, par la sensibilité de ce « Fifi », petit dernier d’une tribu de paysans chez qui le cœur à l’ouvrage remplace toutes les vertus dont celle du cœur. Fifi se console avec ses cochons, seuls êtres vivants qui lui donnent un peu de douceur depuis le départ de sa sœur Maryse, celle qui a donc finalement « passer la rivière ».

Pourquoi suis-je moins enthousiaste qu’Aifelle, je n’aime pas trop les invraisemblances, dans ce récit totalement intemporel, il est vrai, un jeune adulte est élevé sans aucun lien avec le monde extérieur, comment a-t-il échappé à l’école ? Comment ne sachant pas lire, arrive-t-il à apprendre uniquement en apprenant une lettre après l’autre, au bout de 24 séances, il sait donc lire ! ? (Tous les gens qui ont dû faire face à illettrisme savent que c’est totalement impossible) Comment l’enquête sur un incendie alors que celui-ci a trois départs, et cause la mort de trois personnes, ne provoque pas une enquête approfondie ? Une autre invraisemblance est encore plus criante, , mais la dévoiler reviendrait à raconter la longue et difficile enquête de François (Fifi) vers ses origines.

Si on passe au-delà de tout cela, ce court roman est poignant, ce jeune homme sensible est élevé dans un monde de dureté absolu, il veut comprendre qui il est, pourquoi sa famille se comporte de cette façon, et comment faire pour que ce soit différent. Il finira bien sûr par passer la rivière lui aussi, comme sa sœur Maryse seule personne à avoir donner un peu d’affection au petit gardien des cochons.

Citations

Jolie phrase triste

Je prenais mon balai et mon torchon pour effacer le temps qui passe et la poussière comme la neige tombée sur tout ce qu’avait connu Maryse.

Dureté

Chez nous, on ne pleure pas, ça mouille à l’intérieur, mais au dehors c’est sec.

L’absente

De notre mère pas de photo, juste la taloche quand je posais des questions au père et ses yeux qui regardaient vers nulle part, le grand silence qui se faisait alors.

La réalité et les livres

Peut-être que les livres ça ment, ça ne cesse de mentir, alors à quoi ça sert de lire pour espérer des choses qui n’arriveront jamais.

Désespoir et lueur d’espoir

S’il y avait une chose impossible, c’était bien celle-là. ça je le savais que tu ne sauves personne rapport à Oscar et à Jean-Paul et à tous les autres qu’on aime, qu’on ne peut pas empêcher de crever comme des mouches qu’on aplatit avec la main. Je ne savais même pas si on peut se sauver soi-même, mais j’étais prêt à parier que oui.

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Traduit du norvégien par Terje SINDING.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
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Deux hommes, la cinquantaine se croisent sur un pont, l’un est au volant d’une très belle voiture et possède tous les signes extérieurs de la réussite sociale, l’autre pêche et semble au bout du rouleau. C’est Tim, et Jim. Ils ont passé leur enfance et leur jeunesse ensemble, à l’époque Jim était destiné à une vie facile et vivait près de sa mère, ces deux là s’aimaient beaucoup, trop peut-être ? Tim, au contraire, a connu le départ de sa mère et les violences d’un père alcoolique qui le frappait sans retenue, lui et ses sœurs. La rencontre est rapide et rien ne se passe, sauf que tous les deux retrouvent leur passé. Par petites touches, en passant d’un personnage à un autre, l’auteur nous présente la vie ordinaire d’une famille détruite par l’alcool et la violence pour Tim, et la vie étriquée chez la mère de Jim écrasée par le poids de la religion. Il n’y a pas de misérabilisme dans la façon de raconter, l’humanité norvégienne qui est aussi la nôtre et notre époque sont toutes entières dans ce roman. Plutôt du côté de ce qui ne va pas, mais pas seulement.

Rien n’est idéalisé, ce qui caractérise le caractère norvégien c’est que la réalité n’est jamais embellie, les personnages préfèrent se noyer dans l’alcool que s’ouvrir à autrui. J’ai vraiment aimé ce roman, bien qu’il soit désespérant, j’ai du mal à comprendre également pourquoi Jim se laisse ainsi aller vers le néant. Je dois avouer que je me sens très étrangère à la psychologie norvégienne, rien n’est complètement expliqué, tout est dans le silence. C’est à la fois très fort et tellement dérangeant, par exemple, que cherchait Tya lorsqu’elle a appelé Tim, son fils de 5 ans, pour qu’il sauve le vieux chien de l’eau glacée ? Que l’enfant se noie ? De tuer le chien ? Et si elle a regretté son geste pourquoi n’a-t-elle pas sauvé elle-même le vieux chien ? Pourquoi a-t-elle appelé son fils qui n’avait pas pied dans cette marre alors qu’elle n’aurait eu de l’eau que jusqu’à la taille ? Aucune réponse à ces questions et à tant d’autres ? Même la fin est une porte ouverte sur ce qui peut se passer après , Tim sera-t-il heureux ? Jim va-t-il vivre ? Vont- ils se retrouver ?

