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Le mot qui me vient à la bouche c’est jouissif, c’est un film qui fait du bien. C’est rare, non ? Bien sûr il y a des outrances, bien sûr ce n’est pas un chef d’œuvre, mais un dimanche d’hiver où, même à Dinard, tout était gris autour de nous, j’ai profité d’heure quarante quatre de bonheur. Et je voulais vous le dire.

Je pense que l’idée du film est dans le nom du réalisateur, qui a dû être si heureux de ne pas s’appeler Edouard, jusqu’au jour où le fils Michel est devenu plus célèbre que son père. Comme le dit la chanson, c’est bien qu’il y ait un avantage à s’appeler Ducon. Ce film ne se raconte pas, le résumé que vous trouverez partout suffit. Chacun aimera ce film pour des raisons différentes. J’en connais qui s’arrêteront à la scène du métro !

Ma scène préférée : le résultat des élections de 2002 (la défaite de Jospin, certains s’en souviennent encore !) dans la famille Martin ; J’ai beaucoup ri, je n’étais pas la seule, avec la famille Martin à la pointe du modernisme, ils ont toujours su choisir les inventions à durée de vie limitée. Que de souvenirs ! J’ai adoré la mère militante de toujours, chez les Benmahmoud , on la connaît si ce n’est pas elle c’est sa soeur !

C’est un film tendre et les petits moments d’émotion lui donnent du charme. Ce n’est pas la vraie vie, cela n’en est pas si loin C’est du cinéma, et pour moi du bon cinéma.

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Roman très prenant, sur la quête de l’identité mêlée à l’horreur du nazisme. Le côté romanesque est un peu déroutant : reconnaître les traits du visage de son père sur une photo de Buchenwald semble hautement improbable, mais c’est le privilège du romancier que d’inventer des histoires. Bien sûr, l’auteur le dit lui-même, c’est toujours délicat de romancer les camps de concentration. Fabrice Humbert, en focalisant son enquête sur les bourreaux et leur motivation, arrive à donner un nouvel éclairage à la principale tragédie du 20° siècle à propos de laquelle les témoignages et les réflexions ne manquent pas aujourd’hui.

J’ai trouvé très intéressante son analyse de la violence, son passage en lycée dans les banlieues difficiles lui a permis d’ouvrir les yeux sur des souffrances contemporaines, j’ai trouvé qu’il le racontait bien. Les personnalités de son père et de son grand père, donnent une profondeur au secret de famille qui trop vite n’en est plus un pour le lecteur. En revanche, j’ai dû attendre la fin du récit pour vraiment comprendre le père du personnage principal.

J’ai beaucoup aimé également la façon dont l’auteur mêle à son récit les auteurs qui l’inspirent, on retrouve Semprun, Primo Levi mais aussi Jack London et Sebastian Haffner, écrivain allemand dont la lecture éclaire de façon magistrale la montée du nazisme. Comme toujours la lecture de livres sur l’extermination organisée par les nazis est éprouvante, mais c’est également réconfortant de savoir que les intellectuels d’aujourd’hui, la troisième génération après « Auschwitz », ne veulent pas oublier.

Malgré mes réserves sur l’aspect romanesque du roman je ne peux que recommander la lecture, et vous pourrez lire sur le blog « à sauts et à gambades » un avis plus enthousiaste. Le site WEB TV permet de mieux connaître cet auteur.

(Prix Renaudot poche 2010, prix orange 2009)

Citations

Weimar a été une grande ville culturelle et elle a été aussi, au XX° siècle, une ville voisine d’un camp de concentration. À part montrer que la culture n’a jamais protégé de la barbarie, je ne vois pas trop quel lien établir entre les deux.

 

 

Je subis donc son cours (rien de plus pénible pour un professeur que d’écouter les leçons des autres) jusqu’au dessert.

 

La jeune génération de mes petits-cousins, parfaitement incultes, totalement arrivistes et dénués de scrupules- bref modernes. Ils ont dix-sept, dix-huit ans, sortent en permanence, font des fêtes terribles et ne songent qu’à suivre la filière rémunératrice qui leur permettra de respecter notre rang.

