Éditions de l’Olivier,413 pages, octobre 2024, première édition en 1945

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

La France est comme les étoiles qui donnent encore de la clarté la nuit, quand il fait ben noir 

 

Déjà en 2013 le club de lecture m’avait fait lire un roman de cette écrivaine : « la petite poule d’eau« . Ce roman-ci est un grand succès de la littérature canadienne, il paraît la première fois en 1945 . C’est un roman très surprenant pour la lectrice que je suis aujourd’hui, une plongée dans le monde misérable de Montréal, au début de la deuxième guerre mondiale. Surprenant, car c’est un style incroyablement démodé, personne n’écrit plus comme ça, en détaillant par le menu toutes les circonvolutions psychologiques des différents personnages. La misère dans laquelle est plongée les gens pauvres du Québec est vraiment saisissante, nous suivons une famille celle de Rose-Anna et Azarius Latour, qui ont beaucoup d’enfants, dont un petit Daniel qui est atteint de Leucémie, et Florentine une jeune fille décidée et qui rapporte toute sa paye de vendeuse à sa famille. Azarius est un homme bon mais incapable de faire vivre sa trop nombreuse famille, Rose-Anna est désespérée et travaille sans arrêt pour économiser le moindre centime. Les histoires d’amour de Florentine, occupent une grande partie du roman, cela nous vaut de connaître Jean Lévêque un homme sans cœur, mais Florentine tombera follement amoureuse de lui. Cette histoire d’amour racontée dans le moindre détail m’a replongée dans des romans que j’ai lus dans ma jeunesse, sans être mièvre, car les personnages sont complexes, c’est quand même très convenu et en plus il y a le bel Emmanuel un homme bien sous tout rapport avec qui elle finira par se marier sans lui dire qu’elle attend un enfant de Jean.

Raconté comme ça, je doute que vous ayez envie de lire ce roman, mais il y a un charme certain à la langue et aux descriptions des paysages si rudes. J’ai quand même eu du mal à ne pas secouer la pauvre Florentine et ses idées de l’amour, s’attacher à un homme qui vous méprise n’a jamais été mon fort. L’autrice s’attache à rendre chaque personnage complexe et même le fameux Jean Lévêque le séducteur qui méprise les femmes qui s’attachent à lui, a le droit à une présentation nuancée. il a eu le malheur de perdre ses parents alors qu’il avait quatre ans, il a été élevé d’abord dans un orphelinat puis dans une famille d’adoption sans connaître la moindre tendresse. Est ce pour cela qu’il est incapable de se laisser aller à la tendresse ?

J’ai eu aussi du mal à accepter que finalement pour tous les personnages, la guerre les sauvera de la misère ou d’une passion amoureuse si mal partie.

Sur Luocine, deux livres sur la misère et la difficulté de vivre dans des régions inhospitalières, celui de Joël Elgloff fait 147 pages et celui-là 413 pages, dans le premier tout est évoqué dans une langue poétique et envoutante, dans celui-ci vous aurez le poindre détail des hésitations et des disputes amoureuses ou des conversations de bistrots. Je pense que le premier correspond plus à la sensibilité des lectrices et lecteurs d’aujourd’hui.

 

Extraits.

Début.

À cette heure, Florentine s’était prise à guetter la venue du jeune homme qui, la veille, entre tant de propos railleurs, lui avait laissé entendre qu’il la trouvait jolie.

Personnalité de Jean et idée du style .

Le regard du jeune homme effleura le campanile de Saint-Thomas-d’Aquin, la tourelle à colonnade du couvent, la flèche de Saint-Henri, et monta directement aux flancs de la montagne. Il aimait à s’arrêter sur cette voie et à regarder, le jour, les grands portails froids, les belles demeures de pierre grise et rose qui se dégageaient nettement là-haut, et, la nuit, leurs feu qui brillaient lointains, comme des signaux sur la route. Ses ambitions, ses griefs se levaient et l’enserraient alors de leur réseau familier d’angoisse. Il était à la fois haineux et puissant devant cette montagne qui le dominait.
De la rue Saint-Antoine monta de nouveau cet écho de pas scandés qui devenait comme la trame secrète de l’existence dans le faubourg. La guerre ! Jean y avait déjà songé avec une furtive et impénétrable sensation de joie. Est-ce que ce n’était pas là l’événement où toutes ses forces en disponibilité trouveraient leur emploi ? Combien de talent qui n’avaient pas été utilisés seraient maintenant requis ? Soudain il entrevoit la guerre comme une chance vraiment personnelle, sa chance à lui d’une ascension rapide.

Image du Canadien français.

Ce n’était pas que le patron fût bougon ou bien hautain, mais comme la plupart des Canadiens français, il répugnait au service de restaurateur qui exige une déférence tout à l’opposé de leur nature.
Au fond Sam Latour restait toujours comme humilié lorsque son commerce l’entraînait, par exemple, à laisser une belle discussion en plan pour aller dans l’arrière-cuisine réchauffer une tasse de café ou un bol de soupe.

L’amour destructeur.

