Édition Pocket 

Je dois à Dominique cette lecture qui n’a pas été simple pour moi. Il faut dire que « le théorème de l’incomplétude » même expliqué par le génial Kurt Gödel, je dois m’accrocher aux branches pour seulement imaginer que j’effleure le début d’une compréhension.

Ce qui tombe bien, c’est que ces brillantissimes découvertes, nous sont expliquées par Madame Gödel, qui pour toute formation a étudié la danse de cabaret à Vienne à la belle époque. Elle, comme moi, nous avons quelques difficultés à suivre les discussions entre Kurt, Albert (Einstein), Robert (Oppenheimer), Wolgang (Pauli), et la bataille autour de la physique quantique me laisse sur le côté de la route. Adèle Gödel a sacrifié sa vie pour que son génial mari ne meure pas trop jeune d’anorexie ou de dépression gravissime. Car les mathématiques du côté des génies cela ne réussit pas à tout le monde. On ressort de ce roman avec quelques interrogations, sont-ils tous, ces médaillés Fields, géniaux en mathématiques parce que fous, ou le deviennent-ils à cause des mathématiques ? En tout cas Kurt Gödel mourra de faim dès que sa femme sera hospitalisée car elle seule arrivait à le nourrir parfois à la petite cuillère !

J’ai plus de réserves que Dominique à propos de ce roman, car je n’ai pas aimé le mélange des deux temps de la narration. Autant la vie d’Adèle et de Kurt Gödel m’a beaucoup intéressée, autant celle d’Anna Roth la documentaliste chargée de récupérer les documents de Kurt Gödel auprès de sa veuve ne m’a pas du tout passionnée. Le parallèle entre ces deux destins de femme m’a même fortement agacée . L’une a compris que son mari était un génie et a sacrifié sa vie pour lui permettre d’exprimer toute sa pensée. L’autre est coincée dans une vie trop confortable et a du mal à trouver un homme avec qui elle aimerait faire l’amour.

Mais ce n’est pas le plus important loin de là, on vit au plus près des gens qui ont à la fois souffert du nazisme et du McCarthysme, on suit l’évolution intellectuelle des ces années auprès des gens les plus brillants à Princeton et on comprend tellement les frustrations d’Adèle qui aimait Kurt pas seulement pour ces théorèmes ! Ils sont enterrés ensemble à Princeton et cette femme par amour, son courage et sa ténacité mérite bien la célébrité que Yannick Grannec lui a donné à travers ce roman. Je sais depuis qu’Aifelle a laissé un commentaire sur mon blog qu’elle avait également recommandé cette lecture même si elle trouvait quelques longueurs (je suppose que comme moi elle n’est pas trop à l’aise avec le théorème de la complétude ni avec son corollaire !) .

 

Citations

Humour

Pour moi, la religion était un souvenir de famille vouer à prendre la poussière sur la cheminée. En ce temps-là, on entendait tout au plus cette prière dans la loge des danseuses. « Marie, vous qui l’avez eu sans le faire, faites que je le fasse sans l’avoir. » On avait toutes peur de se faire refiler un locataire, moi la première. Beaucoup finissaient dans l’arrière-cuisine de la mère Dora, une vieille tricoteuse.

Une blague juive.

Un psychiatre, c’est un Juif qui aurait voulu être médecin pour faire plaisir à sa mère mais qui s’évanouit à la vue du sang.

Le couple des parents d’Anna Roth.

Georges, doctorant bien peigné, avait rencontré Rachel, dernière pousse d’un arbre généalogique cossu, à la réception des nouveaux étudiants en histoire à Princeton. La jeune fille frissonnait, il lui avait prêté son gilet. Elle avait été impressionnée par sa décapotable et son accent bostonien. Il avait admiré son corps de déesse hollywoodienne et sa détermination encore raisonnable. Il lui avait téléphoné le lendemain. Elle lui avait présenté sa famille. Ils s’étaient mariés, avaient appris à haïr leurs différences après les avoir aimées, s’étaient trahis pour le sport, puis par habitude, avant de se séparer avec fracas.

Une façon originale de juger les hommes politiques.

Je préfère croire aux hommes plutôt qu’aux idées . Reagan ne m’inspire pas confiance. Trop de dents. Trop de cheveux.

La jeunesse et les math.

L’expérience ne peut remplacer les fulgurances de la jeunesse. L’intuition mathématiques s’évanouit aussi vite que la beauté. On dit d’un mathématicien qu’il a été grand comme d’une femme qu’elle fut belle. Le temps est sans justice, Anna. Vous n’êtes plus tout jeune pour une femme, où le sourire encore moins pour une mathématicienne.

Humour d’Einstein.

Seules deux choses sont infinies, Adèle. L’univers et la stupidité de l’homme. Et encore, je ne suis pas certain de l’infinité de l’univers !

Humour.

Pourquoi le génie arrive-t-il si jeune ? Comme chez les poètes. Les portes d’accès du royaume des Idées se referment-elles avec la maturité ?
Gladys opina du chef :
– Ça doit être hormonal. Après, ils prennent du ventre et s’inquiètent uniquement du dîner.