 

Je suis incapable de décrire autre chose que cela : la violence. La violence qu’on s’inflige à soi ou qu’on inflige à autrui. La seule vérité qui vibre avec sincérité en moi – et donc ma seule ligne convaincante d’écriture- est le murmure enfantin de la violence, suintant de mes premières années comme une eau empoisonnée.

 

Rencontre avec l’ auteur : WEB TV

 

On en parle

 

 » à sauts et à gambades ».

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Traduit de l’anglais par Anne Krief.

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Roman pour adolescent, très agréable à lire, également, pour les adultes. Le monde des avocats américains est analysé à travers la compréhension particulière d’un jeune autiste qui est incapable de mentir. Pour comprendre le monde, il est parfaitement logique et sa façon de tout décortiquer, permet de comprendre que dans la « réalité » on triche souvent avec l’honnêteté. Marcello apprendra qu’il faut faire des choix au risque de faire souffrir des gens qu’on aime.

Je crois que c’est un roman qui plaira aux adolescents, car l’histoire est passionnante – une enquête policière à propos de la responsabilité d’un constructeur de pare-brise – mais surtout, parce qu’il aborde de façon originale les questions qui intéressent tous les jeunes. En particulier la sexualité. Marcello n’arrive pas à éprouver des sentiments, la façon dont il cherche à comprendre la sexualité est à la fois belle et touchante.

L’auteur a parfaitement rendu compte des difficultés de ce jeune autiste pour vivre en société. Les efforts de Marcello pour comprendre le monde et sa façon de raisonner le rendent émouvant. Il est entouré de personnages parfois méprisables ou au contraire honnêtes et qui lui veulent du bien. Mais mêmes ces gens là, peuvent être complexes et lui poser des problèmes.

Citation

Il y a tant de choses avec lesquelles j’ai énormément de difficultés. Je ne peux pas me rendre dans un lieu inconnu sans plan. Je me trouble quand on me demande de faire plus d’une chose à la fois. Les gens emploient des termes que je ne comprends pas ou ont des expressions du visage impossibles à décrypter. Ils attendent de moi des réponses que je ne peux pas leur fournir.

On en parle

S’il était encore une fois.

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Traduit de l’anglais par Éric McComber.

4
Un coup de cœur pour ce petit roman, j’espère que je ne serai pas la seule dans mon club. L’écrivaine a un réel talent pour créer et faire vivre des personnages. Plus on avance dans le récit, plus on se dit : je connais quelqu’un comme ça. Le personnage principal est très attachant, la révélation de son plus gros secret m’a laissé pantoise, je me demande si on peut se remettre d’une telle action. C’est de la fiction, certes, mais ça me fait un peu grincer des dents.

Je trouve également que les personnages masculins sont beaucoup moins fouillés et compréhensibles que les femmes, excepté le jeune Gary. Sous la forme d’un journal, Amy Wingate nous fait vivre sa vie de retraitée au bord de la mer. Elle a la chance d’avoir une jolie vue de mer de sa villa victorienne. Comme je comprends son plaisir de vivre là.

Son journal lui permet d’analyser ses amies et elle-même de façon très détaillée. Il ne faut surtout pas en conclure que vous allez vous ennuyer, car elle sait très bien raconter et nous intéresser à son cercle de relation.

Sa relation avec le jeune Gary, un jeune adolescent à la dérive et qu’elle a blessé, dans un geste de colère est vraiment passionnante. En essayant de l’aider, elle sera amenée petit à petit à dévoiler sa vie et à revivre son passé si bien enfoui car, pour une fois, elle ne peut qu’être honnête avec « ce blessé de la vie » :Gary, si elle veut le sortir de la misère morale dans laquelle la vie l’a enfoncé. Derrière son chignon de vieille professeure coincée se cache une étonnante femme vibrante de vie et d’amour.

Je ne parle pas souvent de la traduction, dans ce roman j’ai été gênée par le tu/vous, pour moi elle devrait tutoyer Gary. D’autre part le traducteur confond ennuyant et ennuyeux. C’est ennuyeux !

