http://ecx.images-amazon.com/images/I/41%2BXvcZ5WoL._SL500_AA300_.jpg

3
Cadeau pour mon anniversaire, merci ! Je serai étonnée qu’il n’ait pas le Goncourt 2010, et, j’attends les réactions de Michel Houellebecq. C’est vraiment un excellent roman, plein d’inventions littéraires. J’avais bien aimé, en son temps, « Les particules élémentaires », parce que je trouvais que c’était une vision pessimiste mais réaliste et sans aucune concession de notre société. Mais j’ai complètement oublié la trame romanesque. Ce roman est bien construit autour des périodes de créations d’un photographe puis d’un peintre, l’intrigue se resserre autour des rapports de Jed Martin et de son père, puis de la femme qu’il aime puis de l’œuvre de l’artiste. Mais surtout, cerne de mieux en mieux le rapport de l’homme face au vieillissement jusqu’à son effacement final.

De grands critiques littéraires ont très bien analysé ce roman, je n’irai pas sur ce terrain. Je vais, donc, rester complètement subjective. J’aime beaucoup le mélange réalité et fiction. On peut lire ce livre comme un roman avec une intrigue bien ficelée et des personnages d’une réelle profondeur psychologique, on peut aussi y trouver une étude sociologique du monde contemporain, mais ce que je trouve le plus passionnant c’est cette question fondamentale : qu’est ce que la création artistique ou littéraire ? En quoi définit-elle l’homme ?

C’est un livre plein d’observations très intéressantes sur notre monde et notre culture. On peut ne pas être d’accord avec lui, ce n’est pas le plus important, il nous oblige à changer notre regard et ce n’est pas si fréquent. Michel Houellebecq n’a aucun tabou, ni sur lui, ni sur les artistes consacrés, c’est comme une grande tempête qui secoue tout sur son passage. Assassiner Picasso en quelques phrases, il faut pouvoir se le permettre, c’est assez drôle car je pense que ceux qui sont d’accord avec lui ne lui accordent pas non plus le titre d’écrivain français.

J’ai trouvé aussi ce roman plus sensible que le premier, un peu comme-ci l’auteur nous faisait des confidences sur son propre mal de vivre, d’une façon pudique et distanciée il nous fait partager sa propre insertion dans la vie. Est-ce Jed Martin ou Michel Houellebecq qui à la fin de son roman prend congé « d’une existence à laquelle il n’avait jamais totalement adhéré ».

Citations

De toute façon Picasso c’est laid, il peint un monde hideusement déformé parce que son âme est hideuse, et c’est tout ce qu’on peut trouver à dire de Picasso.. il n’a aucune lumière, aucune innovation dans l’organisation des couleurs ou des formes, enfin il n’y a chez Picasso rien qui mérite d’être signalé, juste une stupidité extrême et un barbouillage priapique qui peut séduire certaines sexagénaires au compte en banque élevée.

 

Un prêtre âgé lui aussi, un vieux routier des enterrements, qui devaient, vu la moyenne d’âge de la population, de loin être son activité principale.

 

Ce pauvre petit bout de femme au vagin inexploré.

 

Il avait repensé à ce prêtre, physiquement il ressemblait un peu à François Hollande, mais contrairement à leader politique il s’était fait eunuque pour dieu.

 

L’église impitoyablement restaurée, les panneaux d’information prétendument ludiques , tout donnait l’impression d’un décor faux, reconstitué pour les besoins d’une série télé.

 On en parle

Les InrocksStalker (point de vue polémique intéressant).

Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard

Sur Michel Hoellebeck , on lit tellement d’avis et en particulier sur ce roman qui semble avoir prévu les attentats de Bali de 2002, que je n’ai pas hésité à le choisir quand la bibliothécaire l’a mis au programme de notre club dans le thème « tourisme » . Il a tellement sa place, dans ce thème ! (Pour justifier ma photo, oui, il parle de Dinard et même de ma plage – une ou deux phrases, mais elle y est !) Depuis « les Particules Élémentaires », je continue à le lire régulièrement, sans être déçue, même si parfois il me rend très triste. J’avais bien aimé « La carte et le territoire » et depuis longtemps, je voulais lire « Plateforme ». C’est, comme toujours chez lui , une analyse assez froide des comportements de nos contemporains, il s’agit ici du tourisme, mais pas seulement. Aussi de la façon dont notre société adule l’argent pour l’argent. il s’amuse à nous décrire certains excès des installations d’art contemporain. Il montre à quel point la violence peut devenir incontrôlable dans les banlieues. Il se fait une piètre idée de l’Islam et n’hésite pas à l’écrire. Et surtout, il fait une description très détaillée du plaisir sexuel sous toute ses formes. Le héros tombe amoureux d’une Valérie plus jeune que lui lors d’un voyage en Thaïlande, il travaille au ministère de la culture, où il organise des expositions toutes plus bizarres les unes que les autres, son père meurt, il a donc quelques dispositions financières. Valérie travaille pour le tour-opérateur qu’ils avaient choisi et il va l’aider à monter des concepts de voyages plus rentables. Le héros et les deux autres personnages importants Valérie et son chef Jean-Yves se rendent compte que lors des voyages organisés la seule chose que désirent les touristes c’est avoir des relations sexuelles , autant les prévoir par le Tour-Opérateur qui se nommera « Aphrodite ».

Tout le talent de cet écrivain , c’est d’aller juste un peu plus loin, et parfois pas tant que ça de nos comportements et donc ces occidentaux qui viennent « baiser » loin de chez eux trouveront tout ce qu’ils veulent sauf que …. un terrible attentat en 2002 en tuera plus de deux cents d’entre eux. Ne cherchez pas de condamnations morales ou des jugements de valeur, on a l’impression que rien ne le choque ; Michel Houellebeck décrit ce que tout le monde peut voir ou connaître. Dans un style particulier qui peut sembler assez plat, il accroche son lecteur, (en tout cas moi) sans aucun autre effet qu’une histoire très bien racontée et un point de vue d’une honnêteté absolue, mais comme toujours assez triste car très désabusé sur la nature humaine.

Citations

Le bonheur et les voyages

J’ai passé ma dernière journée de congé dans différentes agences de voyages. J’aimais les catalogues de vacances, leur abstraction, leur manière de réduire les lieux du monde à une séquence limitée de bonheurs possibles et de tarifs, j’appréciais particulièrement le système d’étoiles pour indiquer l’intensité du bonheur qu’on était en droit d’espérer. Je n’étais pas heureux, mais j’estimais le bonheur, et je continuais à y aspirer.

Du Houellebeck tout pur

« Je n’ai rien à attendre de ma famille, poursuivit-elle avec une colère rentrée. Non seulement ils sont pauvres, mais en plus ils sont cons. Il y a deux ans, mon père a fait le pèlerinage de la Mecque ; depuis, il n’y a plus rien à en tirer. Mes frères, c’est encore pire : ils s’entretiennent mutuellement dans leur connerie, ils se bourrent la gueule au pastis tout en se prétendant les dépositaires de la vraie foi, ils se permettent de me traiter de salope parce que j’ai envie de travailler plutôt que d’épouser un connard dans leur genre. »

Je partage cet avis sauf pour l’alcool et les cigarettes

Prendre l’avion aujourd’hui, quelle que soit la compagnie, quelle que soit la destination, équivaut à être traité comme une merde pendant toute la durée du vol. Recroquevillé dans un espace insuffisant et même ridicule, dont il sera impossible de se lever sans déranger l’ensemble de ses voisins de rangée , on est d’emblée accueilli par une série d’interdictions énoncées par des hôtesses arborant un sourire faux. Une fois à bord, leur premier geste et de s’emparer de vos affaires personnelles afin de les enfermer dans les coffres à bagages -auxquels vous n’aurez plus jamais accès, sous aucun prétexte, jusqu’à l’atterrissage. Pendant toute la durée du voyage, elles s’ingénient ensuite à multiplier les brimades, tout en vous rendant impossible tout déplacement, et plus généralement toute action, hormis celles appartenant à un catalogue restreint, dégustation de soda, vidéos américaines, achat de produits duty free. La sensation constante de danger, alimentée par des images mentales de crash aérien, l’immobilité forcée dans un espace limité provoquent un stress si violent qu’on a parfois observé des décès de passagers par crise cardiaque sur certains vols long-courriers. Ce stress, l’équipage s’ingénie à le porter à son plus haut niveau en vous interdisant de le combattre par les moyens usuels. Privé de cigarettes et de lecture, on est également de plus en plus souvent, privé d’alcool.

