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Le second titre de ce recueil, est : « Portraits cévenols », il s’agit bien d’une galerie de portraits, tous plus inoubliables les uns que les autres. Mais surtout, il s’agit de la langue de Gilbert Léautier entre poésie et l’oralité d’un conteur. Un conteur poète et fin observateur des gens qui l’entourent.Ces textes ont été écrits pour être lus à haute voix. C’est un plaisir ressenti à la moindre phrase. Merci à cet ami qui, sachant que je recherche des textes à lire pour des personnes très âgées, m’a conseillé ce recueil. J’espère savoir leur lire et aimer ces portraits. Le monde qui est mis en scène, est celui des campagnes désertées par les habitants qui ne pouvaient que difficilement vivre sur une terre aussi ingrate. Le climat rude de l’hiver, la solitude, la difficulté de vivre, ont forgé des personnalités sans tendresse souvent, mais avec un sens de le vie qui se ressent même dans la façon de détester son voisin.

J’ai tellement envie de vous faire apprécier ce recueil que je passais mon temps à vouloir noter des passages, les phrases sonnent juste et les personnalité s’éloignent du romantisme habituel du sage rural, face à la superficialité du citadin pour aller à l’essentiel de l’être humain. L’auteur connaît bien cette région, il s’est pris de passion pour un château au cœur des Cévennes : le Château d’Aujac, il a rencontré et vécu auprès de Cévenols dont il parle. On peut imaginer « l’attirance-répulsion » de ces ruraux pour cet homme de théâtre, citadin lyonnais qui a entrepris de remonter les ruines du château de leur village mais à la vue des photos, on comprend son choix, tout en regrettant qu’il ait cessé d’écrire.

Au carrefour de trois départements: Gard, Lozère, Ardèche. Surplombant la Vallée de la Cèze. Dominant les Hautes Cévennes. Le site castral du Cheylard d'Aujac. Copyright chateau-aujac.org

Citations

L’Émile

C’était son penchant pour le vin qui pestiférait ce parent pauvre !
On trouvait plus facilement l’Émile à l’ombre de la cave qu’à l’ombre du pommier.
Il avait le tonneau tendre et le verre agile

L’Éloi

C’était le fils qui avait le langage.
C’est le fils qui a su dire :
– Il faut être de son temps. 
C’est lui qui avait expliqué :
– Une bête, ça mange tous les jours, alors qu’un tracteur ne consomme que ce qu’il travaille. 
Ça, c’était un argument !
Cette science du petit rendait fier le père. 
Mais l’ennui des arguments de poids, c’est toujours la fragilité de leur réalité.

L’Yvonne

Tu veux que je te dise ?
Une femme comme ça, ça ne se laisse pas marier.
Ça te donne la permission de l’épouser. 
Tu veux que je te dise ?
L’Yvonne, elle ne se met devant rien mais elle est derrière tout.

Les gens d’ici

Assurément, ils ne sont pas causants, les gens d’ici. 
Bailler, pour eux, c’est déjà un long discours.
Au maximum de la joie, ils crachent par terre.
Au comble du chagrin, ils hochent la tête. 

Pas de romantisme sur le monde rural

À côté de chez moi, il y a un bloc de granit pelé qu’on appelle « Rocher des quatre sous ».
C’est parce qu’il a fallu quatre procès pour savoir à qui appartenait cette misère de pierre !
L’harmonie campagnarde est une mythologie des villes.

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Une deuxième Bande Dessinée, celle-ci c’est Jérôme qui a été le tentateur. Les mystères du classement de ma médiathèque ont mis cette BD chez les « Ado » je me demande bien pourquoi. Ce n’est pas un album très gai puisque le personnage principal va mourir, mais c’est bien raconté et de façon très pudique. On est bien avec cette famille qui a connu tant de plaisir à se retrouver auprès des grands parents à la campagne même si, quand toute la famille est réunie, dormir devient un problème angoissant surtout pour les insomniaques. Comme l’album s’étend sur un temps assez long, on vit aussi plusieurs moments dont certains nous font sourire. La recherche d’une maison, les déboires avec Internet et les façons d’y accéder (il y a longtemps maintenant, mais personne n’a oublié les heures passées avec les fournisseurs d’accès).

