Éditions Points . Traduit de l’anglais par Jean Esch

Après « la trilogie berlinoise » voici l’offrande grecque. Je retrouve avec plaisir cet auteur écossais qui cherche avec obstination pourquoi la réparation des horreurs commises par les nazis a épargné tant d’assassins allemands. Bernie Ghunter, le personnage principal, vit maintenant sous une autre identité à Munich pour faire oublier son passé de policier berlinois sous le régime nazi, il va se retrouver en Grèce où l’attend une enquête très compliquée et pleine de rebondissements sanglants et effrayants impliquant Aloïs Brunner, responsable de tant de crimes et entre autre de l’extermination des juifs de Salonique. (Aloïs Brunner a terminé sa vie en Syrie, il devient conseiller d’Haez el Assad qu’il aide à former les services de renseignement, et à organiser la répression et la torture dans les prisons. lisez l’article de Wikipédia qui lui est consacré).

Ce qui m’a intéressée dans ce roman, c’est l’analyse de cet auteur face aux réactions -si peu nombreuses- suscitées par les crimes nazis en Grèce. Qui sait que 43 000 mille juifs furent déportés sous les ordres d’Aloïs Brunner ?. Pour l’auteur la façon dont l’Allemagne domine à l’heure actuelle l’Europe est une belle revanche pour les nostalgiques de la grandeur de l’Allemagne. L’enquête passionnera plus que moi les amateurs du genre .

Citations

Réflexions sur les atrocités nazies

Juste avant la guerre, j’étais un jeune avocat au ministère de la justice, ambitieux, obsédé par ma carrière. à cette époque, la SS et le parti nazi étaient le moyen le plus rapide de réussir. Au lieu de cela, je suis resté au ministère, Dieu merci. si vous ne m’aviez pas fait changer d’avis, Bernie, j’aurais certainement fini au SD, à la tête d’un groupe d’action de la SS dans les pays baltes, chargé d’éliminer des femmes et des enfants juifs, comme un tas d’autres avocats que j’ai connus, et aujourd’hui, je serais un homme recherché, comme vous, ou pire. J’aurais pu connaître le même sort que ces hommes qui ont fini en prison, ou pendus à Landsberg. Il secoua la tête, sourcils froncés. Très souvent, je me demande comment j’aurais géré ce dilemme… les massacres…. Qu’aurais-je fait ? Aurais-je été capable de faire. ça ? Je préfère croire que j’aurais refusé d’exécuter ces ordres, mais si je suis vraiment honnête avec moi-même, je n’en sais rien. Je pense que mon désir de rester en vie m’aurait persuadé d’obéir, comme tous mes collègues. Car il y a dans ma profession quelque chose qui m’horrifie parfois. J’ai l’impression qu’aux yeux des avocats tout peut se justifier, ou presque, du moment que c’est légal. Mais vous pouvez légaliser tout ce que vous voulez quand vous collez une arme sur la tempe du Parlement. Même les massacres.

Les fraudes( ?) à l’assurance : humour noir.

Sur la note du restaurant apparaissait deux bouteilles de champagne et une bouteille d’excellent bourgogne. Peut-être était-il ivre, en effet, je n’en savais rien, mais si l’assurance payait, Ursula Dorpmüller toucherait vingt mille marks, de quoi faire d’elle une authentique veuve joyeuse. Avec une telle somme, vous pouviez vous offrir des tonnes de mouchoirs et un océan de condoléances les plus sincères .

Descriptions qui me réjouissent .

 Je fus accueilli dans le hall par un gros type qui brandissait une pancarte MUNICH RE . Il arborait une moustache tombante et un nœud papillon qui aurait pu paraître élégant s’il n’avait été vert et, pire encore, assortie à son costume en tweed (et vaguement à ses dents aussi). L’impression générale -outre que le costume avait été confectionné- par un apprenti taxidermiste, était celle d’un Irlandais jovial dans un film sentimental de John Ford.

Je peux lire des romans polars quand l’écrivain possède cet humour :

 Située à une vingtaine de minutes en voiture d’Athènes, la ville ne possédait plus aucun monument ancien important, grâce aux Spartiates qui avaient détruit les fortifications d’origine et les Romains qui avaient détruit quasiment tout le reste. Voilà ce qui est réconfortant dans l’histoire : vous découvrez que les coupables ne sont pas toujours les Allemands.

