5
J’ai ri et en rit encore, c’est plus qu’un coup de cœur c’est le coup de cœur des coups de cœurs et toutes mes amies de notre club de lecture étaient bien d’accord avec moi. Tout est parfait dans ce livre l’écriture la structure romanesque et la galerie des portraits. Un noir du Congo raconte sa vie et sa séparation avec la mère de sa petite fille dans le Paris d’aujourd’hui. Le style de Mabanckou est vraiment savoureux, j’aurais pu tout recopier , il faut lire de toute urgence ce livre, et comme moi je suppose que vous n’oublierez pas le « fessologue » de sitôt !

 Citations

 … Ce groupe fait la pluie diluvienne et le beau temps là-bas… C’est pour ça qu’à la différence de notre Arabe du coin, moi je respecte les Chinois et les Pakistanais. Ce sont de braves types à qui on colle injustement la mauvaise réputation qu’ils se démènent ou restent cois alors qu’ils ne font de mal à personne…

 

Le jour on inventera des tams-tams sans bruit, beaucoup de vieux nègres perdront leur raison de vivre…

5
L’écriture est extraordinaire, j’ai été envoutée par ce livre, on retrouve l’Espagne du début du 20e siècle, ses violences, l’obscurantisme, les croyances religieuses et la condition des femmes. On pourrait avoir un livre aux accents complètement désespérés les histoires sont toutes plus tragiques les unes que les autres (par exemple « l’ogre » qui viole et tue des enfants) mais grâce au style de Carole Martinez, on peut tout lire, ce qui ne veut pas dire tout accepter. C’est vraiment un beau livre que j’ai découvert grâce à mon club de lecture et qui depuis a gagné neuf prix littéraires.

Citations

 Un dimanche, la mère surprit ces œillades et, de retour chez elle, la jeune fille fut giflée.
– Tes yeux ne doivent voir que le padre ! Hurla Francisa.
– Pourquoi ? lui demanda la future fiancée.
– Parce qu’il porte des jupes, continua sa mère en larmes. Si quelqu’un surprend ton manège, on te prendra pour une fille perdue, on ira raconter que tu te donnes, que tu écartes les jambes quand on te paye et alors plus personne ne voudra de toi. Pense à la grand Lucia qu’on couche dans tous les buissons, qu’elle le veuille ou non, tout ça parce qu’on l’a vue se retourner pendant la messe vers celui auquel on l’avait promise.

 

La Maria privilégiait l’hygiène, la Blanca, la magie. L’une représentait l’avenir, la science ; l’autre le passé et ses forces obscures bientôt oubliées. Situées chacune à un bout du temps, en regard de part et d’autres du moment présent, ces deux femmes ne se parlaient jamais directement. Seule l’une des deux était présente lors d’un accouchement. Pourtant, quand la chose se présentait mal, elle faisait appeler l’autre. Alors, sans s’adresser un mot, les deux femmes agissaient de concert et il était bien rare qu’elles ne sauvent pas la mère, car toutes les deux contrairement à un bon nombre de celles qui les avaient précédées, faisaient passer la vie de la femme avant celle de son enfant et c’était sans doute sur cet accord silencieux que se fondait leur entente.

 

Cette fois, elle ferma les volets, couvrit le miroir, ce piège à âmes, arrêta l’horloge … Elle venait faire un mort.

 

En cousant les linceuls, on regretta le curé et l’église. Les maigres discours des anarchistes loqueteux ne valaient pas la pourpre des rituels catholiques, ils ne pouvaient promettre à ces hommes tombés pour la cause le moindre au-delà ! Les adieux prenaient un caractère définitif et dérisoire.

 

Depuis le premier soir et le premier matin, depuis la Genèse et le début des livres, le masculin couche avec l’Histoire. Mais il est d’autres récits. Des récits souterrains transmis dans le secret des femmes, des contes enfouis dans l’oreille des filles…….Ce qui n’a jamais été écrit est féminin.

Traduit de l’anglais (Canada) par Hugues Leroy.

5
Extraordinaire récit à propos des indiens et de l’engagement du Canada dans la Première guerre mondiale, c’est un livre d’une beauté et d’une densité rare. Coup de cœur du club de lecture de Dinard. J’ai rarement lu une analyse aussi approfondie de la guerre et des conséquences sur un être humain d’avoir le droit de tuer. Le lecteur est saisi par ce livre, la description de la guerre, les violences faites aux indiens au Canada, l’amour et la force d’une femme indienne, dont on suit jour après jour le long périple sur la rivière pour ramener à la vie l’ami de son neveu.

Citation

Un obus est tombé trop près. Il m’a lancé dans les airs et, soudain, j’étais oiseau. Quand je suis redescendu, je n’avais plus ma jambe gauche. J’ai toujours su que les hommes ne sont pas fait pour voler.