Toutes ces questions sans réponse, ne m’ont gênée qu’une fois le livre refermé, pendant la lecture j’étais bien, même si je me sentais très triste, avec les personnages. Per Petterson est grand romancier, il laisse une trace très originale dans la littérature contemporaine.

Citations

Explication du titre

Je n’étais pas d’accord. Pas du tout. Moi, ça ne m’était pas égal.

– Mais tu peux refuser , ai-je dit

Il a de nouveau tourné la tête vers moi :

– On ne peut pas refuser de mourir, mon ami.

– Bien sûr que tu le peux.

L’absence de lien entre le père maltraitant et son fils

Et il serrait le col de sa veste ; c’était une veste grise, une sorte de blazer ou de vieux veston trop léger, qui semblait provenir de l’Armée du salut. Un pardessus aurait été plus approprié, ou une parka, quelque chose de chaud et de doublé ; il faisait un froid de loup, on était en décembre et il y avait des gelées blanches. Mais je n’ai pas traversé la place de la gare pour rejoindre mon père et lui offrir mon propre pardessus. Faire la paix, pas question. Tendre l’autre joue, non plus.

Retrouver son père alcoolo quarante ans après

– Tu peux pas quitter ton père sans prendre un café, ça fait une éternité qu’on s’est pas vu.T’as pas changé, pourtant. Je le savais ; mon Tommy, il est toujours le même, j’ai dit aux flics.

On ne s’est pas vu depuis quarante ans, comment pouvait-il dire une chose aussi absurde ? Toujours le même, et la batte de base-ball ? Je n’étais plus du tout le même, chaque jour je l’étais de moins en moins. Je changeais vite et pas en mieux.

On en parle

Chez Jérôme et Krol.

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
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Pour que le club de lecture fonctionne correctement, il faut que les livres soient lus en moins d’une semaine, les romans courts et incisifs sont donc largement avantagés par rapport aux romans de cinq cent pages où il faut prendre son temps. Et dans celui-ci, Eric Fottorino prend tout son temps pour nous raconter au moins quatre vies.

  • Celle de son enfance chez les Ardanuit à Bordeaux où, jusqu’à l’âge de 10 ans, il sera « le petit » confronté à l’aigreur d’une grand-mère destructrice qui fréquente beaucoup trop les églises, Notre-Dame-des Chartrons entre autre. Tout est mortifère chez elle, un peu comme dans la chanson de Brel « ces gens là »

Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne pense pas, Monsieur
On ne pense pas, on prie

Frida serait Lina sa trop jeune maman du « petit François », elle est très belle et voudrait trouver un homme qui l’aime elle et son enfant.

  • Sa période heureuse, quand Lina se marie avec Marcel Signorelli, un ostréiculteur de la région de La Rochelle, les Signorelli, c’est le midi, le soleil qui chasse tous les miasmes de la bigoterie bordelaise.
  • La fin de sa vie, quand rongé par la maladie de Korsakov ,il s’approprie, au point de croire que c’est la sienne, la vie de Fosco Signorelli qui a dû partir de Tunis au moment de l’indépendance alors qu’il avait fait totalement sien ce fier et si beau pays du désert et de ses habitants.
  • Et par dessus tout cela, celle d’un certain MAMAN dont il est le fils naturel mais qui n’a pas pu ou pas voulu être son père.

Korasakov est une maladie étrange qui est le plus souvent le signe d’un alcoolisme sévère, elle ronge la mémoire à le manière d’un Alzheimer, mais en plus fait adopter au sujet qui en est atteint, une des personnalités qu’il a rencontrée. On peut se demander si tous les écrivains qui s’approprient la vie de leurs personnages ne sont pas, plus ou moins, passagèrement atteints de ce syndrome. En tout cas cela sert bien le roman d’Eric Fottorino. Il peut lui l’enfant sans père, s’approprier la vie de ce grand père d’adoption et nous la faire revivre.