Citations

 Pour toutes les femmes qui ont en assez de se faire appeler « ma petite dame ». L’emploi du mot « petite » est une autre de ses façons –sans doute inconsciente- de maintenir sa supériorité. Une « petite dame » lui confectionne des vêtements sur mesure et un « petit monsieur » vient entretenir son jardin. La « petite femme » du magasin du village « l’adore »….. .Le monde de Francesca est peuplé de nains.

 

Je me suis souvent demandé comment les mariages pouvaient survivre à ce type de désintégration ; cette chute des hauteurs, de la magie haletante jusqu’à l’indifférence familière. Comment pourrait-il en être autrement ? La familiarité n’engendre pas nécessairement le mépris, mais elle défait à coup sur la magie.

 

J’aime les vielles photos, dit-il en ramassant celui qui est au sommet de la pile. Ça me fait une drôle d’impression quand je regarde la tête des gens et que je me demande ce qu’ils pouvaient penser. Sont là, si heureux, si pleins de vie. Mais c’est fini pour eux. Tout ce qui leur causait du soucie ou qui les rendait heureux c’était rien du tout en fait.

 

Voilà peut-être pourquoi ils étaient plus heureux entourés d’une foule d’amis, ou en présence d’un tiers devant qui ils pouvaient mimer le couple parfait et y croire eux-mêmes

 

On en parle

le souk de moust et Amanda Meyre (une référence dans le monde des blogs consacrés aux livres).

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Traduit du russe par Elena Balzamo.

4
Merci à Dominique qui tient « à Sauts et à Gambades  », c’est grâce à son article très élogieux que je me suis procuré et lu ce petit livre. Il est écrit par un dissident russe, il paraît en 1976 en Israël mais il est interdit en Union Soviétique. Il a pour sujet la résistance face à la barbarie, le nazisme, bien sûr, mais les autorités soviétiques ne s’y sont pas trompés, il n’y a pas de si grands différences entre le nazisme et le communisme, ce livre a été interdit dans son pays.

Le problème posé est simple : Qui doit s’opposer à l’injustice d’une dictature ? Pourquoi, quand, comment, et la question annexe est ce que ça sert à quelque chose ? Tous les faits qui sont racontés sont dans notre mémoire historique à propos de la seconde guerre mondiale, ils concernent soit la Pologne soit les Etats du Nord en particulier le Danemark. L’auteur a choisi un état fictif gouverné par un roi qui finira par coudre sur sa poitrine l’étoile juive.

Etait-ce utile ? Autant ? Moins ? Plus ? que le fougueux commandant de la garde royale qui, sabre au clair, a foncé contre les mitraillettes allemandes, laissant sur la place, devant le palais, la garde royale entièrement décimée , ne retardant que de quelques minutes l’entrée de l’armée allemande.

On retrouve dans ce petit livre l’humour distancié des dissidents russes, c’est un des charmes du livre. Je fais une réserve sur ce roman et je ne parlerai pas de chef d’œuvre. Certes, si je l’avais lu à l’époque mon avis aurait été complètement différent, aujourd’hui on a beaucoup lu sur le sujet, le problème posé est toujours passionnant, en revanche la forme sous laquelle il est traité n’apporte aucun éclairage nouveau en tout cas pour moi (mais je dois dire que j’ai déjà beaucoup lu sur cette période, et ce sujet).

Je pense que c’est un livre à lire dans les classes de première et seconde pour faire réfléchir au totalitarisme et à la résistance les jeunes générations.

Citations

Efficacité de la conquête

En trois heures, la campagne fut achevée, et les bombardiers qui survolaient le royaume n’avaient pas épuisé leurs réserves de combustible. 

L’occupation

Cependant, respectueux de l’autorité, les citadins éprouvaient une confiance instinctive à l’égard de ce nouveau pouvoir. Un certain laps de temps sera nécessaire avant que l’idée qu’un ordre puisse n’être que le masque du crime se fraie un chemin dans leurs braves têtes à l’esprit étroit. 