 4
C’est un livre qu’on ne quitte plus quand on l’a commencé. Cette voix d’enfant à laquelle s’adresse l’auteur en lui disant « tu » touche le lecteur. Marion (Funny) doit affronter deux drames intimement liés la maladie mentale de sa mère maniaco-dépressive et la honte d’être une enfant d’un soldat allemand. L’enfant aime, a peur, a honte de sa mère. Une solution existe : ses grands parents des gens « comme il faut » mais qui ne savent pas comprendre l’attachement de la petite à cette mère qui aime sa fille malgré sa maladie.
Ce n’est pas un excellent roman mais c’est un beau témoignage de ce que peuvent supporter des enfants lorsque les parents sont déséquilibrés.

Citations

Une maladie à éclipses. Une maladie à répétitions. Une maladie à surprises. Une maladie sur le nom de laquelle à l’époque, on hésitait. Une maladie qui faisait honte. Une maladie qui faisait peur.

 

Tu aimes votre appartement,…. C’est là … que tu as commencé à aimer Fanny 

 

Tant de choses comme cela que tu ignores. Que tu devines vaguement. Des choses qui sont là. Qui te frôlent, cachées dans l’ombre, mais si denses que tu en éprouves la secrète présence, comme une menace.

 

Elle n’est pas comme les autres. Elle détonne parmi les fidèles, ces gens tranquilles, sans éclat, ces gens qu’on ne remarque pas, qu’on ne voit pas….. Elle crie au milieu des muets. Elle danse parmi les gisants.

 

Et celle-là, tu la hais, de toutes tes forces.
La bête mauvaise, c’était elle. Depuis le premier jour.

On en parle

La femme de l’Allemand – Marie SIZUN link

5
Petit roman plein d’humour qui se lit très vite. Peinture inoubliable d’une mère abusive, odieuse et du petit monde des exilés russes. Dimitri Radzanov excellent pianiste rivalise au piano avec un certain Horowitz. Pour la mère de Dimitri il n’y a aucun doute, son fils est le meilleur, même s’il joue dans un poulailler dans le fond de son jardin de Chatou et Horowitz (Face de Chou) à Carnegie Hall. Beaucoup des tragédies du 20e siècle : les guerres l’exil l’extermination des juifs traversent rapidement ce petit roman. Mais son charme vient surtout de tout ce qui est dit sur la musique, la solitude et la souffrance du concertiste virtuose.

Citations

« Nous faire ça à nous ! » La voix de ma grand-mère me fendait les tympans, aussi tranchante que le scalpel en train d’inciser les cadavres d’école. Par ce « nous » outragé, elle désignait les Radzanov uniquement, transformant une défaite historique en offense personnelle.

 

Maman n’avait pas d’instruction, ce qui constituait aux yeux de sa belle-mère un défaut rédhibitoire, aggravé par ce crime de lèse-Anastasie : « Elle m’a pris mon fils ! »

 

 – Vous connaissez Horowitz ? s’étonna ma mère.
– Non, mademoiselle, Horowitz NOUS connaît !

 

Mon père s’étant fait virer de sa fabrique de colle ( un boulot auquel il n’avait jamais adhéré)…

 

Car il faut savoir à qui cela ressemble, une vie de concertiste. C’est comme si tu grimpes l’Alpe-d’Huez tous les jours sans ta selle.

 

Depuis l’âge de25 ans, il est persuadé qu’il est atteint d’un mal incurable, mais sa seule maladie est la frousse de perdre sa virtuosité et d’être envoyé dans un camp comme son père et des millions d’autres juifs.

 Traduit de l’anglais ( États Unis ) par Cécile Arnaud.
3
Récit des purges staliniennes de 1934 à 1937. Le personnage principal, Ossip Mandelstam est arrêté pour avoir écrit un pamphlet contre Staline sous forme d’une ode. Le récit suit plusieurs personnages qui ont, pour leur malheur, croisé ou partagé la vie du poète .C’est un livre éprouvant comme souvent les livres décrivant cette époque, la réalité est sans doute pire que le roman. C’est mieux d’avoir un bon moral avant de se plonger dans cette lecture. Je préfère toujours les témoignages, ou les études historiques à la création romanesque sur des sujets si sensibles et pour lesquels ils existent encore des témoins vivants.

Citation

 Étrange prière prononcée par la femme du poète avant de se rendre à une convocation à la Loubianka.
Notre père qui êtes aux cieux
S’il a encore une muse et une érection
Faites que le soleil oublie tout simplement
De se lever demain matin
Amen

4
Impression étrange, la première partie du roman a très peu d’intérêt, un homme se fait plaquer par son amie beaucoup plus jeune. Il est russe et repart à Saint-Pétersbourg au milieu de la Russie moderne, là il rencontre un vieil homme, Volski, qui lui raconte son passé d’homme russe : le blocus de Leningrad, la guerre, le goulag, la mort de sa compagne dans un camp, son travail auprès des enfants handicapés. Makine le raconte très bien, le roman prend alors tout son intérêt. J’ai pensé à la citation de Tchékhov que Makine cite plusieurs fois :

« Il nous encourageait à couper le début et la fin de nos nouvelles. Je ne sais pas si le remède du docteur Tchékhov peut guérir un roman. En tout cas, mon héroïne vit dans la partie qu’il conseillait de couper ».

