Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard

3Merci Jérôme. Sans ton commentaire à propos « d’Emily », je n’aurais certainement pas lu « Les joueurs » du même auteur. C’est un roman du quotidien, le quotidien d’un couple qui sait parfaitement se faire la guerre. Les petites remarques qui tuent, la parfaite bonne conscience de la femme qui ne veut plus aimer , ses faiblesses qu’elle préfère cacher , tout cela sonne juste. Lui, est plus surprenant, il veut absolument la reconquérir et misera sur la roulette du casino pour y arriver.

Sans être une charge contre les mœurs américaines, le regard de Stewart O’Nan est pertinent et rend son roman attachant. Les lieux touristiques américains, où, le plus souvent le supermarché est le point de passage obligé est criant de vérité. Ils s’étaient demandés en mariage aux chutes du Niagara , c’est donc là qu’ils reviennent. Lui plein d’espoir et cherchant maladroitement à refaire exactement le même parcours que du temps de leur amour. Elle maugréant et certaine que tout cela ne sert à rien , ne met pas beaucoup de bonne volonté pour vivre ce qui est, sans doute, leur dernière aventure. Les attractions : musée de cire, trajet sous les chutes, plate forme au dessus du vide….tout cela semble des pièges à gogos, surtout quand on a envie de vomir…

Ah oui ! j avais oublié une horrible gastro s’est invitée des leur arrivée. Mais rien n empêchera Art d’aller au bout de son projet : miser son couple sur un coup de roulette ! J’ai bien aimé également , l’analyse de leur déchéance financière. Certes, la société américaine est fondée sur la consommation et l’appât du gain , mais le surendettement des ménages est d’abord provoqué par les habitudes de consommation à crédit.

Enfin l’écriture est légère et souvent drôle à l’image des têtes de chapitres qui comme à la roulette sont calculés en terme de chance. Je vous donne un exemple : chance qu’un orchestre de jazz joue « My Funny Valentine » le jour de la Saint-Valentin : 1 sur 1. Et je vous laisse écouter cette fameuse chanson par Chet Baker.

Citations

Genre de dialogue de couples au bout du rouleau :

– Bon sang, dit-elle
– Quoi
– Rien.
– Tu fais ta tête contrariée.
– Je rumine.
– Il ne faut pas que tu rumines.
– Je ne le fais pas exprès, c’est plus fort que moi.
– Est – ce que tu rumineras encore quand on aura divorcé ?
– Pourquoi est – ce que j’arrêterais ?
– Je me disais que ça fonctionnait peut être comme la procédure de sur endettement, que tout serait pardonné.
– Navrée, il y a certaines dettes qu’il faut payer
– Ça valait le coup d essayer.
– Pas vraiment.

Pas mal vu :

Étant à jamais coupable, il se trouvait à jamais sans défense par rapport à elle, ce qui alimentait un ressentiment qu’il savait injustifié, le laissant démuni, sans rien d’autre pour contrer la colère de Marion que l’impatience, et, après si longtemps, l’épuisement.

On en parle

Chez Jérome bien sûr et Kathel et babelio où les avis sont parfois plus négatifs que le mien.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Paule Guivarch

3
J’ai choisi ce livre pour l’anniversaire d’une de mes sœurs, voici la phrase que ma libraire a prononcée et qui m’a décidée :

C’est l’histoire d’une femme âgée qui nous fait découvrir l’Amérique sous un aspect nostalgique et émouvant. Elle découpe ses coupons de réduction, et va au restaurant quand il propose de se resservir gratuitement, et puis un jour elle achète une nouvelle voiture et son univers s’agrandit.

Je l’ai lu rapidement avant de l’offrir , je ne sais pas si ce roman lui plaira autant qu’à moi. Ce n’est pas un livre spectaculaire mais le quotidien de cette femme vieillissante est très bien raconté et m’a beaucoup émue. La seule chose que je ne comprends pas c’est son amour pour son chien vieillissant , mais c’est sûrement authentique. Le rapport avec ses enfants est très bien analysé. En le lisant je me faisais la réflexion, que lorsque j’étais jeune je lisais avec passion des romans montrant l’ascension des familles américaines. Aujourd’hui , je lis des romans racontant soit des univers totalement détruits, soit comme ici des vieillesses solitaires. Il n’y a rien de violent sous la plume de Stewart O’Nan, mais Emily a du mal à comprendre la génération de ses enfants.

L’auteur nous tend un miroir où l’on peut regarder un pays qui ne va pas si mal mais pas très bien non plus. Ses enfants sont contents de recevoir son aide mais ne respectent pas l’argent. Et puis il y a tous ses petits détails du vieillissement qui rendent parfois le quotidien si pénible. J’y ai retrouvé mes amies du foyer logement de Dinard à qui je lis parfois des histoires, et qui m’ont appris une chose très importante :

« Ne demandez jamais à une vieille (c’est plus fréquent qu’un vieux) comment ça va, ça ne va jamais bien : on pense à des personnes disparues, on a mal au ventre, à la tête, on a du mal à marcher.. ça ne va pas ! mais on est encore en vie et on s’applique à vivre le mieux possible. »

Citations

la vieillesse :

la lumière projetée par la glace de la coiffeuse était impitoyable. Les poches sous les yeux , parcheminées, presque diaphanes, laissaient transparaître une nuance mauve semblable à une meurtrissure. Sa bouche était très ridée, sa peau parsemée de taches brunes . Un fin duvet bordait non seulement sa lèvre supérieure mais, sou l’éclat des ampoules nues, ses joues et son menton .