L’héroïsme

Avant que les soldats eussent atteint la grille, le portail en fer forgé s’ouvrit, et l’escadron, sabres au clair et heaumes rutilants, se rua sur les visiteurs. La surprise fit reculer les Allemands. La voiture du fondé de pouvoir fit marche arrière. les envahisseurs furent scandalisés

L’honneur

L’honneur ? Que voulait dire ce mot. Semblable à certains phénomènes optiques, le sens en fuyait dès que la raison tentait de le cerner. L’honneur n’avait qu’une seule signification : le devoir envers soi-même 

L’humour (un exemple il y a beaucoup d’humour dans ce roman)

…(on) entama l’hymne national : « Seigneur, sauvez notre roi, nous-mêmes et nos champs ! ». Et nos maisons ! Et nos parterres de fleurs autour des petites fontaines ! Et nos comptes en banques ! Et la brume de nos mers ! Et nos ministres chauves ! Et nos….

On en parle

à saut et à gambades.

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Traduit de l’anglais américain par Pierre GIRARD.

4
Encore un livre desservi par son titre français : du sobre « The Help », on arrive à « la couleur des sentiments » titre cucul au possible et en plus très ambiguë. C’est d’autant plus dommage que l’auteure essaie de ne pas sombrer dans un travers sentimental. Or, comment ne pas faire dans l’émotion quand on a été soi-même élevée par une bonne noire qu’on a aimée plus que sa propre mère ?

L’Héroïne du roman vit à Jackson dans le Mississipi et les lois ségrégationnistes sont encore en vigueur, la domesticité noire n’a pas le droit d’utiliser les mêmes toilettes que la famille blanche. Pour expliquer les raisons d’une telle mesure, on fait appel aux règles d’hygiènes et de transmission des maladies, les noires étant évidemment porteurs de maladies graves et dangereuses pour les blancs !

C’est un roman a plusieurs voix : l’héroïne blanche qui veut écrire un livre sur les bonnes, différentes bonnes et certaine patronnes blanches. Cela permet de faire le tour de la vie à Jackson dans les années 60. Le côté rétrograde et étroit de la petite ville de province qui s’arcboute sur des modes de vie complètement dépassés est très bien rendu. L’idéal de la femme américaine qui sait ou qui ne sait pas tenir une maison, la mode des blondes platines aux cheveux laqués, le fond teint et le maquillage et surtout le terrible ennuie de ces femmes qui ont pour distraction les commérages et le bridge, tout cela m’a fait penser à « Mad-Men », ma série préférée du moment.

Un des intérêts du roman, c’est le récit de l’écriture du livre par les bonnes elles-mêmes, c’est passionnant et cela soutient l’effet de suspens jusqu’à la fin : les bonnes noires arriveront-elles à faire comprendre ce qu’elles vivent sans avoir d’ennuis trop graves ? L’une d’entre elles, celle qui ne peut jamais se taire, a imaginé une solution que je ne peux pas vous dévoiler mais qui est franchement bien vue. L’écriture d’un livre dans un livre , c’est toujours quelque chose qui m’intéresse. Dans ce cas on sent que cette auteure est passée par les ateliers d’écriture, cela lui a été reproché, j’ai trouvé que c’était intéressant (mais je fréquente également ce genre d’endroit). L’analyse des rapports entre les domestiques et les patrons est très fine et si ici, elle est particulière à cause du racisme ambiant, elle permet de réfléchir sur la nature des liens entre employeur et employé dans une même maison.

Dans la foule des détails sur la vie de province, j’ai bien aimé les ventes de charité organisées par les dames patronnesses de Jackson, pour récolter de l’argent pour les pauvres petits… Africains ! J’ai lu une critique qui parlait de « bons sentiments » à propos de ce livre, je ne suis pas d’accord, la violence est là, le plus souvent comme une menace qui fait peur à tout le monde, elle rôde dans le quartier noir. Ce livre permet de comprendre les émeutes violentes qui sont venues dix ans après. Un seul conseil : lisez le vite et ne vous arrêtez pas au titre français.

