j’ai encore une fois trouvé cet auteur sur la blogosphère et je m’en félicite. Il se trouve que je l’ai lu deux fois car j’ai été isolée dans un endroit avec ce seul livre comme lecture possible, alors comme autrefois dans ma jeunesse, j’ai relu ce livre tout doucement pour ne pas le finir trop vite.Et j’ai été très sensible à la langue et par moment une réflexion sur les mots, ceux venant du patois comme « empurgué » qui désigne à la fois la naissance et la mort. Telle une tragédie antique le roman tient en une journée de 1961. Mais finalement la clé du livre est donnée dans un court texte qui lui se passe 2011 et raconte un fait historique peu connu de 1940 dans la ligne Maginot le combat et la résistance de l’armée française à Schœnenbourg . Le roman évoque un petit village d’Auvergne c’est l’époque du remembrement et de l’arrivée de la télévision. Des personnages complexes que l’on ne peut pas juger facilement. Un geste héroïque d’un père qui sait depuis 1940 ce que veut dire la guerre. Et enfin un moment de notre histoire très mal racontée par nos livres d’histoire et très déformée dans notre inconscient collectif : la ligne Maginot. Nous suivons d’abord les pensées d’Albert qui n’a jamais su trouver les mots pour raconter sa guerre à ses enfants. Il sait une chose Albert, il ne veut pas de la modernité que sa femme aime tant. Et le remembrement qui s’annonce signifie pour lui la fin de son monde car il se sent plus paysan qu’ouvrier chez Michelin. Puis les pensées de Gilles, ce petit bonhomme de CM2 qui a trouvé dans les livres sa raison de vivre et qui, ce jour là, est plongé dans « Eugénie Grandet ». En cheminant dans ce roman trop difficile pour lui, il ouvre peu à peu les portes de la compréhension de la vie. C’est merveilleusement raconté. Et puis il y a la belle Suzanne, la mère d’Henry soldat en Algérie né avant la guerre 39/45 et de Gilles né après. C’est la femme d’Albert qu’elle a cessé d’aimer.

Tout le roman tourne autour de l’arrivée de la télévision car l’émission phare de la seule chaîne alors diffusée « 5 colonnes à la une » consacre un reportage aux soldats d Algérie. Henry est interviewé à l’occasion. Sa mère ne manquerait pour rien au monde ce moment de revoir son fils. Les conséquences seront tragiques.
Il y a aussi la mère très âgée qui perd parfois la tête, et la sœur d’Albert qui a choisi la modernité et le communisme.
Voilà donc un moment de vie dans la campagne en 1961 et pour moi la découverte d’un écrivain qui a su évoquer en une seule journée trois guerres, celle de 14/18, le père d’Albert en est revenu victorieux, celle de 39/45 dont Albert est revenu muet et vaincu et celle d’Henry son fils qui risque sa vie même si personne ne comprend très bien ce qu’il fait dans ce pays si lointain. Je sais que ce roman restera gravé dans ma mémoire et que je ferai de nouveau confiance à cet auteur pour m’embarquer dans son univers .

Citations

Explication du titre

In extremis, il réussit à ravaler ses pleurs sous ses paupières et à les manger dans ses yeux. Ça le brûlait tellement qu’au moment où il les rouvrit il crut avoir perdu la vue. Il n’en revenait pas de ce séisme au-dedans, lui qui ne versait jamais une larme, pas même aux enterrements, pas même à l’enterrement de son père. Un homme qui pleure, ça n’avait pas de sens. Sauf parfois les vieux. Il avait déjà remarqué que, à partir d’un certain âge, les hommes n’hésitaient pas à sortir leur mouchoir, pour presque rien. Il se souvenait du père Pelou qu’il avait aidé, il y avait plusieurs années de cela, à retourner la terre de son potager. L’homme avait été une force de la nature mais, après de 80 ans, il n’avait plus un muscle dans les bras et, malgré son grand âge, il devait encore nourrir un fils impotent que le reflux de 14 lui avait ramené comme un un déchet. Incapable de le remercier du service rendu, le vieil homme s’était mis à trembler comme une feuille. C’était son corps tout entier qui pleurait sans pouvoir s’arrêter. Et pourtant Dieu sait qu’il n’avait pas été tendre dans sa vie celui-là, surtout pas avec sa femme, une sainte, qui s’epuisait à s’occuper de leur fils unique condamné à vie dans sa chaise roulante. En vieillissant les hommes pleurent. C’était vrai. Peut-être pleurait-il tout ce qu’il n’avait pas pleuré dans leur vie, c’était le châtiment des hommes forts.

