Traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun.

5
Livre étonnant, bouleversant qui ne vous lâche pas une fois que vous êtes entré dedans. Les personnages vous hanteront longtemps après avoir refermé le livre, un peu comme ceux de : Le temps où nous chantions de Richard Powers. On y retrouve le problème du métissage aux USA. Ici le personnage principal a décidé de se faire passer pour blanc et réussi une carrière universitaire presque parfaite. Un jour, il prononce un mot malheureux « zombie » pour parler d’étudiants qui se révèlent être noirs et le « politiquement correct » va l’obliger à démissionner.

Philip Roth n’épargne dans ce roman, ni le manque de courage de ses collègues universitaires, ni la culture française, mise à mal à travers une normalienne frustrée qui sera à l’origine de sa perte, ni la pudibonderie américaine sous la présidence de Clinton. J’ai pourtant failli passer à côté de ce roman, à cause du style, les accumulations de mots, le fourmillement des idées me fatiguaient, et j’ai commencé à tourner trop vite les pages. J’en ai repris la lecture de façon attentive et en ralentissant mon rythme de lecture. Plus l’auteur allait vite, plus je lisais lentement et le charme a joué : j’ai passé huit jours complètement ailleurs dans les transports parisiens, grâce à ce livre.

Citations

Cet été là, chacun ne pensait plus qu’au sexe du président : la vie, dans toute son impureté impudente, confondait encore une fois l’Amérique.

 

Mais en Amérique en général ce fut l’été du marathon de la tartufferie : le spectre du terrorisme qui avait remplacé celui du communisme comme menace majeure pour la sécurité du pays, laissait place au spectre de la turlute.

 

Seulement le danger avec la haine, c’est que quand on commence il en monte cent fois plus qu’on en aurait voulu. Je ne connais rien de plus difficile à brider que la haine. Il est plus facile de renoncer à la bouteille que de juguler la haine, et ça n’est pas peu dire.

 

La boutique d’antiquité moribonde, le restaurant infâme, l’épicerie de survie, le débit de boisson cambrousard, le coiffeur péquenot, la magasin de vêtements pour homme d’un autre âge, la librairie au fond étique, la pharmacie mal éclairée, le salon de thé cucul, la taverne déprimante, le marchand de journaux sans journaux, la boutique de magie énigmatique et vide – tous avaient cédé la place à des établissements où l’on pouvait manger convenablement, boire un bon café, acheter des médicaments sur ordonnance, trouver une bonne bouteille, un livre traitant d’autre chose que des Berkshires, et faire des achats vestimentaires qui ne se limitent pas à des caleçons bien logs bien chauds pour l’hiver.

On en parle

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Je ne pouvais pas imaginer mon blog sans les livres de Benaquista, je n’avais pas la patience qu’il en écrive un nouveau pour le mettre sur mon blog, alors j’ai relu celui-là pour dire à quel point j’aime bien cet auteur. Lors d’un pari fou, deux hommes se donne rendez-vous trois plus tard au même endroit. Leur but : devenir quelqu’un d’autre. Le roman suit donc la trajectoire de Thierry Blin et de Nicolas Gredzinski dans leur nouvelle vie. Comme à la première lecture, j’ai beaucoup plus de sympathie pour Nicolas Gredzinski que pour Thierry Blin, d’abord parce qu’il va vivre une belle histoire d’amour et qu’il est plein de tendresse pour le humains.

Ce que j’apprécie le plus dans ce livre, c’est la façon dont Benaquista sait raconter des petits moments de vie de notre époque. Les conversations à la cafétéria sonnent tellement vraie. Son humour est décapant tonique, Bref un livre dont l’histoire est bien ficelée, et qui fait sourire : ça fait du bien.

Citations

Une de ses premières clientes avait été cette petite dame et de ses « douze Klimt » à encadrer.
– Douze Klimt ! Gustave Klimt ? Vous êtes sûre ?
– Oui, douze dessins.

– Des originaux ?
– Je ne sais pas.

– Ils sont signés ? Ce sont des oeuvres sur papier ?
– Non, sur un calendrier.

 

Les arrogants seront serviles un jour. En d’autre termes, plus on marche sur la tête des faibles, plus on est enclin à lécher les bottes des forts.