Citations

C’est un projet qui vise à rendre obligatoire la présence de toilettes séparées à l’usage des domestiques de couleur dans toutes les maisons occupées par des blancs.
Règle numéro un pour travailler chez une blanche, Minny : ce n’est pas ton affaire. Rappelle toi une chose : ces blancs sont pas tes amis.
Règle numéro 6 : tu frappes pas ses enfants. Les Blancs aiment faire ça eux-mêmes.

C’est depuis la nuit des temps que les Blancs empêchent les Noirs de dire ce qu’ils pensent..

 

Je n’ai encore rien avalé de la journée hormis la tisane de maman contre les sexualités déviantes.

 

Mais c’est la dichotomie affection-mépris qui m’étonne toujours. La plupart de ces femmes sont invitées au mariage des enfants, mais seulement dans leur uniforme blanc. Je savais déjà tout cela mais l’entendre de la bouche de ces Noires est comme l’entendre pour la première fois .

– Donc tu dis qu’il y a pas de limites, non plus entre une bonne et sa patronne ?
– C’est des positions, rien de plus comme sur un échiquier. Qui travaille pour qui, c’est sans importance.

– Les seins sont faits pour la chambre et pour l’allaitement. Et la dignité ça existe aussi.
-mais enfin, Eleanor, que veux-tu qu’elle fasse ? Qu’elle les laisse à la maison ?
– Je-veux-qu’elle-les-couvre.

On en parle

Les lecture d’Anna. Une lectrice qui a eu la chance de le lire en anglais : Nymphette.

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Traduit de l’anglais par Michèle VALENCIA

4
J’ai été passionnée par ce roman, je l’ai lu deux fois, la première fois pour fixer l’intrigue et la deuxième pour en savourer les moments clés. (Il faut dire que j’étais beaucoup dans les transports parisiens ces derniers temps et Marie O’Farrel sait embarquer son lecteur dans son univers romanesque). Le récit est très bien construit, avec sans doute quelques invraisemblances, du moins je l’espère (pouvait-on garder 60 ans dans un asile quelqu’un qui avait bien énervé ses parents ?).

Iris, une jeune femme d’aujourd’hui, a de grandes difficultés à construire sa vie amoureuse, elle est entourée par deux voix de femmes très âgées, qui reconstruisent leur passé, l’une a la maladie d’Alzheimer, l’autre a été internée pendant plus de soixante ans. Ces trois destins sont liés et jusqu’à la dernière ligne, le lecteur est tenu en haleine par une intrigue très bien menée. On est plongé dans la haute société Ecossaise du milieu du siècle dernier. Une jeune fille, un peu originale, qui aurait préféré faire des études plutôt que de se marier va être victime de sa propre famille.

Un des intérêts du livre, c’est la réflexion sur la condition féminine et l’horreur de l’internement abusif. Jamais le roman ne tombe dans la démonstration car tout est raconté de façon parcellaire par deux vieilles femmes qui peuvent se tromper, s’il est certain qu’Esme n’aurait jamais dû être traitée de cette façon, on ne saura pas si elle n’était pas un peu déséquilibrée. J’aime bien que les choses ne soient pas présentées de façon simpliste, ce n’est pas un roman à thèse, cela reste avant tout un bon roman qui permet, aussi, de réfléchir sur les graves dysfonctionnement de l’internement en psychiatrie au siècle dernier.

Citations

Il suffisait à un homme d’avoir un papier signé par un généraliste pour faire interner sa femme ou sa fille dans un asile d’aliénés (…) Un bonhomme pouvait se débarrasser d’une fille indocile.

 

leur grand-mère les oblige à revêtir leurs plus beaux habits et à arpenter le front de mer en saluant les passants. Surtout les familles qui ont des fils.

 

Nous ne sommes que des vaisseaux par lesquels circulent des identités… Nous venons au monde en tant qu’anagrammes de nos ancêtres

 

Nous parlons d’une gamine de seize ans qu’on a enfermée pour avoir essayé des vêtements.

