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« Le dernier des justes » est certainement un des livres qui m’a le plus marqué. Je ne l’ai pas relu depuis longtemps, mais je ne l’ai pas non plus oublié. On retrouve dans ce livre posthume toute les douleurs des juifs polonais. Mais on y lit aussi celle du survivant qui « porte le deuil de tout un peuple ». J’apprécie beaucoup le style d’André Schwarz-Bart. Et même si ce livre n’est pas complètement abouti on y retrouve la saveur des villes juives-polonaises d’avant, le poids de la religion et des contes et l’horreur absolue quand l’Allemagne nazie s’abat sur la Pologne. On sent que les mots ne lui suffisent plus.

En lisant ce livre on sent l’émotion de l’écrivain, il sait nous la faire partager :

« Est-ce que ça sert à quelque chose de raconter l’horreur absolue ? ».

Citations

Elle savait aussi que la vie est un éternellement recommencement, ce pourquoi tous les nouveau-nés portaient un pli à la lèvre inférieure : ce pli léger était la trace du doigt que l’Ange posait sur la bouche de tous les enfants du monde, afin d’effacer le souvenir de leur vie antérieure.

 

 

Il pensa aux montagnes de chair partie en fumée et il crut que sa respiration s’arrêtait. Il se planta devant le miroir et dit ; « Que fais-tu là, ta place n’est pas ici, tu sais bien où est ta place. Elle est avec les tiens ; tu es un juif mort. »

 

 

La seule simplicité de l’Holocauste était celle-ci ; les juifs étaient morts pour rien, strictement pour rien, une bouffée délirante dans le cerveau d’un homme quelconque, Adolf Hitler… C’était l’impression fondamentale qu’il conservait de cette époque ; les gens mouraient sans comprendre terrassés par l’absurde.

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Dominique Fernandez nous entraîne dans une quête : la compréhension d’un père qui a été un mauvais mari, un mauvais père, s’est fourvoyé dans le parti de Doriot, et dans la collaboration, mais a toujours été un critique littéraire de qualité. C’est un livre remarquable et passionnant. On sent toute la douleur de l’écrivain Dominique Fernandez (que personnellement j’apprécie beaucoup). Il a été l’enfant d’un couple qui s’est fait la guerre, et a dû supporter l’infamie d’un père. Il est très honnête dans sa recherche ne charge ni n’excuse son père, cela donne toute la valeur au livre.

Les débats des intellectuels d’avant-guerre sont passionnants, et je n’ai jamais lu une analyse aussi fine du PPF de Jacques Doriot. Le rôle de sa mère, dans l’échec du couple m’a, à la fois, intéressée et troublée. Intéressée : car D. Fernandez est d’une rigueur et d’une intelligence humaine rare. Troublée : car je suis gênée qu’un fils en sache et en dévoile tant sur l’intimité du couple de ses parents. Je préfèrerais alors une œuvre romanesque à un témoignage.

Citations

Tout le problème est là : un enfant a le droit de regarder « sans honte » le visage de son père mort si celui-ci s’est fourvoyé seulement en pensée. Mon père s’est-il borné à écrire dans une presse collaborationniste, ce qui serait blâmable, mais non coupable d’infamie ? Ou peut-on mettre à sa charge des actes indignes de pardon ?

 

L’homme moderne croit offrir ses idées à la société : il n’a que les idées que la société lui offre

 

Mais attendez un peu, je n’arrive pas à le dire, c’est trop dur, trop pénible pour un fils de révéler une action franchement abjecte de son père.