Le second titre de ce recueil, est : « Portraits cévenols », il s’agit bien d’une galerie de portraits, tous plus inoubliables les uns que les autres. Mais surtout, il s’agit de la langue de Gilbert Léautier entre poésie et l’oralité d’un conteur. Un conteur poète et fin observateur des gens qui l’entourent.Ces textes ont été écrits pour être lus à haute voix. C’est un plaisir ressenti à la moindre phrase. Merci à cet ami qui, sachant que je recherche des textes à lire pour des personnes très âgées, m’a conseillé ce recueil. J’espère savoir leur lire et aimer ces portraits. Le monde qui est mis en scène, est celui des campagnes désertées par les habitants qui ne pouvaient que difficilement vivre sur une terre aussi ingrate. Le climat rude de l’hiver, la solitude, la difficulté de vivre, ont forgé des personnalités sans tendresse souvent, mais avec un sens de le vie qui se ressent même dans la façon de détester son voisin.
J’ai tellement envie de vous faire apprécier ce recueil que je passais mon temps à vouloir noter des passages, les phrases sonnent juste et les personnalité s’éloignent du romantisme habituel du sage rural, face à la superficialité du citadin pour aller à l’essentiel de l’être humain. L’auteur connaît bien cette région, il s’est pris de passion pour un château au cœur des Cévennes : le Château d’Aujac, il a rencontré et vécu auprès de Cévenols dont il parle. On peut imaginer « l’attirance-répulsion » de ces ruraux pour cet homme de théâtre, citadin lyonnais qui a entrepris de remonter les ruines du château de leur village mais à la vue des photos, on comprend son choix, tout en regrettant qu’il ait cessé d’écrire.
Citations
L’Émile
C’était son penchant pour le vin qui pestiférait ce parent pauvre !On trouvait plus facilement l’Émile à l’ombre de la cave qu’à l’ombre du pommier.Il avait le tonneau tendre et le verre agile
L’Éloi
C’était le fils qui avait le langage.C’est le fils qui a su dire :– Il faut être de son temps.C’est lui qui avait expliqué :– Une bête, ça mange tous les jours, alors qu’un tracteur ne consomme que ce qu’il travaille.Ça, c’était un argument !Cette science du petit rendait fier le père.Mais l’ennui des arguments de poids, c’est toujours la fragilité de leur réalité.
L’Yvonne
Tu veux que je te dise ?
Une femme comme ça, ça ne se laisse pas marier.Ça te donne la permission de l’épouser.Tu veux que je te dise ?L’Yvonne, elle ne se met devant rien mais elle est derrière tout.
Les gens d’ici
Assurément, ils ne sont pas causants, les gens d’ici.Bailler, pour eux, c’est déjà un long discours.Au maximum de la joie, ils crachent par terre.Au comble du chagrin, ils hochent la tête.
Pas de romantisme sur le monde rural
À côté de chez moi, il y a un bloc de granit pelé qu’on appelle « Rocher des quatre sous ».C’est parce qu’il a fallu quatre procès pour savoir à qui appartenait cette misère de pierre !L’harmonie campagnarde est une mythologie des villes.