SONY DSCPaul est un être calme d’habitude mais les gens qui étaient censés nous aider pour Internet étaient particulièrement insupportables, c’est peut être mieux maintenant. Les traits de caractères de chacun sont très bien vus sans être chargés, la sœur qui est infirmière et qui ne peut pas s’empêcher de donner des détails techniques sur la maladie de son père est aussi celle qui fera le discours le plus émouvant à son enterrement. Le bonheur des réunions familiales, les jeux de société, les repas trop riches, mais aussi les difficultés dues à la dégradation physique tout cela est très bien raconté. J’ai été émue par les souvenirs de la jeunesse du grand père.

La vie n’était vraiment pas facile au Québec en 1935, les femmes ont trop d’enfants, elle triment comme des bêtes et sont peu considérées, si le mari se défonce dans l’alcool alors la tragédie n’est pas loin. Le style du dessin est un peu trop sage pour me séduire complètement. Mais tout cela est raconté dans la langue de nos voisins du Québec ce qui donne un charme incontestable au texte :

Citations

Le québécois

Ils font exprès pour t’étriver

L’eau doit être frette

La p’tite s’est enfargée dans la lampe

une couple de semaines

Tire la plogue, on la rebranchera demain

Pis Batèche ! vos moucs se lèvent donc ben de bonne heure

Repas en famille les desserts

J’ai pas eu le temps de faire grand-chose : j’ai un tiramisu double crème avec truffes, j’ai un gâteau au chocolat double crème avec truffes, j’ai un gâteau au chocolat, fudge et caramel, et j’ai mon gâteau au sucre à la crème, meringue et tablette crunchie…

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5Une BD qui met de bonne humeur, cela arrive souvent, et avec les romans de Daniel Pennac toujours, alors cela fait au moins deux raisons de lire cette BD, en plus de tous les avis favorables que j’avais entendus et lus. Si je mets plusieurs photos c’est que la couverture ne donne pas une idée de la façon dont est rendue l’histoire d’amour, c’est une dessin vivant, coloré et généreux. L’histoire est belle et tout le monde peut s’y retrouver : les amateurs de BD, les amateurs de littérature classique, les amoureux de Paris, les amoureux de la Provence, les amoureux tout court et tous ceux qui aimeraient que le monde fonctionne un tout petit peu avec des bons sentiments.

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Même Proust est présent décidément, Personne ne peut se passer de lui ! Et je remercie les deux auteurs d’avoir donné leur façon de voir Swann et Odette, malgré mes lectures fréquentes de Proust, je ne le savais pas vus encore dans cette position comme quoi je manque d’imagination !

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C’est raconté à la Pennac, c’est à dire qu’on a l’impression que tout son entourage l’aide à écrire ses histoires, il rassemble tous ceux qu’il côtoie pour arriver à écrire son texte, et tous ceux qui ont enrichi son enfance. On sourit, on est heureux ce n’est pas si souvent.

Citations

Pour vous mettre de bonne humeur

Après le déluge, Noé qui en avait marre de la flotte a inventé le pinard.

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Traduit de l’anglais (américain) par Isabelle MAILLET.

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J’avais noté ce titre car « Wisconsin » est un mot qui résonne en moi : j’ai pendant toute ma carrière enseigné le français aux étudiants de Beloit College, petite université de cet état lors de leur semestre en immersion en France. De plus, Clara Brize et bien d’autres m’avaient fait noter ce titre, que j’ai ensuite oublié.

C’est un roman à plusieurs voix, chaque protagoniste du roman a, un moment, la parole. L’axe principal, c’est la violence perverse d’un père de famille John Lucas. Mais pour nous amener à supporter l’horreur dévoilée à petite dose, Mary Relindes Ellis remonte dans le passé des personnages et peu à peu le lecteur a l’impression de comprendre et d’évoluer dans une société dont il connaît les règles et les soubassements.