Un instant, un très bref instant, elle fut traversée d’une nostalgie  : elle pensa prier pour que fût extirpé de son cœur cet amour qui la rongeait. Mais penchée jusqu’à toucher de son front le bord du banc, elle revit Jean, de dos, s’en allant. Et alors, elle s’accrocha à son tourment, elle s’y tint comme une noyée à son épave. 

La misère.

Elle, silencieuse, songeait que la pauvreté est comme un mal qu’on endort en soi et qui ne donne pas trop de douleur, à condition de ne pas trop bouger. On s’y habitue, on finit par ne plus y prendre garde tant qu’on reste avec elle tapie dans l’obscurité ; mais qu’on s’avise de la sortir au grand jour, et on s’effraie d’elle, on la voit enfin, si sordide qu’on hésite à l’exposer au soleil.

 Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque (thème : littérature canadienne).

3
Je ne connaissais pas cette auteure, pourtant présentée comme un « grand classique » de la littérature canadienne. C’est un roman très agréable à lire , même si (ou parce que !)on a parfois l’impression d’être au pays des « bisounours » ! Tout le monde est gentil et même les méchants sont fréquentables. Ce roman correspond à l’idée que l’on se fait des Canadiens : des gens vivant dans des contrées très isolées dans une nature aussi belle que sauvage, parlant peu , rudes à la tâche et au cœur d’or.

Derrière le côté gentil, se dessine des vrais personnalités , et en lisant ce livre, je me disais que nous, lecteurs d’aujourd’hui,étions davantage attirés par la noirceur et la dureté des rapports humains. Par exemple, le personnage de Bessette qui exploite les trappeurs aurait pu être peint sous les traits d’un infâme avare, certes, il est odieux , mais comme tout le monde doit vivre avec lui , on a l’impression qu’il est préférable de l’accepter comme il est.

Et notre homme d’église qui se donne le rôle de justicier, et qui réussira à faire payer les fourrures à un prix plus juste, s’en voudra d’avoir précipité les hommes des bois dans un alcoolisme encore plus violent qu’auparavant (du temps où Bessette les exploitait outrageusement). J ai été émue par le passage où Luzina se rend compte que l’éducation qu’elle a tant voulu donner à ses enfants les a conduits à s’éloigner définitivement de son mode et de son lieu de vie.

Un roman sympathique , bien loin des difficultés de notre société actuelle, un bol de grands espaces peuplés de gens gentils.

 Citations

Portrait d’un taiseux

Dans un pays où on était souvent silencieux, faute d’avoir du nouveau à commenter, il détenait le record de la taciturnité. Il passait pour avoir mené ses affaires, accepté des commissions, rendu service, accompli son devoir de facteur, fait l’amour, procréé des enfants, tout cela sans avoir prononcé plus d’une dizaine de phrases.

 Un trait de caractère assez répandu

Telle était Miss O’Rorke. Sa préférence morne et accablante allait toujours à ce qu’elle avait perdu, et s’il y avait des coins du monde qu’elle vantait sans répit, c’étaient toujours ceux-là où elle était assurée de ne plus remettre les pieds.

 Un facteur qui a une vision personnelle du progrès

Quinze ans plus tôt , il était arrivé tout fin seul dans ce pays, et il avait pu croire qu’il y vivrait en paix. Personne ne savait écrire et lire dans ces bons temps , et personne n’en souffrait. Le progrès, la civilisation, comme ils appelaient les embêtements, avaient tout de même commencé à les rattraper, petit à petit dans le Nord. D’abord les gens s’étaient fourré dans la tête de recevoir des lettres, des catalogues de magasins. Les catalogues de magasin , voilà à peu près ce qu’il y avait de plus bête au monde ! C’était encombrant. Ça vous bourrait un sac en un rien de temps, et pourquoi, je vous le demande ! Rien que pour vous démontrer que vous auriez maintenant besoin d’un tas de choses dont vous vous étiez parfaitement passé…

On en parle

Livres de Malice que j’ai trouvé sur Babelio.


Édition Anne Carrière.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Il y a quelques traditions qui ont survécu au Covid : le mois de juin de notre club de lecture est consacré au roman historique et voici un roman qui avait donc toute sa place . J’avais déjà lu un livre de cet auteur « La déesse des petites Victoires » . Dominique qui m’avait déjà conduite vers cet auteur a beaucoup aimé ce roman. et je vous conseille de lire son billet si bien illustré.

Je souligne l’incroyable talent de cette auteure (oui, Yanick est aussi un prénom féminin), elle m’avait bien intéréssée à la période viennoise d’avant la guerre et au psychisme troublé d’un génial mathématicien. Et me voilà partie avec elle pendant plusieurs jours dans un couvent de Provence, dans lequel des femmes à force d’observation et de dévouement arrivent à améliorer le sort des malades, elles herborisent , elles classent leurs observations et soulagent le mieux qu’elles le peuvent.
Seulement voilà : des femmes se mêlent de médecine ! on voit tout de suite le danger. Ne sont elles pas aidées par le diable ? Ne sont elles pas elles-mêmes des sorcières ?