Je me demande si l’écrivain avait besoin de nous faire passer par les petitesses de notre monde actuel pour nous intéresser à la grandeur du tragique destin de Volski.

Citations

Un jeune russe dans l’édition. Alors j’ai voulu me payer sa tête, j’ai cité Marx « le seul critère de la vérité est le résultat pratique » et dans l’édition, le résultat c’est le nombre de ventes, n’est ce pas ? Si des livres de merde se vendent, c’est qu’on en a besoin.

On en parle

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3
Ce roman se lit très vite en quelques heures, cela ne l’empêche pas d’être une bonne approche du problème des SDF et de comprendre le parcours des jeunes qui se retrouvent à la rue. Il est écrit sans complaisance. On peut l’offrir à des ados parce que le personnage principal est une adolescente, cela leur permettra de réfléchir à ce qu’on peut, ou ne pas, faire pour des SDF On y trouve tous les thèmes qui hantent les adolescents, la mort, le lycée, l’alcool, la dépression.

L’histoire : une jeune ado surdouée et malheureuse décide de sauver une SDF et elle y réussit presque, mais on voit à quel point c’est difficile pour tout le monde, pour la jeune SDF et pour ceux qui essaient de sauver et de sortir « no » (Nolwenn) de la rue.

Citations

Noël est un mensonge qui réunit les familles autour d’un arbre mort recouvert de lumières, un mensonge tissé de conversations insipides, enfoui sous des kilos de crème au beurre, un mensonge auquel personne ne croit.

Certains secrets sont comme des fossiles et la pierre est devenue trop lourde pour la retourner.

On en parle

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Traduit du hongrois par Marcelle Régnier et Georges Régnier.

3
Les Braises est considéré comme un chef-d’œuvre par de nombreux lecteurs et critiques. J’avais déjà lu Métamorphose d’un mariage du même auteur sans beaucoup apprécier, tout le monde m’a dit qu’il fallait lire les Braises. C’est fait, je sais de façon définitive que cet auteur n’est pas pour moi. J’ai retrouvé la même lourdeur et lenteur. Il s’agit d’un long monologue puis dialogue autour d’une trahison et du désir de vengeance. Tout y est très finement analysé.

On a l’impression d’un arrêt sur image de 200 pages. Les films d’Ingmar Bergman à côté c’est Speedy Gonzales !

Citations

 « Je veux être poète ! » dit il un jour en contemplant la mer, le regard rêveur sous les paupières mi-closes, tandis que ses boucles blondes ondoyaient dans le vent chaud. La nourrice l’entoura de ses bras et pressa sa tête contre son sein.

 » Non, tu seras soldat.  » dit-elle.

« Comme mon père ? » questionna-t-il et, déçu, il secoua la tête.

Il doit être atroce le moment où la tentation subjugue un cœur humain et où un homme lève son arme pour tuer son ami.

On en parle

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Traduit de l’anglais par Pierre Ménard.

4
Petit livre d’humour, typiquement britannique. Et si la reine d’Angleterre se mettait à aimer lire ? Elle découvre la lecture grâce au bibliobus et délaisse ses devoirs royaux pour sa nouvelle passion : la lecture. Au-delà de l’humour, l’auteur raconte très bien le plaisir de la lecture, et les obligations de la reine d’Angleterre , l’auteur se moque si bien des Anglais ! Les questions rituelles de la reine à ses sujets, lors des rencontres officielles, sont très drôles.

J’ai beaucoup ri à la lecture de ce roman et j’ai regretté de ne pas pouvoir le lire en anglais. Petit bémol : je l’ai prêté à ma fille qui ne l’a pas trouvé aussi amusant que moi, elle n’arrivait pas à le terminer tellement elle s’ennuyait, comme quoi !

Citations

Lorsqu’on a quatre-vingts ans, les événements ne se produisent plus : ils se reproduisent.

 

Cet attrait pour la lecture, songeait-elle, tenait au caractère altier et presque indifférent de la littérature. Les livres ne se souciaient pas de leurs lecteurs, ni même de savoir s’ils étaient lus. Tout le monde était égal devant eux, y compris elle. La littérature est une communauté, les lettres sont une république… …Les livres ne varient pas. Tous les lecteurs sont égaux… …La lecture… Il y avait en elle quelque chose d’anonyme, de partagé, de commun… …Elle pouvait parcourir toutes ces pages, l’espace contenu entre les couvertures de tous ces livres, sans qu’on la reconnaisse

En parlant de Proust

Le pauvre homme souffrait le martyre en raison de son asthme et faisait partie de ces gens qui auraient parfois besoin de se secouer un peu. Mais la littérature n’est pas avare en individus de ce genre. Le plus curieux, en ce qui le concerne, c’est que lorsqu’il trempait un gâteau dans sa tasse de thé (pratique par ailleurs répugnante) toute sa vie passée remontait à sa mémoire. Je dois avouer que j’ai testé sa méthode sans l’ombre d’un résultat.

On en parle

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