Tout commence par un père allemand, violent et alcoolique qui n’a su transmettre que des messages de construction d’une personnalité masculine méprisant la femme et cherchant à tout prix à s’affirmer par la force. Son fils commence sa vie d’homme par un énorme mensonge qui brise à jamais son estime de lui-même, tous ceux qu’il pourra faire souffrir paieront très cher d’avoir croisé sa route. Les deux fils de John préfèrent fuir chez leur voisin, chez qui l’amour et le respect de la vie sont de vraies valeurs. La femme et la mère de ces enfants, Claire Lucas a eu pour son malheur une éducation catholique rigoureuse qui en gros lui disait « supporte ma fille, ton bonheur est dans l’au delà », elle ne saura pas protéger ses enfants qu’elle aimait d’un amour sincère. Jimmy l’ainé, partira faire la guerre au Vietnam et Bill restera dans cette famille, lieu de souffrance absolue. Heureusement pour lui, il y a la nature et sa passion pour les animaux blessés qu’il veut sauver et y parvient souvent. Sans « divulgacher » la fin, il est bon de savoir que la famille des voisins, celle d’Ellis et de Rosemary apporteront l’espoir dans l’humanité.

La force du livre vient de la façon d’écrire de cette auteure, chaque morceau de son récit est comme une petite nouvelle dans un univers qui va mal, elle ne donne pas toutes les clés immédiatement mais nous laisse ressentir l’atmosphère qui emprisonne ou qui, au contraire, fait du bien à ses personnages. Ceux qui savent apprécier la nature si importante dans cette région du Nord du Wisconsin, sont un jour ou l’autre sauvés du désespoir causé par la cruauté du mâle humain dominateur sans limite quand s’y mêle la perversion, y échapper demande une force que peu d’entre eux sauront trouver.

Citations

Une citation qui hantera Ellis toute sa vie

Le printemps est la saison des femmes et de la naissance. L’automne est la saison des hommes et de la chasse.

Le poids du silence dans les familles

Mieux vaut vivre avec ses blessures que mourir étouffé dans sa coquille.

L’image du bonheur dans la famille d’origine allemande qui a forgé le caractère du père violent et sadique

Quand tu seras propriétaire de ta terre, ce sera toi le patron. Le secret , c’est de la (ta femme ) faire travailler pour toi. Comme ça, t’auras plus de liberté. Après, tu pourras partir pêcher et chasser tout ton saoul ! Tu seras heureux. Tu connaîtras la Gemütlichkeit ! avait-il lancé en lui donnant une bonne bourrade dans le dos.

Milieu allemand avant la guerre 39 45

John savait que son père ne l’aurait jamais laissé entrer chez eux s’il n’avait pas été médecin, car il était juif.

La perversité

Il a guetté ma réaction en se fendant de ce sourire qui ponctuait toujours ses tentatives pour me faire du mal. Sur un enfant, un tel sourire – manifestant la joie d’avoir accompli un exploit au prix de gros efforts, comme par exemple placer des blocs ronds dans des trous ronds – aurait été touchant ; sur un adulte, il paraissait sinistre et menaçant.

La douleur

Moi, j’ai beaucoup pleuré, comme bien des femmes ici. Mais même au plus fort de la douleur, nous gardons toujours espoir. Nous les femmes, nous manifestons notre chagrin à la manière des loups et des coyotes, hurlant à l’adresse de nos partenaires et de toute la meute. Quand les hommes pleurent, ils expriment une telle vulnérabilité, une telle angoisse, qu’ils semblent presque à l’agonie.

La nature

Les feuillages déclinant toutes les nuances du feu, que les premières tempêtes d’octobre emporterait comme de la fumée. L’étonnante beauté des branches nues dressées vers le ciel, comme si il les avait déshabillé pour les mettre au lit.
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J’ai été déçue par les six films de la compétition…. et celui qui a eu le Hitchcock d’or du public, du scénario et du Jury  : « Couple in a Hole » de Tom Geens est seulement surprenant , je pense que s’il a eu tant de récompenses, c’est parce qu’il a sorti, les spectateurs et le jury, de la mouise britannique, de la drogue du sexe hétéro et homo.