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La lecture des blogs m’a amenée à lire ce roman, et je n’ai pas regretté. C’est un roman vivant et très attachant. Le personnage principal est un adolescent fou de lecture , il s’attire tout de suite la sympathie des lecteurs et lectrices boulimiques, il est le fils d’un couple qui va mal, d’une mère venant de la bourgeoisie commerçante qui se croit supérieure à son mari, fils d’émigré Italien. L’époque les années 60 est vraiment bien rendue, la guerre d’Algérie, le lycée où on s’ennuie, l’arrivée du rock et de la télé, le baby-foot les cafés. (Je me suis demandé si on disait déjà en 1960 bac plus ou moins six pour parler du nombre des années d’études)

Mais le plus important c’est la galerie de portraits des immigrés des pays de l’est rassemblés et désunis par des secrets que le roman dévoilera peu à peu. J’ai beaucoup apprécié qu’un romancier français prenne autant de soin à nous faire découvrir des personnages et les rendre crédibles même dans leurs outrances. Jusqu’au bout , ces personnages sont vivants et plein de contradictions , le livre refermé on aimerait en savoir encore plus sur chacun d’eux.

Citations

Longtemps, j’ai vécu dans l’ignorance la plus totale de l’histoire de ma famille. Tout était parfait ou presque dans le meilleur des mondes. On ne raconte pas aux enfants ce qui s’est passé avant eux ? D’abord ils sont trop petits pour comprendre, ensuite ils sont trop grands pour écouter, puis ils n’ont plus le temps, après c’est trop tard. C’est le propre de la vie de famille. On vit côte à côte comme si on se connaissait mais on ignore tous des uns et des autres. On espère des miracles de notre consanguinité : des harmonies impossibles, des confidences absolues, des fusions viscérales. On se contente des mensonges rassurants de notre parenté.

 

Le cinéma ça fait oublier. C’est le meilleur remède contre la déprime. De préférence un film qui finit bien, qui rend meilleur, qui donne de l’espoir, avec un héros genou à terre, abandonné par ses amis, humain, avec de l’humour, au sourire enjôleur dont le meilleur pote meurt dans es bars, qui encaisse les coups avec une résistance incroyable, triomphe des méchants et de leurs complots, rend justice à la veuve et aux opprimés, retrouve sa bien-aimée, une superbe blonde aux yeux bleus, et sauve la ville ou le pays au son d’une musique entraînante.

 

Tu nous emmerdes avec tes problèmes. Tu es vivant, profites-en pour vivre.

 

Des drôles d’accents qui leur faisaient manger la moitié des mots, conjuguer les verbes à l’infinitif, les mettre en début de phrase, bouffer les pronoms, confondre les homonymes, ignorer le masculin et le féminin ou les accoler dans des associations hasardeuses.

 

Quand un homme accomplit son rêve, il n’y a ni raison ni échec ni victoire. Le plus important dans la Terre promise, ce n’est pas la terre, c’est la promesse.

On en parle

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4
C’est vraiment un très bon roman dont le thème est l’amitié. Je pense que les adolescents adoreront (mais je ne connais pas bien ce public). J’ai beaucoup apprécié la description du plaisir que donne le jeu du basket. Cet écrivain raconte bien les difficultés de vie des femmes en particulier celles qui sont seules pour élèver un enfant, la vie dans les cités défavorisées et la force de l’amitié.

Le récit a pour trame la séparation, la dépression d’une mère, les différences sociales aujourd’hui, le lycée et le basket

Citations

Encore qu’ « amis », c’est un drôle de mot.
C’est comme « amour ».
Ce sont des mots que je n’ai pas l’habitude d’employer.
J’utilise « copain », « camarde », « pote » jusqu’à « cousin » ou jusqu’au verlan – mais « ami », c’est trop bizarre. C’est un mot adulte. J’espère que je vais m’en servir plus tard – et beaucoup- mais pour l’instant, je le tiens à distance.

 

 Seul le frigo faisait son raffut habituel. Il faut le changer, le frigo. Mais on attend qu’il rende complètement l’âme, parce qu’on est raides. Alors en attendant le moment fatidique, on mange un jour des aliments moitié congelés et le suivant, les mêmes, mais pleins de flotte.