L’intrigue totalement imaginaire repose sur une recherche très pointue sur la réalité de l’époque. En 1584 à l’aube du 16° siècle une chappe de suspicion s’abat sur la chrétienté : entre les protestants hérétiques et l’université qui ne doit transmettre la science qu’aux hommes, la condition de la femme est pire que jamais . Elles sont comme la jeune Gabrielle prise dans un terrible piège , elles ne pourront jamais s’instruire elles pourront à peine être dégrossies dans des couvents qui leur apprennent l’obéissance et la foi en Dieu.

Dans ce couvent situé non loin de Vence, l’évêque aimerait faire main basse sur les revenus que procure la vente des baumes provenant des plantes (les simples) récoltées par les nonnes. Ce projet purement mercantile provoque une catastrophe qu’il est bien incapable de contrôler d’autant plus qu’il est lui-même gravement malade.
Plusieurs intrigues se mêlent : le destin d’un cadet de grande famille à qui on impose la prêtrise puisqu’il n’héritera rien de la fortune de la famille ; La vie dans le couvent et les intrigues entre les sœurs qui n’ont rien à envier aux pires séries télévisées. Vous connaissez « Orange is the new black » et bien Le couvent de l’abbaye de Notre Dame du Loup c’est ça en pire !

Enfin il reste Gabrielle qui n’a qu’un but dans la vie s’instruire et lire autant qu’un homme qui veut devenir médecin peut le faire, Elle aura un rôle décisif dans la catastrophe finale.

J’ai aimé ce roman et je ne doute pas du coup de coeur qu’il va recevoir à notre club, mais j’ai quelques réserves sur la longueur et le foisonnement des personnages. C’est une difficulté que je rencontre souvent : quand je sais que le livre va mal se finir j’ai parfois envie que ça aille plus vite, car on sent bien que rien n’arrêtera le malheur qui se met en place .

Je salue le talent de cette écrivaine et comme elle, je suis si triste de me rendre compte de tous les malheurs et souffrances par lesquelles sont passées les femmes avant de pouvoir simplement exister .

 

Citations

Les couvents au 16°siècle.

 Fleurs est oblate, une enfant consacrée à Dieu et donnée par son père aux louventines. Sans dot, elle ne deviendra jamais sœur de chœur comme sœur Clémence, elle prendra le voile brun des converses. « Ora et Labora », prière et travail, elle suivra la règle de Saint-Benoît parmi les Marthe, les servantes de Dieu payant par le labeur son ses jours dans Sa citadelle.

L’odeur des nonnes.

 Les moniale ne peuvent faire grande toilette que deux fois l’an et elles n’ont pas le droit aux senteurs. Une rotation de printemps s’imposerait, car leurs robes puent le rance et la blancheur de leur guimpe n’est plus qu’un souvenir. Elles respirent peut-être la sainteté, mais, d’évidence, pas la rose.

La mortalité enfantine.

 Sur les enfants nés, l’un sera déformé de tares, l’autre bleui par le passage forcé, un troisième emporté par la mort du septième jour, le corps si raide qu’il ne respira plus, et les autres, s’ils ne sont pas étouffés dans le lit commun, seront moissonnés par les grandes diarrhée des mois chauds.
 Peu de rescapés atteindront leur quatrième années comme Titino, car viendront pour eux roséole, rougeotte et fièvre écarlate, coqueluche et orillon. Pour dépasser la dizaine, ils devront échapper aux roues des charrettes, aux sabots des chevaux, aux crocs des chiens et aux dents des porcs, à la rivière au calme trompeur, aux braises où tomber, aux faux où se couper, au coups du père, au méchanceté de la mère tout ça parce qu’eux même n’ont pas connu de meilleurs soins.

 

Édition le Nouvel Attila. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Roman très atypique et très loin du monde si rapide de notre époque. Il s’appuie sur un autre roman, celui d’Ernest Pérochon, « Nêne » qui a obtenu le prix Goncourt en 1920. (Je vous mets le lien si cet auteur est tombé pour vous comme pour moi dans les oubliettes.) Ce roman, que je n’ai pas lu, raconte la vie d’une servante à la campagne qui consacre sa vie à élever les enfants de son maître et qui oublie de vivre elle-même. Après la guerre 14/18, les femmes qui viennent de vivre quatre ans en prenant toutes les responsabilités de la vie sociale ont du mal à rentrer dans les anciens schémas. Ernest Perochon est visiblement sensible au statut de ces femmes puisque c’est lui aussi qui a écrit « Les Gardiennes » dont a fait un film en 2017 avec Nathalie Baye et Laura Smet. Et c’est bien là, au-delà de l’intrigue, le thème principal du roman qui se situe après la guerre 14/18 qui a tant marqué les hommes mais aussi les femmes. Ce roman permet de croiser des femmes au destin incroyable comme Madeleine Pelletier et Marie Curie dont l’invention des ambulances avec radio ont permis d’énormes progrès pour soigner les soldats blessés à la guerre 14/18.