 

Satisfaction et cruauté ?

« Je viens de voir Claude Penman dehors, avec Liz » . Elle posa la main sur l’avant-bras d’Emily et se pencha tout près afin de lui livrer son scoop , les yeux brillants . « Elle est en fauteuil roulant . Si tu voyais elle a une mine épouvantable . »

la présence de ses enfants :

Elle les aimait tous tendrement bien sûr, mais elle avait oublié combien il était épuisant d’être entouré d’autres gens.

On en parle

Enfin livre , Clara

Chez Albin Michel

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Je suis partie, grâce au talent d’Antonin Varennes, dans le Paris de 1900, complètement chamboulé par l’exposition universelle, j’ai suivi la jeune et belle Aileen Bowman correspondante de presse d’un journal new-yorkais. Elle a imposé à son rédacteur en chef son séjour à Paris. Elle nous permet de découvrir cette ville courue par les artistes, ce qui va du classicisme absolu tant vanté par Royal Cortissoz, le critique d’art à qui le gouvernement américain a confié le choix des tableaux, par exemple celui qui lui plait le plus et dont il dit :

Puissante, avait déclaré le critique . Simple et fort. Équilibré. Parlant d’elle-même. Il y a chez cette bête la force tranquille et la persévérance des travailleurs américains de la terre.

Aillen a tendance à n’y voir qu’un taureau dans un étable et préfère les nus de Julius Stewart qui lui fera découvrir le Paris des artistes (Picasso y faisait ses débuts), l’auteur nous fait vivre dans le détail l’élaboration des tableaux de cet artiste mi-américain mi-français (comme elle)

 

 

Nous suivons aussi la construction de l’exposition universelle qui fait de Paris un village de décors et où on invite les populations indigènes à se donner en spectacle. C’est là, la première raison de la venue à Paris d’Ailleen , elle veut retrouver son demi-frère Joseph jeune métis mi-indien mi -blanc qui est devenu fou à cause de ce partage en lui de civilisations trop antinomiques, il fait partie du spectacle que les indiens donnent à Paris mais il n’est que souffrance et apporte le malheur partout où il passe ; encore que… la fin du roman donne peut être un autre éclairage à ses actes terribles..

On suit aussi l’énorme enthousiasme qu’apporte la révolution industrielle ; le progrès est alors un Dieu qui doit faire le bonheur des hommes, c’est ce que pensent en tout cas aussi Rudolf Diesel qui expose son moteur révolutionnaire, et Fulgence Bienvenüe, qui construit le métro avec un ingénieur Charles Huet marié à une si jolie femme.
Enfin le dernier fil, c’est le combat des femmes pour pouvoir exister en dehors du mariage et de la procréation et en cela Aileen aussi, est une très bonne guide.
On suit tout cela et on savoure les récits foisonnants d’une autre époque, la belle dit-on souvent, certainement parce qu’elle était pleine d’espoirs qui se sont fracassés sur les tranchées de la guerre 14/18.

 

 

Citations

Conseils de son père

Arthur lui donnait des conseils sur la façon d’affronter le monde : savoir se taire, garder sa poudre au sec, être toujours prête. Et peut-être aussi être belle. À la façon dont Arthur Bowman appréciait la beauté : quand elle naissait d’une harmonie entre un objet et son utilité, une personne et la place qu’elle occupait dans le monde.

Réflexion sur le passé

La maîtrise du temps, l’instruction, est aux mains des puissants. Les peuples, occupés à survivre, n’en possèdent pas assez pour le capitaliser, le faire jouer en leur faveur. Ils empilent seulement les pierres des bâtiments qui leur survivront.

Propos prêtés à Rudolf Diesel vainqueur du grand prix de l’exposition universelle

Vous ne croyez pas, comme Saint-Simon, que les ingénieurs seront les grands hommes de ce nouveau siècle ? Que la technologie apportera la paix et la prospérité ?
 Il lui fallut encore un peu de silence pour trouver ces mots, ou le courage de répondre.
– Je suis un pacifiste, madame Bowman , mais je sais que ce ne sont pas les ouvriers ni la masse des pauvres qui lancent les nations dans des guerres. Il faut avoir le pouvoir des politiciens pour le faire. Et politiciens ne se lanceraient pas dans des conflits armés s’ils n’avaient pas le soutien des scientifiques, qui garantissent les chances de victoire grâce à leurs découvertes et leurs inventions. Non je ne partage pas l’optimisme du comte de Saint-Simon.

Réflexion sur la bourgeoisie et la noblesse en 1900

Les bourgeois comme les Cornic et mes parents sont convaincus que la bonne éducation de leurs enfants est leur meilleure défense contre les préjugés dont ils sont victimes. Ils se trompent.Les aristocrates, dont les privilèges sont l’héritage du sang, ne méprisent rien tant que l’éducation.