Et vlan pour les profs de français

J’avais appris qu’elle était prof de lettres « dans le civil », comme disait plaisamment René ; ça ne m’avait pas du tout étonné. C’était exactement le genre de salopes qui m’avaient fait renoncer à mes études littéraires, bien des années auparavant.

 

Qui d’autre que Houellebecq à le droit d’écrire cela

Il y avait également deux Arabes isolés, à la nationalité indéfinissable -leur crâne était entouré de cette espèce de torchon de cuisine auquel on reconnaît Yasser Arafat dans ses apparitions télévisée.

Intéressant

Les seules femmes dont je parvenais à me souvenir, c’était quand même celles avec qui j’avais baisé.Ce n’est pas rien, ça non plus ; on constitue des souvenirs pour être moins seul au moment de la mort.

L’évolution de la société

Nous vivions en résumé dans une économie mixte , qui évoluait lentement vers un libéralisme plus prononcé, qui surmontait peu les préventions contre le prêt à usure – et , plus généralement , contre l’argent- encore présentes dans les pays d’anciennes traditions catholiques. Certains jeunes diplômés d’HEC, beaucoup plus jeunes que Jean-Yves, voire encore étudiant, se lançaient dans la spéculation boursière, sans même envisager la recherche d’un emploi salarié. Ils disposaient d’ un ordinateur relié à Internet, de logiciels sophistiqués de suivi des de suivi des marchés. Assez souvent, ils se réunissaient en club pour pouvoir décider de nous de mises de fonds plus importants. Ils vivaient sur leur ordinateur, se relayaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne prenaient jamais de vacances. Leur objectif à tous était extrêmement simple : devenir milliardaire avant trente ans.

L’art contemporain

Je travaillais alors sur le dossier d’une exposition itinérante dans laquelle il s’agissait de lâcher des grenouilles sur des jeux de cartes étalés dans un enclos pavé de mosaïques -sur certains des carreaux étaient gravés des noms de grands hommes de l’histoire tels que Dürer, Einstein,Michel-Ange. Le budget principal était constitué par l’achat des jeux de cartes, il fallait les changer assez souvent, il fallait également de temps en temps, changer les grenouilles. L’artiste souhaitait, au moins pour l’exposition l’exposition inaugurale à Paris, disposer de jeu de tarots, il était prêt, pour la province, à se contenter de jeux de cartes ordinaires

 

 

 

Édition NRF Gallimard

Je savais que je finirai pas tourner la fameuse page : celle où les terroristes rentrent dans la salle de « Charlie-hebdo ». J’ai commencé de nombreuses fois ce livre, lu et relu cette insoutenable attente de l’horreur absolue. Celle où des hommes habillés de noir sont passés devant tous les amis de Philippe Lançon en criant « Allah Akbar » et en tirant à chaque fois une balle dans la tête d’hommes sans défense. Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wollinski, Elsa Cavat, Franck Brinsolaro, Bernard Maris, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Frédéric Boisseau, seront assassinés de cette façon. Ce livre repose maintenant dans ma bibliothèque et à chaque fois que le regarde, je me souviens du pas à pas de la reconstruction de Philippe Lançon qui est revenu parmi les vivants, avec l’horreur au fond de lui et la souffrance physique comme compagne. Il raconte le quotidien d’un rescapé et le combat de sa chirurgienne pour qu’il puisse d’abord survivre, puis se nourrir et finalement ne plus baver. Il le raconte avec une grande honnêteté sans jamais être ennuyeux. C’est un livre qu’il faut lire pour ne jamais oublier et rester toujours « Charlie », c’est à dire être vigilant face à la montée de l’islamisme. Car son combat raconte cela aussi, la lâcheté des intellectuels français face au terrorisme quand celui-ci n’est pas d’extrême-droite mais d’origine musulmane.