Ce roman se divise en trois parties. nous sommes d’abord avec le pasteur du village qui tremble d’un amour coupable pour la belle Gabrielle . C’est la partie la plus longue et qui m’a le plus intéréssée , ensuite vient le temps des Femmes et en particulier celui de la sienne Blanche qui souffre de se sentir trop proche de Nêne l’héroïne du roman grâce auquel elle a appris à lire. Même leur fils Jaques ne réussira pas à l’arracher à sa détresse. Enfin le temps du fils qui vivra lui aussi un grand amour .
Je ne peux pas en dire plus sans vous dévoiler la fin mais vous la devinerez dès la première partie Seulement, je sais maintenant que la majorité des blogueurs et des blogueuses ne commencent pas comme moi tous les romans par la fin. Le suspens ne joue pas un grand rôle dans cette histoire, mais en revanche la vie dans une petite ville dans l’entre deux guerres est bien racontée. J’ai beaucoup aimé l’amitié entre les deux hommes : le pasteur et le curé de ce village. Ils ont à eux deux créé, bien avant 1962 et le Concile œcuménique Vatican II, la réunion des gens de bonne foi qu’ils soient protestants ou catholiques. Un roman hors du temps et dans la lenteur de la vie de village mais aussi dans l’histoire de femmes qui ne veulent plus être ni des suivantes, ni des servantes. Et cela est souligné par un style particulier un rien vieillot qui convient bien à cette histoire. Je n’ai pas lu Ernest Pérochon mais je me demande s’il n’écrit pas un peu comme cela. J’ai essayé d’en rendre compte dans les extraits choisis . Si je n’ai pas mis plus de coquillages, c’est que j’ai trouvé que les trois parties étaient de valeur inégale, et surtout ce qui est vraiment dommage l’intérêt allait décroissant. La première partie est très belle et méritait (selon mon goût) cinq coquillages.

 

Citations

Le changement d’époque et le style imagé de l’auteure

 Il s’imaginait avoir un œil ouvert sur le monde mais ce n’était pas le bon, le gauche. Son iris se concentrait sur un ordre des choses tissé dans l’étoffe d’une nature qu’il croyait éternelle, or la fibre est friable et se délite lorsque sous l’habit on se heurte au moine, ce vieux fossile entravant depuis la nuit des temps l’horizon des femmes. Que certaines puissent être lasses de marcher à l’ombre, il n’y avait jamais songé. Que Gabrielle mérite la lumière, c’est une évidence. Adelphe s’en veut. Il s’en veut d’autant plus qu’il n’est pas frileux, plus maintenant qu’il a vécu la guerre, qu’il a vu l’homme dans le plus laid des bourbiers, déchiqueté, les boyaux a l’air, hurlant comme un goret, alors oui, que le monde bouge mais comme il faut cette fois.

Jolie phrase

 Ainsi vont peut-être certains hommes de père en fils sans la clé des femmes, avec l’incertitude pour seule boussole.

Cette auteure aime les images

En réalité ce soir tout en lui est repu, l’heure est la douceur, il n’est pas d’humeur à égratigner quiconque et assure à sa gouvernante que son pot-au-feu est un véritable délice. Elle répond d’un borborygme ponctué d’un sourire mesquin ; une éclaboussure qui le plonge instantanément dans un court-bouillon désenchanté.

Le pasteur et le curé

Le curé est une vieille connaissance qu’il a un peu délaissé cette année . Pourtant c’est un bon compagnon, toujours partant pour la modernité avec qui il a déjà partagé des bières et deux ou trous déconvenues, des espoirs communs qui n’avaient pas trouvé preneur

R-T

R

Ragougneau (Alexis) (Opus 77 6 juillet 2020)

Raufast (Pierre) (La Fractale des Raviolis 21 septembre 2015) (La Variante Chilienne 7 juillet 2016) (Habemus Piratam 15 avril 2019)

Rault (Antoine) (La Danse des Vivants 14 octobre 2019)

Rautianen (Petra) (Un pays de neige et de cendres 8 aout 2022)

Renard (Alice) (La Colère et L’envie 14 mars 2024)

Renaud (Claire) (La valse des petits pas 28 avril 2002)

Revel (Sandrine)(Glen Gould Une vie à contre temps 4 aout 2021)

Revert (Yves) ( la fugitive de l’autre côté du fil 5 juin 2023)

Richaud (Frédéric)(Monstres 15 mai 2023)

RISHØI (H Ingvild) (Un conte de Noël 30 mars 2023)

Robert-Diard (Pascale) (la petite menteuse 27 novembre 2022)

Rooney (Sally) ( Où es tu monde admirable 1 décembre 2024)

Rostain (Michel) (L’étoile et la vieille 14 mars 2013) (Le vieux 11 avril 2022)

Rouda (Les mots nus 8 aout 2023)

Roux Laurine (Une immense sensation de calme 2 aout 2021)

Roth (Philip) (la Tâche 27 octobre 2009)(le complot c)ontre l’Amérique 20 avril 2015) (Un Homme 15 octobre 2020)

Roy (Gabrielle) (La petite poule d’eau 7 décembre 2013) (Bonheur d’occasion  28 avril 2025)

Royer (Corinne) (Ceux du lac 3 décembre 2024)

Ruffel (Eliot) (Après ça 02 décembre 2024)