De l’importance de la colère.

La colère vous purge. Mais qui peut la vivre à long terme ? La colère rentrée vous consume. Puis elle finit par s’échapper par petits pets fielleux qui ne font qu’empuantir un climat déjà délétère. Que faire de toute cette colère ? À défaut, certains la font rejaillir sur leur progéniture. Je n’avais pas cette malchance. Je la réservais donc aux autres : aux fonctionnaires incompétents ; aux politiciens véreux ; à l’épicière tatillonne ; à la coiffeuse intrusive ; à la météo ingrate ; à tous les empoisonneurs dont je n’avais rien à faire. J’étais devenue une mégère par mesure de sécurité. Je ne m’étais jamais mieux portée.

 

Traduit de l’anglais … je ne peux pas vous dire par qui car ce n’est pas indiqué sur mon livre (et c’est bien la première fois !)

J’ai trouvé ce petit livre de poche dans une vente de livres d’occasion et sans les propos que j’ai souvent entendus à propos de la beauté des nombres premiers en mathématiques je ne l’aurai pas lu. Merci, à ma plus jeune fille professeur de mathématiques d’avoir ouvert ma curiosité à une science si éloignée de mes préoccupations habituelles. Ce roman est une petite merveille car il va promener son lecteur dans l’histoire des nombres et surtout la difficulté de démontrer les choses les plus simples. Tout tourne souvent dans la théorie des nombres sur les nombres premiers. Ma science étant toute fraîche, je vous rappelle qu’un nombre premier n’est divisible que par un et par lui même. Depuis des plusieurs siècles de grands savants veulent démontre la conjecture de Goldbach à savoir :

Tout nombre pair supérieur à 2 est la somme de deux nombres premiers.

Ce roman a donné l’occasion d’un lancement original : paru en 2000 en Grande-Bretagne, la maison d’édition anglaise a promis 1 million ds dollars à celui qui apporterait la démonstration de la conjecture avant 2002 … la somme n’a jamais été réclamée !

Doxiadis choisit de nous raconter les mathématiques grâce à un jeune étudiant, le narrateur, neveu d’un génie son oncle totalement rejeté de sa famille. Petros, cet oncle, qui fut un enfant précoce et génial en mathématiques est devenu la brebis galeuse de la famille car il n’a rien fait de ses talents. Tout cela parce que la seule chose qu’il ait jamais voulu prouver c’est la fameuse conjecture de Goldbach. Le père du narrateur, le frère de Petros essaie d’inculquer à son fils la seule ligne de conduite qui lui semble porteuse d’une vie réussie bien loin de la folie de son frère

Le secret de la vie, c’est de se fixer des buts accessibles, des buts plus ou moins difficiles au gré des circonstances, selon son tempérament, ses aptitudes, mais toujours ac-ces-si-bles ! Je me dis que je ferai bien s’accrocher le portrait de Petros dans ta chambre avec l’inscription : EXEMPLE À ÉVITER.

Mais interdire des études n’empêcheront évidemment pas le narrateur de s’y lancer et d’essayer de comprendre son oncle. Commence alors le voyage vers les hautes sphères des mathématiques et la connaissance de savants aux cerveaux les plus brillants de notre époque. Hélas ! ceux-ci se révèlent souvent un peu, ou complètement fous et si peu équilibrés dans leur vie personnelle que cela ne donne pas envie de les suivre. Surtout que les coups bas entre eux ne grandissent pas leur image. Cependant la « presque » découverte de la solution est enivrante et on est pris par la recherche de Petros que l’on comprend de mieux en mieux. Le roman est bien construit, car si l’on sait que cette conjecture n’a pas été découverte, la façon dont l’auteur termine son enquête est très intelligente. Petros est-il devenu fou à force de se confronter aux nombres de façon de plus en plus abstraite et surtout de façon de plus en plus solitaire ou avait-il trouvé la solution.

La lecture de ce roman s’adresse à tout le monde, évidemment on ne comprend pas tout mais les passages qui demandent de réelles capacités mathématiques n’enlèvent rien à l’intérêt du roman. Je n’ai aucune réserve sur ce livre, car il correspond à ce que j’attends : un voyage vers des contrées complètement inconnues (les nombres premiers) un suspens bien mené, et des caractères de personnages complexes. On aurait pu penser que la grande intelligence rend les hommes meilleurs, mais non l’oncle Petros est avant tout un homme pétri d’orgueil et malmène son neveu de façon peu sympathique, sans pour autant avoir complètement tort.

 

 

 

Citations

Urgence des découvertes en mathématiques

Petros se rappelait de consternantes données statistiques : dans la longue histoire de cette discipline, personne n’avait jamais rien découvert de notables passé trente cinq ou quarante ans.