Un fait historique peu connu

Je suis allé plusieurs fois visiter le fort de Schœnenbourg pour écouter ce silence de la plaine. À un moment, il faut renoncer aux mots et donner les chiffres. Seulement 22000 soldats français ont vaincu 240 000 Allemands en Alsace et en Lorraine, et seulement 85000 autres soldats français alpin dans leurs alpins dans leurs champignons de béton ont arrêté près de 650000 Allemands et Italiens. Pas un ennemi n’est passé sur la ligne Maginot, tant que des soldats sont restés à leur poste. Pas un ! Et quand l’armistice entra en vigueur le 25 juin, les soldats ne capitulerent pas pour autant, et continuèrent à se battre comme des chiens ou comme des dieux. Ils voulurent vaincre ici, puisque ailleurs tu t’étais déjà perdu, uniquement pour l’honneur de leur père et surtout pour faire la preuve non pas de leur courage (ils étaient bien trop humbles pour ça), mais de l’efficacité du plus grand projet de fortification jamais pensé ni réalisé, ni égalé en Europe et qui les avait rendu invincibles eux- mêmes. Le muscle de béton avait parfaitement joué son rôle et tenu ses promesses, et même au-delà. Si le haut commandement avait fait son travail au nord, donné les ordres au bon moment, ou si la Belgique avait opté pour un prolongement de la ligne Maginot sur ses frontières à l’est au lieu de préférer la naïve neutralité qui leur a coûté beaucoup plus cher en vies humaines, le cours de l’histoire eût été tout autre.

Les Américains en 1918 et Maginot

Fini, enfin, d’appeler à notre rescousse ces américains si mal élevés qui refusaient que leurs soldats noirs participent aux célébrations de la victoire. Saviez-vous que ce sont les paysans français qui sont allés chercher les soldats noirs dans leur caserne où leurs maîtres blancs les avaient bouclé à double tour. Et, malgré le règlement américain, ces mêmes paysans ont jeté ces esclaves dans les bras de leurs filles pour danser sur les places de tous les villages. Ils ont aimé l’accordéon, ces noirs qui ne connaissaient que le jazz. Pourquoi croyez-vous que la France fut une terre bénie pour les jazzmen qui arrivèrent à Paris au moment où Maginot justement réfléchissait à la façon d’éviter que le massacre recommence un jour ? Le jazz, c’est la musique de l’idéal, le blues, c’est la musique du spleen. Ça jouait du jazz partout, et l’armée cherchait aussi à sa façon à faire écho à cet idéal. Enfin, toutes ces raisons additionnées donnaient une réponse claire, il fallait éviter qu’un jour autant d’hommes meurent pour sauver leur pays. Après tout, ce n’est pas aux hommes de sauver leur pays, c’est au gouvernement. Maginot en était convaincu.

J’aime réfléchir sur les mots

 Mais est-ce que ça pouvait vraiment être ça le bonheur ? Il chercha dans le dictionnaire , qu’il avait aussi emprunté à son frère , l’étymologie de ce mot . Il découvrit que le bonheur n’était pas cet état de béatitude qu’il avait imaginé, le bonheur était un présage, le présage du bien, comme le malheur était le présage du mal. C’était juste une promesse.

Le charme du patois

Albert connaissais aussi le miracle de cette langue ancienne des paysans ou le feu meurt à tout jamais, alors que les hommes s’éteignent pour naître dans la mort. On ne disait pas que quelqu’un était mort, on disait qu’il s’était éteint puis « empurgué ». Le mot oublié remonta en lui pour le consoler. L’Empurgar ! Le seul mot qui désignait en patois la naissance dans la mort, un mot gaulois sûrement, qui n’existait pas en français, le seul mot qui devait apaiser Madeleine en secret.

Le plaisir des livres

Eugénie Grandet était le premier grand roman qu’il lisait, sans savoir que c’était un grand roman. Dès les premières lignes, sa confiance en ce qui était écrit grandit au fur et à mesure de sa lecture. Dans le livre, on ne parlait pas comme chez lui, à part Nanon peut-être, qui parlait un peu comme sa grand-mère. Les phrases étaient comme des routes de montagne avec des virages qui s’enchaînent les uns aux autres et au bout desquels se révèlent des paysages magnifiques. Elles étaient compliquées, même ardues quelquefois et, malgré cette difficulté, il comptait bien aller jusqu’au bout du livre. Les pages étaient encore scellées entre elles et, à l’aide du canif que son père lui avait offert, il coupait les pages les unes après les autres avec un plaisir équivalent à celui d’un explorateur obligé de couper la végétation pour se frayer un chemin dans une forêt épaisse et noire, attaqué lui aussi par les mouches qui se multipliaient dans la chaleur.

Découverte du roman de Balzac et les pleurs d’un homme.

Le cousin d’Eugenie était inconsolable. Gilles, plongé dans un nouveau chapitre du roman, chassait machinalement les mouches qui brouillaient les lignes noire et genait sa lecture. Charles venait d’apprendre la mort de son père. C’était pour l’éloigner du drame que le vieil homme ruiné l’avait envoyé à Saumur, chez son oncle. Il était perdu, le pauvre garçon. Ninon, la bonne à tout faire, et Eugenie cherchaient par tous les moyens à soulager la peine de ce jeune homme si différent de tout ce qu’elles connaissaient , et qui n’arrêtait pas de pleurer. Ça, c’était curieux. Gilles savait qu’un enfant pouvait pleurer, que sa mère pleurait quand elle lisait les lettres d’Henri, mais un homme ! Charles Grandet était un homme déjà. Gilles n’avait jamais vu son père pleurer, ni aucun homme autour de lui, pas même Henri. Alors, de quoi était fait ce Charles qui s’effondrait des nuits entières, comme une fille, écrasé dans ses oreillers ?

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R

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