 

Vêtues de chemises pâles, elles se déplacent comme des nuages. Difficile de dire s’il s’agit d’hommes ou de femmes car leurs chemises sont lâches et leurs cheveux coupés si courts. Certaines regardent droit devant elles, sans bouger. L’une sanglote dans ses mains. Une autre pousse un cri rauque qui se termine en marmonnement.

 On en parle

Delphine’s Book, je partage son avis sur le personnage d’Iris. Le goût des livres et à sauts et à gambades, mon blog fétiche, avec une photo remarquablement choisie et qui m’a fait remonter bien des souvenirs.

Traduit de l’anglais par Brice Matthieussent.

4
Jim Harrison a un véritable talent : celui de nous entraîner dans un ailleurs fait de grands espaces, d’une nature superbe, grandiose, majestueuse et parfois dangereuse. Je dois avouer que je n’ai lu que la première des trois nouvelles. Cela ne veut absolument rien dire pour la qualité des autres, simplement, j’ai du mal à lire des nouvelles du même auteur à la suite, ce sont trois univers différents qui demandent à chaque fois un effort pour entrer dans le monde mental des personnages. Elles sont liées par un cadre somptueux mais ça ne suffit pas. Ce livre étant au programme de lecture de notre club, je ne peux pas le garder trop longtemps, je reviendrai donc, vers ce recueil à un autre moment.

La première nouvelle « La fille du fermier » est très belle, toute l’Amérique est présente dans ce récit : le retour à la nature de parents qui ne pensent pas beaucoup au bien-être de leur enfant. La personnalité d’un vieil homme qui arrivera à capter l’affection de la petite fille, les adolescents qui s’ennuient dans cette « belle » nature, et la violence d’un sale pervers. Jai été captivée par le cheminement de Sarah qui passe du désir légitime de vengeance qui risque de la détruire encore plus, à une « re »construction plus riche de sa personnalité.

La fin est quand même très romanesque on a dû mal à croire à son amour… Mais, pourquoi pas ? Plus long qu’une nouvelle, c’est un petit roman qui se termine bien. (Trop bien ?)

Citations

 Son père parlait peu, et sa mère, tout occupée à trouver ce qu’elle allait répondre, n’écoutait pas.

 

N’ayant jamais appris à s’apitoyer sur les autres, elle n’éprouvait aucune pitié sur elle-même.

 

Elle sombra dans la dépression et Franck la conduisit chez un médecin d’Helena, à cent soixante kilomètres de chez eux, lequel lui prescrivit du Valium, très populaire chez les épouses de fermiers.

On en parle

Fata Morgana

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 Traduit de l’espagnol par François Maspero.

4
Le mois de septembre, c’est le mois de mon anniversaire donc le mois où je reçois des livres souvent merveilleux. L’an dernier, ma sœur m’a offert « l’ombre du vent ». Étant donné ce que j’en avais lu sur les blogs, je me suis précipitée mais voilà, parfois je lis mal et trop vite et je me suis perdue dans les méandres de cette histoire. Cette année, j’avais plus de temps et j’ai absolument été captivée du début jusqu’à la dernière page. J’aurais voulu que le plaisir dure encore… Je me demandais pourquoi il ne m’avait pas séduit tout de suite. C’est simple on ne peut pas le lire trop vite. L’intrigue est complexe les histoires très imbriquées les unes dans les autres. En prenant mon temps tout s’est éclairé, en plus c’est un tel hymne à la lecture au plaisir des livres que tous les lecteurs se retrouvent à un moment ou à un autre dans les personnages. Ma sœur avait raison ce livre ne pouvait que me plaire.

En toile de fond, les violences de la guerre civile espagnole avec toutes ses horreurs ! Si le livre est souvent sombre et tragique, il est aussi plein d’humour, le personnage de Firmin et de son immense amour pour toutes les femmes est à la fois tendre et drôle. Les histoires d’amour sont très belles et passionnées (nous sommes en Espagne !) La tendresse des pères pour leur enfant est émouvante.

Bref un très beau roman qui suit les méandres complexes de la littérature, on y retrouve beaucoup de clins d’œil littéraires, ce qui ne rend pas le roman pédant pour autant.