Les tourments des mathématiciens

L’absence apparente de tout principe infaillibles pour la distribution ou la succession des nombres premiers tourmente les mathématiciens depuis des siècles et rend particulièrement fascinante la théorie des nombres. C’était là que résidait le plus grand mystère de tous, le seul digne d’une intelligence hors pair : les nombres premiers étant les éléments de base des entiers et les entiers la base de notre compréhension logique du cosmos, comment admettre que leur forme ne soit pas déterminée par une loi ? Pourquoi la géométrie divine ne se manifeste-t-elle pas en l’occurrence ?

Les mathématiques

Les mathématiciens éprouve le même plaisir dans leurs études qu’un joueur d’échec dans une partie. En réalité, l’attitude psychologique d’un véritable mathématicien est plus proche de celle d’un poète ou d’un compositeur, c’est-à-dire de quelqu’un qui a affaire avec la création de la beauté, qui recherche l’harmonie et la perfection. Il se tient exactement aux antipodes de l’homme pratique, de l’ingénieur, du politicien ou de l’homme d’affaire.

 

Naître mathématicien

Cependant, je tirai de cette séance un profil supplémentaire inespéré. Mes derniers scrupules sur le bien-fondé de ma décision de renoncer aux mathématiques ( en sommeil toutes ces années) s’évanouirent en un clin d’œil. Assister à l’exposé de mon oncle confirma pleinement que je ne m’étais pas trompé. Je n’étais pas fait du même matériau que lui, point final. Face à l’incarnation de tout ce que je n’étais pas, j’étais foudroyé par la vérité de la vieille scie :  » Mathematicus nascitur non fit ».  » On naît mathématicien, on ne le devient pas ». Je n’étais pas né mathématicien et j’avais bien fait de briser là.

Metin Arditi est un auteur que j’aime bien et qui est très facile à lire. Il y a toujours de l’élégance dans ses romans. Je n’ai pas encore créé cette catégorie, sinon il ferait partie des auteurs « bien élevés », certes on peut lui reprocher un manque de profondeur mais j’apprécie sa délicatesse. Dans ce roman, il a dû se faire très plaisir car il a pu mettre en scène ses chères mathématiques. Je comprends bien que pour un amoureux de cette science ce soit un peu compliqué de ne jamais en parler, ici il a trouvé un biais pour nous raconter tous ses bonheurs, celui de rêver aux suites des nombres. Deux personnages se retrouvent dans une île grecque Kalamaki. Un ancien architecte dévasté par la mort de sa fille sur cette île et le garçon autiste d’une femme énergique qui vit de la pêche et qui élève seule ou presque cet enfant. Yannis est autiste Asperger, il ne peut pas communiquer mais passe sa vie à calculer. Les habitants de l’île savent lui faire une place et sa vie est heureuse même si elle est compliquée et que sa mère est terrorisée par son avenir. Dans ce cadre idyllique, un projet hôtelier risque de détruire ce petit paradis.

 

Arditi parle aussi des problèmes de la Grèce actuelle et ce n’est pas une peinture idyllique. La fin est mesurée, j’ai eu peur que « le contre projet à l’hôtel de l’horrible promoteur » soit vaincu par »l’idyllique le projet d’une école philosophique du gentil écologiste architecte ». Comme nous sommes avec Arditi, la fin est plus mesurée et plus réaliste. Je suis un peu gênée par l’intérêt actuel des personnes autistes, je trouve, évidemment, très important de savoir en parler. Cela fait de très beaux sujets de romans, le plus souvent, ils sont Asperger, c’est à dire qu’ils ont un don étonnant par rapport à « la normalité », ils sont doués d’une mémoire hors norme. Cela donne un bon ressort romanesque mais c’est autrement plus compliqué dans la vie réelle.

Citations

Propos du Pope, j’aime beaucoup ces trois ancres

Pour ma part, je m’accroche à trois pensées du Christ. Aux trois ancres qu’il nous a léguées pour nous aider à surmonter la tempête.

La première est notre part de libre arbitre…. Moi, lorsque je me sens à deux doigts d’être emporté par la colère, je fais la promenade qui, du monastère, mène jusqu’au phare…. À toi de chercher ce qui, dans ta vie, dépendra de de ta seule volonté. Ne serait-ce qu’une promenade le long de la mer.

Le deuxième ancrage que nous offre le Christ est sa résurrection. À chaque instant, l’être recommence. La vie reprend ses droits… la Résurrection du Christ n’est pas à chercher dans les circonstances. Elle est partout. Il en est de même pour celle des hommes. À chaque instant la vie recommence

Voici enfin la troisième ancre. La vie renaît par le travail. Souviens-toi. Trois fois avant le chant du coq, tu me trahiras, dis-le Christ à Pierre. Pourtant, c’est à lui, le traître, qu’il confiera la construction de son Église. Et cette tâche sauvera Pierre… Nous le savons, aucun travail ne pourra effacer ton immense douleur. Mais il t’aidera à l’adoucir. Mets-toi au travail. Où tu le voudras, en faisant ce que tu jugeras opportun. Ne reste pas désœuvré. Ici commence ton libre arbitre.