Traduit de l’espagnol par Eduardo Jime.
S’il s’agit bien ici d’un roman d’espionnage, il s’agit surtout de découvrir un aspect peu connu de la guerre d’Espagne. Et loin de suivre les exploits d’une « James Bond girl », on est, sans doute, plus près de la réalité en matière d’espionnage, presque tout se passe dans un salon de couture. Et si la jeune Sira sait habiller les femmes qui ont les moyens de dépenser des fortunes pour se vêtir alors que l’Espagne est ravagée par la misère, elle sait aussi écouter les conversations, qu’elle rapporte fidèlement aux autorités britanniques.
Le cœur du roman, et une grande partie de son intérêt c’est de nous raconter ce moment particulier où Franco après sa victoire contre les républicains a hésité à s’engager auprès des allemands qui l’avaient si bien aidé dans ses combats. Cette jeune Sira est dabord une femme assez sotte qui a failli finir en prison pour les beaux yeux d’un malfrat . Mais elle luttera de toutes ses forces pour s’en sortir et créera à Tanger un salon de couture pour clientèle huppée, elle fréquente une population cosmopolite du plus bas de l’échelle sociale à la maîtresse du gouverneur. Elle est recrutée par les services britanniques et repart à Madrid. La situation de l’Espagne n’occupe pas une grande place dans ce roman mais les quelques pages qui lui sont consacrée sont absolument terribles.
J’ai des réserves sur ce récit , car il contient trop d’ingrédients dont les auteurs ont tellement abusés : la jeune fille sans père qui est finalement reconnue par son géniteur qui se trouve être une des grandes fortunes d’Espagne ; un bel amoureux qui n’en veut qu’à son argent ; une jeune couturière qui démarre de rien et qui à force de travail devient riche et recherchée par toute la haute société ; et pour couronner le tout un futur mari bien comme il faut …. Ça fait beaucoup, mais malgré cela, j’ai lu avec intérêt ce moment de l’histoire espagnole.
Citations
Personnalité britannique peu sympathique
Sa résistance à l’alcool se révélait stupéfiante, presque comparable aux mauvais traitements infligés à la domesticité. Il s’adressait à eux en anglais, de mauvaise humeur, sans prendre la peine de considérer qu’ils ignoraient totalement sa langue, et quand il se rendait compte qu’ils n’avaient rien compris, il se mettait à hurler en hindi, la langue de ses anciens domestiques à Calcutta, comme si, pour les employeurs de maison, il existait une langue universelle.
La misère en Espagne après la guerre civile
Madame Engracia est à moitié aveugle et elle déambule dans les rues ; elle a l’air folle elle remue avec un bâton tout ce qu’elle trouve. Dans ton quartier, il n’y a plus ni chats ni pigeons, ils les ont tous mangés …. Andeita a été éventrée par un obus un après midi en traversant la rue Fuencarral pour rejoindre son lieu de travail….Sole a eu des jumeaux ; cadeau d’un milicien qui a disparu sans meme leur laisser un nom ; comme elle n’a pas pu garder les enfants, parce qu’elle n’avait pas de quoi les entretenir, ils ont été emmenés à l’hospice, et elle n’a plus eu de nouvelles On raconte qu’elle se vend maintenant aux débardeurs du marché de la Cebada, elle demande une peseta par passe, sur place, contre le mur ; elle traîne dans le coin, elle ne porte pas de culotte, elle soulève sa jupe dès que les camionnettes arrivent, aux premières lueurs de l’aube.