(Merci à la personne qui a mis un commentaire sur Babélio, ce qui m’a permis de ne pas oublier Bernard Maris .)

PS Je n’ose pas mettre des coquillages à ce genre de livre car il se situe tellement au-delà de toute notation.

 

Citations

Une qualité rare et précieuse

Un détail qui me rend Nina admirable est qu’elle n’arrive nulle part les mains vides, et que ce qu’elle apporte correspond toujours aux attentes ou aux besoins de ceux qu’elle retrouve. En résumé elle fait attention aux autres, tels qu’il sont et dans la situation où ils sont. Ce n’est pas si fréquent.

C’est une raison pour moi d’aimer l’hôtel (que je préfère à l’hôpital !)

J’ai dormi seul à la maison, dans des draps qu’il était temps de changer. Je suis obsédé par les draps frais, ils accompagnent mon sommeil et mon réveil, et l’une des choses qui me font regretter mes hôpitaux, c’est qu’on les changeait tous les matins.

 

Avant !

Le 7 janvier 2015 vers 10h30, il n’y avait pas grand monde en France pour être « Charlie ». L’époque avait changé et nous n’y pouvions rien. Le journal n’avait plus d’importance que pour quelques fidèles, pour les islamistes et pour toutes sortes d’ennemis plus ou moins civilisés, allant des gamins de banlieue qui ne le lisaient pas aux amis perpétuels des damnés de la terre, qui le qualifiaient volontiers de raciste.

 

Ses parents

Ils avaient quatre-vingt-un ans et ils allaient bénéficier pendant quelques mois de cet extravagant privilège, redevenir indispensables à la vie de leur vieux fils comme s’il venait de naître.

La Suède

À cette époque, en partie du fait de Borg, le tennisman qui dominait le circuit à peu près autant que l’Everest, les Suédois avaient la côte dans mon imaginaire. C’étaient des gens grands, blonds, et discrets, et, s’ils gagnaient à la fin comme les Allemands, ils n’étaient pas aussi désagréables qu’eux. Ils ne nous avaient pas occupés. Ils n’avaient pas exterminé les Juifs. Ils n’avaient pas les arbitres dans leurs mains. Ils ne répandaient pas leurs ventres et leurs cris sur les plages espagnoles. Leur langue était aussi peu compréhensible, mais personne n’était obligé de l’apprendre à l’école. Les Suédois étaient mes bons allemands, les grands blonds qui me complexaient sans être antipathiques.

Mon époque aussi .

J’appartenais à cette époque récente, prétendument bénie, où la plupart des médecins n’expliquaient rien à leurs patients et ou une quantité non négligeable de professeurs prenaient pour des imbéciles les élèves qui subissaient leur manque de pédagogie, de sympathie et de patience.

Les souffrances .

Bientôt, la première nausée est venue. Je me suis concentré sur le mal de cuisse pour la chasser, puis, une fois sa mission accomplie, le mal de cuisse a été chassé par mon pied à vif et ankylosé, jusqu’au moment où la mâchoire électrocutée a bondi en dedans et effacé le pied. La mâchoire croyait régner quand une pelote d’aiguille posée dans la trachée lui est passée devant, se reposant sur ses lauriers de douleur jusqu’au moment où une vieille escarre à l’orée des fesses, datant d’avant l’opération et qui telle la tortue attendait son heure, a fanchi en tête la ligne d’arrivée.

Les présentateurs télé.

Le présentateur Patrick Cohen, qui a trop d’auditeurs pour ne pas confondre son rôle, son personnage et sa fonction, semble surpris, presque indigné par l’huile que l’écrivain jette sur le feu. Il lui dit. « Vous essentialisez les musulmans ». « Qu’est-ce que vous appelez « essentialiser » ? » Dis l’écrivain, qui repère toujours implacablement ce que Gérard Genette appelle le « médialecte », tous ces grands mots que ma profession va répétant sans réfléchir et qui ne sont que les signes d’une morale automatique. Cohen patauge un peu et, comme il aime avoir le dernier mot, attaque. « Au fond, ce que vous racontez, ce que vous imaginez dans ce roman, c’est la mort de la République. Est-ce que c’est ce que vous souhaitez Michel Houellebecq ? «