Rufin (Jean-Chistophe) (Le grand Cœur 7 aout 2012) (Rouge Brésil 4 novembre 2013)(Immortelle Randonnée 24 octobre 2013)

Rundell (Katherine) (L’explorateur 11 mai 2023)

Russo (Richard) (le déclin de l’empire Whiting 9 février 2014) (Retour à Martha’s Vineyard 27 septembre 2024) (Mohawk 19 juin 2025)

Ryan (Jennifer) (La Chorale des Dames de Chilbury 29 juin 2018)

 

S

Sackville-West (Vita) (l’héritier 8 février 2021)

Safr (Joan) ( La synagogue 4 aout 2023)

Saint Bris (Paul) (L’allègement des vernis 1 janvier 2024)

Saint Martin (Lori) (Pour qui je me prends 1 juillet 224)

Salvayre (Lydie) ( Les belles Âmes 3 juin 2013)

Sands (Philippe) (La filière 21 novembre 2022) (Le retour à Lemberg 16 novembre 2023)

Sattouf (Riad) (Moi, Fadi, le frère volé 6 décembre 2025)

Schäffer (Stephan) (encore 25 étés, 16 mai 2025)

 Scheuer (Norbert) (Les Abeilles d’Hiver 17 janvier 2022)

(von) Schirac (Ferdinand) (L’affaire Collini 28 septembre 2014)

Schnerf (Joachim) ( Le cabaret des mémoires 20 février 2023)

Schlesser (Thomas) (Les yeux de Mona 10 juillet 2024)

Schlink (Bernhard) (Olga 11 novembre 2019) (La petite fille 20 novembre 2023)

Schulman (Alex) (Les survivants 12 mai 2022) (Prochain arrêt 12 juillet 2024)

Schwartzmann (Jacky) (Pension Complète 8 juillet 2019) (Bastion 1 mars 2025)

Shimazaki (Aki) (Le poids des secrets 31 décembre 2012) ( Une clochette sans battant 4 octobre 2024)

Sciascia) Leonardo (Le Jour de la chouette 3 juin 2021)

Scott (Ann) (Les insolents 11 mars 2024)

Sebastian (Barry)(Le testament caché 27 octobre 2021)

Seethalter (Robert) (Le Tabac Tresniek 29 mai 2015) (Une vie entière 1 octobre 2018) ( Le dernier mouvement 1 novembre 2023) (Le café sans nom 1 novembre 2024)

Seigle (Jean-Luc) (En Vieillissant les Hommes pleurent 20 août 2018)

Seksik (Laurent)) (Le cas d’Eduard Einsthttps://luocine.fr/?p=13243ein 5 décembre 2013) (L’exercice de la médecine 26 octobre 2015) (Romain Gary s’en va-t-en Guerre 22 juin 2017) (les derniers jours de Stefan Zweig 1 août 2018) (Un fils obéissant 27 janvier 2020)

Sénanque (Antoine) (L’ami de jeunesse 30 novembre 2015 ) ( Croix de cendre 13 mai 2024)

Sepulveda (Luis) (Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler 5 août 2019)

Servain (Stéphane) (Ulysse et Cyrano 19 décembre 2024)

Séverac (Benoït) (Le tableau du peintre juif 8 mai 2023)

Seyvos (Florence) ( Un perdant Magnifique 8 mars 2025)

Sfar (Joann) ( Comment tu parles de ton père 31 octobre 2016) (la synagogue 10 aout 2023)

Shalev (Seruya) (Stupeur 19 février202)

Shimazaki (Aki) (Mitsuba 3 octobre 2012) (Le poids des secrets 31 décembre 2024)

Shriver (Lionel) (Double faute 14 janvier 2011)(quatre heures dix huit minutes … 19 novembre 2021)

Shulte (vor) (Stefanie) (Garçon au coq noir 6 novembre 2023)

Sijie (Dai) (L’évangile Selon Yong Sheng 24 février 2020) (Trois vies chinoises 24 aout 2020)

Simonnot (Maud) (L’heure des oiseaux 2 février 2023)

Sinisalo Johanna (Jamais avant le coucher du soleil 27 novembre 2019)

Sire (Guillaume) (Avant la longue flamme rouge 20 juin 2022) (les contreforts 22 mai 2024)

Sizun (Marie) (La Femme de l’Allemand 27 août 2009) (La Gouvernante Suédoise 30 août 2018)

Skeslien-Charles (Janet) (Une soif de livres et de liberté 25 février 2021)

Slimani (Leila) ( Le pays des autres 25 janvier 2021)

Slocombe (Romain) (Un été au Kansaï 21 mars 2016) ( la débâcle 31 aout 2023)

Smiley (Jane) (Une vie à part 11 aout 2018)

Smith(Tom Rob) (Enfant 44 24 décembre 2009) (Kolyma février 2010)(La ferme 23 octobre 2014)

Snégaroff (Thomas) (les vies rêvées de la baronne d’Oettingen 26 avril 2024)

Sollogoub (Tania) (La maison russe 15 janvier 2024)

Solomons Natasha (Jack Rosenblum rêve en anglais 14 aout 2011) (Le manoir de Tyneford 21 mai 2014)