Je ne vous parlerai donc pas de mes déceptions mais de deux films qui m’ont enchantée

« The lost Honour of Christopher Jefferies »

de Roger Mitchell avec Jason Watkins comme acteur principal

 

Ce film raconte le mal que peuvent faire les journaux à la réputation d’un homme totalement intègre mais un peu différent. Ce film est prenant, plein d’humanité et à l’humour tout britannique.

Je me souviendrais longtemps de la phrase d’un des amis de ce professeur : « la Grande Bretagne a toujours été fière de ses excentriques, vous devez vous défendre » ( je cite de mémoire) . Si ce film passe près de chez vous allez le voir mais uniquement en VO car une grande partie du plaisir vient de sa façon de parler anglais

Et « Gold »

de Niall Herry avec David Willmot comme acteur principal

Ce film raconte avec une grande tendresse pour les personnages, le retour d’un paumé dans la vie de sa fille de 13 ans. Leurs rapports sont très bien analysés et même si le beau père prof de sport est un peu caricatural, on est bien dans ce film. Cela se passe en Irlande ce qui veut dire qu’en plus la musique est agréable à entendre.

 

SONY DSCTraduit de l’italien par Danièle VALIN.

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J’avais beaucoup aimé « Eva dort », ensuite j’ai lu dans les blogs que je fréquente tout le bien que vous pensiez de ce deuxième roman : Dominique qui a su trouver et les mots et les photos qui convenaient pour m’attirer, Krol à sa façon sans rien dire du roman mais en expliquant son plaisir de lectrice, et bien d’autres encore (j’ai malheureusement effacé ma liste des livres à lire de l’an dernier, je ne peux donc pas citer tous les blogs).

J’ai lu ce roman d’une traite, touchée par la douleur de Luisa et de Paolo qui viennent voir dans une prison de haute sécurité sur une île, l’une son mari violent et assassin, et l’autre son fils révolutionnaire et criminel. Leur souffrance est décrite de façon si exacte et si précise, que l’on ressort bouleversé par cette lecture. Francesca Melandri, a concentré tout son talent à ne parler que du point de vue des trois personnages : Luisa, l’agricultrice qui a dû subir les violences de son mari et qui n’est pas étonnée que celui-ci ait tué un des gardiens. Paulo qui porte en lui toute la culpabilité d’avoir un fils qui a commis de telles atrocités au nom d’un idéal qu’il lui a lui-même enseigné, et enfin le gardien Nitti Pierfrancesco, qui a peur de perdre son humanité tant la violence est importante dans ce genre d’univers carcéral.

Il ne s’agit pas d’un document et Francesca Melandri ne veut donner aucun renseignement qui pourrait écarter son lecteur de son propos : ce que ressentent les proches de ceux qui ont commis de tels actes. Au début cela me gênait de ne pas mettre un nom sur l’île où sont enfermés ces gens si dangereux . Mais peu à peu, j’ai accepté le parti pris de l’auteure. On ne saura pas, non plus, ce que pensent les détenus et la visite si importante pour leur famille n’est pas racontée. Il s’agit seulement de ceux qui n’ont rien fait de mal et qui souffrent d’avoir un membre de leur famille qui les oblige à fréquenter ce genre de lieux. Leurs peines sont différentes, le gardien Nitti perd son âme et commet souvent des actes qui le dégoutent, Paolo se sent responsable et coupable, Luisa est en quelque sorte soulagée de ne plus être confrontée à la violence, sans pour autant rejeter ce mari qui était un homme travailleur.

J’ai beaucoup aimé la fin du roman qui ne tombe dans aucune mièvrerie, mais je me serai volontiers passé du dernier chapitre (trente ans après), le fou-rire de Luisa et Paolo me suffisait.

Citations

La douleur d’une mère

Quand Emilia vit entrer son fils par la porte au bout de la salle, elle se mit à pleurer. Sans arrêt, tout au long de la visite. Des larmes silencieuses, sans gémissements ni sanglots, rien qu’un incessant jaillissement d’eau de ses yeux. « Les cataractes du ciel » se surprit à penser Paolo : sa femme femme pleurait comme un déluge divin. On aurait dit qu’elle voulait de verser hors d’elle tout le liquide organique, se dessécher, se réduire à l’état de momie. 