On en parle

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4
Superbe livre, j’ai, bien sûr, pensé que j’aurais préféré que comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer soit choisi par la bibliothécaire pour nous faire découvrir Dany Laferrière.(Je me promets de le lire prochainement !)

Haïti semble toujours concentrer tous les malheurs de la planète. Cet écrivain n’explique rien, mais raconte si bien et dans une si belle langue qu’on est complètement envouté par son récit. La galerie de portrait des Haïtiennes et Haïtiens est inoubliable mon préféré est cet homme dont les sbires du régime de « Baby-doc » ont détruit la bibliothèque qui ne contenait que des livres de poésies :

 Et Alcool est le seul livre qui n’a pas été détruit ce jour-là puisqu’il l’avait, comme toujours avec lui – il ne s’est jamais dégrisé d’Apollinaire.

Durant tout le chapitre, l’auteur prend des accents d’Apollinaire pour nous parler de l’ancien ami de son père.

La démarche indolente
d’une vache
à sa promenade du soir.
La nuit devient
chagallienne.

Citations

la lecture

J’ai toujours pensé
que c’était le livre qui franchissait
les siècles pour parvenir jusqu’à nous.
Jusqu’à ce que je comprenne
en voyant cet homme
que c’est le lecteur qui fait le déplacement.
Je n’achetais un livre que
si l’envie de le lire était plus forte
que la faim qui me tenaillait.

 L’exil

Pour les trois quarts des gens de cette planète
il n’y a qu’une forme de voyage possible
c’est de se retrouver sans papiers
dans un pays dont on ignore
la langue et les mœurs.

L’humour

Ce type à côté de moi me dit qu’il a fait déjà deux solides tentatives de suicide, mais qu’il ne pourrait supporter une seule journée d’exil. Moi, c’est le contraire, je ne crois pas pouvoir survivre à un suicide.

Haïti

Si on meurt plus vite qu’ailleurs,
la vie est ici plus intense.
Chacun porte en soi la même somme d’énergie à dépenser
sauf que la flamme est plus vive quand son temps pour la brûler
est plus bref.

La pauvreté

Nous sommes dans la voiture de son ami Chico. On doit garder ses pieds sous ses jambes, car il n’y a pas de plancher. On voit l’asphalte défiler et les trous d’eau verte. On dirait une décapotable à l’envers.

4
Premier octobre : début du club de lecture de la bibliothèque Dinard. Mes lectures vont donc, varier au gré des goûts des dinardaises. Le premier est un livre pour adolescents. Je me demande bien pourquoi pourquoi Catherine Gilbert, la traductrice, a changé le titre anglais The London eye Mystery en L’étonnante disparition de mon cousin Salim. L’enquête pour retrouver le cousin qui a disparu dans la grande roue à Londres est bien menée et tout est plausible . On découvre l’histoire à travers le regard du personnage principal, jeune autiste atteint du syndrome d’Asperger , c’est de là que vient l’intérêt du livre.

Ted ne sait pas mentir, se passionne pour la météo marine, prend au pied de la lettre les expressions toutes faites, n’a aucun humour et a appris par cœur des listes d’expressions du visage pour comprendre les réactions affectives des « normaux » puisqu’il ne les ressent jamais.

Citations

 Ses lèvres sont franchement remontées, mais ses yeux se sont mouillés. Ce qui signifie qu’elle était triste et contente en même temps.

 

Comme la fois où j’avais demandé pourquoi les footballeurs étaient esclaves alors que l’esclavage était aboli, après avoir entendu aux informations qu’une star du club de Manchester United avait été acheté vingt millions de livres par un autre club

 

Salim, si tu es un irrécupérable blagueur, ai-je dit c’est quoi, un blagueur récupérable ?

 

Maman prétend que notre jardin a la taille d’un timbre-poste. En réalité, il mesure trois mètres sur cinq et j’ai calculé qu’on pouvait y faire tenir vingt-deux mille cinq cents timbres.