Spitzer (Sébastien) (Le coeur battant du m)onde 4 février 2021)

Starritt (Alexander) (Nous les Allemands 6 février 2023)

St John (Madeleine) (Rupture et conséquences 14 décembre 2023)

Stefansson- Kalman (Jon) (Ton absence n’est que ténèbres 19 août 2024)

Stegner (Wallace) (La montagne en sucre 9 mais 2016) (En leu sûr 1° aout 2016)

Strout Elizabeth (Olive Kitteridge 22 aout 2022)

Stucki (Walter) (La fin du régime de Vichy 7 novembre 2022)

Sullivan (J. Courtney) (Maine 14 aout 2014) (Les affinités sélectives 5 septembre 2022)

Süskind (Patrick) (La contrebasse 3 novembre 2022)

T

Tabachnik (Maud) (Le festin de l’araignée 12 aout 2024)

Taïa (Abdellah) (Le bastion des larmes 6 janvier 2025)

Takano (Kazuaki) (Treize Marches aout  15 mars 2021) (Génocide(s) 29 juillet 2021)

Tanizaki (Junichiro (Eloge de l’ombre 27 aout 2009)

Tangvald (Virginia) ( Les enfants du large 17 janvier 2025)

Tapply(G.William) (Dark Tiger 17 décembre 2021)

Tardieu Laurence (Un temps fou 13 sep)tembre 2009) (Nous aurons été vivants 2 septembre 2019)

Tavernier (Tiffany) (L’ami 15 octobre 2021)

Taylor Elizabeth (Vue sur le port 28 juin 2021)

Thibert (Colin) (Torrentius 16 mars 2020)

Thiéry (Sébastien) (Demain la revanche 17 mars 2023)

Thomas (Chantal) (le Testament d’Olympe 14 avril 2011) (Souvenirs de la Marée Basse 15 novembre 2017) mars

Thurin (Paul) ( Le livre de Joan 16 juillet 2025

 Thuy (Kim) (Ru 24 février 2010) (Man 21 juin 2013) (Vi 16 novembre 2020)

Tibuleac (Tatiana) (L’été où maman a eu les yeux verts 8 mars 2021)

Tixier (Marjorie) (Un autre bleu que le tien 21 mars 2022)

Tlili (Cécile) (Un dîner simple 15 février 2024)

Tokarczuck (Olga) (Sur les Ossements et les Morts 13 avril 2020) (Dieu, le Temps, les hommes et les Anges 20 avril 2020) juin

Tomic (Ante) (Les enfants de la Sainte Marguerite 13 mars 2025)

Tong Cuong (Valérie) (Par Amour 8 juin 2017) (les guerres intérieures 8 juin 2020)

Toulmé (Fabien) 10 mars 2023)(L’odyssée d’Hakim 10 mars 2023)

Toussaint (Jean Philippe) (La vérité sur Marie 24 novembre 2009)

Touverey (Baptiste) (Comme un tigre de feu 23 juin 2025)

Trabucco Zeran (Alia) (Propre 21 avril 2025)

Trethewey (Natasha) (Memorial drive 25 septembre 2023)

Tremblay (Michel) ( La traversée du Continent 9 janvier 2014) (Victoire 15 novembre 2021) (La traversée de la ville, la traversée des sentiments 13 décembre 2021) (L’offrande musicale 16 janvier 2023)

Tripier (Perrine) (Les guerres précieuses 10 juillet 2023)

Troël (Yuna) (Le coq solitaire 11 mars 2021)

Tronchet (Didier) (Le Chanteur Perdu 25 décembre 2020)

Truc (Olivier) (Le dernier Lapon 24 janvier 2013)

Tyson (Tiffany Quay) (Un Profond Sommeil 13 juin 2024)

 

mai)

 

Traduit du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin

Edition poche Folio

En lisant le billet de Dominique je m’étais fait une promesse, mettre ce livre dans ma liste, puis dans ma pile à côté de mon lit, et puis finalement de le lire. Promesse tenue. J’ai bien aimé cette lecture dont un bon tiers est occupé par le récit de la guerre 14/18 vu du côté des Belges. Stefan Hertmans a voulu redonner vie à un grand-père très digne et très pieux. Il a voulu aller plus loin que son apparence d’homme sévère habillé en costume et portant tous les jours une lavallière noire et un borsalino. Il a trouvé un homme meurtri par la guerre et qui ne s’est jamais remis des souffrances qu’il a ressenties dans son corps et celles qui ont blessé et tué de façon horrible ses compagnons. La force avec laquelle sont racontés ces combats m’ont permis de me rendre compte de l’héroïsme de cette armée dont je savais si peu de chose avant de lire ce roman. Un autre aspect que j’ai découvert, c’est la domination à l’époque du français sur le flamand (les temps ont bien changé !). Les pauvres soldats flamands non gradés devaient donc obéir à des ordres parfois absurdes et qui, surtout, pouvaient les emmener à la mort donnés par des officiers qui ne s’exprimaient qu’en français d’un ton le plus souvent méprisant. Plusieurs fois, dans ce récit on ressent la langue française comme une façon de dominer les flamands. Comme ce lieutenant qu’il entend dire derrière son dos