La comédie de la souffrance

À la fin de la rencontre avec leurs parents, il n’y avait eu de ces drames, ces implorations, ces larmes, auxquels s’abandonnaient trop d’entre eux, beaucoup trop. C’étaient surtout les femmes des chefs de clan qui tenaient à montrer à leurs hommes combien cette séparation était insupportable. Le gardien Gamba soupçonnait justement les femmes qui piquaient des crises de nerfs à la fin de la visite d’être celles qui cocufiaient le plus leurs maris en prison. Naturellement, il avait toujours gardé pour lui cette conviction, il ne tenait pas à finir poignardé. 

La lutte armée clandestine

En revanche, il avait connu très peu d’enfants de détenus, à part quelques-uns en bas âge. Ceux qui s’étaient engagés dans cette voix – clandestinité d’abord, prison ensuite – l’avaient fait jeunes, même très jeunes parfois : bien peu avaient eu le temps de se reproduire avant. L’objet de toute leur tendresse et de leurs soins était la lutte armée qui, à la différence d’un enfant, pouvait grandir aussi dans des appartements loués sous un faux nom.

Le pouvoir des mots

Le premier était sûrement « révolution ». Qui n’est pas laid en soi, pensa Paolo, comme chose et encore moins comme mot… C’était simple, au fond. Quand la chose correspond au mot on fait de l’Histoire. Mais s’il n’y a que le mot, alors c’est de la folie. Ou bien tromperie, mystification. 

20150912_183039Traduit de l’espagnol par Alain Keruzoré.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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Abandon ou presque… Cela ne m’arrive pas souvent et encore moins de le mettre sur mon blog. Je l’ai lu consciencieusement jusqu’à la page 100. Et puis ensuite en diagonale jusqu’à la fin. Je sais que je rate quelque chose (n’est ce pas Keisha ?), mais cet auteur est, pour moi, totalement indigeste. Tout commence par une rencontre amoureuse. Et horreur (c’est moi qui dis horreur), le personnage lui est très ennuyé, la jeune femme meurt dans ses bras. Aucune autre réaction si ce n’est de savoir quoi faire : partir, rester ? Je déteste ce genre de personnage qui semble ne jamais rien décider dans leur vie et qui laisse le destin agir pour eux. Toutes ses décisions l’entraîneront à entrer plus avant dans la vie de cette jeune femme à connaître son amant, son mari…

Le style est dit « envoutant » moi je le trouve étouffant, on ne respire jamais, on est écrasé par les répétitions et les circonvolutions de la pensée du personnage. On m’a parlé d’humour, je ne l’ai pas vu. Mais, on ne peut être sensible à l’humour quand on est si fortement agacé par un roman. Je suis d’autant plus désolée de ne pas avoir accroché à cette écriture que ce roman a été conseillé par une charmante participante espagnole de notre club de lecture.

Citations

Je copie la première phrase car, jusque là, je croyais aimer ce livre

Personne ne pense jamais qu’il se retrouvera un jour une morte entre les bras et n’en verra plus le visage dont il garde le nom.

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Pourquoi des lunettes de soleil ? Parce que je l’ai lu sur la plage et je dois dire que j’ai un petit compte à régler avec Jérôme et Keisha (c’est chez eux que j’avais noté ce livre) : j’ai éclaté de rire à la lecture de l’introduction et vous savez quoi ? ça ne se fait absolument pas sur la plage de Dinard, j’ai dérangé, de ce fait, beaucoup de gens très bien par mon rire intempestif. Alors, tant pis pour vous, si vous ouvrez votre ordi sur votre lieu de travail et que vous allez sur Luocine pour, soi-disant lire son billet sur Proust, je vais vous la recopier cette fameuse introduction et si vous riez aussi fort que moi, votre collègue sera bien étonné que ce soit le petit Marcel qui vous fasse cet effet :

« Je suis désolé, ma chérie, je l’ai sautée par inadvertance. »
Je comprends qu’un homme puisse sauter une femme par dépit, par vengeance, par pitié, par compassion, par désœuvrement, par curiosité, par habitude, par excitation,par intérêt, par gourmandise, par nécessité, par charité, et même parfois par amour. Par inadvertance, ça non. Pourtant ce substantif vint spontanément à l’esprit de Marc, lorsque je le pris sur le fait avec sa maîtresse.