Tout le long du roman, cet enfant qui n’a su dire le mot « papa » qu’à 10 ans découvre que son père biologique s’appelle « Maman » qu’il faut prononcer Mamane. On ne s’étonnera pas que cet enfant soit si attaché aux mots qu’il comprend parfois de travers, on se demande aussi si sa maladie ne vient pas du fait qu’il a dû assumer trois identités. J’ai lu récemment « Chevrotine » du même auteur et assez curieusement on retrouve le même thème dans une partie du roman. L’ostréiculteur au grand cœur, et surtout Carla la seconde femme du narrateur qui ne saura pas aimer Marco le fils pianiste, né du premier mariage, et comme dans « Chevrotine » le père un peu lâche laissera son fils s’éloigner de lui.

C’est donc un roman très dense où les vies se mêlent, j’avoue m’y être ennuyée car il veut brasser trop d’aspects qui n’ont rien à voir ensemble : la vie étriquée de Bordeaux dans un milieu aigri catholique, la vie d’un homme sorti de prison qui se pend , son oncle homosexuel qui se suicide , puis la mafia à Palerme, puis la Tunisie et les combats au moment de l’indépendance. Malgré les 500 pages on a l’impression de survoler et de n’entrer vraiment dans aucune histoire. Mais comme je l’ai dit en commençant , c’est peut-être un roman qu’il faut lire avec du temps mais alors, bon courage ! car le lecteur est souvent entrainé dans les sables mouvants d’une tristesse teintée de culpabilité. Évidemment, on pense à « Chevrotine » .

Citations

La bigoterie

– Il paraît que le père Castelain a le cancer, murmure la vieille je prie pour lui.
– Je priera aussi, renchérit Odette.

D’autres mots fusent à mi-voix. Méningite. Zona. Bile verte.

L’énumération des souffrance ragaillardit les deux vieilles.

Les Ardanuit oublient qu’ils ont passé leur vie à faillir. Failli réussir, failli s’en sortir, failli gagner à la loterie nationale, failli tout racheter, le Château-Gaillard, les terres de Sologne et les étangs à nénuphars, tout. Failli relever le nom et le blason, failli sauver l’honneur et les authentiques couverts en argent. Faili être heureux. Ils se tiennent chaud avec des presque et des peut-être, des demain si Dieu le veut. Dieu ne veut jamais.

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L’horreur d’être élevée par une mère suicidaire :

Souvent, elle raconte à Charlotte qu’au ciel tout est plus beau.
Et ajoute:quand j’y serai, je t’enverrai une lettre pour te raconter.
L’au – delà devient une obsession.
Tu ne veux pas que maman devienne un ange ?

Ce serait prodigieux, n’est ce pas ?
Charlotte se tait.

La grand-mère neurasthénique

Évidemment, sa grand mère l’aime profondément.
Mais il y a comme une force noire dans son amour.
Comment cette femme peut-elle s’occuper d’une enfant ?
Elle, dont les deux filles se sont suicidées.

Le grand amour de Charlotte le professeur de chant et ses intéressantes théories

Il a développé des théories nouvelles sur les méthodes de chant.
Il faut aller chercher la voix au plus profond de soi.
Comment est-il possible que les bébés puissent crier si longtemps ?
Et sans même abîmer leurs codes vocales.

On en parle

Allez sur Babelio vous verrez que ce roman a touché tant de lecteurs et de lectrices.

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Traduit de l’anglais par Catherine Berthet.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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C’est tout le charme d’un club de lecture, sortir de mes apriori, je n’apprécie que très peu la littérature à suspens. Et, ici, le suspens est fort : une femme Hannah paléontologue dans un musée de Bristol , voit son amie Ellen qui est morte et enterrée depuis vingt ans.Ne vous inquiétez pas je ne vais pas vous raconter la fin du roman ! Je vous explique quand même comment il est construit : deux romans en un , on suit les souvenirs de la très forte amitié qui a unit Ellen et Hannah dans leur enfance et la difficulté de la Hannah d’aujourd’hui qui doit faire face à ses souvenirs et à cette apparition. Le roman est bien mené se lit vite et la solution est crédible. Au nœud du drame une tragédie qui explique bien des choses. Avec encore un manipulateur pervers , décidément très à la mode dans les romans que je lis en ce moment. Et résultat, j’ai passée une soirée et une partie de la nuit avec ces personnages pour connaître le fin mot de l’histoire. Un autre plaisir de lecture, un peu à La « Daphnée Du Maurier » , genre de lecture que j’ai adoré dans ma jeunesse. Voilà , ce roman m’a plongée dans ce plaisir régressif et il est bien ficelé. C’est cela aussi un roman, une évasion pour une journée de pluie vers les côtes de Cornouailles juste en face de mon Dinard.

Citation

Phrases qui m’agacent fortement

Il me paraît que j’eus un sombre pressentiment. Je savais qu’une chose terrible allait se passer dans cette demeure .Je le savais déjà à ce moment.

On en parle

Romans sur canapés