Ils ne comprennent rien, ces cons de Flamands

 

Au delà des récits de guerre, on découvre un homme Urbain Martien (prononcez Martine) qui a aimé et a été aimé par ses parents. Son père, grand asthmatique, lui a donné le gout du dessin mais malheureusement, il laissera trop tôt sa femme veuve avec ses quatre enfants. Urbain connaîtra la misère celle où on a faim et froid et pour aider sa mère il travaillera dans une fonderie sans aucune protection et dans des conditions effroyables. Finalement il s’engagera à l’armée et sera formé au combat ce qui le conduira à être un cadre sous officier pendant la guerre.
Il connaîtra l’amour et sera passionnément amoureux d’une jeune femme qui ne survivra pas à la grippe espagnole ; il épousera sa sœur et ensemble, ils formeront un couple raisonnable.

J’ai eu quelques réserves à la lecture de cette biographie, autant le récit de la guerre m’a passionnée car on sent à quel point il est authentique : nous sommes avec lui sous les balles et les des canons ennemis, on patauge dans la boue et on entend les rats courir dans les tranchées. Autant la vie amoureuse de son grand-père m’a laissée indifférente. En revanche, sa jeunesse permet de comprendre cet homme et explique pourquoi la religion tient tant de place dans sa vie. Pour la peinture puisque c’est l’autre partie du titre disons que le talent d’un copiste même merveilleux n’est pas non plus très passionnant, la seule question que je me suis posée c’est pourquoi il n’a que copié des tableaux et n’a pas cherché exprimer ses propres émotions.

Quand je suis étonnée d’apprendre que la ville où j’habite se situe dans le Nord de la France :

Blessé une deuxième fois sur le front de l’Yser, touché par une balle à la cuisse, juste en dessous de l’aine, il avait été évacué ; pour sa rééducation, il avait été envoyé dans la ville côtière de Dinard, dans le nord de la France. Depuis la ville voisine de Saint-Malo, il avait fait la traversée, avec quelques compagnon en rééducation, vers Southampton, pour rendre visite au fils de son beau-père, mais à peine était-il en haute mer une tempête s’était levée, qui avait duré un jours et demi.

Et voici la photo de la foule qui attend l’arrivée des blessés de la guerre 14/18 qui vont être soignés à Dinard dont a fait partie Urbain Martien .

 

Citations

 

Pourquoi cette référence à Proust

Le tailleur l’envoie d’un ton bourru chercher à l’école le fils de cette famille bourgeoise. Au bout d’un certain temps, il est chargé chaque jour de cette tâche et doit porter le cartable rempli de livres du jeune monsieur en prenant garde de rester deux pas derrière lui, pour éviter de recevoir un coup de canne que ce garçon de douze ans manie déjà avec une suffisance proustienne.

Le couple de ses grand-parents

Son mariage avec Gabrielle était sans nuages pour quiconque n’était pas plus avisé.Enchevêtrés comme deux vieux arbres qui, pendant des décennies, ont dû pousser à travers leurs cimes respectives, luttant contre la rareté de la lumière, ils vivaient leur journée simple, uniquement entrecoupées par la gaieté apparemment frivole de leur fille, leur unique enfant. Les journées disparaissaient dans les répliques du temps diffus. Il peignait.

Le 20 siècle

Il a consigné ses souvenirs ; il me les a donnés quelques,mois avant sa mort en 1981. Il était né en 1891, sa vie semblait se résumer à l’inversion de deux chiffres dans une date. Entre ces deux dates étaient survenus deux guerres, de lamentables massacres à grande échelle, le siècle plus impitoyable de toute l’histoire de l’humanité, la naissance et le déclin de l’art moderne, l’expansion mondiale de l’industrie automobile, la guerre froide, l’apparition et la chute des grandes idéologies, la découverte de la bakélite, du téléphone et du saxophone, l’industrialisation, l’industrie cinématographique, le plastique, le jazz, l’industrie aéronautique, l’atterrissage sur la lune, l’extinction d’innombrables espèces animales, les premières grandes catastrophes écologiques, le développement de la pénicilline et les antibiotiques, Mai 68, le premier rapport du club du club de Rome, la musique pop, la découverte de la pilule, l’émancipation des femmes, l’avènement de la télévision, des premiers ordinateurs – et s’était écoulé sa longue vie de héros oublié de la guerre.

Les goûts musicaux

En revanche, il éprouvait du dégoût et de la colère en entendant Wagner et faisait ainsi sans le savoir le même choix que le grand philosophe au marteau : Nietzsche écrivit en effet à la fin de sa vie qu’il préférait la légèreté méridionale, l’affirmation de la vie et de l’amour chez Bizet, au fumerie d’opium teutonnes des ténèbres mystique de Wagner. Offenbach rendait mon grand-père joyeux, et quand il entendait les marches militaires, il se ranimait . Il connaissait par cœur la pastorale de Beethoven surtout le mouvement où le coucou lance son appel dans la fraîche forêt viennoise.