 

 

Édition Sonatine. Traduit de l’anglais par Julie Sibony 

Tout est faux dans cet excellent roman , même ma classification. Non ce n’est pas tout à fait un roman policier, non Saint-Louis dans le Haut Rhin n’est pas la ville de province sinistre que le personnage Manfred Baumann se plaît à nous décrire, non, la préface que j’ai lue -sans rien trop la comprendre au début- ne dit pas la vérité sur l’auteur sauf sans doute cette citation de Georges Simenon dont je n’ai pas eu le temps de vérifier l’authenticité

tout est vrai sans que rien ne soit exact.

Je ne peux tout vous dire sur ce roman incroyablement bien ficelé sauf qu’on y boit beaucoup -et pas que de l’eau-, qu’il décrit avec beaucoup de talent les ambiances des habitués dans les bars restaurants de province et que vous connaîtrez petit à petit Manfred Baumann, cet homme torturé et enfermé dans des habitudes qui lui servent de règles de vie. Le coiffeur et d’autres habitués fréquentent régulièrement le café restaurant « La cloche » ici tout le monde connaît, Baumann comme directeur de l’agence bancaire sans rien savoir de lui.

 

Le policier l’inspecteur Gorski, a un point commun avec Manfred Bauman, mais comme ce point n’est dévoilé qu’à la fin, je ne peux pas vous en parler sans divulgâcher l’intrigue. Les deux personnages n’ont rien de remarquables sinon qu’ils sont tous les deux issus de cette petite ville et qu’ils ont peu d’illusion sur l’humanité. Le policier a plus de cartes dans sa manche et surtout une fille Clémence qui lui donne le sourire, pour sa femme, qui appartient au milieu chic de Saint-Louis c’est plus compliqué et ce n’est pas certain que son mariage tienne très longtemps. Manfred, lui aussi, vient des quartiers chics mais il a été orphelin très jeune et a été élevé par un grand père qui ne l’aimait guère. Les femmes sont un gros problème pour lui, et il est heureux dans son café en « reluquant » le décolleté d’Adèle Bedeau, celle qui disparaît . Il s’enfonce dans un mensonge qui fera de lui un coupable possible et les bonnes langues du café ne vont pas tarder à se délier. C’est un roman d’ambiance où chaque personnage est décrit dans toute sa complexité, où la vie de cette petite ville nous devient familière, mais dans ce qu’elle a de sombre et d’ennuyeux, c’est sans doute ce qu’on peut reprocher au roman, je suis certaine que l’on peut être joyeux et insouciant à Saint Louis dans le Haut Rhin. Pour conclure c’est un livre que je recommande chaudement (malgré l’ennui qu’a ressenti Gambadou) à tous les amateurs de romans policiers, et à tous ceux qui n’apprécient pas ce genre ; je ne suis donc pas étonnée qu’il ait reçu un coup de cœur à notre club de lecture.

 

Citations

Propos masculin

 Petit et Cloutier, bien que tous deux mariés, parlaient rarement de leur épouse et, quand ils le faisaient, c’était toujours dans les mêmes termes péjoratif. Lemerre, lui, n’avait jamais pris femme. Il déclarait à qui voulait l’entendre qu’il était « contre le fait d’avoir des animaux à la maison ».

Le décor

Bref, les gens de Saint-Louis sont exactement comme les gens d’ailleurs, que ce soit dans les petites villes tout aussi ternes ou nettement plus clinquantes.
 Et comme les habitants de n’importe quel autre endroit, ceux de Saint-Louis ont une certaine fierté chauvine de leur commune, tout en étant conscient de sa médiocrité. Certains rêvent d’évasion, où vivent avec le regret de n’être pas partis quand ils en avaient l’occasion. Mais la majorité vaquent à leurs affaires sans prêter grande attention à leur environnement.

le Policier

Ce qui l’ intéressait n’était pas tant dans le fait que quelqu’un mente que la façon dont il le faisait . Souvent , les gens allumaient une cigarette ou s’absorbaient un peu brusquement dans une activité sans aucun rapport avec le sujet . Ils n’arrivaient plus à soutenir son regard . Des femmes se tripotaient les cheveux . Les hommes , leur barbe ou leur moustache .