5
La BD, ce n’est pas toujours ma passion, le plaisir de lecture n’a rien à voir avec celui procuré par un bon texte. Mais j’ai apprécié les dessins, l’humour et la nostalgie qui se dégagent de ces 18 nouvelles, mises en images par des dessinateurs talentueux. J’aime bien , Le View-Master de Jordi Sempere, un homme confronté à l’Alzheimer de sa mère. Ma préférée , surtout pour le dessin , Les Brûlures de Simon Hureau. Pour cette nouvelle, la qualité du graphisme ajoute beaucoup à l’histoire de la rencontre dans une piscine d’un policier noir et d’une jolie fille qui cache un secret douloureux. Le sous-titre du livre « autres nouvelles qui font du bien » est tout à fait vrai : c’est une lecture qui fait du bien.

Citations

– Vous avez raison patron. je dois être le seul chauffeur qui de fasse conduire par son patron.
– Le coup de la voiture avec chauffeur, ça épate beaucoup les coréens.
– Et vous patron, qu’est ce qui vous épate ?
– Que vous soyez parvenu à vous faire engager comme chauffeur sans même posséder votre permis de conduire !

On en parle

Voici le site qui m’a donné envie de lire cette BD : link.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard.

5 Attention, chef d’œuvre ! Ne soyez pas rebuté par les 760 pages, ni par les références aux techniques musicales, ni par les explications sur la relativité. Vous serez emporté par ce roman, vous comprendrez ce que le racisme représente de violence,de souffrance et d’humiliation pour toute une nation. Vous relirez l’histoire des Etats-Unis à la lumière des crimes raciaux et des émeutes qui finirent par en découler.

L’histoire de cette famille est bouleversante, j’ai passé de longues heures avec Délia, David, Jonah, Joseph et Ruth Strom, en espérant que les idéaux des parents, et la musique puissent triompher de la haine ! Seul reproche : j’aurais aimé avoir des notes en bas de page mon inculture américaine m’a obligée à consulter très souvent Wikipédia : je ne connaissais pas o’fay,Ashan, Movietone, Sol Hurok , FRA etc.

Merci Françoise de m’avoir offert ce cadeau qui a enchanté le début du mois de septembre 2009.

Citations

Les trois-quarts de tous les Noirs américains ont du sang blanc – et la plupart d’entre eux ne l’ont pas choisi.

 

« Votre temps est plus lent que le mien. Le mien est plus lent que le vôtre. La raison en perd la raison.
– Oui ! » L’homme s’esclaffe. « Ça aussi c’est vrai ! Mais seulement parce que notre raison a été créée à des vitesses plus lentes. »

 

Lors de ces pénibles après-midi où Jonah et moi sommes bannis de la maison ……Nous restons allongés jusqu’au jour où nos camarades recréent la chute de Berlin en nous incendiant. Après cela, pendant longtemps, nous avons eu le droit de rester à la maison.

 

Était-il possible qu’il existât des Blancs qui, finalement, ne la détestent pas d’emblée pour l’impossible pardon qu’ils attendaient d’elle ?

 

L’oiseau peut aimer le poisson uniquement pour l’étonnement qu’ils éprouvent en filant de concert vers l’inconnu.

 

La plupart des auditeurs ignorent combien il est plus difficile d’effleurer un son plutôt que de le marteler. Un démarrage sur les chapeaux de roue fera toujours plus d’effet, sur scène, qu’un légato, plus difficile à tenir.

 

Elle aimerait marcher dans la rue avec son mari sans avoir à jouer la domestique. Elle aimerait pouvoir lui prendre le bras en public. Elle aimerait qu’ils puissent aller au cinéma ensemble, ou aller dîner quelque part, sans se faire expulser comme des malotrus. Elle aimerait pouvoir asseoir son bébé sur ses épaules, l’emmener faire les courses sans que pour autant tout le magasin en soit pétrifié. Elle aimerait pouvoir rentrer à la maison sans être couverte de venin. Cela n’arrivera pas de son vivant. Mais il faudra bien que cela se produise du vivant de son fils. La rage l’agrippe chaque fois qu’elle quitte la maison. Il n’y a que l’instinct maternel pour contenir cette rage.