L’accent français en Belgique

En face, dans la boutique d’allure viennoise du boulanger juif Bloch, les femmes de la bonne société prenaient un café servi dans une petite cafetière en argent accompagné d’un croissant beurré, tandis qu’elle lisait un livre acheté chez Herckenrath, le papier d’emballage soigneusement plié en quatre à côté de leur main baguée. Elles étaient tellement chics qu’elle affectaient une pointe d’accent français en parlant flamand.

Avancées techniques allemande 1914

Le fort de Loncin est mis hors de combat par un tir de plein fouet sur la poudrière. Le béton n’était pas encore armée, ce qui fut fatal au vieux mastodonte, dernier vestige d’une époque candide. (…..) En chemin nous apprenons que presque tous les forts sont tombés et que toute résistance est devenue vaine. Les Allemands utilisent des mortiers lourds d’un calibre de 420 millimètres dont nous ignorions totalement l’existence. Leurs tirs ont ouvert des brèches dans tous les forts liégeois ; ces citadelles désuètes peuvent tout au plus résister un calibre 210 millimètres.

Les troupes allemandes en Belgique

Un matin, une semaine plus tard, nous entendîmes pleurer un enfant. Un garçonnet d’une dizaine d’années était debout sur l’autre rive. Le commandant nous interdit d’aller le chercher. Carlier dit que c’était une honte, il retira son uniforme, sauta dans l’eau et nagea jusqu’à l’autre côté. Au moment où il voulut tendre la main à l’enfant, celui-ci détala . Les Allemands se mirent à tirer avec toutes leur bouches de feu, nous n’avions aucune idée d’où provenaient les tirs. Carlier tomba à la renverse, roula sur la berge jusque dans l’eau, plongea en profondeur, ne ressortit que lorsqu’il fut arrivé de notre côté. Tout le monde avait suivi la scène en retenant son souffle ; Carlier fut hissé à terre, le commandant dit qu’il méritait en réalité une lourde sanction, mais en voyant à quel point le procédé des Allemands nous avait indignés, il en resta là.
Nous prîmes conscience que nous avions en face de nous ennemi sans le moindre scrupule. Ce genre de tactique de guerre psychologique était nouveau pour nous, nous avions été éduqués avec un sens rigoureux de l’honneur militaire, de la morale et de l’art de la guerre, nous avions appris à faire élégamment de l’escrime et à réaliser des opérations de sauvetage, nous avions appris à réfléchir à l’honneur du soldat et de la patrie. Ce que nous voyons ici et était d’un autre ordre. Cela bouleversant nos pensées et nos sentiments, nous ressentions, le cœur rempli d’angoisse, que nous revenions d’autres hommes prêts à tout ce que nous avions évité auparavant.

Les atrocités de la première guerre ont-elles entraîné celles de la seconde ?

Toutes ses vertus d’une autre époque furent réduites en cendres dans l’enfer des tranchées de la Première Guerre mondiale. On enivrait sciemment les soldats avant de les amener jusqu’à la ligne de feu (un des plus grands tabous pour les historiens patriotiques, mais les récits de mon grand-père sont clairs à ce sujet) ; les bouis-bouis, comme les appelait mon grand-père, se multipliaient, on en voyait pour ainsi dire partout à la fin de la guerre, de ces lieux où l’on encourageait les soldats à apaiser leurs frustrations sexuelles pas toujours en douceur -une nouveauté en soi, sous cette forme organisée. Les cruautés les massacres transformèrent définitivement l’éthique , la conception de la vie, les mentalités et les mœurs de cette génération. Des champs de bataille à l’odeur de prés piétinés, des mourants comme au garde-à-vous jusqu’à l’heure de leur mort, des scènes picturales militaires avec en toile de fond la campagne du dix-huitième siècle remplie de collines et de boqueteaux , il ne resta que des décombres mentaux asphyxiés par le gaz moutarde, des champs remplis de membres arrachés , une espèce humaine d’un autre âge qui fut littéralement déchiquetée.

Toutes les après-guerres se ressemblent

Partout surgissent de véhéments patriotes, qui pendant la guerre se livraient à un commerce clandestin mais intensif avec les Allemands. Partout des traces et des témoignages sont fiévreusement effacés. Partout j’assiste à des querelles, de l’animosité, des ragots, des trahisons, des lâchetés et des pillages, tandis que les journaux exultent en évoquant une paix bienheureuse. Nous, les soldats qui revenons du front, nous sommes mieux informés. Nous nous taisons, luttons contre nos cauchemars, éclatant parfois en sanglots en sentant l’odeur du linge fraîchement repassé ou d’une tasse de lait chaud.

Explication du titre, et fin du livre

Ainsi, ce paradoxe fut une constante dans sa vie : ce ballottement entre le militaire qu’il avait été par la force des choses et l’artiste qu’il aurait voulu être. Guerre et térébenthine. La paix de ces dernières années lui permit de prendre peu à peu congé de ses traumatisme. En priant Notre-Dame des Sept Douleurs, il trouva la sérénité. Le soir avant sa mort, il est parti se coucher en prononçant ces mots : je me suis senti si heureux aujourd’hui, Maria.