Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Isabelle Caron. Lu dans le cadre du meilleur des coups de coeur de l’année 2015/2016 au club de lecture de la médiathèque de Dinard
J’ai eu beaucoup de mal à lire ce livre qui utilise un procédé étonnant et, comme tous les procédés, très artificiels. Le personnage principal est souvent en grand danger de mort, en si grand danger que la mort l’emporte … le roman pourrait alors s’arrêter. Ce serait méconnaître le pouvoir de l’écrivain qui reprend là où l’histoire s’est mal engagée pour la survie d’Ursula . Ce bébé meurt au chapitre un, à la naissance car le médecin n’a pas pu arriver à temps, à cause de la neige. Kate Atkinson reprend : le médecin arrive et Ursula respire…. Puis, elle périra noyée mais en reprenant le récit là où le danger était si grand que la fin logique était la noyade, elle sera sauvée par un peintre qui peignait une marine de cette si belle côte avec deux enfants jouant sur le rivage.
Bref, de récit en récit, on arrive à connaître parfaitement la Grande Bretagne de 1910 à 1946. Ce roman ne donne pas toutes les clés ni des relations des personnages entre eux, ni du pourquoi de leur présence dans des lieux si chargés historiquement : le lecteur est promené du Blitz dans les caves de Londres, au nid d’aigle aux côtés d’Eva Braun et Hitler. Au début, je me perdais à cause de ce procédé qui crée de multiples retours en arrière et puis je m’y suis habituée. J’ai pensé que c’était comme si l’écrivain vous proposait de refaire votre vie autrement à chaque fois que la souffrance vous a totalement submergé. Ursula prend peu à peu conscience qu’elle possède un pouvoir à la fois de prémonition et aussi celui d’empêcher la catastrophe en déviant les forces du destin, il faut pour cela effectuer un retour en arrière. Comme je lisais simultanément « La Variante Chilienne » je trouve que cette citation convient parfaitement à « Une Vie Après l’Autre »
Les « si » sont des carrefours invisibles dont l’importance se manifeste trop tard.
Pour être plus claire, je prends un exemple : Bridget la nourrice et aide cuisinière de la famille, toute heureuse de la fin de la guerre 14/18 veut aller avec son amoureux fêter le retour des soldats à la gare de Londres. Dans la première version du roman, elle y attrape le virus de la grippe espagnole, elle en mourra mais le transmettra au plus jeune frère d’Ursula. Celle-ci met toutes ses forces pour revenir au moment de la prise de décision d’aller à Londres pour empêcher ce projet dont elle seule connaît les funestes conséquences. Cela nous vaut trois récit différents car Bridget veut absolument mettre son projet à exécution, Ursula finira par la précipiter du haut de l’escalier de la maison. Les conséquences sont doubles, Bridget n’ira pas à Londres, personne dans la famille n’aura la grippe espagnole. Mais on ferra soigner la petite fille pour trouble mentaux, elle rencontrera un psychiatre qui sera bienveillant et qui l’accompagnera une grand partie de son enfance. Je crains qu’en disant cela, vous soyez comme moi dérouté par ce procédé, ce serait alors vous priver d’un roman qui décrit si bien l’Angleterre de cette époque. Je n’ai jamais rien lu d’aussi précis à propos de l’horreur des bombardements sur Londres pendant la guerre. Et puis, il y a cet humour si britannique qui fait tellement de bien.
Un livre surprenant donc mais qui plaira aux amoureux de notre chère Grande Bretagne qui vient de choisir de quitter l’Europe !
Citations
L’éducation sexuelle toute britannique
Sylvie n’avait pas la moindre idée d’où venaient les bébés, elle n’avait guère été plus avancée pendant sa nuit de noce. Sa mère, Lottie, avait fait des allusions, mais craint de donner des précisions anatomiques.Les relations conjugales entre Hommes et femmes semblaient mystérieusement impliquer des alouettes prenant leur essor au point du jour.
Des contacts physiques contraires à la bonne éducation britannique
Le bébé emmailloté comme une momie pharaonique fut enfin remis à Sylvie.Elle caressa doucement sa joue de pêche et dit « Bonjour, ma petite » et le Dr Fellowes se détourna afin de ne pas être témoin de démonstrations d’affection aussi sirupeuse.
Les sentiments pour une belle mère
Adelaïde menaçait de mourir depuis plusieurs années, mais « n’avait jamais tenu sa promesse » disait Sylvie.
Les bienfaits de l’Europe
Ursula était vierge en s’embarquant pour l’Europe, mais ne l’était plus à son retour. Elle pouvait en remercier l’Italie. (« Ma foi, si on ne peut pas prendre un amant en Italie, on se demande bien où s’est possible », disait Millie).
Le sens du roman
Et si nous avions la chance de recommencer encore et encore jusqu’à ce que nous finissions par ne plus nous tromper ? Ce ne serait pas merveilleux ?