Définition d’inadvertance : « défaut accidentel d’attention, manque d’application à quelque chose que l’on fait ».

Faut-il le dire ? Quand j’ouvris cette porte, ce que je vis n’avais rien d’un manque d’application. Bien au contraire. Il s’agissait d’un excès de zèle érotique caractérisé. En tout cas, le porc qui vit à mes côté ne m’a pas sauté avec autant d’inadvertance depuis longtemps…

À la définition, le dictionnaire accolait une citation de Martin du Gard : « Antoine ne voulait pas se laisser distraire une seconde de cette lutte pressante qu’il menait contre la mort. La moindre inadvertance, et ce souffle vacillant pouvait s’évanouir. »

Cela faisait déjà un bout de temps, chez moi, que le souffle vacillant menaçait de s’évanouir. Plusieurs années sans doute. Cette inadvertance fut de trop et déclencha tout le reste.

Ensuite, tout sera un enchainement d’histoires toutes plus improbables les unes que les autres, chaque récit est loufoque et montre une qualité d’invention extraordinaire. La seule question que je me pose, c’est pourquoi je ne l’ai pas lu plus tôt, puisqu’il a fallu que j’attende son second roman toujours chroniqué par Jérôme  et Keisha pour lire celui-ci qui était bien sagement dans ma liste. Parfois le mot loufoque me fait fuir, si c’est votre cas, je peux vous rassurer car le récit est d’une logique implacable, simplement tout est inventé. J’adore ce genre de textes, vous ne connaissez pas les rats-taupes, ni les vierges de Barhoff, ni le syndrome de Paul Sheridan, alors il est plus que temps de vous lancer dans la lecture de « la Fractale des raviolis »ça fait quand même du bien d’être moins bête et tellement plus heureux quand on referme un livre.

SONY DSCTraduit de L’anglais (États-Unis) par Sylvette GLEIZE.

Voici la pensée de Marc Aurèle avec laquelle s’ouvre le livre et qui lui donne son titre  :

Nous sommes tous créatures d’un jour.
Et celui qui se souvient, et l’objet du souvenir.
Tout est éphémère.
Et le fait de se souvenir, et ce dont on se souvient.
Aie toujours à l’esprit que bientôt tu ne seras plus rien, ni nulle part.

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J’ai découvert cet auteur il y a deux ans maintenant et il y a entre ses livres et moi une résonance particulière. Cela ne s’explique pas complètement, la seule phrase qui me vient à l’esprit est celle-ci : j’aime passer du temps avec cet auteur. Pour ses romans déjà chroniqués (« le problème de Spinoza » , « Et Nietzsche a pleuré » et le premier « Mensonges sur un divan« ), je peux sans aucun problème mettre cinq coquillages pour convaincre tous ceux qui lisent ce blog de les lire, autant pour ce livre, ces quatre coquillages, reflètent davantage mon plaisir de sentir une telle adéquation entre cet auteur et ma sensibilité actuelle.

Oui, c’est compliqué parfois de vieillir, et la mort qui rôde autour de nous tous est de plus en plus présente supprimant de notre quotidien des amis qui partageaient notre vie. La lecture de Montaigne à travers le livre de Sarah Bakewell, m’avait rappelé que la peur de la mort empêchait souvent les êtres humains de vivre. Irvin Yalom, nous raconte dans son dernier ouvrage, dix personnalités qui sont venus le consulter en tant que thérapeute et se dévoilent alors, bien des facettes du comportement humain. Irvin Yalom est un thérapeute particulier qui intervient dans le dialogue entre lui et son patient quand il pense que cela peut aider la personne à prendre conscience des problèmes qui l’empêchent de mieux vivre. Il me fait penser à Paul Weston dans In Treatment  : jamais de recettes miracles et jamais de « déclic » qui vont totalement changer le comportement d’autrui.