Citations

L’un des pièges de l’enfance est qu’il n’est pas nécessaire de comprendre quelque chose pour le sentir. Et quand la raison devient incapable de saisir ce qui se passe autour d’elle, les blessures du cœur sont déjà trop profondes.

 

Ces gens qui voient le péché partout ont l’âme malade, et si tu veux vraiment savoir, les intestins aussi. La condition de base du bigot ibérique est la constipation chronique.

 

Elle a même appris à broder et on m’a dit qu’elle ne s’habille plus en Simone de Beauvoir

 

Le problème, c’est que l’homme, pour en revenir à Freud et utiliser une métaphore, fonctionne comme une ampoule électrique : il s’allume d’un coup et refroidit aussi vite. La femme, elle, s’est scientifiquement prouvé, s’échauffe comme une casserole. Peu à peu, à feu lent, comme la bonne fricassée. Mais quand elle est chaude, personne ne peut plus l’arrêter.

 

La femme, c’est Babel et Labyrinthe. Si vous la lissez réfléchir, vous êtes perdu. Souvenez-vous-en : cœur chaud, tête froide. L’a b c du séducteur.

 

La vie dans la rue est brève. Les gens vous regardent avec dégoût, même ceux qui vous font l’aumône, mais ce n’est rien comparé à la répugnance qu’on s’inspire à soi-même. C’est comme vivre attaché à un cadavre qui marche, qui a faim, qui pue et qui refuse de mourir.

On en parle

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 Traduit du finnois par Sébastien CAGNOLI.

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Livre terrible et éprouvant, mais livre à lire certainement. On comprend pourquoi des jeunes filles de l’est se font prendre aux pièges terribles de la prostitution. Le destin de la vieille Aliide et de la jeune Sara se réunissent dans l’horreur, jusqu’au bout on se demande si celle qui a connu les purges staliniennes (mais qui a collaboré) va aider celle qui est tombée dans les griffes d’un souteneur. Sara ne sait pas comment expliquer sa situation à la vieille femme et elle a tellement peur que les mafieux tortionnaires la retrouvent. Sara comprend l’Estonien mais le parle mal ce qui rajoute à son angoisse : la vieille femme va-t-elle la comprendre ?

Aliide la peur ça la connaît, cela fait plus de 60 ans qu’elle vit avec  : est-il possible qu’un membre de sa famille qu’elle a contribué à envoyer en Sibérie vienne lui demander des comptes… c’est si loin tout ça ! Sara et Aliide sont liées par l’angoisse et la peur qui rôde à la porte même de la maison : rien dans ce livre n’est léger ! La construction du roman est étonnante, comme des cercles qui se resserrent, comme un serpent qui entoure sa proie en l’étouffant peu à peu, la vérité se fera jour. Sara pourra-t-elle revivre et éloigner d’elle l’horreur. À lire donc (si on est en forme et si on a le moral !)

Citations

Pour le studio de tatouage, Pacha se faisait la main sur des filles hors d’usage. Comme avec Katia… Il avait piqué sur les seins de Katia : une femme à forte poitrine qui taillait une pipe à un diable… il avait orné le bras de Katia d’une deuxième image du diable. Ce dernier avait une grosse bite velue.
« Aussi grosse que la mienne ! » avait rigolé Pacha.

Après cela, Katia disparu.

 

Zara ouvrit un flacon de poppers et renifla. Quand Pacha la prendrait pour se faire la main, elle saurait que son heure était venue.

 

Mais la terreur de la fille était tellement vive qu’Aliide la ressentit soudain en elle-même…Mais maintenant qu’il y avait dans sa cuisine une fille qui dégoulinait de peur par tous les pores sur sa toile cirée … . La peur s’installait là, en faisant comme chez soi. Comme si elle ne s’était jamais absentée. Comme si elle était juste allée se promener quelque part et que, le soir venu, elle rentrait à la maison.

 

Alors que cette fille, avec sa jeune crasse, était ancrée dans le présent, ses phrases rigides sortaient d’un monde de papiers jaunis et d’albums mités remplis de photos.

 

On en parle

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