5
J’aime la poésie, avoir quelques vers en mémoire m’aide à supporter le quotidien ou à le trouver plus beau. Ce recueil m’a touché, et, j’ai pu faire partager cette émotion à tous ceux qui souffrent de la disparition d’êtres chers. Plus que mes phrases maladroites lisez et écoutez ce poème résonner en vous :

 Je veux te dire cette sorte de secret
qu’on ne lit qu’en soi loin
derrière les paupières fermées
longtemps après que sur le cercueil
se sont reformés les liens du jour

 tes morts ne sont qu’à toi

 toi seule sais leur nom véritable
celui qu’on n’écrit pas aux registres
parce qu’il n’est signe dans nulle langue humaine
et qu’il n’est pas d’oreilles
pour la voix qui le dit

toi seule les vois tes morts
hors leur visage de cendre
et les vois sans faillir dans l’absence même
toi seule l’ombre plus claire dans l’ombre
où leur regard paraît

 et l’exacte main de douceur sur ton front
pareille au flux des herbes dans la brise
toi seule la reconnais
qui n’est pas la matière des songes
ni comme le souvenir appariée du désert

 toi seule sais
la douceur des morts qui t’appartiennent
car tu es né de leur douceur
et tu prolonges dans chacun de tes gestes
la douceur qui fut le pli heureux de leur vie
à tes yeux désormais
de voir clair dans la transparence
que fait leur disparition
à toi de comprendre dans la vie requise
l’effacement et le soleil unanimes
ta joie volontaire
et la beauté des choses

 comme endormis tes morts rêvent à tes côtés

 tu ne guériras pas de leur nuit
mais tu accompliras
comme l’île continuant la terre où elle n’est plus
leur part perdue
car fille des tes morts
tu es ce qu’ils ignoraient d’eux-mêmes

5
L’écriture est extraordinaire, j’ai été envoutée par ce livre, on retrouve l’Espagne du début du 20e siècle, ses violences, l’obscurantisme, les croyances religieuses et la condition des femmes. On pourrait avoir un livre aux accents complètement désespérés les histoires sont toutes plus tragiques les unes que les autres (par exemple « l’ogre » qui viole et tue des enfants) mais grâce au style de Carole Martinez, on peut tout lire, ce qui ne veut pas dire tout accepter. C’est vraiment un beau livre que j’ai découvert grâce à mon club de lecture et qui depuis a gagné neuf prix littéraires.

Citations

 Un dimanche, la mère surprit ces œillades et, de retour chez elle, la jeune fille fut giflée.
– Tes yeux ne doivent voir que le padre ! Hurla Francisa.
– Pourquoi ? lui demanda la future fiancée.
– Parce qu’il porte des jupes, continua sa mère en larmes. Si quelqu’un surprend ton manège, on te prendra pour une fille perdue, on ira raconter que tu te donnes, que tu écartes les jambes quand on te paye et alors plus personne ne voudra de toi. Pense à la grand Lucia qu’on couche dans tous les buissons, qu’elle le veuille ou non, tout ça parce qu’on l’a vue se retourner pendant la messe vers celui auquel on l’avait promise.

 

La Maria privilégiait l’hygiène, la Blanca, la magie. L’une représentait l’avenir, la science ; l’autre le passé et ses forces obscures bientôt oubliées. Situées chacune à un bout du temps, en regard de part et d’autres du moment présent, ces deux femmes ne se parlaient jamais directement. Seule l’une des deux était présente lors d’un accouchement. Pourtant, quand la chose se présentait mal, elle faisait appeler l’autre. Alors, sans s’adresser un mot, les deux femmes agissaient de concert et il était bien rare qu’elles ne sauvent pas la mère, car toutes les deux contrairement à un bon nombre de celles qui les avaient précédées, faisaient passer la vie de la femme avant celle de son enfant et c’était sans doute sur cet accord silencieux que se fondait leur entente.

 

Cette fois, elle ferma les volets, couvrit le miroir, ce piège à âmes, arrêta l’horloge … Elle venait faire un mort.

 

En cousant les linceuls, on regretta le curé et l’église. Les maigres discours des anarchistes loqueteux ne valaient pas la pourpre des rituels catholiques, ils ne pouvaient promettre à ces hommes tombés pour la cause le moindre au-delà ! Les adieux prenaient un caractère définitif et dérisoire.

 

Depuis le premier soir et le premier matin, depuis la Genèse et le début des livres, le masculin couche avec l’Histoire. Mais il est d’autres récits. Des récits souterrains transmis dans le secret des femmes, des contes enfouis dans l’oreille des filles…….Ce qui n’a jamais été écrit est féminin.