Les phrases qui aident sont imprévisibles, comme celle prononcée par une infirmière à une patiente qui vivait la destruction de son foie « faire bonne figure pour ses enfants et petits enfants », elle réussira alors à surmonter son angoisse de mort. Irvin Yalom aura un jour cette infirmière comme patiente, et découvrira, à sa grande surprise et à la nôtre, les véritables raisons qui ont poussé cette femme à prononcer ces mots qui ont tant aidé sa patiente. Rien de spectaculaire dans ses dix patients , juste de l’humain et Irvin Yalom qui nous aide à faire un peu de tri dans nos soucis du quotidien, cet homme au sourire malicieux a quatre vingt un an, il semble si heureux qu’avec lui, on veut bien continuer notre chemin pour VIVRE le moins mal possible.

Citations

Vieillir

J’ai quatre vingt un ans, c’est vieux. Terriblement vieux. Cela m’horrifie quand j’y pense. Je ne me sens pas vieux et je me demande sans cesse comment c’est arrivé. J’ai toujours été le plus jeune partout – en classe, dans l’équipe de baseball du camp de vacances, au tennis – et voilà tout à coup que je suis le plus âgé, où que j’aille – au restaurant, dans les conférences professionnelles – je n’arrive pas à m’habituer.

Une maladie mortelle

Et à la lumière (ou à l’ombre) de cette idée, apprendre à vivre . À vivre maintenant. Voilà ce que m’a enseigné le cancer – qui vous montre la maladie incurable, avant de vous recracher, de vous renvoyer au monde, à votre vie, avec tous ses plaisirs et toutes ses douceurs que vous ressentez alors encore plus fort. Et vous savez que quelque chose a été donné et quelque chose a été repris.

Émettre des diagnostiques pour remplir des cases

Dans ma pratique de la psychothérapie depuis quarante ans auprès de patients moins gravement atteints, j’estime le diagnostique le plus souvent inapproprié, et j’en suis venu à la conclusion que les contorsions auxquelles nous, psychothérapeutes, devons nous livrer pour répondre aux exigences des compagnies d’assurances qui veulent des diagnostics précis, se font au détriment à la fois du thérapeute et du patient. Le processus de diagnostic n’est pas applicable à la personne dans sa complexité. Les catégories diagnostiques ont éte forgées de toutes pièces et sont arbitraires. Elles sont le produit d’un vote collectif et subissent invariablement, et dans des proportions considérables, des révisions tous les dix ans.

Une maison de retraite

Fairlawn Oaks est un endroit formidable . Une sacrée organisation. Si je devais le gérer, je ne changerai pas grand chose, je crois. Le problème vient de moi, je le reconnais. Fairlawn Oaks a tout pour plaire. Les repas sont de qualité, on peut y faire des tonnes d’activités fabuleuses. Le parcours de golf est un peu sage, mais pour mon âge il est parfait. Le problème chez moi , c’est ce sentiment d’ambivalence qui me paralyse à longueur de journée. Chaque fois que je commence une activité, mes pensées s’orientent vers une autre . Je ne fais aucun plan maintenant – du moins pas comme les autres le font – ça ne me correspond pas . Pourquoi faudrait il que j’aille à l’aquagym tous les après midi à quatre heures ? Ou au briefing sur l’actualité à dix heures tous les matins ? Pourquoi faudrait-il que je mette chaque fois la clef dans la poche qui est accrochée à ma porte ? Pourquoi faudrait il que je prenne mes repas à la même heure tous les jours ? Ce n’est pas moi le vrai moi, le vrai Rick Evans , aime ce qui est spontané.

La mort et la vie

Lorsque la passion décline avec le temps, alors on découvre le merveilleux ciel étoilé que le soleil a obscurci, ou caché. La disparition des passions parfois tyranniques de la jeunesse m’a personnellement permis d’apprécier davantage encore le ciel étoilé et le prodige que constitue le fait d’être en vie. J’ai plus de quatre vingts ans , et je vais vous dire une chose incroyable : je ne me suis jamais senti aussi bien ni plus en paix avec moi même. Oui , je sais que ma vie approche de sa fin, mais la fin est là depuis le début. Et la différence aujourd’hui est que je goûte les plaisirs que me procure ce savoir.